La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/04/2006 | FRANCE | N°04-45537

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 05 avril 2006, 04-45537


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que Mme X... a été engagée le 21 août 1985 par la société Clinique Juliette de Wils en qualité de sage-femme ; qu'elle travaillait à temps partiel 84 heures 50 par mois ; qu'en accord avec son employeur, compte tenu de l'éloignement de son domicile et de l'organisation interne de la maternité, son horaire de travail était accompli par tranches de 24 heures ; qu'à la suite de la mise en redressement judiciaire de la société, le contrat de travail a été repris à comp

ter du 2 janvier 2001 par la société Polyclinique chirurgicale de Champigny, ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que Mme X... a été engagée le 21 août 1985 par la société Clinique Juliette de Wils en qualité de sage-femme ; qu'elle travaillait à temps partiel 84 heures 50 par mois ; qu'en accord avec son employeur, compte tenu de l'éloignement de son domicile et de l'organisation interne de la maternité, son horaire de travail était accompli par tranches de 24 heures ; qu'à la suite de la mise en redressement judiciaire de la société, le contrat de travail a été repris à compter du 2 janvier 2001 par la société Polyclinique chirurgicale de Champigny, devenue Hôpital privé Paul d'Egine, laquelle a informé la salariée que désormais, elle devrait travailler 75,83 heures par mois, par tranches de 12 heures, en application de l'accord de branche sur la réduction du temps de travail dans le secteur de l'hospitalisation privée du 27 janvier 2000 qui fixait à 12 heures la durée maximale de l'amplitude de travail ; que Mme Y... a refusé la modification du contrat de travail et a été licenciée pour faute grave, en raison de ce refus, le 1er mars 2001 ;

Sur le moyen unique, pris en sa quatrième branche :

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt d'avoir décidé que le licenciement reposait sur une faute grave et de l'avoir déboutée de ses demandes, alors, selon le moyen, que le mode de rémunération d'un salarié constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié sans son accord, peu important que l'employeur prétende que le nouveau mode serait plus avantageux ; qu'en affirmant pourtant que Mme X... avait commis une faute grave en refusant la modification de son mode de rémunération, tel qu'il lui avait été proposé par son employeur par une lettre en date du 5 janvier 2001, motif pris de ce que sa nouvelle rémunération globale était supérieure à son salaire antérieur, la cour d'appel a violé l'article L. 122-4 du Code du travail ;

Mais attendu que la seule modification de la structure de rémunération résultant d'un accord de réduction du temps de travail consistant, sans changer le taux horaire, à compenser la perte consécutive à la réduction du nombre d'heures travaillées par l'octroi d'une indemnité différentielle, dès lors que le montant de la rémunération est maintenu, ne constitue par une modification du contrat de travail ;

Et attendu que la cour d'appel a constaté que l'accord de réduction du temps de travail garantissait le maintien du salaire au moyen d'une indemnité différentielle et d'une aide dégressive, de sorte la rémunération de Mme X... était maintenue ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen, pris en ses trois premières branches :

Vu l'article 30 II de la loi du 19 janvier 2000 et l'article L. 212-4-3 du Code du travail ;

Attendu que, selon le premier de ces textes, le licenciement prononcé du fait du refus du salarié de la modification de son contrat de travail en application d'un accord de réduction du temps de travail est un licenciement individuel ne reposant pas sur un motif économique soumis aux dispositions des articles L. 122-14 à L. 122-17 du Code du travail ;

que selon le second texte, la modification de la répartition de la durée du travail sur la semaine, telle qu'elle doit être prévue dans un contrat de travail à temps partiel constitue une modification du contrat de travail qui ne peut intervenir sans l'accord du salarié ;

Attendu que pour débouter Mme X... de ses demandes d'indemnité de préavis, de congés payés sur préavis, d'indemnité conventionnelle de licenciement et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel, après avoir relevé qu'il résulte de l'accord de branche du 27 janvier 2000 sur la réduction du temps de travail dans le secteur de l'hospitalisation privée que l'amplitude de travail journalière est fixée à 10 heures et peut être portée à 12 heures par voie d'accord, retient que "la suppression de tranches de 24 heures obéit à une obligation légale et non pas une mesure arbitraire de l'employeur " et que l'employeur "est fondé à revenir sur un usage antérieur illicite sans que ce changement dans les conditions de travail constitue une modification substantielle du contrat de travail" ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le changement de la répartition de l'horaire de travail de Mme X..., salariée à temps partiel, consistant à remplacer les périodes de garde de 24 heures par des périodes de 12 heures, constituait une modification du contrat de travail consécutive à l'application de l'accord de réduction du temps de travail du 27 janvier 2000 intervenu dans le secteur de l'hospitalisation privée que la salariée était en droit de refuser, de sorte que son refus ne pouvait à lui seul être constitutif d'une faute grave et que le caractère réel et sérieux du licenciement consécutif à son refus ne devait être apprécié qu'au regard des seules dispositions de l'accord collectif applicable, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 mai 2004, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne l'Hôpital privé Paul d'Egine aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne l'Hôpital privé Paul d'Egine à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq avril deux mille six.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 04-45537
Date de la décision : 05/04/2006
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Analyses

1° CONTRAT DE TRAVAIL - EXECUTION - Modification - Modification par un accord collectif - Accord de réduction du temps de travail - Portée.

1° STATUT COLLECTIF DU TRAVAIL - Accords collectifs - Accords d'entreprise - Accord de réduction du temps de travail - Modification de la structure de la rémunération - Modification du contrat de travail (non).

1° La seule modification de la structure de la rémunération résultant d'un accord de réduction du temps de travail consistant, sans changer le taux horaire, à compenser la perte consécutive à la réduction du nombre d'heures travaillées par l'octroi d'une indemnité différentielle, dès lors que le montant de la rémunération est maintenue ne constitue pas une modification du contrat de travail.

2° CONTRAT DE TRAVAIL - RUPTURE - Licenciement - Cause - Cause réelle et sérieuse - Modification du contrat de travail - Refus du salarié.

2° TRAVAIL REGLEMENTATION - Durée du travail - Réduction - Refus du salarié - Portée 2° CONTRAT DE TRAVAIL - EXECUTION - Modification - Modification par un accord d'entreprise sur la réduction du temps de travail - Refus du salarié - Portée 2° TRAVAIL REGLEMENTATION - Durée du travail - Travail à temps partiel - Répartition - Modification - Accord du salarié - Nécessité.

2° Le licenciement prononcé du fait du refus du salarié de la modification de son contrat de travail en application d'un accord de réduction du temps de travail est un licenciement individuel ne reposant pas sur un motif économique soumis aux dispositions des articles L. 122-14 à L. 122-17 du code du travail. La modification de la répartition de la durée du travail sur la semaine prévue par le contrat de travail à temps partiel, consécutive à un accord de réduction du temps de travail, constitue une modification du contrat de travail qui ne peut intervenir sans l'accord du salarié. Son refus ne peut constituer à lui seul une faute grave, et le caractère réel et sérieux du licenciement consécutif à ce refus ne doit s'apprécier qu'au regard des dispositions de l'accord collectif applicable.


Références :

1° :
2° :
2° :
Code du travail L122-14 à L122-17
Code du travail L122-4
Loi 2000-37 du 19 janvier 2000

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 14 mai 2004

Sur le n° 2 : Sur la qualification du licenciement intervenu dans le cadre de l'application d'un accord de réduction du temps de travail, dans le même sens que : Chambre sociale, 2006-03-15, Bulletin 2006, V, n° 107, p. 99 (cassation partielle et rejet). Sur les modalités de modification de la répartition de la durée du travail dans le cadre d'un contrat à temps partiel, dans le même sens que : Chambre sociale, 1999-04-06, Bulletin 1999, V, n° 166, p. 121 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 05 avr. 2006, pourvoi n°04-45537, Bull. civ. 2006 V N° 138 p. 134
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2006 V N° 138 p. 134

Composition du Tribunal
Président : M. Sargos.
Avocat général : M. Mathon.
Rapporteur ?: Mme Mazars.
Avocat(s) : SCP Richard, SCP Bachellier et Potier de la Varde.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2006:04.45537
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award