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13/07/2015 | FRANCE | N°13MA04378

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 13 juillet 2015, 13MA04378


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Dixicom a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner la commune de Saint-Jean-de-Védas à lui payer la somme de 47 840 euros toutes taxes comprises en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de la modification unilatérale des termes d'un marché à bons de commandes qui lui avait été attribué par la commune pour la réalisation des principales éditions de la ville, et du fait des fautes commises par la commune dans l'exécution

du contrat.

Par un jugement n° 1104369 du 23 septembre 2013, le tribunal admin...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Dixicom a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner la commune de Saint-Jean-de-Védas à lui payer la somme de 47 840 euros toutes taxes comprises en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de la modification unilatérale des termes d'un marché à bons de commandes qui lui avait été attribué par la commune pour la réalisation des principales éditions de la ville, et du fait des fautes commises par la commune dans l'exécution du contrat.

Par un jugement n° 1104369 du 23 septembre 2013, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 14 novembre 2013 et le 15 octobre 2014, la société Dixicom, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner la commune de Saint-Jean-de-Védas à lui payer la somme de 47 840 euros toutes taxes comprises ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Jean-de-Védas la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la commune, qui a unilatéralement porté de 6 à 10 le nombre des parutions du journal communal et ramené de 14 à 5,25 pages (sur 56) la place laissée aux encarts publicitaires, a porté atteinte à l'équilibre financier du contrat, sa rémunération étant assurée par les encarts publicitaires ;

- la commune a commis des fautes en ne commandant que 7 éditions du magazine municipal au lieu des 10 prévues, en ne commandant en 2010 ni guide des festivités ni guide pratique et en ne la mettant à même de publier qu'un seul plan de la ville au lieu des deux prévus ;

- cette modification unilatérale du contrat et ces fautes sont à l'origine de la faiblesse du chiffre d'affaires réalisé, soit 54 186 euros hors taxes pendant les 2ème et 3ème années, au lieu du montant de 136 000 euros hors taxes évalué par le marché ;

- compte tenu des frais d'impression qu'elle n'a pas engagés, elle est donc fondée à demander à la commune une indemnité de 40 000 euros hors taxes, soit 47 840 euros toutes taxes comprises.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 septembre 2014, la commune de Saint-Jean-de-Védas, représentée par la SCP Levy, Balzarini, Sagnes, Serre, conclut au rejet des conclusions indemnitaires de la société Dixicom et à ce que soit mise à la charge de cette dernière la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les modifications des conditions d'exécution du marché ont été négociées par les deux parties et ne peuvent être regardées comme des fautes commises par la commune ;

- le montant annuel de 68 000 euros indiqué dans le marché est indicatif et approximatif ;

- la société Dixicom, qui ne justifie à aucun moment des recettes réalisées avant 2009 et qui n'a jamais fourni son compte d'exploitation comme le prévoit l'article 2.7 du cahier des clauses administratives paritaires, n'établit pas la réalité du préjudice allégué ;

- la société Dixicom, qui n'a pas justifié le coût de revient des éditions comme l'impose l'article 4 de l'acte d'engagement, a commis une faute contractuelle qui est à l'origine de son propre préjudice ;

- seule la marge bénéficiaire nette manquée pourrait donner lieu à indemnisation.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Le président de la cour a désigné M. Laurent Marcovici, président assesseur, pour présider les formations de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Guerrive, président de la 6e chambre en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Thiele,

- et les conclusions de Mme Felmy, rapporteur public.

1. Considérant que, le 26 mai 2008, la commune de Saint-Jean-de-Védas a conclu avec la société Dixicom un marché à bons de commande portant sur la réalisation des principales éditions de la commune, la rémunération de ce marché étant assuré par les encarts publicitaires ; que ce marché a été reconduit jusqu'au 26 mai 2011 ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de la société Dixicom tendant à la condamnation de la commune de Saint-Jean-de-Védas à lui payer la somme de 47 840 euros toutes taxes comprises en réparation du préjudice que la société estimait avoir subi du fait de la modification des contraintes éditoriales, décidée par la commune et ayant conduit à une réduction des recettes publicitaires ;

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne l'indemnité demandée du fait de la modification unilatérale des termes du contrat :

2. Considérant qu'en vertu des règles générales applicables aux contrats administratifs, la personne publique peut apporter unilatéralement dans l'intérêt général des modifications à des contrats ; que le cocontractant, s'il est tenu de respecter les obligations contractuelles ainsi modifiées, a toutefois droit au maintien de l'équilibre financier de son contrat ;

3. Considérant que la rémunération de la société Dixicom en contrepartie de l'édition du magazine municipal était assurée par les recettes - estimée par l'article 4 de l'acte d'engagement au montant indicatif de 68 000 euros hors taxes - qu'elle pouvait être amenée à percevoir à raison des encarts prévus pour la publicité ; que le contrat initial prévoyait un total de 14 pages d'encarts publicitaires ; qu'il n'est pas contesté qu'au cours d'une réunion intervenue à la fin du mois de mai 2009, la nouvelle municipalité élue de Saint-Jean-de-Védas a demandé à la société de limiter les encarts à un total de 5,25 pages ; que la commune a ainsi procédé à la modification unilatérale du contrat ; que la société Dixicom étant tenue de se conformer aux nouvelles conditions techniques fixées par la commune, cette dernière ne peut, pour refuser de l'indemniser, se prévaloir de son assentiment, alors que la société n'a jamais déclaré renoncer à son droit au maintien de l'équilibre financier du contrat ; que la seule circonstance que la société a accepté la reconduction annuelle du contrat n'implique pas une telle renonciation ;

4. Considérant qu'il ressort des données comptables fournies par la société Dixicom que les recettes publicitaires moyennes enregistrées pour chaque parution du magazine municipal " Forum / Vedazine " pendant les années 2010 et 2011 s'établissent à 5 527,46 euros hors taxes ; que, toutefois, le montant des recettes publicitaires du magazine n° 70, paru en 2009, avant la modification du contrat par la commune, s'élève à 5 029,75 euros, soit un montant inférieur ; que, si la moyenne des recettes publicitaires des magazines nos 65 à 67 s'élève à 10 036,04 euros, il ne peut être tenu de compte de ces éditions, qui concernent une période antérieure à l'entrée en vigueur du contrat en litige, et pour laquelle la société n'apporte aucune précision sur la nature des liens contractuels l'unissant à la commune ; qu'en l'absence de justifications précises du manque à gagner induit par la modification du contrat, il sera fait une juste appréciation de ce manque à gagner, qui est imputable à la baisse - de 14 pages à 5,25 pages - de la fraction du magazine réservé aux encarts publicitaires, en l'évaluant à la somme globale de 5 000 euros ;

En ce qui concerne l'indemnité demandée à raison des fautes alléguées :

5. Considérant, en premier lieu, que, par l'article III du cahier des clauses techniques particulières, la commune de Saint-Jean-de-Védas s'est engagée à commander 5 000 " guides pratiques de la ville ", chaque guide comportant des annonces publicitaires sur les 2ème, 3ème et 4ème de couverture ; que, par l'article IV du même cahier, elle s'est engagée, sous les mêmes conditions, à commander 5 000 " plaquettes des festivités " ;

6. Considérant que, contrairement aux termes du contrat, la commune de Saint-Jean-de-Védas n'a pas commandé de " plaquettes des festivités " ni de " guide pratique " en 2010 et 2011 ; que, compte tenu des recettes publicitaires moyennes enregistrées pour chacune de ces publications en 2009 (respectivement 1 724,11 euros pour la plaquette des festivités et 5 137,50 euros pour le " guide pratique "), et à défaut de justification, par la société, du montant des charges variables supportées par elle, il sera fait une juste appréciation du manque à gagner subi du fait de l'absence de commande de ces deux publications en l'évaluant à un montant total de 2 500 euros ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que, par l'article V du cahier des clauses techniques particulières, la commune de Saint-Jean-de-Védas s'est engagée à commander, " au minimum une fois par an ", 4 000 plans de la ville ;

8. Considérant que la commune ne conteste pas sérieusement les allégations, précises et circonstanciées, de la société Dixicom selon laquelle celle-ci a été mise dans l'impossibilité de faire paraître le plan de la ville pour l'année 2010, en raison de difficultés imputables aux services de la commune ; que, compte tenu des recettes publicitaires moyennes enregistrées pour cette publication en 2009 et 2010 (respectivement 7 782,37 euros et 6 480,98 euros, soit une moyenne de 7 131,68 euros), et à défaut de justification, par la société, du montant des charges variables supportées par elle, il sera fait une juste appréciation du manque à gagner subi du fait de l'absence de publication du " plan de la ville " en 2011 en l'évaluant au montant de

2 500 euros ;

9. Considérant, en troisième lieu, que la société Dixicom, qui, ainsi qu'il a été dit aux points 2 et 3, a droit au maintien de l'équilibre financier de son contrat pour neutraliser les effets concrets, sur son exploitation, de la modification unilatérale du contrat par la commune, ne peut par ailleurs demander, s'agissant de l'édition du magazine municipal, à être indemnisée de la faute commise par la commune en ne commandant pas la totalité des 10 exemplaires qu'elle avait annoncés vouloir commander en 2010 et 2011 au moment de la modification du contrat ;

10. Considérant, enfin, que si la commune soutient que la société Dixicom - qui n'a pas justifié le coût de revient des éditions comme l'impose l'article 4 de l'acte d'engagement - a commis une faute contractuelle qui est à l'origine de son propre préjudice, le manquement ainsi allégué n'est pas à l'origine du préjudice subi par la société, qui résulte d'une modification unilatérale du contrat et de fautes imputables à la commune ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Dixicom a droit à être indemnisée à hauteur d'un montant total de 10 000 euros (5 000 + 2 500 + 2 500) ; qu'elle est donc fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué et dans cette mesure, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande indemnitaire ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mise à la charge de la société Dixicom, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance ; qu'en revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Saint-Jean-de-Védas une somme de 1 500 euros en remboursement des frais exposés par la société et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1104369 du 23 septembre 2013 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.

Article 2 : La commune de Saint-Jean-de-Védas est condamnée à payer une somme de 10 000 (dix mille euros) à la société Dixicom au titre de l'exécution du marché à bons de commande conclu le 26 mai 2008 pour diverses publications municipales.

Article 3 : La commune de Saint-Jean-de-Védas versera à la société Dixicom une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus de la demande présentée par la société Dixicom devant le tribunal administratif, ainsi que le surplus de ses conclusions d'appel, est rejeté.

Article 5 : Les conclusions de la commune Saint-Jean-de-Védas sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limité Dixicom et à la commune de Saint-Jean-de-Védas.

Délibéré après l'audience du 29 juin 2015, à laquelle siégeaient :

M. Marcovici, président,

M. Thiele, premier conseiller,

Mme Héry, premier conseiller.

Lu en audience publique le 13 juillet 2015.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13MA04378
Date de la décision : 13/07/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05-01 Marchés et contrats administratifs. Exécution financière du contrat. Rémunération du co-contractant.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Renaud THIELE
Rapporteur public ?: Mme FELMY
Avocat(s) : SCP JANBON - GALLOY

Origine de la décision
Date de l'import : 22/09/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-07-13;13ma04378 ?
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