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11/02/2016 | FRANCE | N°15DA00750-15DA00857

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3 (bis), 11 février 2016, 15DA00750-15DA00857


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F...B...a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 12 décembre 2012 par laquelle le maire de la commune d'Ercheu lui a signifié la décision du conseil municipal de maintenir la suspension du versement de l'allocation de retour à l'emploi pour la période du 1er mai 2011 au 30 septembre 2012, de condamner la commune d'Ercheu à lui payer la somme de 18 200,70 euros majorée des intérêts légaux, correspondant aux indemnités dues de mai 2011 à janvier 20

13, ainsi que la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts et de m...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F...B...a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 12 décembre 2012 par laquelle le maire de la commune d'Ercheu lui a signifié la décision du conseil municipal de maintenir la suspension du versement de l'allocation de retour à l'emploi pour la période du 1er mai 2011 au 30 septembre 2012, de condamner la commune d'Ercheu à lui payer la somme de 18 200,70 euros majorée des intérêts légaux, correspondant aux indemnités dues de mai 2011 à janvier 2013, ainsi que la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts et de mettre à la charge de la commune d'Ercheu une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1300321 du 3 avril 2015, le tribunal administratif d'Amiens a annulé la décision du 12 décembre 2012, a enjoint à la commune d'Ercheu de rétablir Mme B... dans ses droits à l'allocation de retour à l'emploi pour la période du 1er mai 2011 au 30 septembre 2012, l'a renvoyée devant la commune d'Ercheu pour qu'il soit procédé à la liquidation du rappel d'allocation de retour à l'emploi et a rejeté le surplus des conclusions de sa requête.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et un mémoire, enregistrés les 6 mai et 28 septembre 2015 sous le n° 15DA00750, la commune d'Ercheu, représentée par la SCP Frison et associés, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 3 avril 2015 du tribunal administratif d'Amiens ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme B...devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de Mme B...une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- Mme B...ne remplit pas les conditions pour bénéficier de l'aide au retour à l'emploi faute notamment de justifier de ses recherches d'emploi ;

- la commune qui assume la charge et la gestion de cette allocation était en situation de compétence liée pour en suspendre le versement ;

- elle a informé en vain le préfet de la Somme de la situation de MmeB....

Par un mémoire, enregistré le 14 septembre 2015, MmeB..., représentée par Me C... E..., conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, à ce que la somme à laquelle le tribunal administratif a condamné la commune d'Ercheu porte intérêts et que ces intérêts soient capitalisés à dater de la 1ère décision intervenue ;

3°) à la condamnation de la commune d'Ercheu à payer une amende pour recours abusif en application de l'article R. 741-12 du code de justice administrative ;

4°) à la mise à la charge de la commune d'Ercheu le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens présentés par la commune d'Ercheu ne sont pas fondés.

II. Par une requête et des mémoires enregistrés les 27 mai, 28 juillet et 28 septembre 2015, sous le n° 15DA00857, la commune d'Ercheu demande à la cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement du 3 avril 2015 du tribunal administratif d'Amiens et de mettre à la charge de Mme B...une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- ses moyens sont sérieux et de nature à justifier l'annulation du jugement ;

- l'exécution immédiate du jugement aurait des conséquences difficilement réparables.

Par des mémoires, enregistrés les 2 juillet et 14 septembre 2015, Mme B...conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la commune d'Ercheu d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens présentés par la commune d'Ercheu ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,

- les conclusions de Mme Maryse Pestka, rapporteur public,

- les observations de Me D...A..., représentant la commune d'Ercheu et Me C... E..., représentant MmeB... ;

1. Considérant que les requêtes n° 15DA00750 et n° 15DA00857 présentées pour la commune d'Ercheu tendent respectivement à l'annulation et au sursis à l'exécution du même jugement ; qu'elles ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 5421-3 du code du travail : " La condition de recherche d'emploi requise pour bénéficier d'un revenu de remplacement est satisfaite dès lors que les intéressés sont inscrits comme demandeurs d'emploi et accomplissent, à leur initiative ou sur proposition de l'un des organismes mentionnés à l'article L. 5311-2, des actes positifs et répétés en vue de retrouver un emploi, de créer ou de reprendre une entreprise " ; qu'aux termes de l'article R. 5426-3 du code du travail : " Le préfet supprime le revenu de remplacement mentionné à l'article L. 5421-1, de manière temporaire ou définitive, ou en réduit le montant, (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient exclusivement au représentant de l'Etat de prendre la décision de se prononcer sur le maintien du revenu de remplacement dont le bénéfice a été précédemment attribué à un agent privé d'emploi ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B...a été employée par la commune d'Ercheu à compter du 1er septembre 2006, en qualité d'adjoint administratif territorial stagiaire, sur un emploi à temps non complet, et en qualité d'adjoint territorial d'animation stagiaire, sur un autre emploi à temps non complet ; qu'elle a fait l'objet d'une décision de refus de titularisation et de licenciement le 11 septembre 2008 ; que, regardée comme involontairement privée d'emploi, elle a été admise au bénéfice de l'allocation de retour à l'emploi à compter du 1er octobre 2010 ; que le maire de la commune d'Ercheu a suspendu à partir du 1er mai 2011, par décision du 3 mai 2011 ne comportant pas la mention des voies et délais de recours, le versement de son allocation, au motif qu'elle ne justifiait pas de démarches positives et répétées en vue de retrouver un emploi ; que, par une décision du 12 décembre 2012, prise après avis du conseil municipal réuni le 6 décembre 2012, le maire a maintenu, pour le même motif, sa décision de suspendre le versement de ce revenu de remplacement ;

4. Considérant que le motif retenu par le maire de la commune pour fonder la décision en litige, tel qu'il est rappelé au point 2, nécessitait de la part de l'autorité compétente pour statuer d'apprécier l'existence d'actes répétés de recherche d'emploi faits par l'intéressée ; qu'un tel motif suppose ainsi que soit portée une appréciation sur les faits de l'espèce ; que, dès lors, le représentant de l'Etat, autorité légalement compétente pour se prononcer sur le maintien du revenu de remplacement en application de l'article R. 5426-3 du code du travail, n'aurait pas été tenu de prendre cette décision et n'aurait pas été en situation de compétence liée ; que, par ailleurs, la circonstance que le maire de la commune a informé à plusieurs reprises le préfet de la Somme de la situation de Mme B...est sans incidence sur la légalité de la décision en litige ; que, par suite, le moyen opérant tiré de ce que le maire de la commune d'Ercheu était, en application de l'article R. 5426-3 du code du travail, incompétent pour prendre la décision en litige, doit être accueilli ;

Sur l'appel incident de MmeB... :

5. Considérant que lorsqu'ils ont été demandés et quelle que soit la date de cette demande, les intérêts moratoires dus en application de l'article 1153 du code civil courent à compter du jour où la demande de paiement du principal est parvenue au débiteur ou, en l'absence d'une telle demande préalablement à la saisine du juge, à compter du jour de cette saisine ; que Mme B...a droit aux intérêts au taux légal afférents à la somme liquidée du rappel d'allocation de retour à l'emploi qui lui est due pour la période du 1er mai 2011 au 30 septembre 2012, à compter du 11 février 2013, date d'enregistrement de sa requête au greffe du tribunal administratif ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article 1154 du code civil : " Les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière " ; que pour l'application des dispositions précitées, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond ; que cette demande prend toutefois effet au plus tôt à la date à laquelle elle est enregistrée et pourvu qu'à cette date il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière ; que, le cas échéant, la capitalisation s'accomplit à nouveau à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande ; qu'en l'espèce, Mme B...a demandé la capitalisation des intérêts dans son mémoire enregistré au greffe de la cour le 14 septembre 2015 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune d'Ercheu n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a annulé la décision du 12 décembre 2012 du maire de la commune d'Ercheu ; que ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, dès lors, être rejetées ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune d'Ercheu une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens ;

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :

8. Considérant que la cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions de la requête de la commune d'Ercheu tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions de sa requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont privées d'objet ; qu'il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer ;

9. Considérant que les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la commune d'Ercheu doivent, par voie de conséquence, être rejetées ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune d'Ercheu la somme demandée par Mme B...au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Sur la condamnation à une amende pour recours abusif :

10. Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : " Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 3 000 euros " ; que la faculté prévue par ces dispositions constituant un pouvoir propre du juge, les conclusions de Mme B...tendant à ce que la commune d'Ercheu soit condamnée à une telle amende ne sont pas recevables ;

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 15DA00857 à fin de sursis à exécution présentées par la commune d'Ercheu.

Article 2 : La requête n° 15DA00750 de la commune d'Ercheu est rejetée.

Article 3 : La somme liquidée par la commune d'Ercheu correspondant au rappel d'allocation de retour à l'emploi portera intérêts à compter du 11 février 2013. Les intérêts échus le 14 septembre 2015 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 4 : Le jugement du tribunal administratif d'Amiens est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : La commune d'Ercheu versera à MmeB..., dans l'instance n° 15DA00750, la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Les conclusions présentées par Mme B...dans l'instance n° 15DA00857 au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : Les conclusions présentées par Mme B...sur le fondement des dispositions de l'article R. 741-12 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Ercheu et à Mme F... B....

Délibéré après l'audience publique du 28 janvier 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,

- M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 11 février 2016.

L'assesseur le plus ancien

Signé : J-J. GAUTHELe président de chambre,

président-rapporteur,

Signé : P.-L. ALBERTINILe greffier,

Signé : B. LEFORT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier,

Béatrice Lefort

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Nos15DA00750,15DA00857

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 15DA00750-15DA00857
Date de la décision : 11/02/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

66-10 Travail et emploi. Politiques de l'emploi.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Paul Louis Albertini
Rapporteur public ?: Mme Pestka
Avocat(s) : SCP FRISON ET ASSOCIES ; SCP FRISON ET ASSOCIES ; QUENNEHEN et TOURBIER

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-02-11;15da00750.15da00857 ?
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