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19/07/2022 | FRANCE | N°444986

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 19 juillet 2022, 444986


Vu les procédures suivantes :

Procédure contentieuse antérieure :

Maître Stéphane Gorrias, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Altia Beaucourt, a demandé au tribunal administratif de Besançon, d'une part, d'annuler l'arrêté du 13 juillet 2016 par lequel le préfet du Territoire de Belfort l'a mis en demeure de respecter les obligations résultant de la cessation d'activité d'une installation classée et, d'autre part, à titre principal, d'enjoindre à la société noiséenne d'outillage et de presse (SNOP) de mettre en œuvre les mesures pres

crites dans l'arrêté du 13 juillet 2016 ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre au p...

Vu les procédures suivantes :

Procédure contentieuse antérieure :

Maître Stéphane Gorrias, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Altia Beaucourt, a demandé au tribunal administratif de Besançon, d'une part, d'annuler l'arrêté du 13 juillet 2016 par lequel le préfet du Territoire de Belfort l'a mis en demeure de respecter les obligations résultant de la cessation d'activité d'une installation classée et, d'autre part, à titre principal, d'enjoindre à la société noiséenne d'outillage et de presse (SNOP) de mettre en œuvre les mesures prescrites dans l'arrêté du 13 juillet 2016 ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet du Territoire de Belfort de mettre en demeure la SNOP de mettre en œuvre ces mesures.

Par un jugement n° 1601455 du 28 juin 2018, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 18NC02363 du 23 juillet 2020, la cour administrative d'appel de Nancy a, sur appel de Maître Gorrias, annulé le jugement du tribunal administratif du 28 juin 2018 et l'arrêté du préfet du 13 juillet 2016.

Procédures devant le Conseil d'Etat :

1° Sous le n° 444986, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 30 septembre et 29 décembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société noiséenne d'outillage et de presse (SNOP) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de Maître Gorrias ;

3°) de mettre à la charge de Maître Gorrias la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 445039, par un pourvoi, enregistré le 1er octobre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la ministre de la transition écologique demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de Maître Gorrias.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 ;

- l'ordonnance n° 2012-34 du 11 janvier 2012 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Rozen Noguellou, conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Spinosi, avocat de la société noiséenne d'outillage et de presse et à Me Bertrand, avocat de Maître Gorrias ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que par un arrêté du préfet du Territoire de Belfort du 10 juillet 1995, la société Langlois Peter a été autorisée à exploiter une installation classée pour la protection de l'environnement (ICPE) située sur le territoire des communes de Beaucourt (Territoire de Belfort) et Badevel (Doubs). Par un récépissé en date du 7 avril 2010, le préfet du Territoire de Belfort a acté la reprise des activités de l'installation par la société Altia Beaucourt. Par un jugement du 1er août 2014, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation judiciaire de la société Altia Beaucourt, ordonné la cession des actifs de la société et désigné Maître Gorrias en qualité de liquidateur. Après avoir mis en œuvre une procédure contradictoire, le préfet du Territoire de Belfort a notifié à Maître Gorrias un arrêté du 13 juillet 2016 le mettant en demeure, afin de satisfaire aux obligations prévues à l'article R. 512-39-1 du code de l'environnement, de lui notifier la cessation d'activité des installations, de placer le site dans un état tel qu'il ne puisse porter atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement et de procéder aux démarches prévues par ce même code afin de déterminer l'usage futur du site. Par un jugement du 28 juin 2018, le tribunal administratif de Besançon a rejeté la demande de Maître Gorrias tendant, d'une part, à l'annulation de cet arrêté et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint à la société noiséenne d'outillage et de presse (SNOP) de mettre en œuvre les mesures prescrites par l'arrêté du 13 juillet 2016. Par un arrêt du 23 juillet 2020, rendu sur appel de Maître Gorrias, et contre lequel la société noiséenne d'outillage et de presse (SNOP) et la ministre de la transition écologique se pourvoient toutes deux en cassation, la cour administrative d'appel de Nancy a annulé le jugement du tribunal administratif du 28 juin 2018 et l'arrêté préfectoral du 13 juillet 2016.

2. Les pourvois nos 444986 et 445039 sont dirigés contre le même arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy et présentent à juger des questions communes. Il convient de les joindre pour statuer par une seule décision.

Sur l'intervention de la société noiséenne d'outillage et de presse dans le pourvoi n° 445039 :

3. La voie du recours en cassation n'est ouverte, en vertu des règles générales de la procédure, qu'aux personnes qui ont eu la qualité de parties dans l'instance ayant donné lieu à la décision attaquée.

4. Le pourvoi introduit par la SNOP le 30 septembre 2020 sous le n° 444986 est dirigé contre l'arrêt du 23 juillet 2020 qui lui a été notifié le 30 juillet 2020 et dont elle a accusé réception le même jour, dans l'instance à laquelle la SNOP avait la qualité de partie. Il est donc recevable. Dès lors que le mémoire en intervention présenté par la SNOP dans le pourvoi enregistré sous le n° 445039 se borne à renvoyer aux moyens et conclusions exposés dans le pourvoi en cassation que la SNOP a déposé sous le n° 444986, il y a lieu de requalifier cette intervention en pourvoi en cassation.

Sur les pourvois nos 444986 et 445039 :

5. D'une part, aux termes de l'article L. 512-6-1 du code de l'environnement : " Lorsqu'une installation autorisée avant le 1er février 2004 est mise à l'arrêt définitif, son exploitant place son site dans un état tel qu'il ne puisse porter atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 et, le cas échéant, à l'article L. 211-1 et qu'il permette un usage futur du site déterminé conjointement avec le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'urbanisme et, s'il ne s'agit pas de l'exploitant, le propriétaire du terrain sur lequel est sise l'installation (...) ". Aux termes de l'article R. 512-39-1 du code de l'environnement : " I.- Lorsqu'une installation classée soumise à autorisation est mise à l'arrêt définitif, l'exploitant notifie au préfet la date de cet arrêt trois mois au moins avant celui-ci (...). / II.- La notification prévue au I indique les mesures prises ou prévues pour assurer, dès l'arrêt de l'exploitation, la mise en sécurité du site (...). / III.- En outre, l'exploitant doit placer le site de l'installation dans un état tel qu'il ne puisse porter atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 et qu'il permette un usage futur du site déterminé selon les dispositions des articles R. 512-39-2 et R. 512-39-3 ".

6. D'autre part, aux termes du I de l'article L. 171-8 du code de l'environnement, en vigueur à la date de l'arrêté préfectoral du 13 juillet 2016 : " Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, en cas d'inobservation des prescriptions applicables en vertu du présent code aux installations, ouvrages, travaux, aménagements, opérations, objets, dispositifs et activités, l'autorité administrative compétente met en demeure la personne à laquelle incombe l'obligation d'y satisfaire dans un délai qu'elle détermine. En cas d'urgence, elle fixe les mesures nécessaires pour prévenir les dangers graves et imminents pour la santé, la sécurité publique ou l'environnement ".

7. Il résulte des dispositions citées au point 6, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 19 juillet 1976 relative aux installations classées et de l'ordonnance du 11 janvier 2012 portant simplification, réforme et harmonisation des dispositions de police administrative et de police judiciaire du code de l'environnement dont elles sont issues, qu'en cas d'inobservation de prescriptions applicables à une installation classée, le préfet est tenu d'édicter à la personne à laquelle incombe l'obligation d'y satisfaire une mise en demeure de satisfaire à ces conditions dans un délai déterminé. Si le II de l'article L. 171-8 du code de l'environnement laisse au préfet un choix entre plusieurs catégories de sanctions en cas de non-exécution de son injonction, cela n'affecte pas la compétence liée du préfet pour édicter la mise en demeure. Par suite, en jugeant que le préfet n'était pas en situation de compétence liée pour prendre la mise en demeure édictée par l'arrêté du 13 juillet 2016, la cour administrative d'appel de Nancy a entaché son arrêt d'une erreur de droit.

8. Il résulte de ce qui précède que la cour, dès lors qu'elle n'avait ni retenu un moyen tiré de l'absence de bien-fondé des prescriptions édictées par l'arrêté préfectoral du 13 juillet 2016, ni constaté leur observation par l'exploitant, devait regarder comme inopérant le moyen soulevé devant elle tiré de ce que la mise en demeure du préfet aurait été prise par une autorité incompétente. En accueillant un tel moyen, la cour a donc entaché son arrêt d'une erreur de droit.

9. Par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, la société noiséenne d'outillage et de presse et la ministre de la transition écologique sont fondées à demander l'annulation de l'arrêt attaqué.

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Maître Gorrias la somme de 3 000 euros à verser à la société noiséenne d'outillage et de presse, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

11. Les mêmes dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la SNOP et de l'Etat qui ne sont pas, dans les présentes instances, les parties perdantes.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 23 juillet 2020 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nancy.

Article 3 : Maître Gorrias versera à la société noiséenne d'outillage et de presse (SNOP) une somme de 3 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par Maître Gorrias sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société noiséenne d'outillage et de presse (SNOP), au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à Maître Stéphane Gorrias, en sa qualité de liquidateur de la société Altia Beaucourt.

Délibéré à l'issue de la séance du 2 juin 2022 où siégeaient : Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, présidant ; Mme Suzanne von Coester, conseillère d'Etat et Mme Rozen Noguellou, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 19 juillet 2022.

La présidente :

Signé : Mme Isabelle de Silva

La rapporteure :

Signé : Mme Rozen Noguellou

La secrétaire :

Signé : Mme Marie-Adeline Allain


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 444986
Date de la décision : 19/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 19 jui. 2022, n° 444986
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Rozen Noguellou
Rapporteur public ?: M. Nicolas Agnoux
Avocat(s) : SCP SPINOSI ; BERTRAND

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:444986.20220719
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