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16/07/2024 | FRANCE | N°474901

France | France, Conseil d'État, 8ème chambre, 16 juillet 2024, 474901


Vu la procédure suivante :



La société casinotière du littoral cannois a demandé au tribunal administratif de Nice, d'une part, d'annuler onze titres exécutoires d'un montant de 82 555,20 euros chacun et un douzième titre exécutoire d'un montant de 82 555 euros, émis le 20 décembre 2017 à son encontre par la commune de Cannes au titre de la période du 1er septembre 2005 au 31 août 2017 en contrepartie de l'occupation sans titre du domaine public, ainsi que deux titres exécutoires d'un montant de 82 555,20 euros chacun, émis les 18 septembre 2018 et 6

décembre 2019 à son encontre par la même commune au titre de la période du...

Vu la procédure suivante :

La société casinotière du littoral cannois a demandé au tribunal administratif de Nice, d'une part, d'annuler onze titres exécutoires d'un montant de 82 555,20 euros chacun et un douzième titre exécutoire d'un montant de 82 555 euros, émis le 20 décembre 2017 à son encontre par la commune de Cannes au titre de la période du 1er septembre 2005 au 31 août 2017 en contrepartie de l'occupation sans titre du domaine public, ainsi que deux titres exécutoires d'un montant de 82 555,20 euros chacun, émis les 18 septembre 2018 et 6 décembre 2019 à son encontre par la même commune au titre de la période du 1er septembre 2017 au 31 août 2019 en contrepartie de l'occupation sans titre du domaine public, et de la décharger de l'obligation de payer les sommes correspondantes, et, d'autre part, d'annuler les décisions par lesquelles la commune de Cannes a annulé les deux titres exécutoires de 157 760,43 euros et 94 656,44 euros émis le 29 décembre 2015 à l'encontre de la société Jesta Fontainebleau. Par un jugement n° 1800344, 1804564 et 2000323 du 8 décembre 2020, ce tribunal a rejeté ses demandes.

Par un arrêt n° 21MA00509 du 7 avril 2023, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de la société fermière du casino municipal de Cannes venant aux droits de la société casinotière du littoral cannois et après avoir admis l'intervention de la société Jesta Fontainebleau, annulé ce jugement en tant qu'il a rejeté les conclusions tendant à l'annulation des titres exécutoires émis le 20 décembre 2017 et des décisions annulant les titres exécutoires émis le 29 décembre 2015, a rejeté ces mêmes conclusions et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 7 juin et 7 septembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société fermière du casino municipal de Cannes demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Cannes la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de justice administrative ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 30 mai 2024, présentée par la commune de Cannes ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alexandre Lapierre, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la société fermière du casino municipal de Cannes et à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la commune de Cannes ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par six titres exécutoires d'un montant total de 567 937,44 euros émis au titre de la période du 1er septembre 2005 au 31 août 2011, la commune de Cannes a réclamé à la société casinotière du littoral cannois le paiement d'une indemnité à raison de l'occupation sans titre, pour une surface de 168 m², du tréfonds du domaine public communal. Par un arrêt du 2 octobre 2017, devenu définitif, la cour administrative d'appel de Marseille a, statuant sur renvoi du Conseil d'Etat, ramené la somme due par cette société au titre d'indemnité pour l'occupation sans titre du domaine public communal à 495 331 euros et rejeté le surplus des conclusions de l'appel formé par cette société contre le jugement du 26 mars 2013 du tribunal administratif de Nice ayant rejeté sa demande tendant à l'annulation des titres exécutoires en litige et à la décharge de l'obligation de payer les sommes correspondantes. Par six nouveaux titres exécutoires émis le 20 décembre 2017 au titre de la période du 1er septembre 2005 au 31 août 2011, la commune de Cannes a réclamé à la société casinotière du littoral cannois le paiement d'une indemnité à raison de l'occupation sans titre du tréfonds du domaine public communal pour le même montant total de 495 331 euros. Le même jour, par six titres exécutoires émis au titre de la période du 1er septembre 2011 au 31 août 2017, la commune de Cannes a réclamé à la société casinotière du littoral cannois le paiement d'une indemnité à raison de la même occupation sans titre pour un montant total de 495 331,2 euros. Par deux titres exécutoires émis les 18 septembre 2018 et 6 décembre 2019 au titre de la période du 1er septembre 2017 au 31 août 2019, la commune a réclamé à la société le paiement d'une indemnité à raison des mêmes faits pour un montant total de 165 110,4 euros. Par un jugement du 8 décembre 2020, le tribunal administratif de Nice a rejeté les demandes de la société casinotière du littoral cannois tendant à l'annulation de ces quatorze titres de recette, à la décharge de l'obligation de payer les sommes en cause et à l'annulation des décisions par lesquelles la commune de Cannes a annulé les titres exécutoires émis le 29 décembre 2015 à l'encontre de la société Jesta Fontainebleau, pour des montants de 157 760,43 euros et de 94 656,44 euros. La société fermière du casino municipal de Cannes, venant aux droits de la société casinotière du littoral cannois, se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 7 avril 2023 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre le jugement du 8 décembre 2020 du tribunal administratif de Nice.

Sur l'intervention :

2. La société Jesta Fontainebleau justifie d'un intérêt suffisant à l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il a rejeté les demandes de la société fermière du casino municipal de Cannes tendant à l'annulation des titres exécutoires émis les 20 décembre 2017, 18 septembre 2018 et 6 décembre 2019 à l'encontre de la société casinotière du littoral cannois au titre de la période du 1er septembre 2005 au 31 août 2019. Ainsi, son intervention est recevable dans cette mesure.

3. En revanche, si la société Jesta Fontainebleau demande également l'annulation de l'arrêt de la cour en tant qu'il a mis à sa charge une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, cette société ne vient pas dans cette mesure au soutien des conclusions du pourvoi de la société Fermière du Casino municipal de Cannes, à laquelle cette partie du dispositif de l'arrêt ne fait pas grief. Par suite, les conclusions sur ce dernier point de la société Jesta Fontainebleau, qui doivent être regardées comme un pourvoi en cassation et qui ont été présentées après l'expiration du délai de deux mois fixé à l'article R. 821-1 du code de justice administrative, sont tardives et ne peuvent qu'être rejetées.

Sur l'arrêt attaqué en tant qu'il statue sur la légalité des titres exécutoires émis par la commune de Cannes le 20 décembre 2017 à l'encontre de la société casinotière du littoral cannois en contrepartie de l'occupation du domaine public communal au titre de la période du 1er septembre 2005 au 31 août 2011 :

4. En premier lieu, pour écarter les moyens soulevés par la société fermière du casino municipal de Cannes à l'appui des conclusions de son appel dirigées contre le jugement du tribunal administratif de Nice en tant qu'il a statué sur ses conclusions tendant à l'annulation des titres exécutoires émis le 20 décembre 2017 à son encontre en contrepartie de l'occupation du domaine public communal au titre de la période du 1er septembre 2005 au 31 août 2011 et à la décharge de l'obligation de payer les sommes correspondantes, la cour s'est fondée sur l'autorité de chose jugée attachée aux motifs des arrêts n° 17MA01260 du 2 octobre 2017 et n° 17MA04707 du 18 novembre 2019.

5. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, d'une part, que dans son jugement n° 1800344, 1804564, 2000323 du 8 décembre 2020 le tribunal administratif de Nice s'est notamment fondé, pour écarter les moyens soulevés à l'appui de la demande de la société casinotière du littoral cannois tendant à l'annulation des titres exécutoires mentionnés au point 4 et à la décharge de l'obligation de payer les sommes correspondantes, sur l'autorité de chose jugée attachée à l'arrêt du 2 octobre 2017 et, d'autre part, que la commune de Cannes, dans son mémoire en défense devant la cour, faisait valoir l'autorité de chose jugée attachée aux deux arrêts du 2 octobre 2017 et du 18 novembre 2019 à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation des mêmes titres et à la décharge de l'obligation de payer les sommes correspondantes. Par suite, le moyen tiré de ce qu'en faisant droit au moyen tiré de l'autorité de chose jugée des arrêts précités la cour a rendu son arrêt à l'issue d'une procédure irrégulière faute pour elle d'avoir informé les parties avant la séance de jugement de ce que sa décision lui paraissait susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office et a ainsi méconnu les dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, ne peut être qu'écarté.

6. En deuxième lieu, en estimant que les titres exécutoires émis au titre de la période du 1er septembre 2005 au 31 août 2011 avaient été notifiés par deux bordereaux n° 1077 et 1078 comportant la signature électronique de M. B... A..., la cour n'a pas dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis.

7. En troisième lieu, en jugeant, d'une part, que la société fermière du casino municipal de Cannes n'était pas fondée à soutenir que le montant des indemnités objet des titres exécutoires en litige était erroné en ce qu'il était calculé exclusivement sur la base du loyer commercial versé à la société Jesta Fontainebleau et, d'autre part, que les fautes qu'aurait commises la commune de Cannes, si elles pouvaient être, le cas échéant, de nature à engager la responsabilité de la commune, demeuraient sans influence sur la légalité de ces titres exécutoires, la cour, qui s'est fondée exclusivement sur l'autorité de chose jugée attachée aux arrêts du 2 octobre 2017 et du 18 novembre 2019, n'a pas commis d'erreur de droit.

8. Il résulte de ce qui précède que la société fermière du casino municipal de Cannes n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque en tant qu'il s'est prononcé sur ses conclusions tendant à l'annulation des titres exécutoires émis le 20 décembre 2017 à l'encontre de la société casinotière du littoral cannois par la commune de Cannes en contrepartie de l'occupation du domaine public communal au titre de la période du 1er septembre 2005 au 31 août 2011 et à la décharge de l'obligation de payer les sommes correspondantes.

Sur l'arrêt attaqué en tant qu'il statue sur la légalité des titres exécutoires émis par la commune de Cannes les 20 décembre 2017, 18 septembre 2018 et 6 décembre 2019 à l'encontre de la société casinotière du littoral cannois en contrepartie de l'occupation du domaine public communal au titre de la période du 1er septembre 2011 au 31 août 2019 :

9. Pour écarter les moyens soulevés par la société casinotière du littoral cannois à l'appui des conclusions de son appel dirigées contre le jugement du tribunal administratif de Nice en tant qu'il a statué sur ses conclusions tendant à l'annulation de ces titres exécutoires et à la décharge de l'obligation de payer les sommes correspondantes, la cour s'est fondée sur l'autorité de chose jugée attachée aux motifs des arrêts n° 17MA01260 du 2 octobre 2017 et n° 17MA04707 du 18 novembre 2019. En statuant ainsi, alors que ces arrêts statuent sur un litige ayant un objet différent de celui relatif aux titres en litige, la cour a commis une erreur de droit.

10. Par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens du pourvoi soulevés à l'appui des conclusions dirigées contre l'arrêt attaqué en tant qu'il a statué sur les conclusions tendant à l'annulation des titres exécutoires mentionnés au point 9 et à la décharge de l'obligation de payer les sommes correspondantes, la société fermière du casino municipal de Cannes est fondée à demander l'annulation, d'une part, de l'article 3 de l'arrêt qu'elle attaque en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation des titres exécutoires émis le 20 décembre 2017 à l'encontre de la société casinotière du littoral cannois en contrepartie de l'occupation du domaine public communal au titre de la période du 1er septembre 2011 au 31 août 2017, et, d'autre part, de l'article 5 du même arrêt en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation des titres exécutoires émis les 18 septembre 2018 et 6 décembre 2019 à l'encontre de la société casinotière du littoral cannois en contrepartie de l'occupation du domaine public communal au titre de la période du 1er septembre 2017 au 31 août 2019. La société est pour les mêmes motifs fondée à demander l'annulation de l'article 4 du même arrêt en tant qu'il met à sa charge une somme sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur les frais de l'instance

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Cannes la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

12. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société fermière du casino municipal de Cannes la somme que demande la commune de Cannes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'intervention de la société Jesta Fontainebleau est admise en tant seulement qu'elle conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué, excepté en ce qu'il a rejeté les conclusions de la société fermière du casino municipal de Cannes tendant à l'annulation des décisions de retrait des titres exécutoires émis le 29 décembre 2015 par la commune de Cannes à l'encontre de la société Jesta Fontainebleau.

Article 2 : L'article 3 de l'arrêt du 7 avril 2023 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de la société fermière du casino municipal de Cannes tendant à l'annulation des titres exécutoires émis à son encontre le 20 décembre 2017 en contrepartie de l'occupation du domaine public communal au titre de la période du 1er septembre 2011 au 31 août 2017.

Article 3 : L'article 4 de l'arrêt du 7 avril 2023 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé en tant qu'il met à la charge de la société fermière du casino municipal de Cannes une somme à payer à la commune de Cannes au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : L'article 5 de l'arrêt du 7 avril 2023 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de la société fermière du casino municipal de Cannes tendant à l'annulation des titres exécutoires émis à son encontre les 18 septembre 2018 et 6 décembre 2019 en contrepartie de l'occupation du domaine public communal au titre de la période du 1er septembre 2017 au 31 août 2019.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la société fermière du casino municipal de Cannes et de la société Jesta Fontainebleau est rejeté.

Article 6 : L'affaire est renvoyée, dans la mesure de la cassation prononcée, à la cour administrative d'appel de Marseille.

Article 7 : La commune de Cannes versera à la société fermière du casino municipal de Cannes une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 8 : La présente décision sera notifiée à la société fermière du casino municipal de Cannes, à la commune de Cannes et à la société Jesta Fontainebleau.


Synthèse
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 474901
Date de la décision : 16/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 16 jui. 2024, n° 474901
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Marie Prévot
Rapporteur public ?: M. Romain Victor
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER ; SCP LYON-CAEN, THIRIEZ ; SCP DUHAMEL

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:474901.20240716
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