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31/01/2006 | FRANCE | N°04-10803

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 31 janvier 2006, 04-10803


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :

Attendu que Mme X... a intenté une action en responsabilité de l'Etat pour fonctionnement défectueux du service public de la justice à la suite l'assassinat de son fils Alain Y... le 14 février 1994 et réclamé l'indemnisation de son préjudice moral et matériel ;

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt attaqué (Colmar, 14 novembre 2003) de l'avoir déboutée de son action, alors, selon le moyen :

1

) que la cour d'appel a reconnu qu'il y avait eu des lenteurs de transmission des commission...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :

Attendu que Mme X... a intenté une action en responsabilité de l'Etat pour fonctionnement défectueux du service public de la justice à la suite l'assassinat de son fils Alain Y... le 14 février 1994 et réclamé l'indemnisation de son préjudice moral et matériel ;

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt attaqué (Colmar, 14 novembre 2003) de l'avoir déboutée de son action, alors, selon le moyen :

1 ) que la cour d'appel a reconnu qu'il y avait eu des lenteurs de transmission des commissions rogatoires émises par la juridiction portugaise saisie des poursuites contre le meurtrier d'Alain Y... lesquelles ne sont parvenues au parquet de Colmar qu'en août 1997 ; qu'elle a soutenu dans ses conclusions que la commission rogatoire des autorités portugaises date du 7 mars 1996, soit près d'un an et demi avant leur réception par le parquet de Colmar et que le 4 janvier 1996 son conseil avait écrit au magistrat instructeur français pour lui rappeler l'urgence de la transmission de la procédure française aux autorités judiciaires portugaises ; qu'en se bornant à relever que rien ne permettait d'imputer spécialement ces lenteurs à la justice française, sans rechercher les raisons pour lesquelles les autorités judiciaires françaises, dûment informées depuis le début de l'année 1996 de l'arrestation au Portugal de Carlos Z...
A... et de l'imminence de l'audience de jugement, n'avaient pris aucune initiative pendant un an et demi pour assurer la transmission du dossier au Portugal et répondre aux commissions rogatoires émises par la justice portugaise et sans justifier de ce que l'exceptionnelle lenteur de transmission de celles-ci ne leur seraient pas imputable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 781-1 du Code de l'organisation judiciaire ;

2 ) qu'elle a soutenu dans ses conclusions d'appel que, dans son procès-verbal du 23 mars 1994, l'inspecteur divisionnaire du SRPJ de Strasbourg avait mentionné l'endroit où se cachait Carlos Z...
A... et la nécessité de faire une dénonciation officielle ; que l'arrêt attaqué énonce que "la dénonciation est intervenue le 2 décembre 1994, c'est-à-dire sans retard particulier de la part du magistrat instructeur" ;

qu'en omettant d'exposer en quoi le fait pour le magistrat instructeur d'avoir attendu dix mois après l'information qu'il avait reçue des services de police pour la dénoncer aux autorités judiciaires portugaises aux fins de tentative d'arrestation du meurtrier d'Alain Y..., ne manifesterait pas un fait ou une série de fait traduisant l'inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 781-1 du Code de l'organisation judiciaire ;

3 ) qu'elle avait invoqué à titre principal le préjudice moral subi du fait des multiples tracas causés par l'inertie des services de la justice française et l'exacerbation de la douleur ressentie en raison de cette inertie et à titre secondaire les frais exposés pour emmener les témoins au Portugal ; qu'en énonçant qu'elle n'apportait pas de justificatif à l'appui de sa demande d'indemnisation, la cour d'appel s'est prononcée exclusivement sur la demande d'indemnisation du préjudice matériel sans répondre au moyen des conclusions relatif au préjudice moral en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel a relevé que les lenteurs de transmission et d'exécution, étaient inhérentes aux problèmes de coopération internationale, et n'auraient pu être réduites que par l'emploi par les autorités portugaises des correspondances directes de la convention de Schengen, mais dont la ratification par ce pays était alors trop récente ; que si Mme X... paraît reprocher un défaut de suivi aux magistrats français en charge du dossier, ceux-ci n'avaient en réalité que le pouvoir de relancer les services chargés de la transmission, ce qui a été fait ; qu'elle a ainsi caractérisé la complexité du litige résultant de la mise en oeuvre de la coopération judiciaire internationale et précisé que rien ne permettait d'imputer spécialement ces lenteurs à la justice française ;

Attendu, ensuite, que l'arrêt relève qu'un mandat d'arrêt international a été émis dés le 17 février 1994 ; que les policiers ont appris en mars 1994 que le meurtrier résidait au Portugal et que le 29 mars 1994 une commission rogatoire internationale a été délivrée pour faire poursuivre l'enquête dans ce pays , et enfin que la dénonciation aux autorités portugaises était intervenue le 2 décembre 1994 ; qu'elle a ainsi caractérisé l'absence de retard particulier à cette dénonciation intervenue après le dépôt du rapport de synthèse du SRPJ au magistrat instructeur le 24 octobre 1994 ;

Attendu, enfin, que la troisième branche est inopérante dès lors que l'absence de déficience du service public de la justice, constatée par la cour d'appel, excluait nécessairement la réparation d'un préjudice ;

D'ou il suit que le moyen, non fondé en ses deux premières branches est inopérant dans la troisième ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de l'agent judiciaire du Trésor ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un janvier deux mille six.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 04-10803
Date de la décision : 31/01/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

ETAT - Responsabilité - Fonctionnement défectueux du service de la justice - Faute lourde - Exclusion - Cas - Lenteur de la procédure résultant de la mise en oeuvre de la coopération judiciaire internationale.

Justifie légalement sa décision au regard de l'article L. 781-1 du code de l'organisation judiciaire la cour d'appel, qui a caractérisé la complexité d'un litige résultant de la mise en oeuvre de la coopération judiciaire internationale, l'absence de retard particulier à la dénonciation d'un crime aux autorités étrangères et précisé que rien ne permet d'imputer les lenteurs de la procédure à la justice française.


Références :

Code de l'organisation judiciaire L781-1

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 14 novembre 2003


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 31 jan. 2006, pourvoi n°04-10803, Bull. civ. 2006 I N° 44 p. 45
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2006 I N° 44 p. 45

Composition du Tribunal
Président : M. Pluyette, conseiller le plus ancien faisant fonction.
Rapporteur ?: Mme Ingall-Montagnier.
Avocat(s) : SCP Ghestin, SCP Ancel et Couturier-Heller.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2006:04.10803
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