LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen relevé d'office après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :
Vu l'article 386 du code de procédure civile ;
Attendu que l'instance en référé prenant fin avec la désignation de l'expert et l'instance au fond n'étant pas la continuation de l'instance en référé, les diligences accomplies à l'occasion des opérations d'expertise, dès lors qu'elles ne font pas partie de l'instance au fond, ne sont pas susceptibles d'interrompre le délai de péremption ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que se plaignant de désordres affectant des biens immobiliers acquis en l'état futur d'achèvement, M. et Mme S... ont, en 2010, assigné la société Inter services réalisations, promoteur-vendeur (la société ISR), devant le juge des référés à fin de désignation d'un expert, puis, devant le tribunal de grande instance, en réparation du préjudice susceptible de résulter de ces désordres, les instances ayant été jointes sous le n° RG 10/15376 ; que dans les deux instances, la société ISR a appelé en garantie l'architecte, la société Archimed, son assureur, la Mutuelle des architectes français, et l'entreprise générale, la société Dumez Méditerranée aux droits de laquelle se trouve la société Travaux du Midi Provence (la société Dumez) ; qu'après rejet de la demande par le juge des référés, l'expertise a été ordonnée par la cour d'appel ; que l'expert ayant déposé son rapport et M. et Mme S... ayant conclu au fond, les sociétés Dumez et ISR ont soulevé la péremption de l'instance principale et de l'instance en garantie ;
Attendu que, pour constater la péremption de l'instance enregistrée sous le n° RG 10/15376 au tribunal de grande instance de Marseille à l'égard de toutes les parties, l'arrêt retient qu'il existe un lien de dépendance direct et nécessaire entre l'instance en référé et l'instance au fond puisque le rapport de l'expert sur les désordres invoqués est une pièce technique incontournable qui a pour but de permettre au juge du fond de statuer sur les demandes des parties, mais que l'assistance, par M. et Mme S..., aux opérations d'expertise, ainsi que la lettre adressée le 28 novembre 2011 par leur conseil à l'expert, ne constituent pas des diligences interruptives du délai de péremption qui a couru du 7 octobre 2011 jusqu'au 7 octobre 2013 ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 janvier 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée.
Condamne la société Inter services réalisations, la société Archimed, la Mutuelle des architectes français et la société Travaux du Midi Provence aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leurs demandes et les condamne à payer à M. et Mme S... la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze avril deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Marc Lévis, avocat aux Conseils, pour M. et Mme S...
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir constaté la péremption de l'instance, enregistrée sous le numéro RG/15376 au tribunal de grande instance de Marseille à l'égard de toutes les parties.
AUX MOTIFS QUE « Sur la péremption de l'instance, En application de l'article 386 du code de procédure civile : « L‘instance est périmée lorsque aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans. » ; que les diligences de l'une quelconque des parties, de nature à faire progresser le litige vers sa conclusions, interrompent la péremption ; que la péremption est interrompue par les actes intervenus dans une instance différente lorsqu'il existe entre les deux procédures un lien de dépendance direct et nécessaire ; que selon l'article 392 du même code : « L‘interruption de l'instance emporte celle du délai de péremption. Ce délai continue à courir en cas de suspension de l‘instance sauf si celle-ci n ‘a lieu que pour un temps ou jusqu‘à la survenance d‘un événement déterminés ; dans ces derniers cas, un nouveau délai court à compter de l‘expiration de ce temps ou de la survenance de cet événement» ; qu'en l'espèce, il résulte des pièces régulièrement produites et des explications des parties : - que par acte du 24 mars 2010, une instance en référé a été introduite à la requête des époux S... ayant donné lieu à une ordonnance du président du tribunal de grande instance de Marseille du 03 septembre 2010, infirmée par un arrêt rendu par la présente Cour le 28/07/2011,
ordonnant une expertise au contradictoire des époux S..., de la société ISR, de la société DUMEZ MEDITERRANEE, du cabinet ARCHIMED et de son assureur la MAF ; - que par acte du 28 octobre 2010, les époux S... ont fait assigner au fond la société ISR ; - que par actes des 11 et 12 avril 2011, la société ISR a appelé en cause la société DUMEZ MEDITERRANEE, le cabinet ARCHIMED et son assureur la MAF, devant le juge du fond, - que le 07 octobre 2011, le conseil des époux S... signifiait un bordereau de communication de pièces au conseil de la société ISR, - que par courrier du 28/11/2011, le conseil des époux S... répondait à une lettre de l'expert et lui adressait ses pièces (pièce 2), - que par décision du 17 janvier 2012, le juge de la mise en état a ordonné la jonction des deux instances initiées par assignations des 28 octobre 2010 et 12 avril 2011, l'affaire étant désormais enregistrée sous le numéro RG 10/15376, - que par décision du 12 septembre 2013, le conseiller chargé du contrôle de l'expertise a fixé à 12 000 euros la provision complémentaire que M. T... S... devra consigner au greffe de la Cour avant le 14/10/2013 (pièce 3) ; - que par courrier du 22/10/2013, le conseil des époux S... adressait au greffe de la Cour un chèque de 12 000 euros correspondant à l'ordonnance de consignation complémentaire susvisée, s'excusant de son "léger retard" et sollicitant en cas de difficulté une réponse pour déposer le cas échéant une requête en relevé de forclusion (pièce 4), ; - que par décision du 17 décembre 2013, le juge de la mise en état a ordonné le sursis à statuer et le retrait du rôle de l'affaire, visant l'expertise ordonnée en référé en cours ; - que l'expert a déposé son rapport "en l'état" le 28/02/2014 ; - que le 1er août 2014, le conseil des époux S... a notifié par le RPVA des conclusions de reprise d'instance au fond ; - que le 27 juillet 2016, le conseil des époux S... a notifié par le RPVA des conclusions n°2 devant le juge du fond ; - que le 29 juillet 2016, le conseil des époux S... a notifié par le RPVA une sommation de conclure aux conseils des autres parties ; - que le conseil de la société ISR a adressé sept dires à l'expert les 22 décembre 2011, 21 mai 2012, 6 juin 2012, 03 octobre 2012, 28 février 2013, 27 juin 2013 et 25 septembre 201, ; - que le conseil de la SARL ARCHIMED a adressé un dire à l'expert le 05 juin 2013 ; - que le conseil de la société DUMEZ MEDITERRANEE a adressé un dire à l'expert le 25 septembre 2013 ; Il s'ensuit que le point de départ du délai de péremption de deux ans de l'instance principale doit être fixé au 28 octobre 2010 et expirait donc le 28 octobre 2012 ; Seul le bordereau de communication de pièces signifié le 07 octobre 2011 par le conseil des époux S... a interrompu la péremption dans cette instance principale et fait courir un nouveau délai, jusqu'au 07/10/2013 ; Contrairement à ce que soutient au principal l'appelante, il existe manifestement en l'espèce un lien de dépendance direct et nécessaire entre l'instance en référé et l'instance au fond introduite par les époux S..., puisque le rapport de l'expert sur les désordres invoqués est une pièce technique incontournable qui a pour but de permettre au juge du fond de statuer sur les demandes des parties, néanmoins l'assistance aux réunions d'expertise ne constitue pas un acte interruptif ; que le courrier du 28/11/2011 par lequel le conseil des époux S... a remercié l'expert d'avoir reporté la date d'ouverture des opérations d'expertise et lui a adressé, sous bordereau, l'ensemble des pièces qu'il avait produites devant la Cour (pièce 2) n'est pas davantage interruptif, puisqu'il ne constitue pas une diligence ayant pour but de faire avancer le litige vers sa conclusion ; L'ordonnance de jonction du juge de la mise en état du 17/01/2012 ne constitue pas une "diligence" au sens de l'article 386 précité et n'a donc pas d'effet interruptif ; qu'alors que la décision du juge de la mise en état du 17/12/2013 ordonnant le sursis à statuer et le retrait du rôle de l'affaire est intervenue d'office et n'a fixé aucune date ni fait référence à la survenance d'un événement déterminé, les dispositions de l'article 392 alinéa 2 précité ne sont pas applicables ; qu'un délai de plus de deux ans s'étant écoulé entre la signification du bordereau de communication de pièces des époux S... du 07 octobre 2011 et leur consignation complémentaire du 22/10/2013 suite à la décision du 12 septembre 2013 du conseiller chargé du contrôle de l'expertise, la péremption est acquise à l'égard de toutes les parties ; qu'en conséquence, les décisions déférées doivent être réformées » ;
1°) ALORS QUE l'instance est périmée lorsque aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans ; que constitue une diligence interruptive de péremption la communication à l'expert des pièces du dossier par une partie en ce qu'elle témoigne nécessairement de la volonté de cette partie de faire progresser l'affaire ; qu'en considérant au contraire, pour constater la péremption de l'instance, que le courrier du 28 novembre 2011 par lequel le conseil des époux S... a remercié l'expert d'avoir reporté la date d'ouverture des opérations d'expertise et lui a adressé, sous bordereau, l'ensemble de leurs pièces n'est pas interruptif de péremption puisqu'il ne constitue pas une diligence ayant pour but de faire avancer le litige vers sa conclusion, la cour d'appel a violé l'article 386 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE l'instance est périmée lorsque aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans ; qu'en l'espèce, les époux S... ont soutenu devant la cour d'appel que, par un courrier du 21 août 2013, ils ont interrompu le délai de péremption en demandant à l'expert d'annuler les rendez-vous fixés au 4 et 6 septembre 2013 pour permettre à de nouvelles parties appelées à rejoindre la cause d'y participer et en sommant officiellement deux autres parties de leur communiquer certaines pièces précisément désignées ; qu'en constatant néanmoins la péremption de l'instance sans rechercher, comme elle y était invitée, si ce courrier ne constituait pas une diligence interruptive de péremption en ce qu'il manifestait la volonté des époux S... de faire avancer le litige vers sa conclusion, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 386 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE l'instance est périmée lorsque aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans ; que constitue une diligence interruptive de péremption la participation active aux réunions d'expertise ; qu'en estimant au contraire, pour constater la péremption de l'instance, que la participation des époux S... aux trois réunions d'expertise des 16 décembre 2011, 11 juin 2012 et 19 juin 2013 ne constituait pas une diligence interruptive de péremption, la cour d'appel a violé l'article 386 du code de procédure civile.