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29/11/2018 | FRANCE | N°17-22508

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 29 novembre 2018, 17-22508


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 162-1 du code rural et de la pêche maritime ;

Attendu qu'en l'absence de titre, les chemins d'exploitation sont présumés appartenir aux propriétaires riverains ; que leur usage est commun à ceux-ci et peut être interdit au public ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 1er juin 2017), que Mme Janine X..., Mme Christine Y... et M. Ezechiel Y... (les consorts Y...), propriétaires d'une parcelle desservie par un chemin d'exploitation, s

e plaignant de ce que la société Otra Construct et les consorts B... C... prétenda...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 162-1 du code rural et de la pêche maritime ;

Attendu qu'en l'absence de titre, les chemins d'exploitation sont présumés appartenir aux propriétaires riverains ; que leur usage est commun à ceux-ci et peut être interdit au public ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 1er juin 2017), que Mme Janine X..., Mme Christine Y... et M. Ezechiel Y... (les consorts Y...), propriétaires d'une parcelle desservie par un chemin d'exploitation, se plaignant de ce que la société Otra Construct et les consorts B... C... prétendaient faire usage de ce chemin sans en être riverains et de ce que Mme A..., propriétaire d'une parcelle riveraine, avait autorisé le passage à des propriétaires d'arrière-fonds, les ont assignés en interdiction d'accès au chemin par les non-riverains ;

Attendu que, pour déclarer irrecevable la demande des consorts Y..., l'arrêt retient que l'interdiction au public prévue par l'article L. 162-1 du code rural et de la pêche maritime est subordonnée aux conditions de majorité prévues par l'article 815-3 du code civil et que les consorts Y... ne disposent pas à eux seuls de la majorité des deux tiers des riverains, ni ne peuvent se prévaloir d'un mandat tacite de ceux-ci ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'usage commun des chemins d'exploitation n'est pas régi par les règles de l'indivision et que chaque propriétaire riverain dispose du droit d'en interdire l'accès aux non-riverains, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit les consorts Y... irrecevables en leur demande d'interdiction de l'usage du chemin par des non-riverains, l'arrêt rendu le 1er juin 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne Mme A..., Mme B..., M. C..., M. et Mme D..., M. F..., Mme G..., M. H..., Mme I..., M. et Mme K..., et M. L... et l'association syndicale libre Les Bastides des Pins aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes de Mme B..., M. C..., M. et Mme K..., M. L..., Mme I..., M. H..., Mme G..., M. F..., M. et Mme D..., Mme A... et de l'association syndicale libre Les Bastides des Pins ; les condamne à payer aux consorts Y... la somme globale de 3 500 € ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf novembre deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour les consorts Y...

Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit et jugé que Janine X... veuve Y..., Christine Y... et E. Y... n'ont pas qualité pour agir, aux fins d'interdiction sous astreinte de l'usage du chemin de la Chêneraie, d'établissement d'obstacles condamnant l'accès audit chemin et d'interdiction sous astreinte d'accès audit chemin et, d'avoir, en conséquence, dit et jugé irrecevables, les demandes sous astreinte d'interdiction de l'usage du chemin de la Chêneraie, d'établissement d'obstacles condamnant l'accès audit chemin et d'interdiction d'accès audit chemin ;

AUX MOTIFS QUE

« Sur les demandes tendant à voir interdire et empêcher matériellement l'usage du chemin par les propriétaires non-riverains

Aux termes de l'article L 162-1 du code rural, les chemins et sentiers d'exploitation sont ceux qui servent exclusivement à la communication entre divers héritages, ou à leur exploitation ; ils sont, en l'absence de titre, présumés appartenir aux propriétaires riverains, chacun en droit soi, mais l'usage en est commun à tous les intéressés. L'usage de ces chemins peut être interdit au public.

Il découle de ces dispositions et en particulier des termes « usage commun à tous les intéressés », que les riverains d'un chemin d'exploitation bénéficient d'un droit d'usage composé d'un droit d'usage légal réciproque et de l'usus du droit de propriété ; les non-riverains ont pour leur part un droit d'usage unilatéral, sauf interdiction au public ; tous ont donc sur le chemin un droit de co-usage indivis, en cas de pluralité de fonds traversés.

Il doit dès lors être fait application des dispositions de l'article 815-3 du code civil, en vertu desquelles un certain nombre d'actes et notamment les actes d'administration relatifs aux biens indivis requièrent une majorité d'au moins deux tiers des indivisaires ; par dérogation, si un indivisaire prend en main la gestion des biens indivis, au su des autres et sans opposition de leur part, il est censé avoir reçu un mandat tacite, couvrant les actes d'administration.

Il s'ensuit que l'interdiction au public prévue in fine de l'article L 162-1 précité répond à des conditions de majorité, sauf mandat tacite.

En l'occurrence, les consorts Y..., propriétaires de la parcelle [...] ont des droits indivis sur le chemin litigieux ; leur demande d'interdiction d'accès aux non-riverains concerne l'intégralité du chemin; ils ne contestent pas ne pas disposer par eux-mêmes de la majorité des deux tiers ; ils ne peuvent davantage se prévaloir d'un mandat tacite d'administration de la part des autres riverains, au regard des multiples attestations contraires produites aux débats et du refus exprès de madame A..., partie à l'instance et riveraine du chemin litigieux au même titre que les consorts Y....

Dans ces conditions, ainsi que le soutiennent l'association syndicale libre les bastides du pin et les colotis, ainsi que Michael C..., Marie-Claude B... et M. A..., les consorts Y... n'ont pas qualité à agir, aux fins d'interdiction de l'usage du chemin d'exploitation, d'établissement d'obstacles condamnant l'accès audit chemin d'exploitation et d'interdiction d'accès audit chemin, le tout sous astreinte.

Il s'ensuit que faute de qualité à agir, les consorts Y... sont irrecevables en leurs demandes sus-énoncées, en application des articles 31 et 32 du code de procédure civile.

Le jugement sera réformé en ce qu'il a débouté les consorts Y... de ces différents chefs de demandes, ces derniers étant en fait irrecevables. » (arrêt, p. 13, al. 6 et s., à p. 14, al. 4) ;

1°) ALORS QUE les chemins d'exploitation sont ceux qui servent à la communication entre divers héritages ou à leur exploitation et le droit d'usage qui en résulte profite à tous les intéressés dont les fonds sont desservis par cette voie, soit qu'elle les traverse ou les borde, soit qu'elle y aboutisse ; que ce droit d'usage ne peut bénéficier à des parcelles non limitrophes ni, a fortiori, au public ; qu'en retenant, pour juger les consorts Y... irrecevables en leur demande d'interdiction aux défendeurs de l'usage du chemin d'exploitation de la Chêneraie, que les non-riverains ont un droit d'usage unilatéral, sauf interdiction au public, quand seuls bénéficient du droit d'usage du chemin d'exploitation les propriétaires riverains en l'absence de décision collective d'ouverture au public, la cour d'appel a violé l'article L. 162-1 du code rural et de la pêche maritime ensemble les articles 31 et 32 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE l'usage commun des chemins d'exploitation n'est pas régi par les règles de l'indivision ; qu'il en résulte que chaque propriétaire riverain peut agir seul afin de faire respecter le caractère privatif de l'usage, limité aux propriétaires riverains ; qu'en retenant, pour juger les consorts Y... irrecevables en leur demande d'interdiction aux défendeurs de l'usage du chemin d'exploitation de la Chêneraie, que les riverains d'un chemin d'exploitation bénéficient d'un droit d'usage légal réciproque et de l'usus du droit de propriété, tous ayant donc sur le chemin un droit de co-usage indivis, en cas de pluralité de fonds traversés, de sorte qu'il devrait être fait application des dispositions de l'article 815-3 du code civil, en vertu desquelles les actes d'administration relatifs aux biens indivis requièrent une majorité d'au moins deux tiers des indivisaires, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et violé l'article L. 162-1 du code rural et de la pêche maritime ensemble les articles 815-3 du code civil, 31 et 32 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 17-22508
Date de la décision : 29/11/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

INDIVISION - Chose indivise - Usage - Exclusion - Cas - Chemin d'exploitation - Portée

VOIRIE - Chemin d'exploitation - Droits des riverains - Usage - Accès au public - Interdiction - Conditions - Détermination

L'usage commun des chemins d'exploitation n'est pas régi par les règles de l'indivision. Chaque propriétaire riverain dispose du droit d'en interdire l'accès aux non-riverains


Références :

article L. 162-1 du code rural et de la pêche maritime

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 01 juin 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 29 nov. 2018, pourvoi n°17-22508, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin
Avocat(s) : SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, SCP Didier et Pinet, Me Le Prado

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.22508
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