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09/03/2022 | FRANCE | N°20-14548

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 09 mars 2022, 20-14548


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MY1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 mars 2022

Cassation partielle

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 214 F-D

Pourvoi n° B 20-14.548

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 MARS 2022

1°/ la société Emballages diffusion, société par action

s simplifiée unipersonnelle,

2°/ la société Volum'embal logistique, société par actions simplifiée unipersonnelle,

ayant toutes deux leur siège ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MY1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 mars 2022

Cassation partielle

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 214 F-D

Pourvoi n° B 20-14.548

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 MARS 2022

1°/ la société Emballages diffusion, société par actions simplifiée unipersonnelle,

2°/ la société Volum'embal logistique, société par actions simplifiée unipersonnelle,

ayant toutes deux leur siège [Adresse 3],

ont formé le pourvoi n° B 20-14.548 contre l'arrêt rendu le 23 janvier 2020 par la cour d'appel de Versailles (12e chambre), dans le litige les opposant :

1°/ à la société Logistique Epône, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1],

2°/ à la société Act'impact [V] et associés, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de l'étude [C]-[V]-[T],

défenderesses à la cassation.

La société Act'impact [V] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

Les demanderesses au pourvoir principal invoquent, à l'appui de leur recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Bruyère, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat des société Emballages diffusion et Volum'embal logistique, de la SCP Duhamel, Rameix, Gury, Maitre, avocat de la société Act'impact [V] et associés, après débats en l'audience publique du 18 janvier 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Bruyère, conseiller rapporteur, M. Vigneau, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte aux sociétés Emballages diffusion et Volum'embal logistique du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Logistique Epône.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 23 janvier 2020), statuant sur renvoi après cassation (3e Civ., 7 février 2019, pourvoi n° 17-31.229), la société Volum'Embal logistique, qui avait pris à bail commercial des locaux appartenant à la société Logistique Epône pour une durée de neuf années commençant à courir le 19 février 2007, lui a donné congé par acte de la SCP [C]-[V]-[T], huissiers de justice, pour le 31 mars 2010.

3. Le 12 avril 2011, estimant irrégulier le congé délivré par la locataire, la société Logistique Epône l'a assignée en paiement de diverses sommes au titre des loyers, charges et réparations locatives.

4. La société Volum'Embal Logistique a assigné en garantie la SCP [C]-[V]-[T], aux droits de laquelle vient la société Act'impact [V] et associés.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi incident, qui est préalable, ci-après annexé

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen du pourvoi principal, pris en deuxième branche

Enoncé du moyen

6. Les sociétés Emballages Diffusion et Volum'Embal Logistique font grief à l'arrêt de dire que la SCP Act'Impact [V] ne devra garantir la société Volum'Embal qu'à hauteur de la somme de 130 986,53 euros, alors « que l'huissier est tenu de veiller à la validité et à l'efficacité des actes qu'il est requis de délivrer ; que la compétence personnelle de son client est sans incidence sur l'étendue de les obligations de conseil et de diligence de l'huissier ; qu'en limitant la responsabilité de la SCP Act'imapct [V] et Associés à la moitié du préjudice subi par la société Volum'Embal Logistique, au motif que cette dernière, « elle-même professionnelle, aurait dû s'assurer elle-aussi de la date à laquelle elle devait délivrer son congé pour qu'il soit efficace à l'expiration de la première période triennale », la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble les articles 1991 et 1992 du même code. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1147, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et 1991 du code civil :

7. Pour limiter la garantie de la SCP Act'impact [V] et Associés à hauteur de la moitié de la condamnation prononcée à l'encontre de la société Volum'Embal Logistique, l'arrêt, après avoir relevé que la faute de l'huissier avait conduit à priver d'effet le congé délivré le 10 septembre 2009, retient que, nul n'étant censé ignorer la loi, la société Volum'Embal Logistique, elle-même professionnelle, aurait dû s'assurer elle aussi de la date à laquelle elle devait délivrer son congé pour qu'il soit efficace à l'expiration de la première période triennale et ne peut reporter en totalité sur l'huissier de justice les conséquences de ses propres négligences.

8. En statuant ainsi, alors que les compétences et connaissances personnelles du client ne libèrent pas l'huissier de justice de son devoir de conseil, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il limite la garantie due par la SCP Act'impact [V] et Associés à la société Volum'Embal Logistique à hauteur de la somme de 130 986,53 euros, l'arrêt rendu le 23 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;

Condamne la SCP Act'impact [V] et Associés aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf mars deux mille vingt-deux.

Le conseiller rapporteur le president

Le greffier de chambre

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour les sociétés Emballages diffusion et Volum'embal logistique, demanderesses au pourvoi principal.

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que la Scp Act'Impact [V] et Associés, venant aux droits de l'étude [C], [V], [T] ne devra garantir la société Volum'Embal Logistique qu'à hauteur de la somme de 130.986,53 euros et d'AVOIR rejeté les autres demandes des parties ;

AUX MOTIFS QUE pour que la responsabilité de l'huissier de justice soit engagée, il faut qu'il ait commis une faute, qu'il y ait un préjudice et qu'il y ait une relation de cause à effet entre la faute et le préjudice ; que la société Volum'Embal Logistique reproche tout d'abord à l'étude [C] [V] [T] d'avoir délivré le congé querellé le 10 septembre 2009 pour le 31 mars 2010 alors qu'elle avait mandaté l'huissier de justice à cette fin dès le 3 août 2009 ; que force est cependant de constater que la télécopie du 3 août 2009 de la société Volum'Embal Logistique à Me [V] ne porte que sur l'envoi du bail et l'adresse de la bailleresse ne fait état d'aucune demande précise concernant la délivrance du congé, de sorte que la société Volum'Embal Logistique ne peut valablement soutenir avoir demandé à l'huissier de justice d'adresser de suite la signification du congé à la bailleresse ; qu'en revanche, il résulte des développements qui précèdent que la délivrance du congé le 10 septembre 2009 pour le 31 mars 2010 provient d'une erreur sur l'application des articles L. 145-4 et L. 145-9 du code de commerce, puisque le congé devait être délivré au plus tard le 18 août 2009 pour produire ses effets au 31 mars 2010 et ce, à fin de respecter le délai de préavis de six mois inscrit dans les textes ; qu'en tant que professionnel du droit, l'huissier de justice se doit de veiller à l'efficacité juridique de l'acte qu'il effectue et il est tenu de renseigner utilement son client sur la nature et les conséquences de l'acte qu'il accomplit sur ses instructions ; qu'en l'occurrence, la loi du 4 août 2008 a modifié l'article L. 145-9 du code de commerce en ce qu'il faisait référence aux usages locaux en ajoutant la mention « pour le dernier jour du trimestre civil », sans cependant changer les dispositions de l'article L. 145-4 du même code qui indiquait que « le preneur a la faculté de donner congé à l'expiration d'une période triennale » ; que certes, l'étude [C] [V] [T] soutient que certains auteurs ont considéré que le congé ne pouvait être donné que pour le dernier jour du trimestre civil, et fait état d'une réponse ministérielle du 5 mai 2009 précisant que le délai de six mois, constitué de deux trimestres, doit au minimum toujours être respecté, et n'opérant pas de distinction entre le congé donné en cours de bail et celui donné en période de tacite reconduction ; que pour autant, outre le fait que l'étude [C] [V] [T] ne produit pas les documents sur lesquels elle s'appuie, le premier juge a justement indiqué que la Cour de cassation avait, selon arrêt du 23 juin 2009 publié (pourvoi 08-18.507), précisé que le congé délivré pour la fin du bail devait l'être pour la date contractuelle d'expiration du bail, le terme d'usage (inséré à la place du dernier jour du trimestre civil antérieurement à la loi de 2008) ne pouvant être retenu qu'en cas de tacite reconduction, ce qui sera ultérieurement repris par la loi du 22 mars 2012 qui a modifié en ce sens les dispositions de l'article L. 145-9 du code de commerce ; qu'au regard de ces développements, c'est à juste titre que le premier juge a retenu que l'étude [C] [V] [T] aurait dû, compte tenu de ce contexte doctrinal mais également de l'interprétation jurisprudentielle donnée aux dispositions de l'article L. 145-9 incriminé et de l'absence de modifications des dispositions de l'article L. 145-4 sur la faculté de donner congé à l'expiration de chaque période triennale, mettre en garde et renseigner utilement la société Volum'Embal Logistique sur l'existence de cette problématique dans la date de délivrance du congé et délivrer en tant que de besoin et pour éviter toute difficulté un congé prenant en compte les deux dates (dernier jour du trimestre civil et date d'expiration de la deuxième période triennale), ce qu'elle avait le temps de faire, ayant été saisie le 3 août 2009 ; qu'il s'ensuit que cette faute de l'étude [C] [V] [T] a conduit à priver d'effet le congé délivré le 10 septembre 2009 pour l'issue de la première période triennale, en reportant les effets du congé délivré irrégulièrement à l'expiration de la deuxième période triennale, et a ainsi causé un préjudice à la société Volum'Embal Logistique, qui est redevable vis-à-vis de sa bailleresse du paiement des loyers jusqu'au 18 février 2013 ; que cependant, alors que nul n'est censé ignorer la loi, la société Volum'Embal Logistique, elle-même professionnelle, aurait dû s'assurer elle aussi de la date à laquelle elle devait délivrer son congé pour qu'il soit efficace à l'expiration de la première période triennale et ne peut reporter en totalité sur l'étude [C] [V] [T] les conséquences de ses propres négligences ; qu'en conséquence, il convient de retenir que tant l'étude [C] [V] [T] que la société Volum'Embal Logistique sont responsables pour moitié de l'existence des mentions erronées figurant sur le congé du 10 septembre 2009 ; que par conséquent, la Scp Act'Impact [V] et Associés, venant aux droits de l'étude [C], [V], [T], sera condamnée à garantir la société Volum'Embal Logistique, à hauteur de la somme de 130.986,53 euros (261.973,06/2) ;

1) ALORS QUE l'huissier est tenu de veiller à la validité et à l'efficacité des actes qu'il est requis de délivrer ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément retenu que l'étude [C] [V] [T] a commis une faute en omettant de « mettre en garde et renseigner utilement la société Volum'Embal Logistique » sur la problématique relative à « la date de délivrance du congé », qu'elle aurait dû « délivrer en tant que de besoin, et pour éviter toute difficulté, un congé prenant en compte les deux dates (dernier jour du trimestre civil et date d'expiration de la deuxième période triennale), ce qu'elle avait le temps de faire, ayant été saisie le 3 août 2009 », laquelle a « privé d'effet le congé délivré le 10 septembre 2009 pour l'issue de la première période triennale », et causé « un préjudice à la société Volum'Embal Logistique, qui (était) redevable vis-à-vis de sa bailleresse du paiement des loyers jusqu'au 18 février 2013 » (cf. arrêt, p. 15 § 1 et 2) ; qu'il résultait de ces constatations que l'étude [C] [V] [T], à laquelle la société Volum'Embal Logistique avait transmis sa demande de dénonciation du bail dans les délais, soit quinze jours avant le 18 août 2009, était responsable de l'entier préjudice subi par cette dernière, constitué par l'obligation de payer la totalité des loyers de la deuxième période triennale du fait de la signification tardive du congé ; qu'en limitant la responsabilité de la Scp Act'Imapct [V] et Associés à la moitié du préjudice subi par la société Volum'Embal Logistique, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble les articles 1991 et 1992 du même code ;

2) ALORS QUE l'huissier est tenu de veiller à la validité et à l'efficacité des actes qu'il est requis de délivrer ; que la compétence personnelle de son client est sans incidence sur l'étendue de les obligations de conseil et de diligence de l'huissier ; qu'en limitant la responsabilité de la Scp Act'Imapct [V] et Associés à la moitié du préjudice subi par la société Volum'Embal Logistique, au motif que cette dernière, « elle-même professionnelle, aurait dû s'assurer elle-aussi de la date à laquelle elle devait délivrer son congé pour qu'il soit efficace à l'expiration de la première période triennale » (cf. arrêt, p. 15 § 3), la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble les articles 1991 et 1992 du même code ;

3) ALORS QUE l'huissier est tenu de veiller à la validité et à l'efficacité des actes qu'il est requis de délivrer ; que la compétence personnelle de son client est sans incidence sur l'étendue de les obligations de conseil et de diligence de l'huissier ; qu'en limitant la responsabilité de la Scp Act'Imapct [V] et Associés à la moitié du préjudice subi par la société Volum'Embal Logistique, au motif inopérant que « nul n'est censé ignorer la loi », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble les articles 1991 et 1992 du même code ;

4) ALORS QUE le propre de la responsabilité civile est de rétablir aussi exactement que possible l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation dans laquelle elle se serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était pas produit ; que les dommages-intérêts alloués doivent réparer le préjudice subi par la victime, sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément retenu que l'étude [C] [V] [T] a commis une faute en omettant de « mettre en garde et renseigner utilement la société Volum'Embal Logistique » sur la problématique relative à « la date de délivrance du congé », qu'elle aurait dû « délivrer en tant que de besoin, et pour éviter toute difficulté, un congé prenant en compte les deux dates (dernier jour du trimestre civil et date d'expiration de la deuxième période triennale), ce qu'elle avait le temps de faire, ayant été saisie le 3 août 2009 » ; qu'elle a jugé que cette faute a « privé d'effet le congé délivré le 10 septembre 2009 pour l'issue de la première période triennale », et causé « un préjudice à la société Volum'Embal Logistique, qui (était) redevable vis-à-vis de sa bailleresse du paiement des loyers jusqu'au 18 février 2013 » (cf. arrêt, p. 15 § 1 et 2) ; qu'il résultait de ces constatations que l'étude [C] [V] [T], à laquelle la société Volum'Embal Logistique avait transmis sa demande de dénonciation du bail dans les délais, soit quinze jours avant le 18 août 2009, était responsable de l'entier préjudice subi par cette dernière, constitué par l'obligation de payer la totalité des loyers de la deuxième période triennale du fait de la signification tardive du congé ; qu'en limitant la responsabilité de la Scp Act'Imapct [V] et Associés à la moitié du préjudice subi par la société Volum'Embal Logistique, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice. Moyen produit par la SCP Duhamel, Rameix, Gury, Maitre, avocat aux Conseils, pour la société Act'impact [V] et associés, demanderesse au pourvoi incident.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la SCP Act'Impact [V] et associés, venant aux droits de l'Etude [C] [V] [T] devra garantir la société Volum'Embal Logistique à hauteur de la somme de 130.986,53 euros ;

AUX MOTIFS QUE, sur la responsabilité de l'huissier de justice, la société Volum'Embal Logistique demande la garantie de l'huissier de justice qui a délivré le congé du 10 septembre 2009, exposant que bien que mandaté le 3 août 2009 il n'a exécuté sa mission que le 10 septembre 2009, et qu'il ne s'est pas assuré que le congé qu'il a délivré répondait aux exigences légales ; qu'elle considère que l'huissier de justice a commis une faute et qu'il doit la garantir de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre ; que la SCP Act'Impact [V] et associés, venant aux droits de l'Etude [C] [V] [T], étude d'huissiers qui a délivré le congé querellé, conteste toute faute de sa part dans l'interprétation des textes en vigueur en septembre 2009, mettant en exergue la réponse ministérielle du 5 mai 2009, le débat doctrinal sur l'interprétation de l'article L. 145-9 et l'insécurité juridique issue de la rédaction de cet article issue de la loi du 4 août 2008, qui a justifié sa modification par la loi du 22 mars 2012 ; que pour que la responsabilité de l'huissier de justice soit engagée, il faut qu'il ait commis une faute, qu'il y ait un préjudice et qu'il y ait une relation de cause à effet entre la faute et le préjudice ; que la société Volum'Embal Logistique reproche tout d'abord à l'Etude [C] [V] [T] d'avoir délivré le congé querellé le 10 septembre 2009 pour le 31 mars 2010 alors qu'elle avait mandaté l'huissier de justice à cette fin dès le 3 août 2009 ; que force est cependant de constater que la télécopie du 3 août 2009 de la société Volum'Embal Logistique à Me [V] ne porte que sur l'envoi du bail et l'adresse de la bailleresse et ne fait état d'aucune demande précise concernant la délivrance du congé, de sorte que la société Volum'Embal Logistique ne peut valablement soutenir avoir demandé à l'huissier de justice d'adresser de suite la signification du congé à la bailleresse ; qu'en revanche, il résulte des développements qui précèdent que la délivrance du congé le 10 septembre 2009 pour le 31 mars 2010 provient d'une erreur sur l'application des articles L. 145-4 et L. 145-9 du code de commerce, puisque le congé devait être délivré au plus tard le 18 août 2009 pour produire ses effets au 31 mars 2010 et ce, afin de respecter le délai de préavis de six mois inscrit dans les textes ; qu'en tant que professionnel du droit, l'huissier de justice se doit de veiller à l'efficacité juridique de l'acte qu'il effectue et il est tenu de renseigner utilement son client sur la nature et les conséquences de l'acte qu'il accomplit sur ses instructions ; qu'en l'occurrence, la loi du 4 août 2008 a modifié l'article L. 145-9 du code de commerce en ce qu'il faisait référence aux usages locaux en ajoutant la mention « pour le dernier jour du trimestre civil » sans cependant changer les dispositions de l'article L. 145-4 du même code qui indiquait que « le preneur a la faculté de donner congé à l'expiration d'une période triennale » ; que, certes, l'Etude [C] [V] [T] soutient que certains auteurs ont considéré que le congé ne pouvait être donné que pour le dernier jour du trimestre civil et fait état d'une réponse ministérielle du 5 mai 2009 précisant que le délai de six mois, constitué de deux trimestres doit au minimum toujours être respecté, et n'opérant pas de distinction entre le congé donné en cours de bail et celui donné en période de tacite reconduction ; que pour autant, outre le fait que l'Etude [C] [V] [T] ne produit pas les documents sur lesquels elle s'appuie, le premier juge a justement indiqué que la Cour de cassation avait, selon arrêt du 23 juin 2009 publié (pourvoi 08-18.507), précisé que le congé délivré pour la fin du bail devait l'être pour la date contractuelle d'expiration du bail, le terme d'usage (inséré à la place du dernier jour du trimestre civil antérieurement à la loi de 2008) ne pouvant être retenu qu'en cas de tacite reconduction, ce qui sera ultérieurement repris par la loi du 22 mars 2012 qui a modifié en ce sens les dispositions de l'article L. 145-9 du code de commerce ; qu'au regard de ces développements, c'est à juste titre que le premier juge a retenu que l'Etude [C] [V] [T] aurait dû, compte tenu de ce contexte doctrinal mais également de l'interprétation jurisprudentielle donnée aux dispositions de l'article L. 145-9 incriminé et de l'absence de modifications des dispositions de l'article L. 145-4 sur la faculté de donner congé à l'expiration de chaque période triennale, mettre en garde et renseigner utilement la société Volum'Embal Logistique sur l'existence de cette problématique dans la date de délivrance du congé et délivrer en tant que de besoin et pour éviter toute difficulté un congé prenant en compte les deux dates (dernier jour du trimestre civil et date d'expiration de la deuxième période triennale), ce qu'elle avait le temps de faire, ayant été saisie le 3 août 2009 ; qu'il s'ensuite que cette faute de l'Etude [C] [V] [T] a conduit à priver d'effet le congé délivré le 10 septembre 2009 pour l'issue de la première période triennale, en reportant les effets du congé délivré irrégulièrement à l'expiration de la deuxième période triennale, et a ainsi causé un préjudice à la société Volum'Embal Logistique, qui est redevable vis à vis de sa bailleresse du paiement des loyers jusqu'au 18 février 2013 ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE, sur la responsabilité de la SCP d'huissiers de justice, compte tenu des développements qui précèdent, la délivrance du congé pour une date erronée résulte d'une erreur de droit, les articles L. 145-4 et L. 145-9 du code de commerce ayant été mal appliqués, puisque ce congé aurait dû être délivré au plus tard le 18 août 2009, et non le 30 septembre 2009, pour produire ses effets à la date d'échéance de la 1ère période triennale et pour respecter le délai de préavis de six mois ; que la SCP [Y] [C] - [P] [V] - [E] [T] a été mandatée le 3 août 2009 par la société Volum'Embal Logistique aux fins de dénonciation du bail commercial ; qu'elle devait veiller, en sa qualité d'huissier, à l'efficacité de l'acte qu'elle instrumentait, ou, à tout le moins, de conseiller son mandant sur l'efficacité ou l'utilité de l'acte qu'elle était chargée d'accomplir ; que si la rédaction de l'article L. 145-9 du code de commerce, alinéa 1er, issue de la loi du 4 août 2008 a substitué « le dernier jour du terme civil » au terme « d'usage » dans un souci d'uniformisation des pratiques sur le territoire national, elle n'a pas modifié la règle impérative applicable au congé de l'article L. 145-4 alinéa 2 du code de commerce selon laquelle ce congé doit être donné pour le terme d'une période triennale ; qu'il est vrai cependant, comme le relève la SCP [Y] [C] - [P] [V] - [E] [T], que certains auteurs ont considéré que les congés ne pouvaient être délivrés que pour le dernier jour du trimestre civil, et cette position a été reprise par une réponse ministérielle du 5 mai 2009 considérant qu'au délai minimum de six mois devait s'ajouter le délai nécessaire pour atteindre la fin du trimestre, mais d'autres commentateurs ont estimé que rien ne justifiait d'exclure la date contractuelle et que le dernier jour du trimestre civil ne s'appliquait qu'aux congés prenant effet en cours de tacite reconduction ; que la Cour de cassation a précisé, par un arrêt du 23 juin 2009 publié, que le congé délivré pour la fin du bail doit l'être pour la date contractuelle, la question du terme d'usage (remplacé par la loi précitée du 4 août 2008 par « le dernier jour du terme civil ») n'étant opérante qu'en cas de tacite reconduction, venant ainsi trancher la controverse doctrinale ; que cette interprétation a par la suite été confirmée, puisque l'article L. 145-9 du code de commerce a de nouveau été modifié par la loi du 22 mars 2012, et précise désormais que le congé doit être donné au moins six mois à l'avance et pour le dernier jour du trimestre civil « au cours de la tacite prolongation » ; qu'il s'ensuit que, compte tenu de débat doctrinal, mais aussi du fait que les dispositions de l'article L. 145-4 du code de commerce n'avaient pas été modifiées par la loi du 4 août 2008 et de l'arrêt survenu le 28 juin 2008, la SCP [Y] [C] - [P] [V] - [E] [T] ne pouvait ignorer que le congé qu'elle délivrait le 30 septembre 2009 [il faut lire le 10 septembre 2009], alors qu'en en avait été saisie le 3 août 2009, risquait d'être inopérant ; qu'elle aurait donc dû en aviser son client et mentionner à tout le moins les deux dates, celle du dernier terme civil et celle du terme de la période triennale, et délivrer ledit congé à une date respectant le délai des 6 mois pour ces deux termes, ce qui était possible eu égard à la date à laquelle elle était saisie ; que dans ces conditions, la SCP [Y] [C] - [P] [V] - [E] [T] a commis une faute qui a privé d'effets l'acte délivré pour l'issue de la 1ère période triennale, de sorte que le congé donné pour le compte du locataire est intervenu sans respecter l'échéance contractuelle et le délai de préavis et est irrégulier, ce qui lui a causé un préjudice puisqu'il a été condamné à indemniser le bailleur ;

ALORS QUE, D'UNE PART, les éventuels manquements d'un huissier de justice à ses obligations professionnelles ne peuvent s'apprécier qu'au regard du droit positif existant à l'époque de son intervention, sans qu'on puisse lui imputer à faute de n'avoir pas prévu une évolution ultérieure du droit ; qu'en l'espèce, pour dire que la société d'huissiers avait commis une faute en délivrant le congé au bailleur le 10 septembre 2009 pour le 31 mars 2010, dernier jour du trimestre civil, alors qu'elle aurait dû le délivrer le 18 août 2009 pour le 18 février 2010, terme de la première période triennale, la cour a énoncé que la Cour de cassation avait, « selon arrêt du 23 juin 2009 publié (pourvoi n° 08-18.507), précisé que le congé délivré pour la fin du bail devait l'être pour la date contractuelle d'expiration du bail, le terme d'usage (inséré à la place du dernier jour du trimestre civil antérieurement à la loi de 2008), ne pouvant être retenu qu'en cas de tacite reconduction, ce qui sera ultérieurement repris par la loi du 22 mars 2012 qui a modifié en ce sens les dispositions de l'article L. 145-9 du code de commerce » (arrêt p. 14) ; qu'en statuant de la sorte, sans constater, comme elle y était invitée (concl. p. 4 et 6), qu'en août et septembre 2009, époque à laquelle la société d'huissiers est intervenue à la demande de la société locataire pour délivrer un congé au bailleur, l'arrêt isolé et très récent de la Cour de cassation du 23 juin 2009, rendu en application de l'article L. 145-9 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 4 août 2008, inapplicable à l'espèce, au surplus non publié au Bulletin, constituait le droit positif à l'époque de l'intervention de la société d'huissiers, la cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

ALORS QUE, D'AUTRE PART, le mandant est tenu de donner des instructions précises à son mandataire et en temps utile ; qu'en l'espèce, la cour a constaté que la télécopie du 3 août 2009 de la société locataire à la SCP d'huissiers ne portait que sur l'envoi du bail et l'adresse de la bailleresse et ne faisait état d'aucune demande précise concernant la délivrance du congé, de sorte que la société locataire ne pouvait valablement soutenir avoir demandé à l'huissier d'adresser immédiatement, compte tenu de la période estivale, la signification du congé à la bailleresse ; qu'en décidant néanmoins que la SCP d'huissiers, saisie le 3 août 2009, avait eu le temps de mettre la société locataire en garde et de la renseigner utilement sur l'existence de la problématique sur la date de délivrance du congé et de délivrer en tant que de besoin, pour éviter toute difficulté, un congé prenant en compte les deux dates, dernier jour du trimestre civil et date d'expiration de la deuxième période triennale, la cour n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations dont il résultait que les instructions imprécises de la société locataire n'avaient pas permis à la société d'huissiers de la mettre en garde et de la renseigner en temps utile, ni de délivrer à bonne date un congé prenant en compte les deux dates et a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.
Le greffier de chambre


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 20-14548
Date de la décision : 09/03/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 23 janvier 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 09 mar. 2022, pourvoi n°20-14548


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.14548
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