Vu la procédure suivante :
La société Chlolin a demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer un non-lieu à statuer sur sa demande d'annulation de l'arrêté du 24 février 2014 du maire de Saint-Tropez (Var) accordant un permis de construire à la société Gestim et, à titre subsidiaire, d'annuler cet arrêté. Par un jugement n° 1403138 du 28 février 2017, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 17MA01726 du 22 mars 2018, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la société Chlolin contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 25 juillet et 16 octobre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Chlolin demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Tropez la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-20 du 25 mars 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Alain Seban, conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la société Chlolin et à la SCP Gaschignard, avocat de la commune de Saint-Tropez ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 16 octobre 2013, le maire de Saint-Tropez (Var) a accordé à la société Gestim un permis de construire six bâtiments d'habitation, puis, par un second arrêté du 24 février 2014, un autre permis pour le même projet modifié sur plusieurs points. A la suite de l'introduction par la société Chlolin, propriétaire d'une parcelle voisine, d'un recours contre le premier permis de construire du 16 octobre 2013 devant le tribunal administratif de Marseille, le maire de Saint Tropez a, le 5 juillet 2016, retiré ce premier permis. La société Chlolin, qui a également demandé au tribunal administratif de Marseille l'annulation du second permis du 24 février 2014, se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 22 mars 2018 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté son appel dirigé contre le jugement du 28 février 2017 par lequel le tribunal administratif a rejeté comme tardives ses conclusions tendant à l'annulation de ce second permis.
2. En premier lieu, si le retrait rétroactif d'un permis de construire entraîne, par voie de conséquence, l'illégalité des permis modificatifs ultérieurement délivrés pour la même construction, ces permis modificatifs constituent toutefois des actes distincts du permis de construire initial. Par suite, en se fondant, pour estimer qu'il n'était pas tenu de juger que les conclusions tendant à l'annulation du permis du 24 février 2014 étaient devenues sans objet, sur ce que le retrait, par le maire de Saint Tropez, du permis de construire du 16 octobre 2013 n'entraînait pas, par lui-même, le retrait du permis délivré le 24 février 2014, si ce dernier devait être regardé comme un permis modificatif du précédent, la cour administrative d'appel, qui a suffisamment motivé son arrêt sur ce point, n'a pas commis d'erreur de droit.
3. En second lieu, lorsque le juge de l'excès de pouvoir est saisi par un tiers d'un recours contre une décision d'autorisation qui est remplacée, en cours d'instance, soit par une décision de portée identique, soit par une décision qui la modifie sans en altérer l'économie générale, le nouvel acte doit être notifié au tiers requérant, le délai pour le contester ne pouvant commencer à courir pour lui en l'absence d'une telle notification.
4. Il ressort toutefois des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la demande d'annulation du permis de construire du 16 octobre 2013 a été introduite par la société Chlolin devant le tribunal administratif de Toulon le 15 avril 2014, soit postérieurement au permis de construire du 24 février 2014. Par suite, en jugeant qu'il ne résultait ni de la règle de procédure rappelée ci-dessus ni d'aucune autre règle ou principe que le permis de construire du 24 février 2014, s'il devait être regardé comme se substituant au permis du 16 octobre 2013, devait être notifié par son auteur à la société requérante, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit.
5. Il résulte de tout ce qui précède que la société Chlolin n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de la commune de Saint-Tropez qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Chlolin une somme de 3000 euros à verser, au même titre, à la société Gestim, ainsi qu'une somme de 3000 euros à verser à la commune de Saint-Tropez.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la société Chlolin est rejeté.
Article 2 : La société Chlolin versera à la société Gestim et à la commune de Saint-Tropez une somme de 3 000 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Chlolin, à la commune de Saint-Tropez et à la société Gestim.