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05/04/2011 | FRANCE | N°10-85113

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 05 avril 2011, 10-85113


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Denis X...,
- M. Philippe Y...,
- M. Jean Z...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 4-11, en date du 15 juin 2010, qui, sur renvoi après cassation, dans la procédure suivie contre eux pour vente de produits portant une appellation d'origine inexacte, a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Con

vention européenne des droits de l'homme, L. 115-16, L. 115-26-3 du code de la consommation d...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Denis X...,
- M. Philippe Y...,
- M. Jean Z...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 4-11, en date du 15 juin 2010, qui, sur renvoi après cassation, dans la procédure suivie contre eux pour vente de produits portant une appellation d'origine inexacte, a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 115-16, L. 115-26-3 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à l'époque des faits, L. 642-1, L. 642-4 du code rural dans leur rédaction applicable à l'époque des faits, 2, 388 et 593 du code de procédure pénale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré les demandes du syndicat interprofessionnel du reblochon, du syndicat Savoicime venant aux droits du syndicat interprofessionnel de la tomme de Savoie et de l'union fédérale des consommateurs d'Albertville recevables, a condamné MM. Y..., X..., et Z..., solidairement à payer à titre de dommages-intérêts au syndicat interprofessionnel du reblochon la somme de 150 000 euros, au syndicat Savoicime la somme de 150 000 euros et à l'union fédérale des consommateurs d'Albertville la somme de 30 000 euros ;

" aux motifs que force est de constater que la présentation de ses produits « Mac Cheese » faite par la société Mac Donald's France services, dans le cadre de sa campagne nationale, « la saga des fromages » était de nature à induire en erreur les consommateurs sur la composition exacte de ceux-ci, en mettant l'accent exagéré sur des noms de fromage bénéficiant d'une appellation contrôlée, alors que la quantité de chacun des fromages concernés était insuffisante pour conférer aux sandwiches un caractère particulier ; qu'en effet sur les documents publicitaires et plus particulièrement sur « fonds de plateau » versés aux débats, les dénominations des fromages concernés pour chaque journée de la semaine apparaissent en caractères surdimensionnés par rapport aux autres mentions (« Recette au », « Sauce au », « fondu »), lesquelles sont imprimées en caractère très petits et de la même couleur, quoique d'une nuance plus soutenue, que le fond de l'illustration, dont peu lisibles ; qu'en outre, les illustrations présentent, pour chaque jour de la semaine, un sandwich d'où dépasse, de manière très visible, des tranches de fromage semblant correspondre, a priori, à la variété de fromage annoncée en-dessus en gros caractères, alors qu'il ne s'agit que de fromage fondu à base d'emmenthal ; que ce comportement entre dans les prévisions des textes susvisés en ce que le mode de présentation des sandwiches « Mac Cheese sauce au reblochon » et « Mac Cheese sauce à la tomme de Savoie fondue » était de nature à faire croire, faussement, que le fromage entrant dans la composition de ces produits bénéficiait des appellations contrôlées « reblochon » ou « tomme de Savoie », peu importe que la sauce incorporée à chaque sandwich, à raison de 10 grammes environ pour un sandwich de 365 grammes ait comporté une proportion de chaque fromage de 8, 5 % à 6 % conforme aux usages culinaires ;

" alors que les juges du fond ne peuvent requalifier pénalement les faits dont ils sont saisis sans avoir averti au préalable le prévenu et l'inviter à faire valoir ses observations ; qu'en requalifiant les faits de mise en vente de produits portant une appellation d'origine inexacte en présentation de produit de nature à faire croire qu'il bénéficie d'une appellation contrôlée, sans avoir averti les prévenus de cette requalification ni les avoir invités à faire valoir leurs observations sur ce délit distinct, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés " ;

Attendu que l'arrêt attaqué n'encourt pas les griefs du moyen dès lors que la cour d'appel, statuant sur renvoi après cassation, a procédé à une modification de la qualification donnée à la prévention en se conformant aux prévisions de l'arrêt qui l'avait saisie ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 115-16, L. 115-26-3 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à l'époque des faits, L. 642-1, L. 642-4 du code rural dans leur rédaction applicable à l'époque des faits, 2, 593 du code de procédure pénale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré les demandes du syndicat interprofessionnel du reblochon, du syndicat Savoicime venant aux droits du syndicat interprofessionnel de la tomme de Savoie et de l'union fédérale des consommateurs d'Albertville recevables, a condamné MM. Y..., X... et Z..., solidairement à payer à titre de dommages-intérêts au syndicat interprofessionnel du reblochon la somme de 150 000 euros, au syndicat Savoicime la somme de 150 000 euros et à l'union fédérale des consommateurs d'Albertville la somme de 30 000 euros ;

" aux motifs que force est de constater que la présentation de ses produits « Mac Cheese » faite par la société Mac Donald's France services, dans le cadre de sa campagne nationale, « la saga des fromages » était de nature à induire en erreur les consommateurs sur la composition exacte de ceux-ci, en mettant l'accent exagéré sur des noms de fromage bénéficiant d'une appellation contrôlée, alors que la quantité de chacun des fromages concernés était insuffisante pour conférer aux sandwiches un caractère particulier ; qu'en effet sur les documents publicitaires et plus particulièrement sur « fonds de plateau » versés aux débats, les dénominations des fromages concernés pour chaque journée de la semaine apparaissent en caractères surdimensionnés par rapport aux autres mentions (« Recette au », « Sauce au », « fondu »), lesquelles sont imprimées en caractère très petits et de la même couleur, quoique d'une nuance plus soutenue, que le fond de l'illustration, dont peu lisibles ; qu'en outre, les illustrations présentent, pour chaque jour de la semaine, un sandwich d'où dépasse, de manière très visible, des tranches de fromage semblant correspondre, a priori, à la variété de fromage annoncée en-dessus en gros caractères, alors qu'il ne s'agit que de fromage fondu à base d'emmenthal ; que ce comportement entre dans les prévisions des textes susvisés en ce que le mode de présentation des sandwiches « Mac Cheese sauce au reblochon » et « Mac Cheese sauce à la tomme de Savoie fondue » était de nature à faire croire, faussement, que le fromage entrant dans la composition de ces produits bénéficiait des appellations contrôlées « reblochon » ou « tomme de Savoie », peu importe que la sauce incorporée à chaque sandwich, à raison de 10 grammes environ pour un sandwich de 365 grammes ait comporté une proportion de chaque fromage de 8, 5 % à 6 % conforme aux usages culinaires ;

" 1) alors que le délit de présentation d'un produit de nature à faire croire qu'il bénéficie d'une appellation d'origine contrôlée s'apprécie par rapport à un consommateur moyen normalement avisé ; qu'il est constant que les sandwiches litigieux se dénommaient « Mac Cheese sauce au reblochon » et « Mac Cheese sauce à la tomme de Savoie fondue » de sorte qu'à la simple lecture des affiches ou de la carte, le consommateur moyen était informé que seule la sauce du sandwich était préparée avec ces fromages lesquels bénéficiaient d'une appellation d'origine contrôlée, à l'exclusion de tout autre ingrédient ; qu'en retenant le fait que les inscriptions reblochon ou tomme de Savoie étaient écrites en plus gros caractères que sauce et que l'illustration des sandwiches faisait apparaître une tranche de fromage qui semblait correspondre à la variété annoncée, sans s'expliquer sur cette circonstance incontestée, la cour d'appel n'a pas légalement justifiée sa décision ;

" 2) alors que les prévenus ont fait valoir dans leurs conclusions régulièrement déposées que les sandwichs Mc Cheese sont toujours préparés à partir d'une tranche d'emmenthal ou de cheddar par opposition aux hamburgers préparés à partir de viande de sorte que l'appellation « Mc Cheese sauce au reblochon » et « Mc Cheese sauce à la tomme de Savoie fondue » renseignait exactement le consommateur moyen sur la composition de ce sandwich à savoir un sandwich garni d'une tranche d'emmenthal ou de cheddar, comme tous les Mac Cheese, agrémenté d'une sauce au reblochon ou à la tomme de Savoie fondue ; qu'en entrant en voie de condamnation sans répondre à ces conclusions la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences des textes susvisés " ;

Attendu qu'en l'état des motifs reproduits au moyen, procédant de l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits de la cause et qui caractérisent en tous ses éléments le délit de présentation d'un produit de nature à faire croire qu'il bénéficie d'une appellation d'origine contrôlée, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 115-16, L. 115-26-3 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à l'époque des faits, L. 642-1, L. 642-4 du code rural dans leur rédaction applicable à l'époque des faits, 2, 593 du code de procédure pénale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré les demandes du syndicat interprofessionnel du reblochon, du syndicat Savoicime venant aux droits du syndicat interprofessionnel de la tomme de Savoie et de l'union fédérale des consommateurs d'Albertville recevables, a condamné MM. Y..., X..., et Z..., solidairement à payer à titre de dommages et intérêts au syndicat interprofessionnel du reblochon la somme de 150 000 euros, au syndicat Savoicime la somme de 150 000 euros et à l'union fédérale des consommateurs d'Albertville la somme de 30 000 euros ;

" aux motifs qu'il n'est pas nécessaire de constater une chute des ventes de reblochon et de tomme de Savoie pour retenir l'existence d'un préjudice notamment d'image, subi par les syndicats demandeurs, du fait de l'opération critiquée ; qu'en effet le syndicat interprofessionnel du reblochon regroupe l'union des producteurs de reblochons fermiers, la fédération départementale des coopératives laitières, le syndicat des fromagers de Haute Savoie, ainsi que le syndicat des affineurs de reblochon et de fromages de Savoie, dont les membres se sont engagés à fabriquer, produire et vendre des reblochons répondant aux critères exigés dans le cadre de l'AOC ; que Savoicime agit dans l'intérêt des producteurs de tommes labellisées comme IGP (indication géographique protégée) sous l'appellation « tomme de Savoie » produit qui obéit à des règles de labellisation strictes ; que l'opération décrite plus haut a eu pour effet de discréditer la qualité de ces produits puisque l'appréciation que le consommateur d'un sandwich « Mac Cheese sauce au reblochon » ou « Mac Cheese sauce à la tomme de Savoie fondue » a pu avoir des fromages en cause ne pouvait qu'être très inférieure aux qualités gustatives réelles du reblochon ou de la tomme de Savoie, puisque ces sandwiches ne contenaient que 0, 52 % du poids du produit pour le premier, et 0, 36 % du poids du produit pour le second ; qu'il n'est pas contesté que les quantités des deux fromages acquises dans le cadre de l'opération ont permis de vendre plus de 100 000 sandwiches de chacune de ces deux spécialités, portant ainsi atteinte, auprès de chacun des consommateurs de ces sandwiches, à l'image que les professionnels s'efforcent de promouvoir en respectant les critères posés pour l'attribution des labels AOC et IGP rappelés plus haut ; qu'au vu de ces éléments, le premier juge a exactement apprécié le préjudice subi en allouant à chacun des deux syndicats demandeurs une somme de 150. 000 euros à titre de dommages et intérêts ; que le jugement sera confirmé sur ce point ;

" 1) alors que seul le préjudice résultant directement de l'infraction peut faire l'objet d'une réparation devant les juridictions pénales ; que l'infraction retenue à l'encontre de MM. Y..., X... et Z... a consisté en une présentation des sandwiches Mac Cheese sauce au reblochon et sauce à la tomme de Savoie fondue, deux fromages bénéficiant d'une appellation d'origine contrôlée, de nature à faire faussement croire que la tranche de fromage glissée entre les deux tranches de pain de ces sandwiches bénéficiait aussi d'une telle appellation ; qu'en décidant que les syndicats interprofessionnels de ces deux fromages AOC et IGP avaient subi un préjudice par la mise en vente de ces sandwiches lesquels du fait de la faible teneur en reblochon et en tomme de Savoie ont discrédité la qualité gustative de ces produits auprès du consommateur, préjudice qui ne résulte pas directement de l'infraction retenue, la cour d'appel a méconnu le principe et les textes susvisés ;

" 2) alors qu'il est constant que les sauces des sandwiches « Mc Cheese sauce au reblochon » et « Mc Cheese sauce à la tomme de Savoie fondue » contenaient réellement du reblochon et de la tomme de Savoie ; que MM. Y..., X... et Z... ont fait valoir dans leurs conclusions régulièrement déposées que la mise en vente de ces sandwiches a nécessité l'achat de trois tonnes sept cent cinquante kilogrammes de reblochon AOC auprès de la fromagerie Chabert et deux tonnes quatre vingt dix kilogrammes de tomme de Savoie IGP à la fromagerie Conus, ce qui nécessairement a eu pour conséquence de générer un bénéfice commercial non négligeable pour ces fromageries tenues par ailleurs aux règles de labellisation strictes ; qu'en condamnant solidairement MM. Y..., X... et Z... à verser au syndicat interprofessionnel du reblochon et à Savoicime, syndicat interprofessionnel de la tomme de Savoie, la somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts pour l'atteinte portée à l'image de ces fromages du fait de l'opération commerciale précitée sans tenir compte de cette circonstance ni répondre à leurs conclusions, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés " ;

Attendu que, pour déclarer recevables les demandes du syndicat interprofessionnel du reblochon et du syndicat Savoicime venant aux droits du syndicat interprofessionnel de la tomme de Savoie et condamner les prévenus à leur verser des dommages-intérêts, l'arrêt attaqué prononce par les motifs reproduits au moyen ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, d'où il résulte que l'infraction a porté atteinte aux droits que ces parties civiles ont pour objet de défendre, la cour d'appel, qui a souverainement apprécié le montant du préjudice en découlant, a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

FIXE à 1 500 euros la somme globale que MM. X..., Y... et Z... devront payer au syndicat Savoicime venant aux droits du syndicat interprofessionnel de la tomme de Savoie au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

FIXE à 1 500 euros la somme globale que MM. X..., Y... et Z... devront payer au syndicat interprofessionnel du reblochon au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Arnould conseiller rapporteur, M. Palisse conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Téplier ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 10-85113
Date de la décision : 05/04/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 15 juin 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 05 avr. 2011, pourvoi n°10-85113


Composition du Tribunal
Président : M. Louvel (président)
Avocat(s) : SCP Hémery et Thomas-Raquin, SCP Monod et Colin, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.85113
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