LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 632-1, 6°, du code de commerce, ensemble l'article L. 641-14 du même code ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que pour garantir sa créance d'honoraires dus en rémunération de prestations antérieures, la société d'avocats Winston et Strawn (le créancier) a obtenu de son client, la société Stanko France (le débiteur), une hypothèque qui lui a été consentie le 25 juin 2008 ; que l'immeuble grevé a été vendu ; que le 9 mars 2009, le notaire instrumentaire a versé au créancier le montant de sa créance et ce dernier a donné mainlevée de l'inscription ; que le débiteur a été mis en liquidation judiciaire le 2 novembre 2009 ; que la date de cessation des paiements ayant été fixée au 3 mai 2008, par une décision irrévocable du 27 mars 2014, le liquidateur a assigné le créancier en annulation, sur le fondement de l'article L. 632-1, 6°, du code de commerce, de l'hypothèque consentie le 25 juin 2008 et du paiement intervenu ;
Attendu que pour rejeter la demande d'annulation du paiement, l'arrêt retient que l'article L. 632-1, 6°, du code de commerce, sur lequel le liquidateur judiciaire fonde son action, ne vise que la nullité des hypothèques consenties pour des dettes antérieurement contractées et non le paiement de dettes échues, et pour lesquelles le créancier bénéficiait d'une hypothèque ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'est nul de droit le paiement reçu par préférence sur le prix de l'immeuble grevé en vertu d'une hypothèque elle-même nulle de droit pour avoir été consentie au cours de la période suspecte pour dettes antérieurement contractées, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de M. O..., en qualité de liquidateur de la société Stanko France, de sa demande de paiement de la somme 245 183,72 euros, l'arrêt rendu le 20 février 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Winston et Strawn aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. O..., en sa qualité de liquidateur de la société Stanko France, la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix juillet deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour M. O..., en sa qualité de liquidateur de la société Stanko France
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, infirmant partiellement le jugement entrepris, débouté Maître O..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Stanko France, de sa demande de paiement de la somme de 245.183,72 euros ;
Aux motifs propres que « le liquidateur judiciaire sollicite la nullité de l'hypothèque du 25 juin2008, du protocole du même jour et du paiement qui a suivi, en se fondant sur l'article L. 632-1, 6° du code de commerce, qui prévoit qu'est nulle de plein droit toute hypothèque constituée pendant la période suspecte sur les biens du débiteur au titre de dettes antérieurement contractées ; que les premiers juges ont prononcé la nullité de l'hypothèque et condamné la société Winston et Strawn à payer à Maître O..., ès qualités, uniquement la somme de 245 183,72 euros, correspondant aux honoraires relatifs à des prestations antérieures à la prise d'hypothèque, mais n'ont pas fait droit à sa demande de restitution de la somme de 59 800 euros correspondant aux honoraires relatifs à des prestations postérieures à la prise d'hypothèque ; que la société Winston et Strawn fait valoir qu'elle était le conseil de la société Stanko France pour laquelle elle a initié 14 procédures judiciaires et que sa première facture impayée, en date du 27 mars 2007 était d'un montant de 33 543,10 euros ; qu'elle précise, qu'au 25 juin 2008, la totalité des factures impayées s'élevait à la somme de 245 183,72 euros ; qu'elle expose que c'est ainsi que, pour sûreté de sa créance, la société Stanko lui a consenti une hypothèque, que neuf mois après la signature du protocole et de l'hypothèque, le bien hypothéqué a été cédé pour 740000 euros et que consécutivement à cette vente, elle a perçu la somme de 304 983,72 euros, correspondant d'une part, à hauteur de 245 183,72 euros, au montant des factures impayées au jour de la signature du protocole et, d'autre part, pour 49 203,60 euros aux diligences accomplies postérieurement à la signature de ce protocole et donc de la constitution de l'hypothèque ; que si elle convient que l'hypothèque encourt la nullité de plein droit des actes passés en période suspecte, elle soutient que tel n'est pas le cas du protocole d'accord, ainsi que du paiement intervenu ; qu'elle prétend que s'agissant du paiement, celui-ci obéit au régime des nullités facultatives qui impose de démontrer que le cocontractant avait connaissance de l'état de cessation des paiements de la société débitrice et conteste donc la nullité du paiement effectué le 5 mars 2009 faisant valoir que l'annulation de l'acte hypothécaire n'entraîne pas la nullité subséquente du paiement effectué en exécution de cet acte ; que de son côté, Maître O..., es qualités, soutient que sont nuls les actes passés à la suite ou en exécution d'un acte nul et que le paiement de la somme de 304 983,72 euros, au profit de la société Winston et Strawn, est bien un acte subséquent à la constitution de l'hypothèque conventionnelle ; qu'il fait valoir que l'objet même de la prise d'hypothèque est de parvenir à un paiement préférentiel, qu'un tel paiement a un effet extinctif de l'hypothèque, ce paiement étant d'ailleurs la condition essentielle posée par courrier du 3 mars 2009 par la société Winston et Strawn pour consentir à la mainlevée de l'hypothèque en ces termes au notaire rédacteur de l'acte de vente du bien hypothéqué : « nous vous confirmons qu'en contrepartie du versement de la somme de 304.983,72 euros, il pourra être procédé à la main levée de l'hypothèque » ; qu'il relève que l'article L. 634-2 du code de commerce précise que les actions en nullité des actes passés en période suspecte ont pour objectif de reconstituer l'actif du débiteur, ce qui implique d'annuler le paiement qui a été effectué consécutivement à la prise d'hypothèque ; que cependant, la liste des actes qui doivent être annulés en application de l'article L. 632-1 du code de commerce est limitative et d'interprétation stricte ; qu'en l'espèce, l'article L. 632-1, 6° du code de commerce, sur lequel le liquidateur judiciaire fonde son action, ne vise que la nullité des hypothèques consenties pour des dettes antérieurement contractées et non le paiement de dettes échues, et pour lesquelles le créancier bénéficiait d'une hypothèque, ni les actes ou protocoles accompagnant la prise d'hypothèque ; qu'il s'ensuit que, s'il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a annulé l'hypothèque conventionnelle constituée pendant la période suspecte, en revanche, faute pour le liquidateur d'invoquer les nullités facultatives sanctionnant le paiement de dettes échues et de démontrer que la société Winston et Strawn avait connaissance de l'état de cessation des paiements de la société Stanko France, il n'y a pas lieu de prononcer la nullité du Protocole, ni du paiement de la somme de 304 983,72 euros ; que le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a condamné la société Winston et Strawn à payer à Maître O..., ès qualités, la somme de 245 183,72 euros ;
1) Alors qu'est nul le paiement qui n'est intervenu que par l'effet d'une hypothèque annulée sur le fondement de l'article L. 632-1 du code de commerce ; qu'en retenant, pour débouter Maître O..., ès qualités de sa demande de paiement de la somme de 245 183,72 €, que la liste des actes qui doivent être annulés en application de l'article L. 632-1 du code de commerce est limitative et d'interprétation stricte, qu'en l'espèce, l'article L. 632-1, 6° du code de commerce, sur lequel le liquidateur judiciaire fonde son action, ne vise que la nullité des hypothèques consenties pour des dettes antérieurement contractées et non le paiement de dettes échues, et pour lesquelles le créancier bénéficiait d'une hypothèque, ni les actes ou protocoles accompagnant la prise d'hypothèque, qu'il s'ensuit que, s'il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a annulé l'hypothèque conventionnelle constituée pendant la période suspecte, en revanche, faute pour le liquidateur d'invoquer les nullités facultatives sanctionnant le paiement de dettes échues et de démontrer que la société Winston et Strawn avait connaissance de l'état de cessation des paiements de la société Stanko France, il n'y a pas lieu de prononcer la nullité du Protocole, ni du paiement de la somme de 304 983,72 euros, la cour d'appel a violé l'article L. 632-1 du code de commerce ;
2) Alors que la nullité de plein droit de l'article L. 632-1 du code de commerce s'entend de l'acte d'hypothèque et de tous les actes qui s'ensuivent, en ce y compris le paiement de la dette que l'hypothèque vient garantir ; qu'en retenant, pour débouter Maître O..., ès qualités de sa demande de paiement de la somme de 245 183,72 €, que la liste des actes qui doivent être annulés en application de l'article L. 632-1 du code de commerce est limitative et d'interprétation stricte, qu'en l'espèce, l'article L. 632-1, 6° du code de commerce, sur lequel le liquidateur judiciaire fonde son action, ne vise que la nullité des hypothèques consenties pour des dettes antérieurement contractées et non le paiement de dettes échues, et pour lesquelles le créancier bénéficiait d'une hypothèque, ni les actes ou protocoles accompagnant la prise d'hypothèque, qu'il s'ensuit que, s'il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a annulé l'hypothèque conventionnelle constituée pendant la période suspecte, en revanche, faute pour le liquidateur d'invoquer les nullités facultatives sanctionnant le paiement de dettes échues et de démontrer que la société Winston et Strawn avait connaissance de l'état de cessation des paiements de la société Stanko France, il n'y a pas lieu de prononcer la nullité du Protocole, ni du paiement de la somme de 304 983,72 euros, la cour d'appel a violé l'article L. 632-1 du code de commerce ;
3) Alors que ce qui est nul ne produit aucun fruit et que l'hypothèque nulle ne peut valablement entraîner un paiement ; qu'en retenant, pour débouter Maître O..., ès qualités de sa demande de paiement de la somme de 245 183,72 €, que la liste des actes qui doivent être annulés en application de l'article L. 632-1 du code de commerce est limitative et d'interprétation stricte, qu'en l'espèce, l'article L. 632-1, 6° du code de commerce, sur lequel le liquidateur judiciaire fonde son action, ne vise que la nullité des hypothèques consenties pour des dettes antérieurement contractées et non le paiement de dettes échues, et pour lesquelles le créancier bénéficiait d'une hypothèque, ni les actes ou protocoles accompagnant la prise d'hypothèque, qu'il s'ensuit que, s'il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a annulé l'hypothèque conventionnelle constituée pendant la période suspecte, en revanche, faute pour le liquidateur d'invoquer les nullités facultatives sanctionnant le paiement de dettes échues et de démontrer que la société Winston et Strawn avait connaissance de l'état de cessation des paiements de la société Stanko France, il n'y a pas lieu de prononcer la nullité du Protocole, ni du paiement de la somme de 304 983,72 euros, la cour d'appel a violé l'article L. 632-1 du code de commerce ;
4) Alors que l'extinction de l'obligation principale est un mode d'extinction incident de l'hypothèque de sorte que le paiement du prix est indissociable de l'hypothèque et que la nullité de plein droit de l'hypothèque entraîne forcément la nullité subséquente du paiement ; qu'en retenant, pour débouter Maître O..., ès qualités de sa demande de paiement de la somme de 245 183,72 €, que la liste des actes qui doivent être annulés en application de l'article L. 632-1 du code de commerce est limitative et d'interprétation stricte, qu'en l'espèce, l'article L. 632-1, 6° du code de commerce, sur lequel le liquidateur judiciaire fonde son action, ne vise que la nullité des hypothèques consenties pour des dettes antérieurement contractées et non le paiement de dettes échues, et pour lesquelles le créancier bénéficiait d'une hypothèque, ni les actes ou protocoles accompagnant la prise d'hypothèque, qu'il s'ensuit que, s'il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a annulé l'hypothèque conventionnelle constituée pendant la période suspecte, en revanche, faute pour le liquidateur d'invoquer les nullités facultatives sanctionnant le paiement de dettes échues et de démontrer que la société Winston et Strawn avait connaissance de l'état de cessation des paiements de la société Stanko France, il n'y a pas lieu de prononcer la nullité du Protocole, ni du paiement de la somme de 304 983,72 euros, la cour d'appel a violé l'article L. 632-1 du code de commerce ;
5) Alors que la finalité des nullités de la période suspecte des articles L. 632-1 et L. 632-2 du code de commerce est de reconstituer l'actif du débiteur ; qu'en retenant, pour débouter Maître O..., ès qualité de sa demande de paiement de la somme de 245 183,72, que la liste des actes qui doivent être annulés en application de l'article L. 632-1 du code de commerce est limitative et d'interprétation stricte, qu'en l'espèce, l'article L. 632-1, 6° du code de commerce, sur lequel le liquidateur judiciaire fonde son action, ne vise que la nullité des hypothèques consenties pour des dettes antérieurement contractées et non le paiement de dettes échues, et pour lesquelles le créancier bénéficiait d'une hypothèque, ni les actes ou protocoles accompagnant la prise d'hypothèque, qu'il s'ensuit que, s'il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a annulé l'hypothèque conventionnelle constituée pendant la période suspecte, en revanche, faute pour le liquidateur d'invoquer les nullités facultatives sanctionnant le paiement de dettes échues et de démontrer que la société Winston et Strawn avait connaissance de l'état de cessation des paiements de la société Stanko France, il n'y a pas lieu de prononcer la nullité du Protocole, ni du paiement de la somme de 304 983,72 euros, la cour d'appel a violé l'article L. 632-1 du code de commerce, ensemble l'article L. 632-4 du même code ;
6) Alors que la fraude est le fondement des nullités de la période suspecte et que la paiement fait en application de l'hypothèque nulle, au titre de l'article L. 632-1 du code de commerce, est frauduleux ; qu'en retenant, pour débouter Maître O..., ès qualités de sa demande de paiement de la somme de 245 183,72 €, que la liste des actes qui doivent être annulés en application de l'article L. 632-1 du code de commerce est limitative et d'interprétation stricte, qu'en l'espèce, l'article L. 632-1, 6° du code de commerce, sur lequel le liquidateur judiciaire fonde son action, ne vise que la nullité des hypothèques consenties pour des dettes antérieurement contractées et non le paiement de dettes échues, et pour lesquelles le créancier bénéficiait d'une hypothèque, ni les actes ou protocoles accompagnant la prise d'hypothèque, qu'il s'ensuit que, s'il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a annulé l'hypothèque conventionnelle constituée pendant la période suspecte, en revanche, faute pour le liquidateur d'invoquer les nullités facultatives sanctionnant le paiement de dettes échues et de démontrer que la société Winston et Strawn avait connaissance de l'état de cessation des paiements de la société Stanko France, il n'y a pas lieu de prononcer la nullité du Protocole, ni du paiement de la somme de 304 983,72 euros, la cour d'appel a violé l'article L. 632-1 du code de commerce ;
7) Alors que le juge ne doit pas dénaturer les éléments de preuves produits par les parties et qu'il ressortait clairement des documents produits par les parties que le paiement était indissociable de l'hypothèque ; qu'en retenant, pour débouter Maître O..., ès qualités de sa demande de paiement de la somme de 245 183,72, que la liste des actes qui doivent être annulés en application de l'article L. 632-1 du code de commerce est limitative et d'interprétation stricte, qu'en l'espèce, l'article L. 632-1, 6° du code de commerce, sur lequel le liquidateur judiciaire fonde son action, ne vise que la nullité des hypothèques consenties pour des dettes antérieurement contractées et non le paiement de dettes échues, et pour lesquelles le créancier bénéficiait d'une hypothèque, ni les actes ou protocoles accompagnant la prise d'hypothèque, qu'il s'ensuit que, s'il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a annulé l'hypothèque conventionnelle constituée pendant la période suspecte, en revanche, faute pour le liquidateur d'invoquer les nullités facultatives sanctionnant le paiement de dettes échues et de démontrer que la société Winston et Strawn avait connaissance de l'état de cessation des paiements de la société Stanko France, il n'y a pas lieu de prononcer la nullité du Protocole, ni du paiement de la somme de 304 983,72 euros, la cour d'appel a dénaturé la lettre du 3 mars 2009 ainsi que l'acte notarié de quittance et mainlevée et a violé l'article 1103 du code civil, ensemble le principe selon lequel les juges du fond ne peuvent dénaturer les documents de la cause.