Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D...-A... a demandé au tribunal administratif de Limoges de condamner le département de la Creuse à lui verser la somme de 15 000 euros en réparation du préjudice moral subi à la suite de l'accident mortel de la circulation dont ses parents ont été victimes le 1er décembre 2006.
Par un jugement n° 1300682 du 7 avril 2016, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 24 mai 2016 et un mémoire enregistré le 17 mars 2017, Mme D...-A..., représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 7 avril 2016 ;
2°) de condamner le département de la Creuse à lui verser la somme de 15 000 euros en réparation du préjudice moral subi à la suite de l'accident mortel de la circulation dont ses parents ont été victimes le 1er décembre 2006 ;
3°) de mettre à la charge du département de la Creuse une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les éléments indispensables à la connaissance et à la compréhension des circonstances de l'accident ayant été rapportés par le complément d'enquête de février 2009, ses conclusions indemnitaires ne sont pas prescrites ;
- la présence de verglas, à l'origine de l'accident, sur la route départementale 982 révèle un défaut d'entretien normal ; le caractère inadapté de la signalisation révèle également un défaut d'entretien normal, la seule présence d'un panneau " verglas fréquent " n'étant pas suffisante pour prévenir les usagers des risques que présentait la circulation dans cette zone régulièrement et habituellement touchée par la présence de verglas sur la chaussée ; les mesures prises à la suite de l'accident révèlent que les services de la collectivité ont tiré les conséquences de l'accident ;
- la circonstance qu'aucune intervention pour traiter la chaussée n'ait été réalisée avant l'accident révèle un défaut d'organisation du service.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 janvier 2017, le département de la Creuse conclut au rejet de la requête et à ce que la cour mette à la charge de la requérante une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la portion de voirie concernée est habituellement soumise à des risques de verglas à raison du climat local ;
- si deux véhicules ont connu des sorties de route liées à la présence du verglas avant l'accident mortel impliquant les parents de la requérante, ces accidents n'ont donné lieu à aucun signalement auprès des services du département, ce qui n'a pas permis de traiter la zone sinistrée ;
- les prévisions météorologiques communiquées pour la nuit en cause ne faisaient état que d'une probabilité faible, un risque ni " probable ", ni " certain ", quant à la présence de verglas sur la zone concernée par l'accident ; aucun signalement particulier de la part des services de Météo France n'imposait une prise en charge particulière et préalable du lieu en cause ;
- l'insuffisance de la signalisation routière quant aux risques de verglas n'est pas caractérisée par la modification ultérieure de celle-ci ;
- la présence de verglas sur la RD 982 au niveau du col de Massoubre ne tenant qu'à des contingences climatiques, la signalisation existante, qui consistait en des panneaux indiquant aux usagers les risques de verglas, doit être regardée comme suffisante ;
- l'accident de la circulation, fait générateur du préjudice moral subi par la requérante est intervenu le 1er décembre 2006, la prescription quadriennale était donc acquise à la date d'enregistrement de la demande devant le tribunal administratif de Limoges le 24 avril 2013 ; les circonstances de l'accident étaient connues avant l'intervention du complément d'enquête mené de novembre 2008 à février 2009.
Par ordonnance du 27 novembre 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 8 janvier 2018 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur ;
- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Le 1er décembre 2006, vers 8h15, le véhicule que conduisait M.A..., sur la route départementale 982 à proximité du col de Massoubre sur le territoire de la commune du Mas d'Artige (Creuse), a dérapé sur une plaque de verglas, quitté sa voie de circulation et percuté une voiture qui circulait en sens inverse. M. A...et son épouse, passagère du véhicule, ont été tués sur le coup. Mme D...-A..., leur fille, relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à la condamnation du département de la Creuse à réparer le préjudice moral qu'elle a subi.
Sur la responsabilité du département de la Creuse :
2. En premier lieu, il résulte de l'instruction et notamment du bulletin météorologique publié par Météo France le 30 novembre 2006 au matin, utilisé par les services du département pour déterminer la nécessité de prendre des mesures préventives particulières de surveillance ou de traitement du réseau routier dans un secteur déterminé, que, pour la période du 30 novembre à 18h00 au 1er décembre à 8h00, " des brumes ou brouillards, localement épais dans les plaines et les fonds de vallées ", des " risques de petites gelées locales ", et " des températures minimales (...) [restant] souvent positives ", et de " -1 à 0 dans les zones à l'abri du vent du Sud " étaient prévus. Le bulletin prévoyait également que le risque de verglas était faible dans l'ensemble du département, sans laisser apparaître de risques particuliers pour la zone du col de Massoubre où s'est produit l'accident.
3. En deuxième lieu, s'il est constant que deux accidents matériels de la circulation se sont produits peu avant l'accident mortel dont ont été victimes les parents de la requérante, il ne résulte pas de l'instruction que les services du département auraient été prévenus de ces deux accidents. Par ailleurs, la présence de verglas à cette date et sur cette route située à 895 mètres d'altitude n'excède pas les risques ordinaires de la circulation contre lesquels les usagers de la voie publique sont tenus de se prémunir, en prenant toutes les précautions utiles.
4. En troisième lieu, la présence d'un panneau de signalisation portant la mention " verglas fréquent " constituait en l'espèce une mesure suffisante d'information des usagers de cette route et la circonstance que des travaux, notamment d'élagage et pose de glissières de sécurité, ont été entrepris après l'accident pour permettre de réduire les risques afférents à la formation de plaques de verglas sur la chaussée ne suffit pas à caractériser un défaut d'entretien normal de la chaussée par les services du département.
5. En dernier lieu, Mme D...-A... soutient également que la circonstance que les services du département ne sont pas intervenus pour traiter la chaussée alors que deux accidents se sont produits avant l'accident dont ont été victimes ses parents révèle un défaut d'organisation du service. Toutefois, et d'une part, ainsi que cela a été dit au point 4, compte tenu des informations météorologiques dont disposaient les services de l'équipement, la circonstance qu'ils ne soient pas intervenus avant l'accident ne révèle pas un défaut d'organisation du service. D'autre part, il résulte de l'instruction qu'une fois l'information sur la dangerosité de la chaussée portée à la connaissance des services compétents, la route a été traitée deux heures après, ce qui démontre que les services du département disposaient des moyens nécessaires pour remédier à la situation.
6. Il résulte de ce qui précède que la formation de verglas le matin de l'accident ne revêtait pas un caractère prévisible et que la responsabilité du département de la Creuse ne saurait être engagée pour avoir omis de traiter la portion de route sur laquelle s'est produit l'accident ni pour s'être abstenu de mettre en place une signalisation adéquate.
7. Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'exception de prescription quadriennale opposée par le département de la Creuse, il résulte de ce qui précède que Mme D...-A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté ses conclusions indemnitaires.
Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :
8. Le département de la Creuse n'ayant pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à sa charge le versement à Mme D...-A... d'une somme au titre des frais qu'elle a exposés pour l'instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la requérante le paiement de la somme demandée par le département au titre de ces mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme D...-A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le département de la Creuse sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...D...-A... et au département de la Creuse.
Délibéré après l'audience du 15 mars 2018 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,
Mme Cécile Cabanne, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 26 avril 2018.
Le rapporteur,
Jean-Claude PAUZIÈSLe président,
Catherine GIRAULT
Le greffier,
Virginie MARTY
La République mande et ordonne au préfet de la Creuse en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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No 16BX01718