Vu la procédure suivante :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 29 janvier 2020 par lequel le président de la communauté de communes Cœur Haute Lande a exercé le droit de préemption urbain sur la parcelle cadastrée section B n° 935, située sur le territoire de la commune de Garein (Landes). Par un jugement n° 2000591 du 9 décembre 2020, le tribunal administratif de Pau a fait droit à cette demande.
Par un arrêt n° 21BX00448 du 4 juillet 2023, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par la communauté de communes Cœur Haute Lande contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 1er septembre et 30 novembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la communauté de communes Cœur Haute Lande demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 55-4 du 4 janvier 1955 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Isabelle Tison, conseillère d'Etat,
- les conclusions de M. Thomas Janicot, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Boré, Salve de Bruneton, Mégret, avocat de la communauté de communes Cœur Haute Lande et à la SCP Gury, Maître, avocat de M. B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 29 janvier 2020, le président de la communauté de communes Cœur Haute Lande a exercé le droit de préemption urbain sur la parcelle cadastrée section B n° 935, située sur le territoire de la commune de Garein. Saisi par M. B..., qui s'était porté acquéreur de la parcelle, le tribunal administratif de Pau a, par un jugement du 9 décembre 2020, annulé l'arrêté du 29 janvier 2020. La communauté de communes Cœur Haute Lande se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 4 juillet 2023 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté son appel contre ce jugement.
2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'urbanisme : " Les communes dotées d'un plan d'occupation des sols rendu public ou d'un plan local d'urbanisme approuvé peuvent, par délibération, instituer un droit de préemption urbain (...) ". La compétence d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre en matière de plan local d'urbanisme emporte sa compétence de plein droit en matière de droit de préemption urbain en vertu de l'article L. 211-2 du même code. L'article R. 211-2 de ce code dispose que : " La délibération par laquelle le conseil municipal ou l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale compétent décide, en application de l'article L. 211-1, d'instituer ou de supprimer le droit de préemption urbain ou d'en modifier le champ d'application est affichée en mairie pendant un mois. Mention en est insérée dans deux journaux diffusés dans le département / Les effets juridiques attachés à la délibération mentionnée au premier alinéa ont pour point de départ l'exécution de l'ensemble des formalités de publicité mentionnées audit alinéa. Pour l'application du présent alinéa, la date à prendre en considération pour l'affichage en mairie est celle du premier jour où il est effectué. "
3. D'autre part, les articles L. 2131-1 à L. 2131-3 du code général des collectivités territoriales prévoient, dans leur rédaction applicable au litige, que les actes pris au nom de la commune sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication ou affichage ou à leur notification aux intéressés ainsi que, pour ceux mentionnés à l'article L. 2131-2, dont relève la délibération instituant un droit de préemption urbain, à leur transmission au représentant de l'Etat dans le département ou à son délégué dans l'arrondissement. L'article L. 5211-3 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que : " Les dispositions du chapitre premier du titre III du livre premier de la deuxième partie relatives au contrôle de légalité et au caractère exécutoire des actes des communes sont applicables aux établissements publics de coopération intercommunale (...) ".
4. Il résulte des dispositions législatives mentionnées aux points précédents que la délibération par laquelle un établissement public de coopération intercommunale institue un droit de préemption urbain est exécutoire dès qu'elle a fait l'objet des formalités de publicité prévues au point 3 et qu'elle a été transmise au représentant de l'Etat. S'il résulte des dispositions réglementaires de l'article R. 211-2 du code de l'urbanisme que la délibération instituant le droit de préemption urbain doit faire l'objet d'un affichage pendant un mois et que mention doit en être insérée dans deux journaux diffusés dans le département, le respect de cette durée d'affichage et celui de cette obligation d'information par voie de presse sont sans incidence sur la détermination de la date à laquelle cette délibération devient exécutoire.
5. Par suite, en déduisant de l'absence de respect de l'obligation d'information par voie de presse telle que prévue à l'article R. 211-2 du code de l'urbanisme pour la délibération du 19 janvier 2017 du conseil communautaire de la communauté de communes Cœur Haute Lande instituant le droit de préemption urbain sur le territoire de la commune de Garein que cette délibération n'était pas devenue exécutoire, de sorte que la décision de préemption litigieuse était dépourvue de base légale, la cour s'est fondée sur une circonstance inopérante et a ainsi commis une erreur de droit.
6. En deuxième lieu et au demeurant, l'inscription sur la liste des journaux susceptibles de recevoir les annonces légales dans le département, qu'il incombe au préfet de fixer chaque année au mois de décembre pour l'année suivante en vertu de l'article 2 de la loi du 4 janvier 1955 concernant les annonces judiciaires et légales, étant notamment subordonnée à la condition, vérifiée à cette occasion, d'une diffusion suffisante dans le département, il en résulte qu'une mention dans un journal figurant sur cette liste doit être regardée comme de nature à assurer l'information par voie de presse instituée par l'article R. 211-2 du code de l'urbanisme. Par suite, en jugeant que la mention faite de la délibération du 19 janvier 2017 dans le journal " Le Travailleur landais " n'avait pas permis de satisfaire à cette obligation d'information, alors pourtant qu'elle avait relevé que ce journal était habilité à recevoir des annonces légales, la cour a également commis une erreur de droit.
7. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de son pourvoi, la communauté de communes Cœur Haute Lande est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la communauté de communes Cœur Haute Lande, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par M. B.... Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... une somme de 3 000 euros à verser, au titre des mêmes dispositions, à la communauté de communes Cœur Haute Lande.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 4 juillet 2023 de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Article 3 : M. B... versera une somme de 3 000 euros à la communauté de communes Cœur Haute Lande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de M. B... présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la communauté de communes Cœur Haute Lande, à M. A... B... et à la ministre du logement et de la rénovation urbaine.
Délibéré à l'issue de la séance du 23 octobre 2024 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Jean-Luc Nevache, M. Vincent Mazauric, M. Edouard Geffray et Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, conseillers d'Etat ; Mme Catherine Brouard Gallet, conseillère d'Etat en service extraordinaire et Mme Isabelle Tison, conseillère d'Etat-rapporteure.
Rendu le 18 novembre 2024.
Le président :
Signé : M. Pierre Collin
La rapporteure :
Signé : Mme Isabelle Tison
Le secrétaire :
Signé : M. Hervé Herber