Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 15 décembre 1992 et 15 janvier 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Claude X..., demeurant ... aux Lilas (93260) ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 23 octobre 1992 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa protestation contre les opérations électorales qui se sont déroulées le 29 mars 1992 dans le canton des Lilas ;
2°) d'annuler ces opérations électorales ;
3°) de condamner M. Y... à lui verser une somme de 10 000 F au titre de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code électoral ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Piveteau, Auditeur,
- les observations de la S.C.P. Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. Claude X... et de Me Copper-Royer, avocat de M. Jean-Claude Y...,
- les conclusions de M. du Marais, Commissaire du gouvernement ;
Sur l'intervention de M. Alain Z... :
Considérant que M. Alain Z... a intérêt au maintien du jugement attaqué ; qu'ainsi son intervention est recevable ;
Considérant que M. Z... soutient que M. X... doit être réputé s'être désisté de son pourvoi, faute d'avoir produit devant le tribunal administratif de Paris son mémoire complémentaire dans le délai qui lui avait été imparti par le président dudit tribunal ; que ce moyen manque en fait ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'il résulte des dispositions combinées de l'article R.236 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et des articles R.113 et R.114 du code électoral que, par dérogation aux prescriptions de l'article R.138 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, le tribunal administratif n'est pas tenu d'ordonner la communication au protestataire ou à l'intervenant des mémoires présentés en défense ; que, par suite, le fait que M. X... n'ait pas eu communication des mémoires en date des 15 avril et 17 août 1992 présentés par M. Y... n'est pas de nature à entacher d'irrégularité la procédure à la suite de laquelle le jugement attaqué a été rendu ;
Considérant que M. X..., qui avait invoqué dans son mémoire introductif présenté devant le tribunal administratif de Paris le 3 avril 1992 la violation par M. Y... des prescriptions de l'article L.52-1 du code électoral, sans assortir ce grief d'aucun élément permettant au juge d'en examiner le bien-fondé, a, dans son mémoire complémentaire du 5 mai 1992, présenté une argumentation fondée sur la violation du deuxième alinéa de l'article L.52-1 du code électoral ; qu'il n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que le tribunal administratif de Paris aurait dû statuer sur la violation alléguée des dispositions du premier alinéa dudit article L.52-1 ;
Sur les conclusions de M. X... tendant à l'annulation des opérations électorales du 29 mars 1992 dans le canton des Lilas :
Considérant que, devant le Conseil d'Etat, M. X... soutient que les dispositions de l'article L.52-1 premier alinéa du code électoral ont été méconnues ; que ce grief n'a, ainsi qu'il a été dit plus haut, pas été présenté devant le tribunal administratif de Paris ; qu'il est, dès lors, nouveau en appel et, par suite, irrecevable ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.52-1, deuxième alinéa, du code électoral : "A compter du premier jour du sixième mois précédant le mois au cours duquel il doit être procédé à des élections générales, aucune campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion de la collectivité ne peut être organisée sur le territoire des collectivités intéressées par le scrutin" ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que le numéro de la publication "L'écho des Lilas" du mois de mars 1992, qui présentait dans ses pages intérieures les caractères d'un mensuel d'informations municipales, et simultanément, par sa couverture et son éditorial, les caractères d'un élément de propagande appuyant la candidature de M. Y..., doive être regardé comme constitutif d'une campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion de la commune des Lilas ; qu'ainsi M. X... n'est pas fondé à soutenir que les dispositions susrappelées de l'article L.52-1 deuxième alinéa ont été méconnues par M. Y... ;
Considérant que M. X... allègue que des exemplaires de la revue susmentionnée auraient été mis à la disposition du public à la mairie des Lilas dans les jours précédant le scrutin, et qu'une petite quantité de revues aurait été présentes à l'entrée de deux bureaux de vote dans les premières heures de la matinée du 29 mars ; qu'il résulte de l'instruction que cette circonstance n'a pas été, compte tenu notamment de l'écart de voix séparant les deux candidats, de nature à altérer la sincérité du scrutin ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'un tract intitulé "Les quatre vérités de M. X..." a fait l'objet, de la part de M. Y..., d'un envoi par voie postale le 26 mars 1992 ; qu'il ressort du dossier que ce tract ne comportait ni propos excédant les limites de la polémique électorale, ni élément nouveau et important de nature à exercer une influence sur l'issue du scrutin ; qu'ainsi, et nonobstant la diffusion importante de ce tract et le fait que sa date de distribution a rendu difficile, pour M. X..., une diffusion équivalente de la réponse adressée par lui aux électeurs, sa distribution n'a pas été constitutive d'une manoeuvre de nature à altérer les résultats du scrutin ;
Considérant que M. X... soutient que M. Y... a méconnu les dispositions de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés en utilisant, pour l'envoi de ce tract, le fichier de la liste électorale ; qu'il n'est pas allégué que le requérant aurait été empêché d'avoir accès à cette même liste et d'en prendre copie ; qu'il suit de là que cette circonstance, à la supposer exacte, ne peut être regardée comme constitutive d'une manoeuvre ayant altéré la sincérité du vote, et n'est, dès lors, pas de nature à justifier l'annulation des opérations électorales ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.50 du code électoral : "Il est interdit à tout agent de l'autorité publique ou municipale de distribuer des bulletins de vote, professions de foi et circulaires des candidats" ; que ces dispositions ne peuvent être utilement invoquées à l'encontre de la distribution, par les agents des services postaux, d'un document électoral de M. Y... envoyé, sous forme de courrier, par voie postale ;
Considérant que M. X..., qui allègue que les dépenses électorales de M. Y... ont dépassé le plafond prévu par l'article L.52-11 du code électoral, ne présente à l'appui de son grief aucun élément permettant d'en apprécier la portée ; que ce grief est dès lors irrecevable et doit être écarté ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa protestation aux fins d'annulation des opérations électorales qui se sont déroulées le 29 mars 1992 dans le canton des Lilas ;
Sur les conclusions de M. X... tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que M. Y..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente affaire, ne saurait dès lors être condamné à verser à M. X... les sommes que ce dernier demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Sur les conclusions de M. Y... tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 et de condamner M. X... à payer à M. Y... la somme de 10 000 F qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Sur les conclusions de M. Z... tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que M. Z..., intervenant dans la présente instance, n'a pas la qualité de partie susceptible de fonder, à son profit, l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ; que ses conclusions doivent dès lors être rejetées ;
Article 1er : L'intervention de M. Z... est admise.
Article 2 : La requête de M. X... est rejetée.
Article 3 : M. X... versera à M. Y... une somme de 10 000 au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Les conclusions de M. Z... tendant à l'application à son profit de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. X..., à M. Y..., à M. Alain Z... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.