LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme B..., qui avait cessé son activité d'infirmière libérale, a été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 23 juillet et 21 novembre 2013 ; que la cour d'appel ayant infirmé le jugement de liquidation et renvoyé le dossier devant le tribunal, celui-ci, après avoir ouvert une période d'observation, a prononcé une nouvelle fois la liquidation judiciaire de Mme B... ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles L. 631-1, alinéa 2, et L. 640-1 du code de commerce ;
Attendu que la cessation d'activité d'une personne physique ne fait pas obstacle à l'adoption d'un plan de redressement ayant pour seul objet l'apurement de son passif ;
Attendu que, pour confirmer le prononcé de la liquidation judiciaire, l'arrêt retient que la cessation d'activité exclut l'élaboration d'un plan de redressement judiciaire lequel, selon l'article L. 631-1, alinéa 2, du code de commerce, doit tendre à permettre non seulement l'apurement du passif mais dans le même temps la poursuite de l'activité de l'entreprise et le maintien de l'emploi ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le moyen, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que pour statuer comme il fait, l'arrêt retient que la proposition de Mme B... d'apurer le passif en lui affectant la quasi-totalité de la rente d'invalidité qui constitue son unique revenu n'est pas sérieuse ;
Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de Mme B..., qui soutenait qu'elle bénéficiait d'autres revenus, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 juin 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société François Carlo, en sa qualité de liquidateur de Mme B..., aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mai deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Blondel, avocat aux Conseils, pour Mme B...
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé la liquidation judiciaire de Madame B... ;
AUX MOTIFS, qui sont à maints égards contraires à ceux des premiers juges, QUE l'article L. 640-1 alinéa 1er du code de commerce dispose qu'il est institué une procédure de liquidation judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné à l'article L. 640-2, en état de cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible ; que pour prononcer la liquidation judiciaire, le jugement dont appel a constaté que le passif déclaré s'élève à la somme de 173.609,10 euros dont 5.851,92 euros en cours de contestation ; que Madame B... n'exerce plus aucune activité ; qu'elle présente un taux d'incapacité compris entre 50 et 79 % et que l'absence totale d'activité rend impossible la présentation d'un plan de continuation au regard des critères de l'article L. 631-1 du code de commerce ; que Madame B... proteste contre cette analyse et soutient qu'elle est en mesure de présenter un plan de continuation viable grâce à ses ressources soit une rente de 4.420 euros par trimestre majorée de 1.326 euros pour enfants à charge et celles de son mari lequel perçoit une rente invalidité du même montant de 4.420 euros par trimestre majorée de 1.326 euros pour enfants à charge, le couple bénéficiant, en outre, de revenus locatifs ayant atteint 13.152 euros en 2004 ; qu'elle souligne que si on exclut les créances du Crédit logement, de Cofidis et de CMV, le passif est de 89.136,58 euros ; que compte tenu de ses revenus et de ses charges fixes, elle pourra acquitter 1.500 euros par mois et invoque la finalité du plan de redressement qui, à défaut de poursuite de l'activité, peut se cantonner à l'apurement du passif ; qu'il est désormais acquis que Madame B... , jusqu'alors infirmière libérale, a cessé toute activité et que ses ressources se limitent à la rente incapacité liquidée par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées de l'Yonne ; que non seulement la proposition de la débitrice d'apurer le passif en y affectant 1.500 euros par mois n'apparaît pas sérieuse s'agissant de la quasi-totalité de la rente d'invalidité qui constitue son unique revenu mais la cessation d'activité exclut l'élaboration d'un plan de continuation dans le cadre d'un redressement judiciaire lequel, selon l'article L. 631-1 alinéa 2 du code de commerce doit tendre à permettre non seulement l'apurement du passif mais dans le même temps la poursuite de l'activité de l'entreprise et le maintien de l'emploi ; que le redressement apparaît ainsi manifestement impossible de sorte que Madame B... est justiciable d'une liquidation judiciaire ; que le jugement mérite confirmation ;
ALORS QUE, D'UNE PART, sous l'empire de la loi de sauvegarde du 26 janvier 2005, il n'existe plus aucun obstacle juridique à ce qu'un plan de redressement soit arrêté à l'encontre d'un débiteur ayant cessé son activité, avec corrélativement pour seul objet l'apurement de son passif ; qu'en décidant catégoriquement le contraire, la Cour viole les articles L. 631-1 et L. 631-3 du Code de commerce, ensemble l'article 12 du Code de procédure civile ;
ALORS QUE D'AUTRE PART ET EN TOUTE HYPOTHESE, pour déclarer non sérieux le plan de redressement proposé, la cour affirme qu'il est « acquis » que Madame B... a pour seule ressource une rente d'invalidité ; qu'en statuant de la sorte, sans préciser sur quel élément elle entendait se fonder pour justifier une telle assertion, ni examiner le décompte de gestion constituant la pièce n° 7 de l'appelante qui établissait au contraire que Madame B... bénéficiait également, conjointement avec son époux, de revenus locatifs substantiels pour avoir atteint en 2014 la somme de 13.152 euros, comme cela était soutenu (V. aussi les dernières écritures de l'appelante, page 4, § 9), la cour méconnaît les exigences des articles 455 du code de procédure civile et 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, violés ;
ALORS QUE, DE TROISIEME PART, Madame B... faisait pertinemment observer que, pour apprécier sa situation financière, il convenait de prendre en considération, non point ses seuls revenus propres, mais également les revenus globaux du ménage qu'elle formait avec son époux et le partage des charges de la vie courante qu'induisait sa situation maritale (cf. ses dernières écritures, page 4, § 8 et suivants, page 5 § 2) ; qu'en appréciant le caractère sérieux du plan proposé au regard de la seule rente d'invalidité perçue par Madame B... , sans répondre à cette charnière pertinente des conclusions dont elle était saisie par l'appelante, la cour méconnaît de nouveau les exigences des articles 455 du code de procédure civile et 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, violés ;
ET ALORS ENFIN QUE, ainsi qu'il résulte des constatations mêmes de l'arrêt, Madame B... avait soutenu que seul devait être pris en considération, pour apprécier le caractère sérieux du plan proposé et ses chances de redressement, le passif qu'elle aurait réellement à supporter, lequel s'établissait à la somme de 89.136,58 euros, déduction faite des créances prises en charge par les compagnies d'assurance (Cofidis et CMV) ou dont le remboursement incombait principalement à son époux, celle-ci n'étant que caution du prêt contracté auprès de Crédit Logement (cf. ses dernières écritures, page 3, in fine, page 4 et page 5, § 3) ; que sans nullement se donner la peine de réfuter cette analyse, de laquelle ressortait qu'ainsi corrigé, le passif résiduel pouvait être apuré sur dix ans au moyen de règlements dont la débitrice n'aurait à supporter réellement que la somme mensuelle de 742,80 euros seulement (89.136,58 € / 10 / 12), la cour se borne à retenir que le redressement était impossible motif pris qu'un règlement mensuel de 1.500 euros absorberait la quasi-totalité de la rente d'invalidité perçue par la débitrice ; qu'en laissant de la sorte incertain le montant du passif qu'elle entendait retenir pour apprécier si le redressement était manifestement impossible, condition « sine qua non » du prononcé de la liquidation judiciaire, la cour prive sa décision de base légale au regard de l'article L. 640-1 du Code de commerce.