LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
MF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 2 juillet 2020
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 649 F-P+B+I
Pourvoi n° C 19-11.624
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 2 JUILLET 2020
1°/ la société Areva, société anonyme,
2°/ la société Orano cycle, société anonyme, anciennement dénommée Areva NC,
ayant toutes deux leur siège [...] ,
ont formé le pourvoi n° C 19-11.624 contre l'arrêt rendu le 20 décembre 2018 par la cour d'appel de Versailles (14e chambre), dans le litige les opposant :
1°/ à M. P... T..., domicilié [...] ),
2°/ à M. A... R..., domicilié [...] ),
3°/ à la société Opérations et organisations spéciales, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ),
défendeurs à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. de Leiris, conseiller référendaire, les observations de la SCP Richard, avocat des sociétés Areva et Orano cycle, de Me Carbonnier, avocat de M. T..., de la société Opérations et organisations spéciales, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 27 mai 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, M. de Leiris, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 20 décembre 2018), la société Areva et la société Orano cycle, anciennement dénommée Areva NC, ont relevé appel de l'ordonnance du juge de la mise en état d'un tribunal de grande instance, rendue le 6 février 2018, ayant dit ce tribunal compétent pour connaître du litige opposant ces sociétés à M. T..., la société Opérations et organisations spéciales (la société OPOS) et M. R....
Sur l'application de l'article 688 du code de procédure civile
2. Le mémoire ampliatif a été transmis en vue de sa notification à M. R..., résidant au Mali, le 7 juin 2019. Il résulte des démarches que la société Areva et la société Orano cycle justifient avoir accomplies depuis lors auprès des autorités chargées de cette transmission, que ce mémoire n'a pas pu être remis à M. R....
3. Un délai de six mois s'étant écoulé depuis la transmission du mémoire ampliatif, il y a lieu de statuer sur le pourvoi.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. La société Areva et la société Orano cycle font grief à l'arrêt de déclarer caduque leur déclaration d'appel formée à l'encontre de l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Nanterre le 6 février 2018 (RG n° 16/11570), en ce qu'elle vise le chef de décision disant le tribunal de grande instance de Nanterre compétent pour connaître du litige les opposant à M. T..., la société OPOS et M. R..., alors :
« 1°/ que l'ordonnance du juge de la mise en état statuant sur une exception de procédure tirée de l'incompétence de la juridiction saisie n'est susceptible que d'un appel dans les formes et modalités fixées par les articles 776 et 905 du code de procédure civile, à l'exclusion de celles applicables à l'appel d'un jugement statuant exclusivement sur la compétence et visées aux articles 83 et suivants du même code, selon lesquels l'appelant doit notamment solliciter par voie de requête une autorisation d'assigner à jour fixe les intimés ; qu'en déclarant néanmoins caduque la déclaration d'appel de l'ordonnance du 6 février 2018, motif pris que la société Areva et la Société Orano cycle n'ayant pas sollicité par voie de requête une autorisation d'assigner à jour fixe les intimés, elles n'avaient pas respecté les formes et modalités de l'appel d'un jugement statuant exclusivement sur la compétence, telles qu'elles résultent des articles 83 et suivants susvisés, la cour d'appel a violé les articles 776 et 905 du code de procédure civile, ensemble les articles 83 et suivants, dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, du même code ;
2°/ que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ; que le droit d'accès à un tribunal doit être concret et effectif : que les limitations à ce droit ne doivent pas restreindre l'accès ouvert à l'individu d'une manière ou à un point tel que le droit s'en trouve atteint dans sa substance même, notamment en raison d'un formalisme excessif en ce qui concerne les exigences procédurales ; que ne satisfont pas à cette exigence, les dispositions qui, par leur ambiguïté, ne mettent pas le justiciable en mesure de déterminer les modalités de la voie de recours qui lui est ouverte ; qu'en déclarant néanmoins caduque la déclaration d'appel de l'ordonnance du 6 février 2018, motif pris qu'elle ne respectait pas les formes de l'appel d'un jugement statuant exclusivement sur la compétence, telle qu'elles résultent des articles 83 et suivants du code de procédure civile, bien que la société Areva et la société Orano cycle aient pu légitimement considérer que l'appel relevait des modalités fixées par les articles 776 et 905 du code de procédure civile, dès lors que ces articles visent l'appel des ordonnances du juge de la mise en état statuant sur une exception de procédure, la cour d'appel, qui a privé les appelants de leur droit d'accès au juge d'appel, en leur opposant des dispositions dont l'ambiguïté était de nature à les induire en erreur, a violé l'article 6, §1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
5. Il résulte des articles 83, 84 et 85 du code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, que, nonobstant toute disposition contraire, l'appel dirigé contre la décision de toute juridiction du premier degré se prononçant sur la compétence sans statuer sur le fond du litige relève, lorsque les parties sont tenues de constituer un avocat, de la procédure à jour fixe et qu'en ce cas, l'appelant doit saisir, dans le délai d'appel, le premier président de la cour d'appel en vue d'être autorisé à assigner l'intimé à jour fixe.
6. L'application de ces textes spécifiques à l'appel d'une ordonnance d'un juge de la mise en état statuant sur la compétence du tribunal de grande instance se fonde sur la lettre et la finalité de l'ensemble du dispositif, dont l'objectif, lié à la suppression du contredit, était de disposer d'une procédure unique et rapide pour l'appel de tous les jugements statuant sur la compétence.
7. L'application de ces dispositions, sanctionnées par la caducité de l'appel, sauf cas de force majeure, ne pouvait être exclue pour une partie représentée par un avocat, professionnel avisé. En outre, ces dispositions poursuivent un but légitime au sens de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en l'occurrence la célérité et l'efficacité de la procédure d'appel des jugements statuant sur la compétence sans se prononcer sur le fond du litige, la compétence du juge appelé à connaître d'une affaire pouvant être définitivement déterminée dans les meilleurs délais. Elles ne portent pas une atteinte disproportionnée à l'accès au juge d'appel, un rapport raisonnable de proportionnalité existant entre les moyens employés et le but visé.
8. Dès lors, ayant relevé que les sociétés appelantes, qui ne se prévalaient d'aucun moyen pris d'un risque d'atteinte portée à leur droit à un procès équitable, ne s'étaient pas conformées à ces prescriptions, c'est à bon droit que la cour d'appel a prononcé la caducité de leur déclaration d'appel.
9. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Areva et la société Orano cycle aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Areva et la société Orano cycle et les condamne à payer à M. T... et à la société Opérations et organisations spéciales la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du deux juillet deux mille vingt, et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Richard, avocat aux Conseils, pour les sociétés Areva et Orano cycle.
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré caduque la déclaration d'appel formée par la Société AREVA et la Société ORANO CYCLE, anciennement dénommée AREVA NC, à l'encontre de l'ordonnance rendue par le Juge de la mise en état du Tribunal de grande instance de Nanterre le 6 février 2018 (RG n° 16/11570), en ce qu'elle vise le chef de décision disant le Tribunal de grande instance de Nanterre compétent pour connaître du litige les opposant à Monsieur P... T..., la Société OPERATIONS ET ORGANISATIONS SPECIALES (OPOS) et Monsieur A... R... ;
AUX MOTIFS QU'en application de l'article 771, 1°, du Code de procédure civile, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l'article 47 et sur les incidents mettant fin à l'instance, les parties n'étant plus recevables à soulever ces exceptions et incidents ultérieurement à moins qu'ils ne surviennent ou soient révélés postérieurement au dessaisissement du juge ; que selon l'article 776 du Code de procédure civile :
"Les ordonnances du juge de la mise en état ne sont pas susceptibles d'opposition.
Elles ne peuvent être frappées d'appel ou de pourvoi en cassation qu'avec le jugement statuant sur le fond.
Toutefois, elles sont susceptibles d'appel dans les cas et conditions prévus en matière d'expertise ou de sursis à statuer.
Elles le sont également, dans les quinze jours à compter de leur signification, lorsque :
1° Elles statuent sur un incident mettant fin à l'instance, elles ont pour effet de mettre fin à celle-ci ou elles en constatent l'extinction ;
2° Elles statuent sur une exception de procédure ;
3° Elles ont trait aux mesures provisoires ordonnées en matière de divorce ou de séparation de corps ;
4° Dans le cas où le montant de la demande est supérieur au taux de compétence en dernier ressort, elles ont trait aux provisions qui peuvent être accordées au créancier au cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable." ;
qu'il résulte de ces dispositions que les ordonnances du juge de la mise en état sont susceptibles d'appel immédiat, dans les quinze jours à compter de leur signification, lorsqu'elles statuent sur une exception de procédure, parmi lesquelles figurent les exceptions d'incompétence ; qu'en ce qui concerne l'appel du jugement statuant exclusivement sur la compétence, le contredit de compétence, voie de recours prévue en application de l'article 80 du Code de procédure civile à l'encontre de la décision par laquelle le juge se prononçait sur la compétence sans statuer sur le fond du litige, est supprimé par les dispositions du décret n°2017-891 du 6 mai 2017, applicables aux appels formés à compter du 1er septembre 2017 ; que l'article 83, modifié par le décret du 6 mai 2017, prévoit désormais, dans la section I du chapitre II, relative aux exceptions de procédure que sont les exceptions de compétence, que :
"Lorsque le juge s'est prononcé sur la compétence sans statuer sur le fond du litige, sa décision peut faire l'objet d'un appel dans les conditions prévues par le présent paragraphe.
La décision ne peut pareillement être attaquée du chef de la compétence que par voie d'appel lorsque le juge se prononce sur la compétence et ordonne une mesure d'instruction ou une mesure provisoire." ;
que l'article 84 du même code précise que :
"Le délai d'appel est de quinze jours à compter de la notification du jugement. Le greffe procède à cette notification adressée aux parties par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Il notifie également le jugement à leur avocat, dans le cas d'une procédure avec représentation obligatoire.
En cas d'appel, l'appelant doit, à peine de caducité de la déclaration d'appel, saisir, dans le délai d'appel, le premier président en vue, selon le cas, d'être autorisé à assigner à jour fixe ou de bénéficier d'une fixation prioritaire de l'affaire." ;
que l'article 85 du Code de procédure civile, modifié, prévoit enfin que :
"Outre les mentions prescrites selon le cas par les articles 901 ou 933, la déclaration d'appel précise qu'elle est dirigée contre un jugement statuant sur la compétence et doit, à peine d'irrecevabilité, être motivée, soit dans la déclaration elle-même, soit dans des conclusions jointes à cette déclaration.
Nonobstant toute disposition contraire, l'appel est instruit et jugé comme en matière de procédure à jour fixe si les règles applicables à l'appel des décisions rendues par la juridiction dont émane le jugement frappé d'appel imposent la constitution d'avocat, ou, dans le cas contraire, comme il est dit à l'article 948." ;
que la cour rappelle que le terme "jugement", utilisé dans les articles 84 et 85 susvisés, est générique et s'applique dès lors à l'ensemble des décisions, y compris les ordonnances du juge des référés ou du juge de la mise en état, par lesquelles le juge se prononce sur la compétence ; que s'il est constant qu'avant la réforme introduite par le décret du 6 mai 2017 susvisé, l'article 905 du code de procédure civile prévoyait expressément une procédure d'appel à bref délai pour les ordonnances du juge des référés et celles du juge de la mise en état statuant sur les exceptions de compétence visées à l'article 2° de l'article 776 du même code, que la voie du contredit était dès lors interdite à l'encontre des ordonnances du juge de la mise en état statuant sur une exception de procédure, la réforme instituée par le décret du 6 mai 2017 relatif aux exceptions d'incompétence et à l'appel en matière civile tend à l'unification, par les dispositions spéciales des articles 83 et suivants du code de procédure civile, de l'appel-compétence ; que c'est ainsi que, "nonobstant toute disposition contraire", la procédure désormais applicable à l'appel d'une décision se prononçant sur la compétence sans statuer sur le fond du litige est celle de l'assignation à jour fixe sur autorisation accordée par le premier président de la cour, si la procédure d'appel impose la constitution d'avocat ou, dans le cas contraire, pour les procédures d'appel sans représentation obligatoire, la fixation prioritaire prévue à l'article 948 du code de procédure civile ; qu'il résulte dès lors de l'esprit et de la lettre des dispositions spéciales issues de la réforme que, dérogeant à la procédure d'appel à bref délai désormais soumise, en application des articles 905 et suivants du code de procédure civile, à des délais impératifs, la procédure d'appel avec représentation obligatoire d'une décision statuant exclusivement sur la compétence, en ce comprise celle du juge de la mise en état, est celle, plus souple et sans instruction de l'affaire, de la requête à jour fixe, l'appelant devant toutefois, à peine de caducité de la déclaration d'appel, saisir, dans le délai de quinze jours prévu à l'article 84, le premier président en vue d'être autorisé à assigner à jour fixe ; que l'article 776 2° du code de procédure civile, s'il est demeuré inchangé, ne pose en effet que le principe de la voie de l'appel immédiat ouverte à l'encontre d'une ordonnance du juge de la mise en état statuant sur une exception de procédure et les dispositions spéciales de l'appel-compétence, portant suppression du contredit de compétence et unification de la procédure d'appel applicable, doivent désormais prévaloir sur les dispositions générales de la procédure à bref délai prévue à l'article 905 ; qu'en l'espèce, l'appel formé à l'encontre de l'ordonnance du 6 février 2018 du juge de la mise en état vise expressément le chef de décision statuant sur l'exception d'incompétence et le sursis à statuer sur la demande d'enquête ordinaire dans l'attente de la réponse des parties sur la mesure de médiation judiciaire proposée ; que contrairement à ce que soutiennent les parties appelantes, le juge de la mise en état a uniquement statué, dans le dispositif de sa décision, sur l'exception de compétence et non sur la demande d'enquête ordinaire sur laquelle il a sursis à statuer dans l'attente de la réponse des parties sur la proposition de médiation judiciaire, étant relevé par la cour qu'en tout état de cause, un sursis à statuer prononcé par le juge de la mise en état ne peut faire l'objet d'un appel immédiat que sur autorisation du premier président de la cour, saisi en la forme des référés, sur le fondement de l'article 380 du même code et qu'une décision ordonnant une médiation judiciaire n'est pas susceptible d'appel en application de l'article 131-15 dudit code ; qu'il résulte de ces constatations qu'est caduque la déclaration d'appel des sociétés Areva et Orano Cycle portant sur une décision du juge de la mise en état se prononçant sur la compétence sans statuer sur le fond du litige, les appelantes n'ayant pas sollicité par voie de requête une autorisation d'assigner à jour fixe les intimés, conformément aux dispositions combinées de l'alinéa 2 de l'article 83 et de l'article 84, applicables au présent appel, formé postérieurement au 1er septembre 2017 ;
1°) ALORS QUE l'ordonnance du juge de la mise en état statuant sur une exception de procédure tirée de l'incompétence de la juridiction saisie n'est susceptible que d'un appel dans les formes et modalités fixées par les articles 776 et 905 du Code de procédure civile, à l'exclusion de celles applicables à l'appel d'un jugement statuant exclusivement sur la compétence et visées aux articles 83 et suivants du même code, selon lesquels l'appelant doit notamment solliciter par voie de requête une autorisation d'assigner à jour fixe les intimés ; qu'en déclarant néanmoins caduque la déclaration d'appel de l'ordonnance du 6 février 2018, motif pris que la Société AREVA et la Société ORANO CYCLE n'ayant pas sollicité par voie de requête une autorisation d'assigner à jour fixe les intimés, elles n'avaient pas respecté les formes et modalités de l'appel d'un jugement statuant exclusivement sur la compétence, telles qu'elles résultent des articles 83 et suivants susvisés, la Cour d'appel a violé les articles 776 et 905 du Code de procédure civile, ensemble les articles 83 et suivants, dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, du même code.
2°) ALORS QUE, subsidiairement, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ; que le droit d'accès à un tribunal doit être concret et effectif : que les limitations à ce droit ne doivent pas restreindre l'accès ouvert à l'individu d'une manière ou à un point tel que le droit s'en trouve atteint dans sa substance même, notamment en raison d'un formalisme excessif en ce qui concerne les exigences procédurales ; que ne satisfont pas à cette exigence, les dispositions qui, par leur ambiguïté, ne mettent pas le justiciable en mesure de déterminer les modalités de la voie de recours qui lui est ouverte ; qu'en déclarant néanmoins caduque la déclaration d'appel de l'ordonnance du 6 février 2018, motif pris qu'elle ne respectait pas les formes de l'appel d'un jugement statuant exclusivement sur la compétence, telle qu'elles résultent des articles 83 et suivants du Code de procédure civile, bien que la Société AREVA et la Société ORANO CYCLE aient pu légitimement considérer que l'appel relevait des modalités fixées par les articles 776 et 905 du Code de procédure civile, dès lors que ces articles visent l'appel des ordonnances du juge de la mise en état statuant sur une exception de procédure, la Cour d'appel, qui a privé les appelants de leur droit d'accès au juge d'appel, en leur opposant des dispositions dont l'ambiguïté était de nature à les induire en erreur, a violé l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.