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16/12/2005 | FRANCE | N°264695

France | France, Conseil d'État, 5eme et 4eme sous-sections reunies, 16 décembre 2005, 264695


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 18 février et 17 juin 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Marcel X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 18 décembre 2003 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a limité à 40 000 euros la somme que le centre hospitalier régional universitaire de Montpellier a été condamné à lui verser en réparation des conséquences dommageables résultant de la perte de chance de se soustraire au risque auquel l'a exposé l'inte

rvention chirurgicale du 20 janvier 1992 ;

2°) de mettre à la charge du ce...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 18 février et 17 juin 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Marcel X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 18 décembre 2003 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a limité à 40 000 euros la somme que le centre hospitalier régional universitaire de Montpellier a été condamné à lui verser en réparation des conséquences dommageables résultant de la perte de chance de se soustraire au risque auquel l'a exposé l'intervention chirurgicale du 20 janvier 1992 ;

2°) de mettre à la charge du centre hospitalier régional universitaire de Montpellier la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Philippe Mochon, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Roger, Sevaux, avocat de M. X, de la SCP Defrenois, Levis, avocat du centre hospitalier régional universitaire de Montpellier et de la SCP Peignot, Garreau, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de Privas,

- les conclusions de M. Terry Olson, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. X est resté atteint d'une paraplégie à la suite de l'intervention chirurgicale qu'il a subie le 20 janvier 1992 à l'hôpital Lapeyronnie dans le but de traiter une scoliose dorsale ; que, par un arrêt du 22 mars 2001, la cour administrative d'appel de Marseille a écarté la responsabilité du centre hospitalier régional universitaire de Montpellier sur le terrain de la faute mais l'a déclaré responsable des conséquences dommageables résultant pour M. X de la perte de chance de se soustraire au risque auquel l'a exposé l'intervention litigieuse par défaut d'information et a ordonné un complément d'expertise médicale avant de statuer sur la demande de réparation du préjudice ; que, par un nouvel arrêt du 18 décembre 2003, la cour administrative, statuant sur le préjudice, a fixé la perte de chance à 80 % et a condamné le centre hospitalier régional universitaire de Montpellier à verser à M. X la somme de 40 000 euros, après déduction du montant des sommes exposées par la caisse primaire d'assurance maladie de Privas ; que M. X se pourvoit en cassation contre cet arrêt, à l'encontre duquel le centre hospitalier régional universitaire a formé un pourvoi incident ;

Considérant que par un mémoire enregistré le 10 octobre 2005 le centre hospitalier régional universitaire de Montpellier a déclaré se désister de son pourvoi incident en tant qu'il est dirigé contre l'arrêt du 22 mars 2001 de la cour administrative d'appel de Marseille statuant sur le principe de sa responsabilité ; que rien ne s'oppose à ce qu'il soit donné acte de ce désistement ;

Sur l'arrêt de la cour administrative d'appel du 18 décembre 2003 en tant qu'il statue sur l'évaluation du préjudice :

Considérant qu'il ressort des termes de l'arrêt attaqué qu'après avoir relevé, d'une part, que la pathologie dont souffrait M. X était susceptible de donner lieu à une évolution défavorable, avec des risques connus d'insuffisance respiratoire et de paralysie, cette aggravation n'étant pas inéluctable et le risque pouvant être difficilement quantifié , que notamment, les examens préopératoires ne permettaient pas de déceler une souffrance neurologique qui aurait indiqué un risque de paralysie et, d'autre part, que le risque de paraplégie provoqué par l'intervention chirurgicale était inférieur à 1%, cette opération pouvant présenter d'autres risques y compris un risque de décès évalué entre 1% et 6%, la cour administrative a pu, par une motivation suffisante qui n'est pas entachée de contradiction, et sans dénaturer le rapport d'expertise, regarder comme nul le risque d'aggravation paralytique ou de décès en cas de renonciation à l'opération chirurgicale ; qu'eu égard aux incertitudes sur les délais et les probabilités de réalisation des complications pouvant résulter de l'évolution de l'état de M. X avant l'opération litigieuse, elle n'a pas non plus, contrairement à ce que soutient le centre hospitalier dans son pourvoi incident, dénaturé les faits qui lui étaient soumis en fixant à 80 % la perte de la chance de M. X de se soustraire au préjudice qu'il a subi du fait de l'intervention ;

Considérant que la cour n'a pas commis d'erreur de droit en déduisant, conformément aux dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, de la part de la condamnation mise à la charge du centre hospitalier représentative de la réparation des atteintes à l'intégrité physique de la victime le montant des sommes exposées par la caisse primaire d'assurance maladie de Privas ; qu'elle n'a pas entaché son arrêt d'une insuffisance de motivation en se contentant de relever que ce dernier montant, par ailleurs chiffré dans les visas de l'arrêt, excédait la part de la condamnation mise à la charge du centre hospitalier représentative de la réparation des atteintes à l'intégrité physique de la victime ;

Sur l'arrêt de la cour en tant qu'il ne se prononce pas sur les intérêts et les intérêts des intérêts :

Considérant que M. X soutient que la cour a omis de statuer sur les conclusions qu'il avait présentées devant elle tendant à ce que les sommes que le centre hospitalier serait condamné à lui verser portent intérêts et capitalisation des intérêts ; que ces conclusions, qui ne présentent pas le caractère d'un recours en rectification d'erreur matérielle, sont recevables devant le juge de cassation ; qu'il ressort des pièces soumises à la cour que celle-ci a omis de statuer sur les conclusions de M. X relatives aux intérêts et aux intérêts des intérêts ; que par suite l'arrêt attaqué doit être, dans cette mesure, annulé ;

Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant, d'une part, que lorsqu'ils ont été demandés, et quelle que soit la date de cette demande, les intérêts moratoires dus en application de l'article 1153 du code civil courent à compter du jour où la demande de paiement du principal est parvenue au débiteur ou, en l'absence d'une telle demande, préalablement à la saisine du juge, à compter du jour de cette saisine ; que, par suite, M. X a droit aux intérêts au taux légal afférents à la somme de 40 000 euros à compter du 16 mai 1994, date de sa demande préalable au centre hospitalier ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 1154 du code civil : Les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière ; que pour l'application des dispositions précitées la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond ; que cette demande prend toutefois effet au plus tôt à la date à laquelle elle est enregistrée et pourvu qu'à cette date il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière ; que, le cas échéant, la capitalisation s'accomplit à nouveau à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande ; que M. X a demandé par un mémoire du 15 novembre 2000 la capitalisation des intérêts ; qu'à cette date les intérêts étaient dus pour au moins une année entière ; qu'il y a lieu dès lors de faire droit à cette demande tant à cette date qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge du centre hospitalier régional universitaire de Montpellier la somme de 1 500 euros que M. X demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. X qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante la somme que demande le centre hospitalier régional universitaire de Montpellier au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il est donné acte du désistement par le centre hospitalier régional universitaire de Montpellier de son pourvoi incident en tant qu'il est dirigé contre l'arrêt du 22 mars 2001 de la cour administrative d'appel de Marseille.

Article 2 : L'arrêt de la cour administrative de Marseille en date du 18 décembre 2003 est annulé en tant qu'il a omis de statuer sur les conclusions présentées par M. X tendant à ce que les sommes que le centre hospitalier régional universitaire de Montpellier est condamné à lui verser soient assorties des intérêts de droit ainsi que de la capitalisation de ces intérêts.

Article 3 : La somme que le centre hospitalier régional universitaire de Montpellier est condamné à verser à M. X en vertu de l'article 1er de l'arrêt de la cour administrative de Marseille en date du 18 décembre 2003 sera assortie des intérêts légaux à compter du 16 mai 1994. Les intérêts échus à la date du 15 novembre 2000 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 4 : Le centre hospitalier régional universitaire de Montpellier versera à M. X une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.

Article 6 : Le pourvoi incident et les conclusions du centre hospitalier régional universitaire de Montpellier tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : La présente décision sera notifiée à M. Marcel X, au centre hospitalier régional universitaire de Montpellier et à la caisse primaire d'assurance maladie de Privas et au ministre de la santé et des solidarités.


Synthèse
Formation : 5eme et 4eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 264695
Date de la décision : 16/12/2005
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 16 déc. 2005, n° 264695
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Genevois
Rapporteur ?: M. Jean-Philippe Mochon
Rapporteur public ?: M. Olson
Avocat(s) : SCP ROGER, SEVAUX ; SCP DEFRENOIS, LEVIS ; SCP PEIGNOT, GARREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:264695.20051216
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