AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à M. René X... du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. Robert X... et M. Y..., et à M. Patrick X... du désistement de son pourvoi incident en ce qu'il est dirigé contre M. Robert X... ;
Attendu que Charles Z..., ayant épousé, en 1952, sous le régime de la séparation de biens, Georgette A..., laquelle avait eu deux enfants d'un précédent mariage, MM. Robert et René X..., est décédé le 27 janvier 1991 ; que, sur instruction de Georgette A..., le notaire chargé de la liquidation de la succession a réalisé les valeurs mobilières en dépendant et a transféré le montant obtenu sur un compte ouvert en son étude ; qu'après le décès de Georgette A... , le 17 octobre 1993, il a été découvert un testament établi le 30 mars 1987 par Charles Z... qui instituait son épouse légataire universelle en précisant que tous les biens légués dont elle n'aurait pas disposé de son vivant seraient dévolus au fils de M. Robert X... , M. Patrick X... ; que, par un précédent arrêt (1re Civ., 6 juillet 2000, pourvoi n° 98-10.641) a été cassée la décision confirmative de la cour d'appel de Nîmes déboutant M. Patrick X... de sa demande tendant à ce qu'il soit reconnu légataire des sommes provenant de la vente des valeurs mobilières dépendant de la succession de Charles Z... ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal :
Attendu que M. René X... fait grief à l'arrêt attaqué (Montpellier, 3 novembre 2003) d'avoir dit que M. Y..., notaire, devrait verser à M. Patrick X... la somme de 76 853,59 euros qu'il détenait encore, au titre de l'exécution du legs de residuo et d'avoir condamné ce notaire, en tant que de besoin, ainsi que MM. Robert et René X..., à payer cette somme à M. Patrick X... alors, selon le moyen :
1 / que le legs de residuo est caduc lorsque la chose, objet du legs, a été cédée par le premier légataire ; que tel est le cas d'un portefeuille de valeurs mobilières, lesquelles ont été vendues sans que le produit de cette vente n'ait été affecté à leur remplacement par d'autres titres ; qu'en l'espèce, Mme A..., qui avait vendu l'intégralité des valeurs mobilières constituant l'actif du portefeuille boursier des époux Z... pour transférer les fonds issus de cette vente sur un compte ouvert chez le notaire, et ce, en vue de constituer un capital pour ses deux enfants, avait ainsi effectué un acte de disposition sur les biens constituant le legs litigieux ; qu'en décidant dès lors le contraire, la cour d'appel a violé les articles 896 et 1040 du code civil ;
2 / que l'existence du legs de residuo n'est pas subordonnée à l'absence de toute transmission des biens par le premier légataire à ses héritiers ; que dès lors que celui-ci a disposé des fonds constituant initialement le legs, il n'y a plus de residuum au profit du second légataire ;
qu'en l'espèce, il était constant que Mme Charles Z..., après avoir donné l'ordre à son notaire de procéder à la vente des valeurs obligataires, avait fait regrouper ses fonds propres avec le prix de cession du portefeuille de valeurs mobilères, vidant ainsi la substance du legs de residuo ; qu'en décidant néanmoins que ce legs devait être exécuté par la considération que les fonds n'avaient pas été transférés aux fils de Mme veuve Z..., la cour d'appel a ajouté une condition à la loi et a derechef violé les articles 896 et 1040 du code civil ;
3 / alors qu'il résultait des pièces régulièrement versées aux débats, notamment de la déclaration de succession de Mme Charles Z..., des extraits de comptes joints Z...-X... et de la procuration établie par acte notarié le 28 août 1991 par laquelle Mme Z... donnait pouvoir à son fils, René, de "régir, gérer et administrer tous les biens et affaires présents et à venir ..." que Mme Z... avait transféré la totalité de ses avoirs à son fils ; qu'en conséquence, en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a en toute hypothèse dénaturé par omission les documents précités, en violation de l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu que l'arrêt relève que les valeurs mobilières dépendant de la succession de Charles Z... avaient été négociées en 1992 et le produit placé sur un compte "succession Charles Z...", en l'étude du notaire et retient qu'en procédant à leur réalisation et en conservant les fonds sur un compte succession, Georgette A... n'avait pas effectué un acte de disposition quant à ces valeurs, mais une simple opération de gestion ; que, même si l'on retenait qu'elle avait l'intention de constituer un capital pour ses fils, force était de constater que les fonds n'avaient subi aucun transfert de propriété et qu'elle n'en avait pas disposé ; qu'en statuant ainsi, hors toute dénaturation, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident :
Attendu que M. Patrick X... reproche à l'arrêt d'avoir dit que M. Y... devra lui verser la seule somme de 76 853,59 euros, de l'avoir, en tant que de besoin, ainsi que MM. Robert et René X..., condamné à la lui payer alors, suivant le moyen que le legs de residuo a pour objet les biens légués dont le premier légataire n'a pas disposé ;
qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de l'arrêt que le montant du portefeuille de valeurs mobilières de Charles Z... s'élevait, au décès de son épouse, légataire universelle de ses biens, à la somme de 80 790,21 euros ; que cette somme constituait donc le legs de residuo revenant à Patrick X... ; qu'en condamnant, cependant, M. Y..., notaire, en tant que de besoin, ainsi que Robert et René X... à ne payer à Patrick X..., légataire de residuo, que la somme de 76 853,59 euros, au motif inopérant que seul ce montant était détenu par le notaire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences qui s'évinçaient de ses propres constatations et a violé l'article 1002 du code civil ;
Mais attendu que M. Patrick X... dans ses écritures devant la cour d'appel n'a poursuivi la restitution que de la somme détenue par M. Y... , 76 857 euros, et la condamnation solidaire de M. Y... et de MM. Robert et René X... au paiement de dommages-intérêts en réparation des fautes qu'il leur imputait, d'où il suit que le moyen manque en fait ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi principal et le pourvoi incident ;
Laisse à M. René X... et à M. Patrick X... la charge des dépens afférents à leur pourvoi respectif ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept juin deux mille six.