Vu les procédures suivantes :
1° Mme B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Caen, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'une part, de suspendre l'exécution de la décision du 10 juin 2024 par laquelle le directeur du centre hospitalier universitaire de Caen lui a refusé la poursuite de son parcours de procréation médicalement assistée et notamment l'implantation des embryons qui y sont conservés et, d'autre part, d'enjoindre au centre hospitalier universitaire de Caen de réexaminer sa demande dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard. Par une ordonnance n° 2402052 du 16 août 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Caen a rejeté cette demande.
Sous le n° 497323, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 29 août, 12 septembre, 31 octobre et 8 novembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat :
1°) à titre principal, d'annuler cette ordonnance et, statuant en référé, de faire droit à sa demande ;
2°) à titre subsidiaire, de sursoir à statuer jusqu'à ce que la Cour européenne des droits de l'homme ait donné son avis sur la question suivante : " une législation interne (l'article L. 2141-2 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de la loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique) qui d'une part écarte, pour une femme dont l'époux est décédé, toute possibilité de recourir à l'AMP à l'aide des gamètes ou des embryons conservés par le couple, quand bien même l'époux aurait fait part de son souhait de la poursuite de l'AMP en cas de décès, et d'autre part autorise les femmes non mariées à réaliser une AMP seules, avec tiers donneur, même décédé, est-elle incohérente et son application est-elle dès lors susceptible de constituer une ingérence disproportionnée dans le droit au respect de la vie privée et familiale de la femme dont l'époux est décédé ' "
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Caen la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2° Mme B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montreuil, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre à l'Agence de la biomédecine d'autoriser la sortie du territoire des embryons de son couple vers l'Espagne, dans le délai de sept jours à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard. Par une ordonnance n° 2413937 du 3 octobre 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil, statuant en application de l'article L. 522-3 du code de justice administrative, a rejeté cette demande.
Sous le n° 498345, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 9, 14 et 31 octobre et le 8 novembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 94-654 du 29 juillet 1994 ;
- la loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 ;
- l'arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l'homme le 14 septembre 2023 dans l'affaire Baret et Caballero c. France, nos 22296/20 et 37138/20 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Isabelle Tison, conseillère d'Etat,
- les conclusions de M. Mathieu Le Coq, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Poupet, Kacenelenbogen, avocat de Mme A..., à la SCP Guérin, Gougeon, avocat du centre hospitalier universitaire de Caen et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de l'Agence de la biomédecine ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 15 novembre 2024, présentée dans les deux instances par Mme A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Les pourvois de Mme A... contre les ordonnances du 3 octobre 2024 du juge des référés du tribunal administratif de Montreuil et du 16 août 2024 du juge des référés du tribunal administratif de Caen visés ci-dessus présentent à juger des questions semblables. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
Sur le cadre juridique applicable :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 2141-2 du code de la santé publique : " L'assistance médicale à la procréation est destinée à répondre à un projet parental. Tout couple formé d'un homme et d'une femme ou de deux femmes ou toute femme non mariée ont accès à l'assistance médicale à la procréation (...). / Cet accès ne peut faire l'objet d'aucune différence de traitement, notamment au regard du statut matrimonial ou de l'orientation sexuelle des demandeurs. / Les deux membres du couple ou la femme non mariée doivent consentir préalablement à l'insémination artificielle ou au transfert des embryons. / Lorsqu'il s'agit d'un couple, font obstacle à l'insémination ou au transfert des embryons : 1° Le décès d'un des membres du couple ; / 2° L'introduction d'une demande en divorce ; / 3° L'introduction d'une demande en séparation de corps ; / 4° La signature d'une convention de divorce ou de séparation de corps par consentement mutuel selon les modalités prévues à l'article 229-1 du code civil ; / 5° La cessation de la communauté de vie ; / 6° La révocation par écrit du consentement prévu au troisième alinéa du présent article par l'un ou l'autre des membres du couple auprès du médecin chargé de mettre en œuvre l'assistance médicale à la procréation. (...) ". L'article L. 2141-3 de ce code dispose que : " Un embryon ne peut être conçu in vitro que dans le cadre et selon les objectifs d'une assistance médicale à la procréation définie à l'article L. 2141-1. / Compte tenu de l'état des techniques médicales, les membres du couple ou la femme non mariée peuvent consentir par écrit à ce que soit tentée la fécondation d'un nombre d'ovocytes pouvant rendre nécessaire la conservation d'embryons, dans l'intention de réaliser ultérieurement leur projet parental. Dans ce cas, ce nombre est limité à ce qui est strictement nécessaire à la réussite de l'assistance médicale à la procréation compte tenu du procédé mis en œuvre. (...) " L'article L. 2141-4 du même code prévoit que : " I.- Les deux membres du couple ou la femme non mariée dont des embryons sont conservés sont consultés chaque année sur le point de savoir s'ils maintiennent leur projet parental. S'ils confirment par écrit le maintien de leur projet parental, la conservation de leurs embryons est poursuivie. / II. - S'ils n'ont plus de projet parental, les deux membres du couple ou la femme non mariée consentent par écrit : / 1° A ce que leurs embryons soient accueillis par un autre couple ou une autre femme (...) ; / 2° A ce que leurs embryons fassent l'objet d'une recherche (...) ou (...) à ce que les cellules dérivées à partir de ces embryons entrent dans une préparation de thérapie cellulaire ou un médicament de thérapie innovante à des fins exclusivement thérapeutiques ; / 3° A ce qu'il soit mis fin à la conservation de leurs embryons. (...). / III. - A l'occasion de la consultation annuelle mentionnée au I, les deux membres du couple précisent si, en cas de décès de l'un d'eux, ils consentent à l'une des possibilités du devenir des embryons conservés prévues aux 1° ou 2° du II. / En cas de décès de l'un des membres du couple, le membre survivant est consulté, le cas échéant, sur le point de savoir s'il maintient son consentement aux possibilités prévues aux mêmes 1° ou 2°, après l'expiration d'un délai d'un an à compter du décès, sauf initiative anticipée de sa part. Si le membre survivant révoque son consentement, il est mis fin à la conservation des embryons. (...) / VII. - En cas de décès des deux membres du couple, de l'un de ses membres ou de la femme non mariée en l'absence des consentements prévus aux 1° et 2° du II du présent article, il est mis fin à la conservation de leurs embryons. "
3. D'autre part, l'article L. 2141-9 du code de la santé publique prévoit que : " Seuls les embryons conçus dans le respect des principes fondamentaux énoncés aux articles 16 à 16-8 du code civil et des dispositions du présent titre peuvent entrer sur le territoire où s'applique le présent code ou en sortir. Ces déplacements d'embryons sont exclusivement destinés à permettre la poursuite du projet parental du couple ou de la femme non mariée concernés. Ils sont soumis à l'autorisation préalable de l'Agence de la biomédecine. "
4. Si, avant l'entrée en vigueur de la loi du 2 août 2021 relative à la bioéthique, l'assistance médicale à la procréation avait pour objet de remédier à l'infertilité d'un couple ou d'éviter la transmission à l'enfant ou à un membre du couple d'une maladie d'une particulière gravité, il résulte des dispositions précitées issues de cette loi qu'elle est désormais destinée à répondre à un projet parental et que, lorsque ce projet parental est celui d'un couple, les deux membres du couple doivent consentir préalablement à l'insémination artificielle ou au transfert des embryons. Il en résulte également qu'en cas de décès d'un membre du couple, le projet parental disparaît et il ne peut être procédé à l'insémination artificielle ou au transfert des embryons conçus in vitro dans le cadre et selon les objectifs d'une assistance médicale à la procréation destinée à répondre à ce projet parental. La sortie du territoire d'un embryon étant exclusivement destinée à permettre la poursuite du projet parental du couple ou de la femme non mariée concernés, elle ne peut légalement être autorisée par l'Agence de la biomédecine en cas de décès d'un des membres du couple lorsque le projet parental est celui d'un couple.
Sur l'ordonnance du 3 octobre 2024 du juge des référés du tribunal administratif de Montreuil :
5. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Montreuil qu'à la suite du décès de son époux, le 10 décembre 2023, Mme A..., qui avait débuté en 2022 avec celui-ci un parcours d'assistance médicale à la procréation au centre hospitalier universitaire de Caen, a demandé l'autorisation de faire sortir du territoire les embryons du couple conservés par ce centre vers l'Espagne aux fins de poursuite de leur projet parental. Par une décision du 29 juillet 2024, l'Agence de la biomédecine a rejeté cette demande. Saisi par Mme A... sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil a, par une ordonnance du 3 octobre 2024 prise sur le fondement de l'article L. 522-3 du code de justice administrative, rejeté sa demande tendant à ce qu'il soit enjoint à l'Agence de la biomédecine d'autoriser la sortie du territoire des embryons du couple vers l'Espagne. Mme A... se pourvoit en cassation contre cette ordonnance.
En ce qui concerne l'office du juge des référés :
6. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) "
7. Eu égard à son office, qui consiste à assurer la sauvegarde des libertés fondamentales, il appartient au juge des référés, saisi sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de prendre, en cas d'urgence, toutes les mesures qui sont de nature à remédier aux effets résultant d'une atteinte grave et manifestement illégale portée, par une autorité administrative, à une liberté fondamentale, y compris lorsque cette atteinte résulte de l'application de dispositions législatives qui sont manifestement incompatibles avec les engagements européens ou internationaux de la France, ou dont la mise en œuvre entraînerait des conséquences manifestement contraires aux exigences nées de ces engagements.
En ce qui concerne la compatibilité des articles L. 2141-2 et L. 2141-9 du code de la santé publique avec la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
8. D'une part, si l'interdiction, pour la femme d'un couple dont le conjoint est décédé, de poursuivre, par insémination artificielle par les gamètes du conjoint ou par transfert des embryons du couple, le projet parental du couple que l'assistance médicale à la procréation était destinée à mettre en œuvre, constitue une ingérence dans l'exercice du droit au respect de la vie privée de la femme se trouvant dans une telle situation, protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, cette interdiction relève de la marge d'appréciation, telle que rappelée par la Cour européenne des droits de l'homme, notamment par l'arrêt qu'elle a rendu le 14 septembre 2023 dans l'affaire Barret et Caballero c. France, visé ci-dessus, dont chaque Etat dispose, dans sa juridiction, pour l'application de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
9. En édictant cette interdiction, qui au demeurant est constante depuis l'ouverture de l'accès à l'assistance médicale à la procréation par la loi du 29 juillet 1994 relative au don et à l'utilisation des éléments et produits du corps humain, à l'assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal, le législateur a entendu tenir compte de ce qu'au regard de l'objet, rappelé au point 4, désormais conféré à l'assistance médicale à la procréation, la situation d'une femme, membre d'un couple ayant conçu en commun un projet parental, dont la poursuite est subordonnée au maintien de ce projet, du consentement des deux membres du couple et de leurs liens de couple, interrompu par le décès du conjoint, destiné à devenir parent de l'enfant, est différente de celle d'une femme non mariée qui a conçu seule, dès l'origine, un projet parental à l'issue duquel l'enfant n'aura qu'une filiation maternelle. Cette situation soulève des questions et appelle des choix qui lui sont propres, s'agissant en particulier du maintien du projet parental, de la condition de consentement et de l'établissement de la filiation à l'égard du membre du couple décédé. Eu égard à l'objet qu'il a entendu attribuer à l'assistance médicale à la procréation, à la légitimité des buts poursuivis et aux différents intérêts en présence, entre lesquels il a ménagé un juste équilibre, sans porter une atteinte disproportionnée à l'exercice du droit au respect de la vie privée de la femme dont le conjoint est décédé, le législateur ne peut être regardé, en confirmant par les dispositions de l'article L. 2141-2 du code de la santé publique, lesquelles sont expresses et précises et ont été adoptées à l'issue de débats parlementaires approfondis et au vu de nombreuses consultations, comme ayant adopté une législation incohérente et, ce faisant, excédé la marge d'appréciation dont il disposait, alors même que, dans le même temps, il ouvrait l'accès à l'assistance médicale à la procréation à toute femme non mariée. Les dispositions de l'article L. 2141-2 du code de la santé publique ne sont ainsi, par elles-mêmes, pas incompatibles avec les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
10. D'autre part, les dispositions de l'article L. 2141-9 du code de la santé publique, qui interdisent la sortie du territoire d'embryons conservés en France s'ils sont destinés à être utilisés, à l'étranger, à des fins qui sont prohibées sur le territoire national, visent à faire obstacle à tout contournement des dispositions de l'article L. 2141-2 du même code. Elles ne méconnaissent pas davantage, par elles-mêmes, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
11. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le juge des référés du tribunal administratif aurait, eu égard à son office, commis une erreur de droit en jugeant que les dispositions de l'article L. 2141-2 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de la loi du 2 août 2021, se situaient dans la marge d'appréciation dont chaque Etat dispose pour l'application de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et que le refus d'autoriser la sortie du territoire des embryons vers l'Espagne à la suite du décès du conjoint, résultant des dispositions de l'article L. 2141-9 du même code, sur le champ d'application duquel il ne s'est pas mépris, ne portait pas par lui-même une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale, garanti par les stipulations de l'article 8 de cette convention.
12. Le moyen tiré de ce que ces mêmes articles instaureraient une différence de traitement discriminatoire entre les femmes non mariées et les veuves incompatible avec les articles 8 et 14 de la même convention ne peut dès lors et en tout état de cause qu'être également écarté.
En ce qui concerne l'atteinte portée en l'espèce au droit de Mme A... au respect de sa vie privée et familiale protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
13. La compatibilité de la loi avec les stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne fait pas obstacle à ce que, dans certaines circonstances particulières, l'application de dispositions législatives puisse constituer une ingérence disproportionnée dans les droits garantis par cette convention. Il appartient par conséquent au juge d'apprécier concrètement si, au regard des finalités des dispositions législatives en cause, l'atteinte aux droits et libertés protégés par la convention qui résulte de la mise en œuvre de dispositions, par elles-mêmes compatibles avec celle-ci, n'est pas excessive.
14. En l'espèce, le juge des référés du tribunal administratif a relevé qu'il n'était pas contesté que la demande de sortie du territoire des embryons du couple vers l'Espagne n'était fondée que sur la possibilité légale d'y poursuivre post-mortem le projet parental du couple, la requérante, de nationalité française, n'entretenant aucun lien avec ce pays et ne faisant état d'aucune circonstance particulière à cet égard. Il a pu, sans dénaturation, en déduire que la demande de l'intéressée ne pouvait qu'être regardée comme tendant à faire obstacle à l'application des dispositions de la loi française.
15. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir qu'il aurait, eu égard à son office, commis une erreur de droit et dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis en jugeant que le refus d'autoriser la sortie du territoire des embryons du couple vers l'Espagne, à la suite du décès de son conjoint, ne revêtait pas, en l'espèce, le caractère d'une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale, garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'ordonnance du 3 octobre 2024 du juge des référés du tribunal administratif de Montreuil.
Sur l'ordonnance du 16 août 2024 du juge des référés du tribunal administratif de Caen :
17. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. "
18. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Caen qu'à la suite du décès de son époux, Mme A... a demandé au centre hospitalier universitaire de Caen que ce parcours soit poursuivi et que les embryons du couple conservés lui soient transférés. Par une décision du 10 juin 2024, le centre hospitalier universitaire a rejeté cette demande. Saisi par Mme A... sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, le juge des référés du tribunal administratif de Caen a, par une ordonnance du 16 août 2024, rejeté sa demande tendant à la suspension de l'exécution de cette décision et à ce qu'il soit enjoint au centre hospitalier universitaire de réexaminer sa demande. Mme A... se pourvoit en cassation contre cette ordonnance.
19. Il résulte de ce qui a été dit aux points 8 et 9 de la présente décision que Mme A... n'est en tout état de cause pas fondée à soutenir que le juge des référés du tribunal administratif aurait commis une erreur de droit en jugeant que les dispositions de l'article L. 2141-2 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de la loi du 2 août 2021, qui ne sont pas, par elles-mêmes, incompatibles avec les articles 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, se situaient dans la marge d'appréciation dont chaque Etat dispose pour l'application de cette convention.
20. Il n'a, en tout état de cause, pas non plus commis d'erreur de droit ni dénaturé les faits de l'espèce en jugeant que n'était pas davantage propre à créer un doute sérieux quant à la légalité du refus opposé à l'intéressée, au motif du décès de son conjoint, de poursuivre le parcours d'assistance médicale à la procréation du couple qui avait été engagé et de lui transférer les embryons du couple conservés, le moyen tiré de ce que, eu égard aux témoignages selon lesquels son conjoint aurait exprimé le souhait que ce parcours se poursuive après son décès, ce refus porterait en l'espèce une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale, garanti par les même stipulations.
21. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il y ait lieu en l'espèce de faire droit aux conclusions de la requérante tendant à ce que soit adressée une demande d'avis consultatif à la Cour européenne des droits de l'homme sur le fondement du protocole n° 16 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'ordonnance du 16 août 2024 du tribunal administratif de Caen.
Sur les frais des instances :
22. Les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par Mme A... à l'encontre de l'Etat et du centre hospitalier universitaire de Caen, qui ne sont pas en l'espèce les parties perdantes. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... les sommes que demandent l'Agence de la biomédecine au bénéfice de l'Etat et le centre hospitalier universitaire de Caen au titre des mêmes dispositions.
D E C I D E :
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Article 1er : Les pourvois de Mme A... sont rejetés.
Article 2 : Les conclusions de l'Agence de la biomédecine et du centre hospitalier universitaire de Caen présentées au titre de l'article L. 761 1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A..., à l'Agence de la biomédecine et au centre hospitalier universitaire de Caen.
Copie en sera adressée à la ministre de la santé et de l'accès aux soins.
Délibéré à l'issue de la séance du 15 novembre 2024 où siégeaient : M. Christophe Chantepy, président de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Jean-Luc Nevache, M. Vincent Mazauric, M. Edouard Geffray et Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, conseillers d'Etat ; Mme Catherine Brouard Gallet, conseillère d'Etat en service extraordinaire et Mme Isabelle Tison, conseillère d'Etat-rapporteure.
Rendu le 28 novembre 2024.
Le président :
Signé : M. Christophe Chantepy
La rapporteure :
Signé : Mme Isabelle Tison
Le secrétaire :
Signé : M. Hervé Herber