LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. F... s'est vu octroyer par la société Crédit foncier et communal d'Alsace et de Lorraine banque (le prêteur) un prêt de 231 000 euros et, à cette occasion, a adhéré le 18 février 2005 au contrat d'assurance de groupe souscrit par le prêteur auprès de la société CNP assurances (l'assureur) ; qu'atteint d'une maladie, M. F... a sollicité et obtenu la prise en charge du remboursement des mensualités du prêt par l'assureur, lequel y a mis fin lorsque M. F... a atteint l'âge de soixante ans ; que M. F... a assigné l'assureur et le prêteur aux fins de voir, à titre principal, condamner le premier à le garantir jusqu'au 5 février 2020 et, à titre subsidiaire, condamner la seconde à l'indemniser de son préjudice en raison du manquement à son devoir d'information et de conseil ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu que M. F... fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes dirigées contre l'assureur et le prêteur, alors, selon le moyen, que le souscripteur d'un contrat d'assurance est tenu de remettre à l'adhérent une notice établie par l'assureur, les droits et obligations de l'assuré devant s'apprécier au regard de cette seule notice ; que la notice doit être remise à l'adhérent, au plus tard, au moment de l'adhésion ; que le tribunal de grande instance de Draguignan avait expressément constaté que la notice en question n'avait pas été remise à l'adhérent au moment de l'adhésion ; que la cour d'appel, si elle a visé expressément la notice CFCAL [...], n'a pas démenti les premiers juges sur ce point ; qu'elle a seulement constaté que l'adhérent avait reçu un « résumé » (sic) du contrat et certifié avoir reçu un exemplaire de la convention d'assurance ; que dès lors, en se fondant sur les stipulations de la notice [...], sans constater que cette notice avait été remise à l'adhérent, au plus tard, au moment de l'adhésion, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 141-4 du code des assurances ;
Mais attendu qu'alors que le prêteur et l'emprunteur se prévalaient de la nature immobilière du prêt et que M. F... invoquait des dispositions applicables aux seuls prêts immobiliers et reconnaissait que la notice avait été annexée à l'acte notarié de prêt, ce qui constitue dès lors la seule exigence applicable, posée par l'article L. 312-9, devenu L. 313-29, du code de la consommation, le moyen est inopérant ;
Mais sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 1147, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
Attendu que le banquier qui propose à son client, auquel il consent un prêt, d'adhérer au contrat d'assurance de groupe qu'il a souscrit à l'effet de garantir, en cas de survenance de divers risques, l'exécution de tout ou partie de ses engagements, est tenu de l'éclairer sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d'emprunteur, la remise de la notice ne suffisant pas à satisfaire à cette obligation ;
Attendu que pour le débouter de sa demande formée à l'encontre du prêteur, l'arrêt retient que M. F... a été parfaitement informé par les documents remis des conditions de garantie du prêt souscrit ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher si le prêteur avait éclairé M. F... sur l'adéquation du risque couvert par le contrat avec sa situation personnelle d'emprunteur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais en ses seules dispositions déboutant M. F... de sa demande formée contre la société Crédit foncier et communal d'Alsace et de Lorraine banque, l'arrêt rendu le 7 juin 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne la société Crédit foncier et communal d'Alsace et de Lorraine banque aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes de la société CNP assurances et de la société Crédit foncier et communal d'Alsace et de Lorraine banque et condamne la société Crédit foncier et communal d'Alsace et de Lorraine banque à payer à M. F... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juillet deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP de Nervo et Poupet, avocat aux Conseils, pour M. F...
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué
D'AVOIR débouté Monsieur G... F... de ses demandes dirigées contre la société CNP Assurances et contre Le Crédit Foncier et Communal d'Alsace-Lorraine (CFCAL)
AUX MOTIFS QUE Monsieur F... avait signé, le 26 avril 2004, une « demande d'adhésion individuelle garantie décès-PTIA-ITT » dans laquelle figuraient les mentions : « l'assuré
certifie que le prêteur m'a remis un exemplaire des conditions générales du contrat référencé notice CFCAL [...] (
) accepte être assuré suivant les modalités détaillées dans lesdites conditions générales dont j'atteste avoir eu connaissance » ; que Monsieur F... avait souscrit l'offre de prêt du CFCAL, émise le 3 janvier 2005, mentionnant qu'il avait souhaité adhérer au contrat de groupe souscrit par le CFCAL auprès de la CNP, conformément aux modalités détaillées dans le résumé du contrat d'assurance collective dont il certifiait avoir reçu un exemplaire ; qu'enfin, il avait rempli le récépissé d'acceptation de l'offre de prêt dans lequel il reconnaissait accepter l'offre de prêt, ainsi que la convention d'assurance et rester en possession d'un exemplaire de la convention d'assurance ; que par la signature de ces documents, il avait contractuellement accepté les conditions afférentes au contrat de groupe souscrit, dont il avait également reconnu avoir reçu un exemplaire ; que la notice d'assurance CFCAL [...] mentionnait, quant à la cessation des garanties : au départ à la retraite ou pré-retraite, quelle qu'en soit la cause, et au plus tard au 60ème anniversaire de l'assuré pour le risque ITT ; que Monsieur F..., né le [...] , placé en arrêt maladie à compter du 5 septembre 2005, avait vocation à être garanti, au titre de l'ITT, jusqu'au 16 septembre 2013 ; qu'il n'existait aucune contradiction entre la demande d'adhésion précisant les caractéristiques du prêt (293 000 euros ; durée de 180 mois) et la notice d'assurance prévoyant la seule garantie ITT jusqu'à 60 ans ; qu'en l'état des éléments ci-dessus précisés, il y avait lieu d'infirmer le jugement entrepris et de débouter Monsieur F... ;
Que de même, il n'y avait pas lieu de recevoir sa demande formulée contre le CFCAL, Monsieur F... ayant été parfaitement informé par les documents remis des conditions générales du prêt souscrit ;
1) ALORS QUE le souscripteur d'un contrat d'assurance est tenu de remettre à l'adhérent une notice établie par l'assureur, les droits et obligations de l'assuré devant s'apprécier au regard de cette seule notice ; que la notice doit être remise à l'adhérent, au plus tard, au moment de l'adhésion ; que le Tribunal de grande instance de Draguignan avait expressément constaté que la notice en question n'avait pas été remise à l'adhérent au moment de l'adhésion ; que la Cour d'appel, si elle a visé expressément la notice CFCAL [...], n'a pas démenti les premiers juges sur ce point ; qu'elle a seulement constaté que l'adhérent avait reçu un « résumé » (sic) du contrat et certifié avoir reçu un exemplaire de la convention d'assurance ; que dès lors, en se fondant sur les stipulations de la notice [...], sans constater que cette notice avait été remise à l'adhérent, au plus tard, au moment de l'adhésion, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 141-4 du code des assurances ;
2) ALORS QUE, le banquier qui propose à son client, auquel il consent un prêt, d'adhérer au contrat d'assurance de groupe qu'il a souscrit, doit l'éclairer sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d'emprunteur ; que la remise de la notice, à supposer même qu'elle ait eu lieu, ne peut suffire à satisfaire à cette obligation ; que dans le cas d'espèce, le CFCAL a proposé à Monsieur F..., âgé de 52 ans, un contrat d'assurance garantissant un prêt sur 180 mois (15 ans), mais seulement
jusqu'à son 60ème anniversaire ; que le CFACAL a donc nécessairement manqué à son obligation de conseil ; que la Cour d'appel, en décidant le contraire, a violé l'article 1147 ancien du code civil (devenu l'article 1231-1 nouveau du code civil).