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06/02/2019 | FRANCE | N°17-21019

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 06 février 2019, 17-21019


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à MM. F..., H... et M... de leur désistement de pourvoi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Besançon, 5 mai 2017), que, par arrêté du 30 octobre 2007 modifié le 12 octobre 2009, les sociétés Alstom, puis Alstom Atlantique, Unelec, CGEE Alstom puis Alstom ont été inscrites pour leur établissement de Belfort sur la liste des établissements ouvrant droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA) pour la période de 1960 à 1985 ; qu'ayant travail

lé dans cet établissement, M. X... et les autres demandeurs au pourvoi ont sais...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à MM. F..., H... et M... de leur désistement de pourvoi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Besançon, 5 mai 2017), que, par arrêté du 30 octobre 2007 modifié le 12 octobre 2009, les sociétés Alstom, puis Alstom Atlantique, Unelec, CGEE Alstom puis Alstom ont été inscrites pour leur établissement de Belfort sur la liste des établissements ouvrant droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA) pour la période de 1960 à 1985 ; qu'ayant travaillé dans cet établissement, M. X... et les autres demandeurs au pourvoi ont saisi la juridiction prud'homale le 13 janvier 2015 pour obtenir la réparation d'un préjudice d'anxiété ;

Sur le premier moyen :

Attendu que les salariés font grief à l'arrêt de déclarer leurs demandes prescrites alors, selon le moyen, que le juge judiciaire est tenu d'écarter l'application d'un acte administratif lorsqu'il apparaît manifestement que sa base légale a disparu de l'ordonnancement juridique ; qu'en considérant que l'arrêté ministériel du 30 octobre 2007 portant classement du site de Belfort sur la liste des établissements visés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 avait fait courir le délai de prescription quinquennale, quand il avait été privé de base légale et, par voie de conséquence, avait disparu de l'ordonnancement juridique après l'annulation du jugement administratif de Besançon du 26 juin 2007 en exécution duquel il avait été pris par un arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 22 juin 2009, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil ;

Mais attendu que le délai de prescription des actions personnelles court à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ;

Et attendu qu'ayant constaté que les salariés avaient eu connaissance du risque à l'origine de l'anxiété à compter de la publication au journal officiel, le 6 novembre 2007, de l'arrêté ministériel du 30 octobre 2007 ayant inscrit l'établissement de Belfort sur la liste des établissements permettant la mise en œoeuvre du régime légal de l'ACAATA, la cour d'appel en a exactement déduit que les demandes des salariés, introduites le 13 janvier 2015, étaient prescrites ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen :

Attendu que le grief fait par les salariés à l'arrêt attaqué de ne pas avoir fait droit à leur demande en paiement de dommages-intérêts pour absence de remise de l'attestation d'exposition à l'amiante dénonce en réalité une omission de statuer qui, pouvant être réparée par la procédure prévue à l'article 463 du code de procédure civile, ne donne pas ouverture à cassation ; que le moyen est irrecevable ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les demandeurs au pourvoi aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six février deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour MM. X..., Y..., Z..., A..., B..., C..., D..., E..., Z..., F..., G..., H..., I..., J..., K..., L..., M... et N....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR déclaré prescrites les demandes des salariés ;

AUX MOTIFS propres QUE l'action ayant été introduite le 13 janvier 2015, elle se prescrit par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation (soc. 19 novembre 2014) que le point de départ de la prescription est le jour où les salariés « bénéficiaires de l'ACAATA, avaient eu connaissance du risque à l'origine de l'anxiété soit à compter de l'arrêté ministériel ayant inscrit l'activité de réparation et de construction navale de la Normed sur la liste des établissements permettant la mise en oeuvre de ce régime légal spécifique » ; que la Cour de cassation fixe donc le point de départ au moment où la connaissance est rendue objective ; que le délai de prescription court à compter du jour où le salarié a eu connaissance du risque à l'origine de l'anxiété soit en l'espèce à compter de la publication de l'arrêté ministériel ayant inscrit l'établissement de Belfort sur la liste de ceux permettant la mise en oeuvre du régime de départ à la retraite anticipée ; qu'il ne saurait être retenu comme point de départ de la prescription la date du 11 mai 2010, date de l'arrêt de la Cour de cassation reconnaissant l'existence du préjudice spécifique d'anxiété, dans la mesure où le fait générateur de celui-ci ne peut être constitué que par le classement par un arrêté ministériel de l'établissement en «site amiante» donc du jour de la connaissance objective du risque de l'exposition à l'amiante puisqu'à l'évidence, l'arrêt précité n'a pas créé le préjudice d'anxiété mais admis que celui-ci pouvait être indemnisé ; que dès lors, et au plus tard, le point de départ de la prescription est celui de l'arrêté ministériel ; qu'il résulte du dossier que l'arrêté ministériel date, pour la société Alstom, du 30 octobre 2007 complété par celui du 12 octobre 2009 ; que les salariés font valoir d'une part, que l'invalidation de cet arrêté le rend illégal de sorte qu'il ne saurait être retenu comme point de départ de la prescription et d'autre part, que le juge judiciaire est compétent pour en écarter l'application ; que par ailleurs, ils soutiennent que le classement en site « amiante » n'avait pas été porté à la connaissance des salariés par voie d'affichage comme l'impose l'article V de la loi du 23 décembre 1998 ; que s'il est exact que cet arrêté a été invalidé par des décisions des juridictions administratives, il n'a pour autant été ni retiré ni abrogé et a même été exécuté ; que c'est à la suite d'un recours des élus du CHSCT à l'encontre de la décision du Ministre du travail du 7 décembre 2005 refusant l'inscription de la société Alstom sur la liste des établissements classés «site amiante», que le tribunal administratif de Besançon a annulé cette décision alors que l'arrêté ministériel du 30 octobre 2007 avait été pris en exécution de ce jugement ; que ce jugement a été infirmé par la cour administrative d'appel de Nancy le 22 juin 2009 ; que le Conseil d'Etat a rejeté le recours par décision du 12 mars 2010 de sorte que la décision d'invalidation est devenue définitive ; que si cet arrêté désormais privé de base légale, ne peut plus produire d'effet quant à son objet, c'est à dire quant au classement de la société en site amiante, en revanche, il peut servir de point de départ de la prescription de l'action dès lors qu'à cette date, les salariés ont eu connaissance ou du moins auraient dû avoir connaissance des faits leur permettant d'agir ; que cet arrêté avait été porté à la connaissance des salariés par la société Alstom par voie d'affichage du 21 décembre 2007 et a été exécuté au regard des nombreux salariés qui ont demandé à bénéficier du dispositif de l' ACAATA ; qu'en outre, cet arrêté a été publié au Journal Officiel le 6 novembre 2007, ce qui a eu pour effet de le porter à la connaissance du public et de ne plus permettre de se prévaloir de son ignorance ; que cet arrêté même invalidé constitue bien le point de départ de la prescription car il rend objective la connaissance par les salariés de leur exposition aux risques ; que le point de départ de la prescription doit être fixé au 6 novembre 2007, date de publication de l'arrêté ministériel invalidé ; qu'à la date d'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, la prescription trentenaire dont les salariés bénéficiaient n'était pas acquise, ils disposaient d'un nouveau délai de cinq ans pour agir soit jusqu'au 19 juin 2013 ; que l'action ayant été introduite le 13 janvier 2015, est prescrite et donc irrecevable de sorte qu'il n'y a pas lieu d'examiner si les salariés avaient pu avoir connaissance avant 2007, des risques liés à leur exposition à l'amiante ; que la prescription extinctive de l'article 2224 du code civil issue de la loi du 17 juin 2008, ne saurait constituer une atteinte à l'article 6 de la Convention des Droits de l'Homme dès lors que les salariés ont disposé d'un recours effectif au juge pour obtenir une indemnisation de leur préjudice d'anxiété à compter d'une date précise et portée à leur connaissance tant par l'employeur que par la publication de l'arrêté ministériel au Journal officiel, et d'un délai qui allait même au-delà de la date du 11 mai 2010 consacrant la reconnaissance par la Cour de cassation de l'indemnisation de ce préjudice spécifique puisque même à cette date, ils avaient encore trois ans pour saisir la juridiction ;

AUX MOTIFS adoptés QUE la prescription s'appliquant est de 5 ans ; que l'arrêté ministériel à prendre en compte est celui du 30 octobre 2007 ; que l'action a été introduite le 13 janvier 2015 ; qu'il y a prescription de l'action des demandeurs ;

ALORS QUE le juge judiciaire est tenu d'écarter l'application d'un acte administratif lorsqu'il apparaît manifestement que sa base légale a disparu de l'ordonnancement juridique ; qu'en considérant que l'arrêté ministériel du 30 octobre 2007 portant classement du site de Belfort sur la liste des établissements visés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 avait fait courir le délai de prescription quinquennale, quand il avait été privé de base légale et, par voie de conséquence, avait disparu de l'ordonnancement juridique après l'annulation du jugement administratif de Besançon du 26 juin 2007 en exécution duquel il avait été pris par un arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 22 juin 2009, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué de ne pas AVOIR fait droit à la demande des salariés tendant à la condamnation des sociétés à leur verser des dommages et intérêts pour absence de remise de l'attestation d'exposition à l'amiante ;

AUX MOTIFS QUE depuis le décret n° 96-98 du 7 février 1996, l'employeur a l'obligation de remettre aux salariés susceptibles d'être exposés du fait de leur activité, à l'inhalation de l'amiante, à leur départ, une attestation d'exposition à l'amiante ; que selon l'article 1er, les activités qui relèvent du présent décret sont les activités de fabrication et de transformation de matériaux contenant de l'amiante, celles de confinement et de retrait de l'amiante et enfin, les activités et interventions sur des matériaux ou appareils susceptibles de libérer des fibres d'amiante et définies à l'article 27 ; que si ce décret a été abrogé en 2006, l'article L. 4121-3-1 du code du travail prévoit aussi la remise au travailleur à son départ, en cas d'arrêt de travail excédant une certaine durée fixée par décret, ou de déclaration de maladie professionnelle, d'une copie de la fiche que l'employeur doit établir pour chaque travailleur exposé à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels déterminés par décret ; qu'en l'espèce, il apparaît qu'un certain nombre de salariés avait quitté l'entreprise avant l'entrée en vigueur du décret de 1996, à savoir MM. E..., Z..., H..., I..., M..., partis entre 1985 et 1989 de sorte qu'ils ne peuvent pas prétendre à l'application de ce texte ; que par ailleurs, les sociétés Alstom Power Systems, Alstom Power Service et Alstom Transport ont produit un tableau indiquant pour chaque salarié l'emploi occupé et en conclut que leur refus de délivrer l'attestation ne revêt aucun caractère fautif puisque les activités exercées ne correspondent pas à celles visées par l'article 16 du décret ; que si depuis 1996 et au regard des textes successifs, l'obligation de l'employeur de délivrer l'attestation d'exposition aux risques est incontestable, pour autant, la législation en la matière, la prévoit pour des activités ciblées susceptibles d'exposer les salariés à des risques ; que les salariés n'ont pas contesté avoir occupé les emplois mentionnés dans le tableau qui ne correspondent pas aux activités désignées par les dispositions légales et réglementaires applicables en ce domaine et à la date de leur présence dans les sociétés respectives ; que la faute alléguée n'est pas démontrée ;

1° ALORS QUE aux termes de l'article 16 du décret n° 96-98 du 7 février 1996, une attestation d'exposition est remplie par l'employeur et le médecin du travail, dans les conditions fixées par arrêté des ministres chargés du travail et de l'agriculture, et remise par l'employeur au salarié à son départ de l'établissement ; que cette obligation patronale n'est pas conditionnée à la présence du salarié dans les effectifs à la date de son entrée en vigueur ; qu'en retenant néanmoins que cinq salariés avaient déjà quitté l'entreprise avant l'entrée en vigueur du décret susvisé pour décharger l'ancien employeur de son obligation de leur délivrer une attestation, la cour d'appel a ajouté à la loi une condition qui n'y figurait pas et a violé le texte susvisé ;

2° ALORS QUE les juges du fond ont l'obligation de préciser les pièces sur lesquelles ils fondent leurs constatations ; qu'en affirmant que les activités exercées sur le site de Belfort ne correspondaient pas à celles visées par l'article 16 du décret n° 96-98 du 7 février 1996 sans indiquer sur quelles pièces elle s'est fondée, la cour d'appel a privé sa décision de motifs en méconnaissance de l'article 455 du code de procédure civile ;

3° ALORS QUE l'article L. 4121-3-1 du code du travail issu de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 réserve la délivrance de l'attestation d'exposition aux travailleurs exposés « à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels déterminés par décret », c'est-à-dire par l'article D. 4121-5 de ce même code qui vise parmi les facteurs liés à « l'environnement physique agressif » « les agents chimiques dangereux mentionnés aux articles R. 4412-3 et R. 4412-60, y compris les poussières et les fumées » ; qu'en s'abstenant de vérifier si chacun des salariés, pris individuellement, avait exercé leur activité dans un environnement contaminé par les poussières d'amiante, la cour d'appel a violé l'article L. 4121-3-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-21019
Date de la décision : 06/02/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Besançon, 05 mai 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 06 fév. 2019, pourvoi n°17-21019


Composition du Tribunal
Président : Mme Farthouat-Danon (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, SCP Spinosi et Sureau, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.21019
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