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10/10/2024 | FRANCE | N°22400888

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 10 octobre 2024, 22400888


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 2


LM






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 10 octobre 2024








Cassation partielle
sans renvoi




Mme MARTINEL, président






Arrêt n° 888 F-B


Pourvoi n° H 22-23.393








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_

________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 OCTOBRE 2024




1°/ M. [J] [Z],


2°/ Mme [P] [F], épouse [Z],


tous deux domiciliés [Adresse 6],


ont formé le pourvoi n° 22-23.393 cont...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 10 octobre 2024

Cassation partielle
sans renvoi

Mme MARTINEL, président

Arrêt n° 888 F-B

Pourvoi n° H 22-23.393

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 OCTOBRE 2024

1°/ M. [J] [Z],

2°/ Mme [P] [F], épouse [Z],

tous deux domiciliés [Adresse 6],

ont formé le pourvoi n° 22-23.393 contre l'arrêt rendu le 5 mai 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-6), dans le litige les opposant :

1°/ à M. [O] [G], domicilié [Adresse 5],

2°/ à la société Allianz IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la société Calypso,

3°/ à l'Agent judiciaire de l'État, domicilié [Adresse 4],

4°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Corse, dont le siège est [Adresse 3],

5°/ à la Mutuelle générale de l'éducation nationale (MGEN), dont le siège est [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Cassignard, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. et Mme [Z], de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de l'Agent judiciaire de l'État, de la SCP Duhamel, avocat de M. [G] et de la société Allianz IARD, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 septembre 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Cassignard, conseiller rapporteur, Mme Isola, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 5 mai 2022), rendu sur renvoi après annulation (2e Civ., 20 mai 2021, pourvoi n° 19-22.316, publié au Bulletin), le 15 juin 2011, M. [Z], enseignant, a été victime d'un accident de la circulation impliquant un véhicule conduit par M. [G], assuré par la société Calypso (l'assureur).

2. Après une expertise judiciaire, M. et Mme [Z] ont assigné M. [G] et l'assureur devant un tribunal de grande instance, en présence de l'Agent judiciaire de l'État et de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Corse (la caisse), tiers payeurs, afin d'obtenir l'indemnisation de leurs préjudices.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. M. [Z] fait grief à l'arrêt de condamner M. [G] et l'assureur à lui payer seulement la somme de 26 331,78 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, alors « qu'eu égard à sa finalité de réparation d'une incapacité permanente de travail, qui lui est assignée par le décret n° 60-1089 du 6 octobre 1960, et à son mode de calcul, son montant étant fixé sur la base du dernier traitement, multiplié par le taux d'incapacité, l'allocation temporaire d'activité servie aux fonctionnaires en invalidité doit être regardée comme ayant pour objet exclusif de réparer, sur une base forfaitaire, les préjudices subis par la victime dans sa vie professionnelle en conséquence de l'accident, c'est-à-dire ses pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité ; que dès lors, le recours exercé par l'Agent judiciaire de l'État au titre d'une telle allocation ne saurait s'exercer que sur ces deux postes de préjudice et non sur un poste de préjudice personnel, tel que le déficit fonctionnel permanent ; qu'en imputant le reliquat de la rente viagère d'invalidité perçue par M. [Z] sur le déficit fonctionnel permanent pour en déduire que l'indemnité lui revenant au titre de ce poste de préjudice s'élève en conséquence à 26 331,78 euros, la cour d'appel a violé le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime, ensemble les articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985 et le décret n° 60-1089 du 6 octobre 1960 portant règlement d'administration publique pour l'application des dispositions de l'article 23 bis de l'ordonnance n° 59-244 du 4 février 1959 relative au statut général des fonctionnaires. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, les articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite, l'article 7 du décret n° 60-1089 du 6 octobre 1960 et le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime :

4. Il résulte du premier de ces textes que le recours des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel.

5. Il résulte du quatrième que lorsqu'une allocation temporaire d'invalidité a été servie, elle est radiée au moment du passage à la retraite anticipée et remplacée par une rente viagère d'invalidité.

6. Selon les deuxième et troisième, le fonctionnaire civil de l'État qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladies contractées ou aggravées en service peut être radié des cadres par anticipation et a droit au versement d'une rente viagère d'invalidité cumulable avec la pension rémunérant les services. Le montant de la rente d'invalidité est fixée à la fraction du traitement défini à l'article L. 15 du même code, égale au pourcentage d'invalidité.

7. La Cour de cassation juge que la rente d'invalidité versée en application de l'article L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite répare nécessairement, en tout ou en partie, l'atteinte objective à l'intégrité physique de la victime que représente le poste de préjudice personnel du déficit fonctionnel (Crim., 23 mars 2010, pourvoi n° 09-82.997 ; 2e Civ., 21 octobre 2010, pourvoi n° 09-68.235).

8. Cependant, le Conseil d'État juge que compte tenu des conditions posées à son octroi et de son mode de calcul, la rente viagère d'invalidité doit être regardée comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle et que les dispositions, qui instituent cette prestation, déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions (CE, 16 décembre 2013, n° 353798, mentionné aux tables du Recueil Lebon).

9. Par ailleurs, la Cour de cassation, qui décidait, depuis 2009, que la rente accident du travail indemnisait les postes de pertes de gains professionnels et d'incidence professionnelle ainsi que celui du déficit fonctionnel permanent (notamment 2e Civ., 11 juin 2009, pourvoi n° 08-17.581, Bull. 2009, II, n° 155), a remis en cause sa jurisprudence par deux arrêts rendus en assemblée plénière qui ont jugé que la rente versée à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ne répare pas le déficit fonctionnel permanent (Ass. plén., 20 janvier 2023, pourvoi n° 21-23.947 et Ass. plén., 20 janvier 2023, pourvoi n° 20-23.673, publiés au Bulletin).

10. Le calcul de la rente accident du travail se fait, comme pour la rente viagère d'invalidité prévue par l'article L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite, sur une base forfaitaire, de sorte qu'une distinction entre les modalités de recours des tiers payeurs selon qu'il s'agit de l'une ou l'autre prestation ne se justifie pas.

11. L'ensemble de ces considérations conduit à juger, désormais, que la rente viagère d'invalidité prévue par l'article L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite ne répare pas le déficit fonctionnel permanent.

12. Pour limiter à la somme de 26 331,78 euros l'indemnité due à M. [Z] au titre du déficit fonctionnel permanent, évalué à 34 500 euros, l'arrêt retient que la rente viagère d'invalidité est imputable sur le déficit fonctionnel permanent, et qu'en conséquence, en présence d'un préjudice professionnel, la rente viagère d'invalidité l'indemnise prioritairement et que l'éventuel reliquat indemnise le déficit fonctionnel permanent.

13. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes et le principe susvisés.

Portée de la cassation

14. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

15. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif relatif à l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent entraîne, par voie de conséquence, la cassation de la disposition condamnant M. [G] et la société Calypso, in solidum, à payer à l'Agent judiciaire de l'État la somme de 457 218,13 euros au titre de ses débours, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

16. En revanche, la cassation du chef de dispositif relatif à l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant in solidum M. [G] et la société Calypso aux dépens ainsi qu'au paiement des sommes de 4 000 euros et de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de ceux-ci.

Conséquences de la cassation

17. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

18. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

19. D'une part, il résulte de ce qui est dit aux points 4 à 11 que l'indemnité due à M. [Z] au titre du déficit fonctionnel permanent doit être fixée à la somme de 34 500 euros.

20. D'autre part, il résulte de ce qui est dit aux points 4 à 11 que la somme revenant à l'Agent judiciaire de l'État s'élève à la somme de 449 049,91 euros, la somme de 8 168,22 euros versée au titre de la rente viagère d'invalidité n'indemnisant pas le déficit fonctionnel permanent.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. [G] et la société Calypso in solidum à payer à M. [Z] la somme de 26 331,78 euros au titre du déficit fonctionnel permanent et en ce qu'il condamne M. [G] et la société Calypso, in solidum, à payer à l'Agent judiciaire de l'État la somme de 457 218,13 euros au titre de ses débours, l'arrêt rendu le 5 mai 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

DIT n'y avoir lieu à mettre hors de cause l'Agent judiciaire de l'État ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.

Condamne M. [G] et la société Allianz IARD, venant aux droits de la société Calypso, in solidum à payer à M. [Z] la somme de 34 500 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;

Condamne M. [G] et la société Allianz IARD, venant aux droits de la société Calypso, in solidum à payer à l'Agent judiciaire de l'État la somme de 449 049,91 euros au titre de ses débours.

Condamne M. [G] et la société Allianz IARD, venant aux droits de la société Calypso, aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne in solidum M. [G] et la société Allianz IARD, venant aux droits de la société Calypso, à payer à M. [Z] la somme de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé et signé par le président en l'audience publique du dix octobre deux mille vingt-quatre et signé par Mme Cathala, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 22400888
Date de la décision : 10/10/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi

Analyses

SECURITE SOCIALE, REGIMES SPECIAUX - Fonctionnaires - Accident du travail - Rente viagère d'invalidité - Imputation - Modalités - Détermination

La rente viagère d'invalidité prévue par l'article L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite ne répare pas le déficit fonctionnel permanent. Dès lors, elle ne s'impute que sur les postes de pertes des gains professionnels futurs et d'incidence professionnelle


Références :

Article L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite.
Publié au bulletin

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix en Provence, 05 mai 2022

2e Civ., 10 octobre 2024, pourvoi n° 22-22642, Bull. (cassation partielle) ;Crim., 26 mars 2024, pourvoi n° 23-81112 (rejet) ;2e Civ., 16 mai 2024, pourvoi n° 22-22029 (cassation partielle) ;Crim., 3 septembre 2024, pourvoi n° 23-83394, Bull. (rejet) ;2e Civ., 6 juillet 2023, pourvoi n° 21-24283, Bull. (cassation partielle).


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 10 oct. 2024, pourvoi n°22400888


Composition du Tribunal
Président : Mme Martine
Avocat(s) : SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, SCP Duhamel

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:22400888
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