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19/02/2021 | FRANCE | N°423658

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 19 février 2021, 423658


Vu la procédure suivante :

Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner la commune des Clayes-sous-Bois à lui verser une somme de 7 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait du retard avec lequel le maire a mis en oeuvre ses pouvoirs de police. Par un jugement n° 1606267 en date du 22 mars 2018, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par une ordonnance n°18VE01780 du 28 août 2018, enregistrée le même jour au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président de la cour administrative d'ap

pel de Versailles a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'arti...

Vu la procédure suivante :

Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner la commune des Clayes-sous-Bois à lui verser une somme de 7 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait du retard avec lequel le maire a mis en oeuvre ses pouvoirs de police. Par un jugement n° 1606267 en date du 22 mars 2018, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par une ordonnance n°18VE01780 du 28 août 2018, enregistrée le même jour au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président de la cour administrative d'appel de Versailles a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi, enregistré le 22 mai 2018 au greffe de cette cour, présenté par Mme D....

Par ce pourvoi et par un nouveau mémoire, enregistré le 8 novembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme D... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 22 mars 2018 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros à verser à la SCP Gatineau, Fattacini, Rebeyrol, son avocat, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. François Charmont, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme A... E..., rapporteure publique.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gatineau, Fattaccini, Rebeyrol, avocat de Mme D... et à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de la commune des Clayes-sous-Bois.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme D..., propriétaire d'un pavillon situé aux Clayes-sous-Bois (Yvelines), a saisi le 16 novembre 2014 le maire de cette commune de nuisances qu'elle attribuait au dispositif d'évacuation des eaux usées de ses voisins, M. et Mme B.... Les travaux nécessaires à la cessation du désordre n'ont toutefois été effectués qu'en octobre 2016, en exécution d'une injonction prononcée par une ordonnance du 29 juin 2016 du juge des référés du tribunal administratif de Versailles, saisi par Mme D... sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative. Cette dernière se pourvoit en cassation contre le jugement du 22 mars 2018 par lequel le même tribunal administratif a rejeté sa demande de condamnation de la commune à l'indemniser des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait du retard mis par le maire à prendre les mesures de police nécessaires.

2. Aux termes de l'article L. 1331-1 du code de la santé publique : " Le raccordement des immeubles aux réseaux publics de collecte disposés pour recevoir les eaux usées domestiques et établis sous la voie publique à laquelle ces immeubles ont accès soit directement, soit par l'intermédiaire de voies privées ou de servitudes de passage, est obligatoire dans le délai de deux ans à compter de la mise en service du réseau public de collecte./(...) La commune peut fixer des prescriptions techniques pour la réalisation des raccordements des immeubles au réseau public de collecte des eaux usées et des eaux pluviales ". Aux termes de l'article L. 1331-4 du même code : " Les ouvrages nécessaires pour amener les eaux usées à la partie publique du branchement sont à la charge exclusive des propriétaires et doivent être réalisés dans les conditions fixées à l'article L. 1331-1. Ils doivent être maintenus en bon état de fonctionnement par les propriétaires. La commune en contrôle la qualité d'exécution et peut également contrôler leur maintien en bon état de fonctionnement ". Enfin, aux termes de l'article L. 1331-6 : " Faute par le propriétaire de respecter les obligations édictées aux articles L. 1331-1, L. 1331-1-1, L. 1331-4 et L. 1331-5, la commune peut, après mise en demeure, procéder d'office et aux frais de l'intéressé aux travaux indispensables ".

3. En jugeant que le délai mis par le maire des Clayes-sous-Bois à procéder d'office, sur le fondement des dispositions de l'article L. 1331-6 du code de la santé publique cité ci-dessus, aux travaux mettant fin aux désordres dont la requérante était victime, n'était pas constitutif d'une carence fautive dans l'exercice des pouvoirs conférés par ces dispositions, alors qu'il résultait de ses propres constatations que ces travaux, dont la nécessité n'était pas discutée, n'avaient été effectués qu'après plus de deux ans, malgré les diligences répétées accomplies par la requérante et sur injonction du juge des référés, le tribunal administratif de Versailles a inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis. Son jugement doit, pour ce motif, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, être annulé.

4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

5. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le délai mis par le maire de la commune de Clayes-sous-Bois pour faire usage des pouvoirs de police qu'il tire des dispositions des articles L. 1331-1 à L.1331-6 du code de la santé publique doit être regardé, alors qu'il résulte de l'instruction que ni la cause des nuisances ni la nature des travaux nécessaires n'étaient discutées, comme révélant un retard fautif dans l'exercice de ces pouvoirs de police. Contrairement à ce que soutient la commune, la circonstance que M. et Mme B... se seraient abstenus de donner une suite appropriée aux mises en demeure qui leur étaient adressées n'est pas, en l'espèce, de nature à exonérer la commune de sa responsabilité.

6. Mme D... a subi, pendant la période pour laquelle la responsabilité de la commune est engagée, des nuisances olfactives dont il résulte de l'instruction qu'elles sont en lien direct avec les désordres qu'il appartenait à la commune de faire cesser. Il sera fait une juste appréciation de son préjudice en condamnant la commune à lui verser une somme de 3 500 euros au titre de ses troubles dans les conditions d'existence. La demande indemnitaire de Mme D... ayant été tacitement rejetée le 6 juillet 2016, cette somme portera intérêt à compter de cette date. La capitalisation des intérêts a été demandée le 8 novembre 2018, date à laquelle il était dû plus d'une année d'intérêts. Les intérêts seront donc capitalisés à cette date ainsi qu'à chaque échéance annuelle ultérieure.

7. Mme D... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune des Clayes-sous-Bois la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Gatineau Fattaccini, son avocat, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat. Ces mêmes dispositions font en revanche obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme D..., qui n'est pas la partie perdante, la somme que demande, au même titre, la commune des Clayes-sous-Bois.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Versailles du 22 mars 2018 est annulé.

Article 2 : La commune des Clayes-sous-Bois est condamnée à verser à Mme D... une somme de 3500 euros, cette somme portant intérêts au taux légal à compter du 6 juillet 2016, les intérêts échus étant capitalisés au 8 novembre 2018 ainsi qu'à chaque échéance annuelle ultérieure.

Article 3 : La commune des Clayes-sous-Bois versera à la SCP Gatineau Fattaccini, avocat de Mme D..., la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme C... D... et à la commune des Clayes-sous-Bois.


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 423658
Date de la décision : 19/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 19 fév. 2021, n° 423658
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. François Charmont
Rapporteur public ?: Mme Cécile Barrois de Sarigny
Avocat(s) : SCP GATINEAU, FATTACCINI, REBEYROL ; SCP MARLANGE, DE LA BURGADE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:423658.20210219
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