La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/07/2024 | FRANCE | N°464565

France | France, Conseil d'État, 4ème chambre, 24 juillet 2024, 464565


Vu la procédure suivante :



La société Distribution Casino France a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 31 mars 2020 par lequel le maire de Bonnefamille (Isère) a délivré à la société Immo Colruyt France un permis de construire pour la création d'une surface commerciale alimentaire de 998 m². La présidente de la 1ère chambre de ce tribunal a, en application de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, transmis la requête à la cour administrative d'appel de Lyon.



Par un arrêt n° 21LY03471 du 31 mars 2022, la cour administrative d'appel de Lyon...

Vu la procédure suivante :

La société Distribution Casino France a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 31 mars 2020 par lequel le maire de Bonnefamille (Isère) a délivré à la société Immo Colruyt France un permis de construire pour la création d'une surface commerciale alimentaire de 998 m². La présidente de la 1ère chambre de ce tribunal a, en application de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, transmis la requête à la cour administrative d'appel de Lyon.

Par un arrêt n° 21LY03471 du 31 mars 2022, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté cette requête.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 31 mai et 31 août 2022 et le 22 janvier 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Distribution Casino France demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa requête ;

3°) de mettre solidairement à la charge de la commune de Bonnefamille et de la société Immo Colruyt France la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Camille Belloc, auditrice,

- les conclusions de M. Jean-François de Montgolfier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la société Distribution Casino France, à la SCP Delamarre, Jéhannin, avocat de la société Immo Colruyt France et à la SARL Jérôme Ortscheidt, avocat de la commune de Bonnefamille ;

Considérant ce qui suit :

Sur les règles applicables au litige :

1. D'une part, aux termes de l'article L. 752-1 du code de commerce : " Sont soumis à une autorisation d'exploitation commerciale les projets ayant pour objet : / 1° La création d'un magasin de commerce de détail d'une surface de vente supérieure à 1 000 mètres carrés, résultant soit d'une construction nouvelle, soit de la transformation d'un immeuble existant ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet est soumis à autorisation d'exploitation commerciale au sens de l'article L. 752-1 du code de commerce, le permis de construire tient lieu d'autorisation dès lors que la demande de permis a fait l'objet d'un avis favorable de la commission d'aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d'aménagement commercial ". Par ailleurs, aux termes de l'article R. 431-33-1 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet relève de l'article L. 425-4, la demande est accompagnée d'un dossier comprenant les éléments mentionnés à l'article R. 752-6 du code de commerce ", dont l'analyse d'impact définie au III de l'article L. 752-6 du code de commerce.

2. Aux termes de l'article L. 752-4 du code de commerce, dans sa rédaction applicable au litige : " I.- Dans les communes de moins de 20 000 habitants, le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'urbanisme peut, lorsqu'il est saisi d'une demande de permis de construire un équipement commercial dont la surface est comprise entre 300 et 1 000 mètres carrés, proposer au conseil municipal ou à l'organe délibérant de cet établissement de saisir la commission départementale d'aménagement commercial afin qu'elle statue sur la conformité du projet aux critères énoncés à l'article L. 752-6. (...). En cas d'avis défavorable de la commission départementale d'aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d'aménagement commercial, le permis de construire ne peut être délivré (...). La commission départementale d'aménagement commercial se prononce dans un délai d'un mois. / En cas d'avis négatif, le promoteur peut saisir la Commission nationale d'aménagement commercial qui se prononce dans un délai d'un mois. / Le silence de la commission nationale vaut confirmation de l'avis de la commission départementale. (...) ". Aux termes de l'article R. 431-27-1 du code de l'urbanisme : " Lorsque la construction porte, dans une commune de moins de 20 000 habitants, sur un projet d'équipement commercial dont la surface est comprise entre 300 et 1 000 mètres carrés, la demande est accompagnée d'une notice précisant la nature du commerce projeté et la surface de vente. "

3. Aux termes de l'article L. 600-10 du code de l'urbanisme : " Les cours administratives d'appel sont compétentes pour connaître en premier et dernier ressort des litiges relatifs au permis de construire tenant lieu d'autorisation d'exploitation commerciale prévu à l'article L. 425-4 ". Aux termes de l'article R. 311-3 du code de justice administrative : " Les cours administratives d'appel sont compétentes pour connaître en premier et dernier ressort des litiges relatifs aux décisions prises par la Commission nationale d'aménagement commercial en application de l'article L. 752-17 du code de commerce ", soit les décisions prises pour la réalisation de projets qui ne nécessitent pas de permis de construire.

4. Il résulte de ces dispositions que les cours administratives d'appel ne sont, par exception, compétentes pour statuer en premier et dernier ressort sur un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un permis de construire, aussi bien en tant qu'il vaut autorisation de construire qu'en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale, que si ce permis tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale. Il en va de même des litiges relatifs aux autorisations d'exploitation commerciale délivrées par les commissions d'aménagement commercial lorsque le projet ne nécessite pas de permis d'urbanisme. Hors ces cas, et sauf autres dispositions spéciales, elles ne sont pas compétentes pour connaître en premier et dernier ressort d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre la décision prise par l'autorité compétente en matière d'urbanisme sur une demande de permis de construire un équipement commercial dont la surface est comprise entre 300 et 1 000 mètres carrés, y compris si, lorsqu'il s'agit d'une commune de moins de 20 000 habitants, la commission départementale d'aménagement commercial est saisie pour avis en application de l'article L. 752-4 du code de commerce.

5. D'autre part, aux termes de l'article R. 351-4 du code de justice administrative : " Lorsque tout ou partie des conclusions dont est saisi un tribunal administratif, une cour administrative d'appel ou le Conseil d'Etat relève de la compétence d'une de ces juridictions administratives, le tribunal administratif, la cour administrative d'appel ou le Conseil d'Etat, selon le cas, est compétent, nonobstant les règles de répartition des compétences entre juridictions administratives, pour rejeter les conclusions entachées d'une irrecevabilité manifeste insusceptible d'être couverte en cours d'instance, pour constater qu'il n'y a pas lieu de statuer sur tout ou partie des conclusions ou pour rejeter la requête en se fondant sur l'irrecevabilité manifeste de la demande de première instance. "

Sur le pourvoi :

6. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 31 mars 2020, le maire de Bonnefamille, commune de l'Isère qui compte moins de 20 000 habitants, a, après avoir recueilli l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial de l'Isère en application de l'article L. 752-4 du code de commerce, délivré à la société Immo Colruyt France un permis de construire pour la création d'un supermarché à l'enseigne " Colruyt ", après démolition du bâti existant, d'une surface de vente de 998 m2, sur un terrain situé sur le territoire de la commune. La société Distribution Casino France, dont le recours contre l'avis de la commission départementale a été rejeté comme irrecevable par la Commission nationale d'aménagement commercial, a demandé à la cour administrative d'appel de Lyon d'annuler cet arrêté, en faisant notamment valoir qu'il devait être regardé comme valant autorisation d'exploitation commerciale, la surface de vente prévue étant, en réalité, supérieure à celle déclarée et dépassant le seuil de 1 000 m2. La société Distribution Casino France se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 31 mars 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon, après avoir retenu qu'elle n'était pas compétente pour connaître en premier et dernier ressort de cette requête qui tendait à l'annulation, non d'un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale, mais d'un simple permis de construire, l'a rejetée, par application des dispositions de l'article R. 351-4 du code de justice administrative, comme manifestement irrecevable, la requérante ne justifiant pas d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre un tel permis.

7. En premier lieu, il résulte des termes mêmes de l'arrêt attaqué que la cour a jugé que le permis attaqué était un permis de construire qui ne valait pas autorisation d'exploitation commerciale, de sorte qu'elle n'a pas insuffisamment motivé sa décision, ni commis d'erreur de droit, en jugeant, alors que la requérante soutenait devant elle que la surface de vente " réelle " du projet excédait, en réalité, le seuil de 1 000 m2, le projet ayant été délibérément sous-dimensionné, qu'il n'y avait pas lieu de rechercher si tel était le cas.

8. En second lieu, dès lors, ainsi qu'il vient d'être dit, que la cour s'est estimée saisie d'un permis de construire ne valant pas autorisation d'exploitation commerciale, elle n'a pas inexactement qualifié les faits en jugeant, après avoir notamment relevé, par une appréciation non critiquée en cassation, que la requérante exploitait deux supermarchés, l'un situé à moins de 11 minutes en voiture du terrain d'assiette du projet, l'autre encore plus éloigné du projet litigieux, qu'elle ne justifiait pas d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre le permis de construire, peu important à cet égard qu'elle ait également relevé que ces supermarchés ne figuraient pas dans la zone de chalandise du projet et qu'il n'était pas propre à avoir une incidence significative sur l'activité de ces magasins.

9. Il résulte de ce qui précède que le pourvoi de la société Distribution Casino France doit être rejeté.

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par la société Distribution Casino France à ce titre à l'encontre de la commune de Bonnefamille et de la société Immo Colruyt France qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la requérante le versement d'une somme de 1 500 euros, d'une part, à la commune de Bonnefamille, d'autre part, à la société Immo Colruyt France, au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la société Distribution Casino France est rejeté.

Article 2 : La société Distribution Casino France versera une somme de 1 500 euros, d'une part, à la commune de Bonnefamille, d'autre part, à la société Immo Colruyt France, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Distribution Casino France, à la commune de Bonnefamille et à la société Immo Colruyt France.

Copie en sera adressée à la Commission nationale d'aménagement commercial et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l'issue de la séance du 10 juillet 2024 où siégeaient : Mme Maud Vialettes, présidente de chambre, présidant ; Mme Catherine Brouard-Gallet, conseillère d'Etat en service extraordinaire et Mme Camille Belloc, auditrice-rapporteure.

Rendu le 24 juillet 2024.

La présidente :

Signé : Mme Maud Vialettes

La rapporteure :

Signé : Mme Camille Belloc

Le secrétaire :

Signé : M. Jean-Marie Baune


Synthèse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 464565
Date de la décision : 24/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

COMMERCE - INDUSTRIE - INTERVENTION ÉCONOMIQUE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RÉGLEMENTATION DES ACTIVITÉS ÉCONOMIQUES - ACTIVITÉS SOUMISES À RÉGLEMENTATION - AMÉNAGEMENT COMMERCIAL - COMPÉTENCE EN PREMIER ET DERNIER RESSORT DES COURS ADMINISTRATIVES D’APPEL – 1) INCLUSION – A) LITIGES RELATIFS À UN PERMIS DE CONSTRUIRE VALANT AUTORISATION D’EXPLOITATION COMMERCIALE – B) LITIGES RELATIF À UNE AUTORISATION D’EXPLOITATION COMMERCIALE – 2) EXCLUSION – LITIGE RELATIF À UNE DÉCISION PRISE SUR UNE DEMANDE DE PERMIS DE CONSTRUIRE UN ÉQUIPEMENT COMMERCIAL DONT LA SURFACE EST COMPRISE ENTRE 300 ET 1 000 MÈTRES CARRÉS.

14-02-01-05 1) a) Il résulte des articles L. 600-10 du code de l’urbanisme et R. 311-3 du code de justice administrative (CJA) que les cours administratives d’appel ne sont, par exception, compétentes pour statuer en premier et dernier ressort sur un recours pour excès de pouvoir (REP) dirigé contre un permis de construire, aussi bien en tant qu’il vaut autorisation de construire qu’en tant qu’il vaut autorisation d’exploitation commerciale, que si ce permis tient lieu d’autorisation d’exploitation commerciale. b) Il en va de même des litiges relatifs aux autorisations d’exploitation commerciale délivrées par les commissions d'aménagement commercial lorsque le projet ne nécessite pas de permis d’urbanisme. ...2) Hors ces cas, et sauf autres dispositions spéciales, elles ne sont pas compétentes pour connaître en premier et dernier ressort d’un recours pour excès de pouvoir dirigé contre la décision prise par l’autorité compétente en matière d’urbanisme sur une demande de permis de construire un équipement commercial dont la surface est comprise entre 300 et 1 000 mètres carrés, y compris si, lorsqu’il s’agit d’une commune de moins de 20 000 habitants, la commission départementale d’aménagement commercial (CDAC) est saisie pour avis en application de l’article L. 752-4 du code de commerce.

COMPÉTENCE - COMPÉTENCE À L'INTÉRIEUR DE LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE - COMPÉTENCE EN PREMIER ET DERNIER RESSORT DES COURS ADMINISTRATIVES D’APPEL EN MATIÈRE D’AMÉNAGEMENT COMMERCIAL – 1) INCLUSION – A) LITIGES RELATIFS À UN PERMIS DE CONSTRUIRE VALANT AUTORISATION D’EXPLOITATION COMMERCIALE – B) LITIGES RELATIF À UNE AUTORISATION DÉLIVRÉE PAR UNE COMMISSION D’AMÉNAGEMENT COMMERCIAL – 2) EXCLUSION – LITIGE RELATIF À UNE DÉCISION PRISE SUR UNE DEMANDE DE PERMIS DE CONSTRUIRE UN ÉQUIPEMENT COMMERCIAL DONT LA SURFACE EST COMPRISE ENTRE 300 ET 1 000 MÈTRES CARRÉS.

17-05 1) a) Il résulte des articles L. 600-10 du code de l’urbanisme et R. 311-3 du code de justice administrative (CJA) que les cours administratives d’appel ne sont, par exception, compétentes pour statuer en premier et dernier ressort sur un recours pour excès de pouvoir (REP) dirigé contre un permis de construire, aussi bien en tant qu’il vaut autorisation de construire qu’en tant qu’il vaut autorisation d’exploitation commerciale, que si ce permis tient lieu d’autorisation d’exploitation commerciale. b) Il en va de même des litiges relatifs aux autorisations d’exploitation commerciale délivrées par les commissions d'aménagement commercial lorsque le projet ne nécessite pas de permis d’urbanisme. ...2) Hors ces cas, et sauf autres dispositions spéciales, elles ne sont pas compétentes pour connaître en premier et dernier ressort d’un recours pour excès de pouvoir dirigé contre la décision prise par l’autorité compétente en matière d’urbanisme sur une demande de permis de construire un équipement commercial dont la surface est comprise entre 300 et 1 000 mètres carrés, y compris si, lorsqu’il s’agit d’une commune de moins de 20 000 habitants, la commission départementale d’aménagement commercial (CDAC) est saisie pour avis en application de l’article L. 752-4 du code de commerce.


Publications
Proposition de citation : CE, 24 jui. 2024, n° 464565
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Camille Belloc
Rapporteur public ?: M. Jean-François de Montgolfier
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER ; SARL JEROME ORTSCHEIDT ; SCP DELAMARRE, JEHANNIN

Origine de la décision
Date de l'import : 26/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:464565.20240724
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award