LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa quatrième branche :
Vu l'article L. 137-2 du code de la consommation ;
Attendu, d'abord, qu'en vertu de l'article L. 137-2 du code de la consommation, l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans ; qu'ensuite, ne perd pas la qualité de consommateur la personne physique qui, agissant à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale, souscrit un prêt de nature spéculative ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, suivant offre préalable acceptée le 13 décembre 2006, la société Nordea Bank (la banque) a consenti à M. et Mme X... un prêt d'un montant de 550 000 euros, assorti d'un taux d'intérêt variable et garanti par une hypothèque ; que la banque a notifié aux emprunteurs la déchéance du terme, avant de leur délivrer un commandement de payer valant saisie immobilière, puis de les assigner devant le juge de l'exécution ;
Attendu que, pour déclarer prescrite l'action en recouvrement de la banque, l'arrêt retient que le prêt litigieux devait être financé grâce à une opération spéculative, l'acceptation de l'aléa au coeur du marché boursier conduisant à exclure les dispositions favorables d'une prescription abrégée dérogatoire au droit commun, réservée à des contrats énumérés par le législateur souscrits pour des besoins ordinaires ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses énonciations que le prêt litigieux avait été souscrit à des fins étrangères à l'activité professionnelle de M. et Mme X..., la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les trois premières branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la demande en nullité du commandement de payer valant saisie immobilière délivré le 10 juillet 2013, l'arrêt rendu le 17 avril 2015, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne la société Nordea Bank aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux septembre deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Odent et Poulet, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X...
II est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré non prescrite l'action en recouvrement introduite par une banque (la société Nordea Bank) contre des emprunteurs (M. et Mme X...) et d'avoir, en conséquence, validé le commandement de payer valant saisie immobilière délivré le 10 juillet 2013 et les actes subséquents et dit n'y avoir lieu à la radiation du commandement ;
AUX MOTIFS QU'il n'était pas contestable que les dispositions de l'article L. 137-2 du code de la consommation s'appliquent dans les relations entre un professionnel et un consommateur ; qu'il n'était pas contesté que le contrat litigieux entrait dans le cadre d'une opération de crédit réalisée ou envisagée dans un but étranger à l'activité commerciale ou professionnelle des époux X..., le prêt ayant été conclu pour des besoins de trésorerie ; qu'ainsi, les époux X... avaient la qualité d'emprunteur ou de consommateur, conformément à l'article L. 311-1 du code de la consommation ; que ce prêt, conclu pour un montant excédant celui fixé par décret de 21.500 € avant l'entrée en vigueur du décret du 1er février 2011, en l'espèce 500.000 €, excluait le bénéfice des dispositions protectrices applicables aux prêts à la consommation ; que ce prêt n'était pas réalisé pour financer une acquisition ou des dépenses en matière immobilière ; que les époux X... ne pouvaient prétendre à la qualité de consommateurs au sens du code de la consommation, telle qu'introduite dans ce code par la loi du 17 mars 2014 en son article 3, inséré dans un article préliminaire, savoir qu'est considérée comme un consommateur toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale, à la date de conclusion du contrat litigieux ; qu'en effet, le prêt conclu fin 2006 était un produit multidevises à taux variable Euribor ou Libor converti le jour du prêt selon les dispositions contractuelles, en francs CHF, le placement par contrat auprès d'une société tiers des actifs du produit d'assurance-vie permettant de financer l'emprunt ainsi que la baisse des taux d'intérêts et la variation de parité euro/franc suisse qui serait favorable aux emprunteurs, l'acceptation de l'aléa au coeur du marché boursier conduisant à exclure les dispositions favorables d'une prescription abrégée dérogatoire au droit commun réservée à des contrats énumérés par le législateur souscrits pour des besoins ordinaires, les emprunteurs devant supporter les risques d'un choix spéculatif qui leur était personnel ; que, dès lors, les intimés ne pouvaient revendiquer le bénéfice des dispositions de la prescription abrégée de l'article L. 137-2 du code de la consommation, ce dont il s'ensuivait que la prescription de droit commun était applicable ;
1° ALORS QUE la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en énonçant tout à la fois que M. et Mme X... avaient la qualité de consommateurs (arrêt, p. 6 § 12) et qu'ils ne l'avaient pas (arrêt, p. 7 § 1), la cour d'appel a méconnu les prescriptions de l'article 455 du code de procédure civile ;
2° ALORS QUE la finalité d'épargne constituée par spéculation boursière d'un prêt de trésorerie ne fait pas perdre à l'emprunteur sa qualité de consommateur, quand le prêt n'a pas été contracté dans le cadre d'une activité professionnelle ; qu'en énonçant que M. et Mme X... ne pouvaient prétendre à la qualité de consommateur, car le prêt en cause avait été contracté pour financer une opération d'épargne reposant sur la spéculation boursière, la cour d'appel a violé les articles L. 137-2 et L. 311-1 du code de la consommation, ensemble l'article préliminaire de ce même code ;
3° ALORS QUE la prescription abrégée s'applique à tous les prêts bancaires contractés par une personne physique dans un but étranger à son activité professionnelle ; qu'en ayant limité le champ d'application de la prescription abrégée aux prêts immobiliers et aux prêts à la consommation, la cour d'appel a violé les articles L. 137-2, L. 311-1 et L. 311-3 du code de la consommation ;
4° ALORS QUE la prescription abrégée s'applique à un prêt de trésorerie destiné à financer une opération de spéculation boursière, dès lors qu'il a été contracté par un consommateur ; qu'en excluant le prêt de trésorerie en cause du champ d'application de la prescription abrégée, au motif qu'il avait pour but de financer une opération d'épargne reposant sur une spéculation boursière, la cour d'appel a violé l'article L. 137-2 du code de la consommation.