Vu, 1°), sous le n° 107 365, la requête, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 23 mai 1989, présentée pour l'association Radio Solidarité, dont le siège social est 15/17 rue Robert-De-Flers, à Paris (75015), représentée par son président ; l'association Radio Solidarité demande l'annulation pour excès de pouvoir d'une délibération publiée au journal officiel du 31 mars 1989 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel a enjoint à "Radio Solidarité" de réduire sa puissance d'émission ;
Vu, 2°), sous le n° 107 859, la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 15 juin 1989, présentée pour l'association Radio Solidarité, représentée par son président ; l'association Radio Solidarité demande l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 6 avril 1989 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel a suspendu pour une durée d'un mois l'autorisation d'exploiter un service de radiodiffusion sonore dont elle est titulaire ;
Vu, 3°), sous le n° 110 270, la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 7 septembre 1989, présentée pour l'association Radio Solidarité, représentée par son président ; l'association Radio Solidarité demande l'annulation pour excès de pouvoir d'une délibération publiée au journal officiel du 8 juillet 1989, par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel l'a mise en demeure de réduire la puissance d'émission de sa station ;
Vu, 4°), sous le n° 114 646, la requête, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 6 février 1990, présentée pour l'association Radio Solidarité, représentée par son président ; l'association "Radio Solidarité" demande l'annulation de la décision du 23 janvier 1990 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel lui a retiré l'autorisation d'exploiter un service de radiodiffusion sonore dont elle était titulaire ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, modifiée par la loi n° 89-25 du 17 janvier 1989 ;
Vu la loi n° 88-828 du 20 juillet 1988 portant amnistie ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de Mme Maugüé, Auditeur,
- les observations de la S.C.P. Riché, Thomas-Raquin, avocat de l'association "Radio Solidarité",
- les conclusions de M. Stirn, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes de l'association "Radio Solidarité" présentent à juger des questions semblables ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation des mises en demeure notifiées à l'association requérante par deux lettres en date des 22 mars 1989 et 7 juillet 1989 du président du Conseil supérieur de l'audiovisuel :
Considérant qu'aux termes de l'article 42 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée par la loi du 17 janvier 1989 : "Le Conseil supérieur de l'audiovisuel peut mettre en demeure les titulaires d'autorisation pour l'exploitation d'un service de communication audiovisuelle de respecter les obligations qui leur sont imposées par les textes législatifs et réglementaires et par les principes définis à l'article 1er de la présente loi" ; et qu'aux termes de l'article 105, tel qu'il a été modifié par l'article 28 de la loi du 17 janvier 1989 : "I - Les autorisations d'exploitation d'un service de communication audiovisuelle délivrées avant la date de publication de la loi du 17 janvier 1989 ne sont pas interrompues du fait de ladite loi. - Les dispositions des articles 42 à 42-11 sont applicables aux titulaires des autorisations mentionnées à l'alinéa précédent en cas de manquement aux obligations imposées par les textes législatifs et réglementaires et par la décision d'autorisation ..." ;
Considérant que, par les deux décisions attaquées, le Conseil supérieur de l'audiovisuel a mis en demeure l'association requérante de respecter la limite maximale de la puissance d'émission de son service de radiodiffusion sonore, fixée à 4 kw par la décision portant autorisation de fréquence qui lui a été délivrée le 6 août 1987 par la Commission nationale de la communication et des libertés ;
Considérant que, si les décisions litigieuses ont été notifiées à l'association requérante par deux lettres signées du président du Conseil supérieur de l'audiovisuel, il ressort des pièces du dossier qu'elles ont été adoptées lors de délibérations collégiales du conseil, en date des 10 mars et 27 juin 1989 ; que, par suite, l'association "Radio Solidarité" n'est pas fondée à soutenir qu'elles émaneraient d'une autorité incompétente ;
Considérant qu'eu égard à leur objet et en l'absence de dispositions législatives ou réglementaires particulières, les mises en demeure adressées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel sur le fondement des dispositions précitées de la loi du 30 septembre 1986 modifiée ne sont soumises à aucune procédure préalable ; que la circonstance que les lettres de notification ne visent pas les délibérations du Conseil supérieur de l'audiovisuel par lesquelles ces décisions de mises en demeure ont été adoptées et n'indiquent ni le nom de l'auteur des procès-verbaux constatant les faits reprochés, ni les conditions précises dans lesquelles ces constats ont été effectués, est sans effet sur la régularité desdites décisions ;
Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des articles 42 et 105 précités que le Conseil supérieur de l'audiovisuel pouvait légalement mettre en demeure un organisme titulaire d'une autorisation délivrée par la Commission nationale de la communication et des libertés antérieurement à l'intervention de la loi du 17 janvier 1989, de respecter les obligations dont était assortie cette autorisation ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et, notamment des constats établis les 17 février et 20 juin 1989 par des agents de télédiffusion de France agissant pour le compte du Conseil supérieur de l'audiovisuel, que le service de radiodiffusion sonore dénommé "Radio Solidarité", exploité par l'association requérante, émettait à une puissance supérieure à la puissance maximale fixée par l'autorisation d'usage de fréquence dont cette association était titulaire ; qu'il s'ensuit que l'association "Radio Solidarité" n'est pas fondée à soutenir que les griefs contenus dans les mises en demeure litigieuses reposeraient sur des faits dont la matérialité n'est pas établie ;
Considérant que si l'association requérante fait valoir que les mises en demeure litigieuses ne font état d'aucune perturbation dans la diffusion des ondes hertziennes qui aurait résulté des manquements reprochés et si elle soutient qu'une réduction de sa puissance d'émission aurait eu pour effet de favoriser des stations concurrentes, ces faits, à les supposer établis, ne sauraient être utilement invoqués pour contester la légalité de décisions par lesquelles il est enjoint à l'association de se mettre en conformité avec les obligations résultant de la loi et des conditions de l'autorisation qui lui a été délivrée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'association "Radio Solidarité" n'est pas fondée à demander l'annulation des mises en demeure des 22 mars et 7 juillet 1989 ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 6 avril 1989 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel a suspendu pour une durée d'un mois l'autorisation dont était titulaire l'association requérante :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et en particulier du procès-verbal de la séance du 6 avril 1989 du Conseil supérieur de l'audiovisuel, que la décision attaquée a été prise lors d'une délibération collégiale, pour laquelle le quorum prévu par la loi était atteint ; qu'ainsi, l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que ladite décision émanerait d'une autorité incompétente ou aurait été délibérée dans des conditions irrégulières ;
Considérant que, pour soutenir que la sanction dont elle a fait l'objet est entachée d'illégalité du fait des irrégularités ayant affecté la mise en demeure du 22 mars 1989 qui l'a précédée, l'association requérante se borne à se référer aux moyens qu'elle a invoqués à l'appui de ses conclusions dirigées contre ladite mise en demeure ; que ces moyens n'étant, comme il a été dit, pas fondés, le moyen tiré de l'irrégularité de la mise en demeure doit être rejeté ;
Considérant qu'aucune disposition n'imposait que les procès-verbaux constatant les manquements commis par le service exploité par l'association requérante fussent dressés de façon contradictoire ;
Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 28 de la loi du 17 janvier 1989 que les modifications apportées par ce texte à la loi du 30 septembre 1986 ont laissé subsister, contrairement à ce que soutient l'association "Radio Solidarité", tant les autorisations délivrées par la Commission nationale de la communication et des libertés que les obligations dont ces autorisations étaient assorties ; que si l'association requérante soutient que c'est illégalement que l'autorisation qui lui a été délivrée le 6 août 1987 a limité à 4 kw la puissance d'émission de son service, un tel moyen, tiré de la prétendue illégalité des dispositions d'une décision devenue définitive, n'est pas recevable ;
Considérant que la méconnaissance par l'association des obligations dont était assortie son autorisation pouvait, à elle seule, justifier légalement qu'une sanction lui fût infligée, alors même que les manquements commis n'auraient pas été à l'origine de perturbations dans la diffusion des ondes hertziennes ; que la circonstance que les poursuites pénales engagées à la suite d'infractions antérieures n'aient pas encore donné lieu à une décision des juridictions pénales ne faisait pas obstacle à ce que le Conseil prenne en compte lesdites infractions pour apprécier la gravité des nouveaux manquements commis par l'association ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 23 janvier 1990 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel a retiré l'autorisation d'usage de fréquence dont l'association requérante était titulaire :
Sur les moyens de forme et de procédure :
Considérant qu'aux termes de l'article 42-1 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée : "Si le titulaire d'une autorisation pour l'exploitation d'un service de communication audiovisuelle ne respecte pas les obligations ci-dessus mentionnées ou ne se conforme pas aux mises en demeure qui lui ont été adressées, le Conseil supérieur de l'audiovisuel peut prononcer à son encontre, compte tenu de la gravité du manquement, une des sanctions suivantes : ... - 4° Le retrait de l'autorisation" ; et qu'aux termes de l'article 42-7 : "Les sanctions prévues aux 2°, 3° et 4° de l'article 42-1 ainsi que celles de l'article 42-3 sont prononcées dans les conditions prévues au présent article. Le vice-président du Conseil d'Etat désigne un membre de la juridiction administrative chargé d'instruire le dossier et d'établir un rapport. Le rapporteur peut présenter des observations orales. Il assiste au délibéré avec voix consultative. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel notifie les griefs et le rapport au titulaire de l'autorisation pour l'exploitation d'un service de communication audiovisuelle qui peut consulter le dossier et présenter ses observations écrites dans le délai d'un mois. En cas d'urgence, le président du conseil supérieur de l'audiovisuel peut réduire ce délai sans pouvoir le fixer à moins de sept jours. Le titulaire de l'autorisation est entendu par le conseil supérieur de l'audiovisuel. Il peut se faire représenter. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel peut également entendre toute personne dont l'audition lui paraît susceptible de contribuer utilement à son information" ; qu'enfin, l'article 42-8 de la même loi dispose que le recours devant le Conseil d'Etat contre les décisions du Conseil supérieur de l'audiovisuel prises en application de l'article 42-1 a le caractère d'un recours de pleine juridiction ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble des dispositions de la loi susvisée que le rapporteur n'est pas tenu d'entendre les représentants de l'organisme contre lequel la procédure de sanction a été mise en oeuvre ; qu'en confiant à un rapporteur désigné dans les conditions susmentionnées, le soin d'instruire le dossier, le législateur a nécessairement entendu donner à celui-ci la faculté d'émettre son opinion sur la réalité des faits reprochés et la qualification susceptible de leur être attribuée, ainsi que sur le degré de la sanction que lui paraissent mériter les manquements commis ; que le fait que le rapporteur désigné pour instruire le dossier de "Radio solidarité", dont il n'est pas allégué qu'il aurait manqué à l'obligation d'impartialité qui s'impose à lui, ait proposé une sanction, n'a donc pas entaché d'irrégularité la procédure ;
Considérant que ni les dispositions de la loi susvisée, ni le principe du respect des droits de la défense ne font obstacle à ce que le Conseil supérieur de l'audiovisuel, pour porter à la connaissance de l'organisme les griefs retenus à son encontre, se borne à se référer expressément aux énonciations contenues dans le rapport établi et communiqué à l'organisme en cause dans les conditions susmentionnées ;
Considérant que, lorsqu'il fait usage des pouvoirs qui lui sont conférés par l'article 42-1 de la loi, le Conseil supérieur de l'audiovisuel ne prend pas une décision de caractère juridictionnel mais prononce une sanction administrative ; qu'il suit de là qu'il n'a, en l'espèce, commis aucune irrégularité de forme en déclarant, lors de la notification du rapport, s'approprier les observations faites par le rapporteur, non plus qu'en s'abstenant de viser, dans sa décision, les observations écrites présentées par l'association requérante et de répondre à certains des arguments qui y étaient développés, dès lors que la décision comportait une motivation qui énonçait les faits reprochés de façon suffisamment précise ; que, pour les mêmes motifs, le moyen tiré d'une éventuelle méconnaissance de l'exigence de publicité des audiences posé par les dispositions de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est, en tout état de cause, inopérant ;
Considérant que si, en vertu du 3ème alinéa de l'article 78 de la loi susvisée, les agents du Conseil supérieur de l'audiovisuel et ceux placés sous son autorité ne peuvent constater par procès-verbal les infractions énumérées aux deux premiers alinéas du même article, qu'à la condition, notamment, d'avoir été assermentés dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, de telles dispositions, relatives à la procédure pénale susceptible d'être engagée à l'encontre des dirigeants de services de communication audiovisuelle qui se sont personnellement rendus coupables de l'une des infractions visées à l'article 78, ne trouvent pas à s'appliquer, s'agissant de la procédure de sanction mise en oeuvre contre l'organisme titulaire d'une autorisation, dont les conditions sont définies par les article 42 à 42-10 de la loi ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que les agents de télédiffusion de France, qui ont procédé à la constatation des manquements sanctionnés, n'auraient pas été assermentés dans les conditions prévues à l'article 78 est inopérant ; que la circonstance que ces agents appartenaient au personnel d'un établissement public n'est pas, par elle-même, de nature à affecter la valeur probante des procès-verbaux qu'ils ont dressés, lesquels étaient suffisamment précis pour mettre l'association requérante à même de contester utilement les faits qui lui étaient reprochés ;
Sur le bien-fondé de la sanction :
Considérant que les sanctions infligées aux organismes titulaires d'autorisations d'usage de fréquences par l'autorité que le législateur a chargé de veiller à la mise en oeuvre effective de la liberté de communication et au respect des règles destinées à assurer une expression pluraliste des idées et des courants d'opinion ne présentent ni le caractère de sanctions disciplinaires, ni celui de sanctions professionnelles, qu'ainsi l'association requérante ne saurait utilement se fonder sur les dispositions de l'article 14 de la loi du 20 juillet 1988 portant amnistie pour soutenir que le Conseil supérieur de l'audiovisuel ne pouvait retenir à sa charge des faits antérieurs au 22 mai 1988.
Considérant que le fait que certaines de ces infractions avaient déjà donné lieu à des sanctions infligées à l'association requérante par la Commission nationale de la communication et des libertés, ne faisait pas obstacle à ce que leur existence fût prise en compte par le conseil afin d'apprécier le degré de gravité des nouveaux manquements dont s'était rendue coupable ladite association ;
Considérant que si l'association requérante fait valoir que son président aurait été relaxé des fins de poursuites engagées à son encontre pour des motifs similaires, par des jugements des juridictions pénales, une telle circonstance n'empêchait pas qu'une sanction administrative fût infligée à l'organisme titulaire de l'autorisation, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'existence matérielle des faits ayant motivé la sanction a été déniée par les décisions du juge pénal ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et, notamment, des constats établis à la demande du Conseil supérieur de l'audiovisuel, que l'association requérante a diffusé le service qu'elle exploitait, dénommé "Radio Solidarité", avec une puissance d'émission très supérieure à la puissance maximale fixée par l'autorisation qui lui avait été délivrée ; que si elle fait valoir qu'elle n'était pas techniquement en mesure, du fait des caractéristiques de son installation, d'effectuer un dépassement de puissance de l'importance de celui qui lui est reproché par un constat réalisé le 11 juillet 1989, elle n'avance, à l'appui d'une telle allégation, aucun commencement de preuve ;
Considérant qu'eu égard à la gravité des manquements reprochés et, en particulier, à la persistance de l'association requérante à méconnaître la limite de puissance fixée par son autorisation, en dépit des mises en demeure répétées qui lui avaient été adressées et des sanctions dont elle avait déjà fait l'objet, la sanction infligée par le Conseil supérieur de l'audiovisuel ne présente pas un caractère excessif ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'Association "Radio Solidarité" n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du 23 janvier 1990 du Conseil supérieur de l'audiovisuel ;
Article 1er : Les requêtes de de l'Association "Radio Solidarité" sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'Association "Radio Solidarité", à Me X... ès qualités, au Conseil supérieur de l'audiovisuel et au ministre de la culture et de la communication.