Vu l'ordonnance, en date du 29 décembre 2003, par laquelle le président du Tribunal administratif de Bordeaux a transmis à la Cour la requête présentée par M. Eric X, en application des articles R. 322-1 et R. 351-3 du code de justice administrative ;
Vu la requête, enregistrée au greffe du Tribunal administratif de Bordeaux le 27 décembre 2003, puis à celui de la Cour le 8 janvier 2004, présentée pour M. Eric X, demeurant ..., par la SCP Moins - Moins ;
M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n021988, en date du 27 novembre 2003, par lequel le Tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 25 juin 2002 par laquelle le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales l'a informé de la perte de deux points de son permis de conduire et a constaté, en conséquence, que celui-ci avait perdu sa validité ;
2°) d'annuler ladite décision ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 1 500 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité de cette décision ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 novembre 2006,
le rapport de M. Zupan, premier conseiller ;
et les conclusions de M. Péano, commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. X fait appel du jugement, en date du 27 novembre 2003, par lequel le Tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de la décision du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales du 25 juin 2002 l'informant du retrait de deux points de son permis de conduire et constatant, par suite, que ce dernier avait perdu sa validité ; qu'il demande en outre la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 1500 euros en réparation des conséquences dommageables de l'illégalité de ladite décision ;
Sur la légalité de la décision contestée :
Considérant qu'en vertu de l'article L. 223-1 (anciennement article L. 11-1) du code de la route, le nombre de points affecté au permis de conduire est réduit de plein droit lorsqu'est établie, par le paiement d'une amende forfaitaire ou par une condamnation définitive, la réalité de l'infraction donnant lieu à retrait de points ; que l'article L. 223-3 du même code (anciennement article L. 11-3), dans sa rédaction applicable à la date des faits litigieux, dispose : « Lorsque l'intéressé est avisé qu'une des infractions entraînant retrait de points a été relevée à son encontre, il est informé du retrait de points qu'il est susceptible d'encourir, de l'existence d'un traitement automatisé de ces points, et de la possibilité pour lui d'exercer le droit d'accès (...) Le retrait de points est porté à la connaissance de l'intéressé par lettre simple quand il est effectif » ; que ces dispositions ont été reprises et précisées par l'article R. 223-3 dudit code (anciennement article R. 258), aux termes duquel : « I. - Lors de la constatation d'une infraction, l'auteur de celle-ci est informé que cette infraction est susceptible d'entraîner la perte d'un certain nombre de points si elle est constatée par le paiement d'une amende forfaitaire ou par une condamnation devenue définitive (...) III. - Lorsque le ministre de l'intérieur constate que la réalité d'une infraction entraînant retrait de points est établie dans les conditions prévues par les alinéas 3 et 4 de l'article L. 223-1, il réduit en conséquence le nombre de points affecté au permis de conduire de l'auteur de cette infraction et en informe ce dernier par lettre simple (...) IV.- En cas de retrait de la totalité des points, le préfet du département (...) du lieu de résidence enjoint à l'intéressé, par lettre recommandée, de restituer son titre de conduite dans un délai d'une semaine à compter de la réception de cette lettre »;
Considérant que les modalités de la notification au conducteur des retraits de points de son permis de conduire, prévue par ces dispositions, ne conditionnent pas la régularité de la procédure suivie et, partant, la légalité de ces retraits ; que cette procédure a pour seul objet de rendre ceux-ci opposables à l'intéressé et de faire courir le délai dont dispose celui-ci pour en contester la légalité devant la juridiction administrative ; que la circonstance que le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales ne soit pas en mesure d'apporter la preuve que la notification des retraits successifs, effectuée par lettre simple, a bien été reçue par son destinataire ne saurait lui interdire de constater que le permis a perdu sa validité, dès lors que, dans la décision procédant au retrait des derniers points, il récapitule les retraits antérieurs et les rend ainsi opposables au conducteur qui demeure recevable à exciper de l'illégalité de chacun de ces retraits ;
Considérant que, par la décision contestée du 25 juin 2002, adressée par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception, le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales a prononcé le retrait de deux points du permis de conduire de M. X en raison de l'infraction commise par celui-ci le 8 août 2001, dont la réalité avait été établie par le paiement d'une amende forfaitaire, lui a rappelé les retraits de points consécutifs aux infractions précédemment commises les 13 octobre 1998, 31 janvier 2000, 5 octobre 2000 et 11 mai 2001 et a constaté, en conséquence, la perte de validité de ce permis de conduire ; qu'en procédant ainsi, et alors même que M. X n'aurait reçu notification d'aucune des décisions de retrait de points prises antérieurement, le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieur et des libertés locales les lui a rendues opposables ;
Considérant toutefois que, exerçant la faculté qui lui demeure ouverte en vertu des principes sus-rappelés, M. X entend exciper de l'illégalité de la décision par laquelle le ministre de l'intérieur a retiré 3 points de son permis de conduire à la suite de l'infraction commise le 31 janvier 2000, dont la réalité a été établie par le paiement d'une amende forfaitaire ;
Considérant qu'il résulte des dispositions précitées du code de la route que l'administration ne peut légalement prendre une décision retirant des points affectés à un permis de conduire à la suite d'une infraction dont la réalité a été établie que si l'auteur de celle-ci s'est vu délivrer un document contenant les informations qu'elles prévoient, et qui constituent une garantie essentielle lui permettant, notamment, de mesurer les conséquences de cette infraction sur la validité de son permis ; qu'il appartient à l'administration d'apporter la preuve, par tous moyens, qu'elle a satisfait à cette obligation d'information ; que si, en vertu des dispositions des articles 429 et 537 du code de procédure pénale, les procès verbaux et rapports établis par les officiers ou les agents de police judiciaire pour constater les infractions au code de la route font foi jusqu'à la preuve du contraire en ce qui concerne la constatation des faits constitutifs d'infractions, il n'en va pas de même de la mention portée sur les procès verbaux relative à l'information préalable prévue par les articles L. 223-3 et R. 223-3 précités du code de la route ;
Considérant qu'à supposer même que la mention « cerfa remis » portée sur l'avis de contravention établi à l'encontre de M. X le 31 janvier 2000 puisse être interprétée comme indiquant la remise à l'intéressé de l'imprimé cerfa n° 90.0204, contenant les informations prévues par l'article R. 223-3 du code de la route, il est constant que cet avis n'a pas été contresigné par M. X, et n'atteste pas d'un refus de ce dernier de le contresigner ; qu'ainsi, le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, qu'il a été satisfait aux obligations d'information requises ; que, dans ces conditions, la décision contestée du 25 juin 2002 s'avère entachée d'excès de pouvoir en tant qu'elle constate, par une disposition divisible de ses autres dispositions, portant retrait de deux points en conséquence de la dernière infraction commise par M. X le 8 août 2001, et contre lesquelles le requérant ne soulève aucun moyen, que son permis de conduire a perdu sa validité ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions en réparation :
Considérant que M. X n'apporte aucun élément de nature à établir la réalité du préjudice qu'il dit avoir subi du fait de l'illégalité de la décision contestée ; que, par suite, ses conclusions indemnitaires, d'ailleurs présentées pour la première fois en appel, doivent être rejetées ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner l'Etat à payer à M. X la somme de 1 200 euros qu'il réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Bordeaux n° 021988 du 27 novembre 2003 est annulé.
Article 2 : La décision du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales du 25 juin 2002 est annulée en tant qu'elle constate la perte de validité, par défaut de points, du permis de conduire de M. X.
Article 3 : L'Etat versera à M. X la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
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04BX00035