LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant constaté que l'état d'enclave de la parcelle AW 265 résultait directement du partage intervenu le 2 janvier 1955 à l'occasion duquel cette parcelle avait été privée d'une issue suffisante sur la voie publique et exactement retenu que la servitude devait être établie sur le fonds divisé, la cour d'appel, qui a souverainement retenu, par motifs propres et adoptés, que le passage sur le fonds de M. et Mme X..., cadastré AW 288, selon le tracé n° 1 du rapport de l'expert, était matériellement possible et que les difficultés de stationnement invoquées n'étaient pas démontrées, en a déduit à bon droit, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérantes que ce tracé devait être retenu et a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le second moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. et Mme X... à payer 2 000 euros à Mme Y... et 2 000 euros aux consorts Z... ; rejette la demande de M. et Mme X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente septembre deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Richard, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir décidé, en raison de l'état d'enclavement de la parcelle cadastrée section AW 265 appartenant à Madame Y..., que l'accès audit fonds se fera par la solution n° 1 définie au plan annexe 5 du rapport d'expertise de Monsieur A..., grevant la parcelle cadastrée section AW 288 appartenant à Monsieur et Madame X... ;
AUX MOTIFS QUE sur l'état d'enclave et ses origines, aux termes de l'article 682 du Code civil un fonds se trouve en état d'enclave lors qu'il ne dispose d'aucune issue et d'une issue insuffisante pour la réalisation d'opérations de construction ; que l'article 684 précise que si l'enclave résulte de la division d'un fonds, le passage ne peut être demandé que sur les terrains qui ont fait l'objet de cette division ; que dans le cas présent les parcelles AW 265 appartenant à Madame Y... et AW 288 appartenant aux époux X... proviennent de la division d'une propriété ayant appartenu à Maria B... veuve C... intervenue suivant acte du 2 janvier 1955 ; que cette division ayant pour effet d'enclaver la parcelle vendue, l'acte du 2 janvier 1955 a institué une servitude de passage de 2, 50 mètres de large le long de la limite nord-ouest de la parcelle restant appartenir à la venderesse aux droits de laquelle se trouvent aujourd'hui les époux X... ; que le permis de construire accordé en vue de l'édification d'une maison d'habitation sur la parcelle AW 265 a été suspendu par ordonnance du Juge des référés du Tribunal administratif de Nice, au motif que les pétitionnaires ne bénéficiaient que d'une servitude de passage de 2, 50 mètres de large, soit une largeur inférieure à celle exigée par l'article UA 3 du règlement du POS de la commune du Thoronet ; que cette décision administrative apporte la preuve que la parcelle AW 265 ne dispose pas d'une issue suffisante pour la réalisation d'une opération de construction et qu'elle est donc en état d'enclave, dite relative ; que les époux X... ne sont pas fondés à soutenir que l'enclave ne résulterait pas de la division du fonds au motif que la création d'une servitude de passage de 2, 50 mètres de large aurait mis fin à l'état d'enclave et que seule la modification des règles d'urbanisme exigeant un passage de 4 mètres de large aurait créé un état d'enclave relative dès lors que cet état d'enclave résulte directement de la division du fonds intervenue en 1955 puisque c'est à cette occasion que la parcelle AW 265 a été privée de toute issue directe sur la voie publique et qu'il a créé un passage d'une largeur insuffisante pour l'exploitation du fonds ; qu'ils ne sont pas davantage fondés à se prévaloir des dispositions du dernier alinéa de l'article 684 du Code civil puisqu'il résulte du rapport d'expertise qu'il est matériellement possible d'établir un passage suffisant sur leur parcelle AW 288 ; qu'en effet, la nécessité de déplacer un mur de clôture et un portail, d'arracher un arbrisseau et la perte de jouissance d'une portion de la cour ne sauraient être considérées comme ces circonstances rendant impossible l'aménagement d'un droit de passage sur le fonds issu de la division ; qu'enfin les époux X... ne sauraient utilement soutenir que la demande de désenclavement ne serait pas recevable au motif que le propriétaire de la parcelle AW 287 n'a pas été appelé à la cause dés lors que cette parcelle est à usage de voie de passage et dépend du domaine public ; qu'en conséquence c'est à juste titre que le premier juge a considéré que seules les dispositions de l'article 684 du code civil ont vocation à s'appliquer et que le droit de passage doit être aménagé sur la parcelle AW 288 ; que, sur la tracé de la servitude de passage, dans son rapport dressé le 19 novembre 2009 Monsieur D... propose de fixer la limite séparative entre la parcelle AW 288 appartenant aux époux X... et celle cadastrée AW 461 appartenant à Madame
E...
selon une ligne reliant les points A et B tels qu'ils figurent sur les plans annexés à son rapport ; que ce rapport sera entériné en ce que la limite A-B est conforme à la limite cadastrale qui n'a jamais été modifiée, en ce qu'elle se situe dans le prolongement de la limite B-C séparant les fonds AW 169 et AW 265 qui n'est pas sujette à discussion et correspond à un talus et un ancien mur de pierres sèches, en ce qu'elle correspond au bord d'un fossé bétonné créé lors de la construction de la maison de Madame F..., ce fossé remplaçant un ancien talus et une élévation naturelle de terrain et ayant été aménagé au seul profit de la maison implantée sur la parcelle AW 461 ; que c'est à juste titre que l'expert a proposé de fixer la limite séparative au regard des marques et indices anciens trouvés sur lés lieux et n'a pas pris en considération une clôture implantée entre les fonds AW 288 et AW 461 très récemment dans le seul but de réduire la largeur de la servitude de passage profitant à la parcelle de Madame Y... ; qu'en conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a fixé l'assiette de la servitude de passage selon la solution n° 1 du rapport établi par Monsieur A... et la limite entre les parcelles AW 288 et AW 461 sera fixée selon la ligne A-B telles qu'elle figure au plan annexé au rapport dressé par Monsieur D..., de sorte que Madame
E...
est effectivement propriétaire de ce qu'elle dénomme " la margelle ", qui correspond au fossé bétonné situé le long de la façade de sa maison ;
1°) ALORS QUE si le passage requis en cas d'enclave résultant de la division d'un fonds par suite d'un contrat ne peut être demandé que sur les terrains qui ont fait l'objet de cet acte, c'est à la condition que l'état d'enclave soit le résultat immédiat de la convention qui a entraîné ladite division du fonds ; qu'en affirmant néanmoins, pour décider que l'assiette de la servitude de passage bénéficiant au fonds de Madame Y... devra grever le fonds de Monsieur et Madame X..., que l'état d'enclave résultait directement de la division du fonds intervenue par acte authentique du 2 janvier 1955, puisque le passage créé à cette occasion était d'une largeur insuffisante pour l'exploitation du fonds, après avoir pourtant constaté que la servitude de passage originellement instituée ne s'était révélée insuffisante qu'au regard des nouvelles règles d'urbanisme, exigeant désormais un passage d'une largeur d'au moins 4 mètres, ce dont il résultait que la situation d'enclave de la parcelle litigieuse n'était nullement le résultat immédiat de l'acte ayant provoqué la division des parcelles, la Cour d'appel a violé les articles 682, 683 et 684 du Code civil ;
2°) ALORS QUE, subsidiairement, l'assiette de la servitude de passage pour cause d'enclave résultant d'une division de fonds pourra être fixé autrement que sur les terrains qui ont fait l'objet de ladite division en cas de passage insuffisant sur ces terrains ; qu'en se bornant à affirmer, pour fixer l'assiette de la servitude sur le fonds de Monsieur et Madame X..., que le déplacement d'un mur de clôture et d'un portail, l'arrachage d'un arbrisseau et la perte de jouissance d'une portion de cour ne faisaient pas obstacle à l'établissement d'un passage suffisant sur leur fonds, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le rétrécissement de la cour commune intérieure en résultant était de nature à restreindre considérablement l'activité de location exercée par les propriétaires du fonds servant et à entraîner, par là même, une perte importante de sa valeur en raison de la modification inéluctable de la destination des lieux, ce dont il résultait que le seul passage admissible était insuffisant, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 684 du Code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné Madame Y... à verser à Monsieur et Madame X... la seule somme de 4. 260 euros à titre d'indemnité de désenclavement ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE sur l'indemnité de désenclavement, en application de l'article 682 du code civil, le propriétaire du fonds enclavé est redevable envers celui du fonds servant d'une indemnité proportionnée au dommage que le droit de passage peut occasionner ; que la convention du 2 janvier 1955 avait institué une servitude de passage de 2, 50 mètres de large pour gens, bêtes et voitures ; qu'il ressort des investigations réalisées par l'expert que dans les années 1970, soit depuis plus de trente ans avant la délivrance de l'assignation, les époux X... ont édifié un mur de clôture le long de l'assiette du droit de passage, à 3 mètres de la limite séparative de leur fonds de sorte que, pendant plus de trente ans, le droit de passage a en fait été exercé de manière paisible, publique et continue sur une largeur de 3 mètres, et ce n'est qu'à la naissance du litige, soit dans le courant de l'année 2002, que les époux X... ont installé une clôture légère réduisant cette assiette à 2, 50 mètres ; que c'est donc à juste titre, que le premier juge, considérant que les propriétaires du fonds dominant avaient prescrit une assiette de 3 mètres de large, a apprécié l'indemnité due en considération de cette prescription acquise ; que l'élargissement de l'assiette de la servitude réduira la surface close de la cour des époux X... de 18m2 et nécessitera la destruction et la reconstruction du mur de clôture, le déplacement d'un pilier de portail et du portail lui-même ainsi que l'arrachage d'un arbrisseau ; qu'au regard de la perte de valeur du terrain résultant du droit de passage grevant le fonds sur une superficie de 18 m2 et des préjudices occasionnés par l'exercice de ce droit, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné Madame Y... à payer aux époux X... une somme de 4. 260 euros ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la réduction des possibilités de stationnement dans la cour de la propriété X..., qui pourrait seulement donner lieu à une indemnité, est sans incidence sur la solution de désenclavement ;
1°) ALORS QUE l'assiette de la servitude de passage peut s'acquérir par la possession trentenaire et utile ; qu'il en résulte que la prescription de ladite assiette doit être caractérisée par une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire ; qu'en se bornant, pour fixer le montant de l'indemnité, à relever que les propriétaires du fonds dominant avaient d'ores et déjà prescrit une assiette de 3 mètres de large, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le fait que les propriétaires dudit fonds dominant n'aient pas évoqué cette prescription d'une largeur de 3 mètres au stade de l'obtention du permis de construire, ni au stade de la procédure administrative, se bornant à évoquer l'assiette de 2, 50 mètres instituée à l'acte du 2 janvier 1955, ne rendait pas leur possession équivoque, ce qui avait fait obstacle au jeu de la prescription, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 682 et 685 du Code civil ;
2°) ALORS QUE l'indemnité due par le fonds dominant est proportionnée au dommage occasionné par la servitude ; qu'en se bornant à affirmer, pour fixer l'indemnité, que l'élargissement de l'assiette de passage aura notamment pour conséquence de réduire la surface close de la cour du fonds servant de 18 m ² et que la réduction des possibilités de stationnement dans ladite cour pouvait seulement donner lieu à une indemnité, sans rechercher si de telles modifications faisaient obstacle à l'activité de location exercée sur le fonds servant causant ainsi aux propriétaires un préjudice devant donner lieu à réparation, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 682 du Code civil.