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06/07/2007 | FRANCE | N°283319

France | France, Conseil d'État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 06 juillet 2007, 283319


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 1er août et 1er décembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE 2003 PRODUCTIONS, dont le siège est 102 avenue des Champs-Elysées à Paris (75008) ; la SOCIETE 2003 PRODUCTIONS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 31 mai 2005 de la cour administrative d'appel de Paris en tant qu'il a rejeté son appel tendant à l'annulation du jugement du 10 novembre 2004 du tribunal administratif de Paris ayant annulé, à la demande de l'Association des producteur

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Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 1er août et 1er décembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE 2003 PRODUCTIONS, dont le siège est 102 avenue des Champs-Elysées à Paris (75008) ; la SOCIETE 2003 PRODUCTIONS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 31 mai 2005 de la cour administrative d'appel de Paris en tant qu'il a rejeté son appel tendant à l'annulation du jugement du 10 novembre 2004 du tribunal administratif de Paris ayant annulé, à la demande de l'Association des producteurs indépendants et du Syndicat des producteurs indépendants, la décision du 23 octobre 2003 du directeur général du Centre national de la cinématographie lui accordant l'agrément des investissements pour la réalisation du film de long métrage intitulé Un long dimanche de fiançailles ;

2°) de mettre à la charge de l'Association des producteurs indépendants et du Syndicat des producteurs indépendants le versement de la somme de 5 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré présentée le 25 juin 2007 pour la SOCIETE 2003 PRODUCTIONS ;

Vu le code de commerce ;

Vu le décret n° 99-130 du 24 février 1999 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Fabienne Lambolez, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la SOCIETE 2003 PRODUCTIONS, de la SCP Boutet, avocat de l'Association des producteurs indépendants et de Me Balat, avocat du Syndicat des producteurs indépendants,

- les conclusions de Mlle Célia Verot, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que par un arrêt du 31 mai 2005, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté les appels formés par la SOCIETE 2003 PRODUCTIONS et le Centre national de la cinématographie contre le jugement du tribunal administratif de Paris du 10 novembre 2004 ayant annulé, à la demande de l'Association des producteurs indépendants et du Syndicat des producteurs indépendants, la décision du 23 octobre 2003 du directeur général du Centre national de la cinématographie accordant à la SOCIETE 2003 PRODUCTIONS l'agrément des investissements prévu par le décret du 24 février 1999 relatif au soutien financier de l'industrie cinématographique pour la réalisation du film « Un long dimanche de fiançailles » ; que la SOCIETE 2003 PRODUCTIONS se pourvoit en cassation contre cet arrêt ;

Considérant qu'aux termes de l'article 7 du décret du 24 février 1999, dans sa rédaction applicable à la date de la décision litigieuse : « I.- Sont seuls admis au bénéfice du soutien financier de l'industrie cinématographique les entreprises et organismes établis en France. (...) / II. - Les entreprises de production doivent, en outre, satisfaire aux conditions suivantes : /1° Avoir des présidents, directeurs ou gérants, soit de nationalité française, soit ressortissants d'un Etat membre de la Communauté européenne, d'un Etat partie à la Convention européenne sur la télévision transfrontière du Conseil de l'Europe ou d'un Etat tiers européen avec lequel la Communauté européenne a conclu des accords ayant trait au secteur audiovisuel. Les étrangers autres que les ressortissants des Etats européens précités justifiant de la qualité de résident sont, pour l'application du présent alinéa, assimilés aux citoyens français ; /2° Ne pas être contrôlées, au sens de l'article 355-1 de la loi du 24 juillet 1966 susvisée, par une ou plusieurs personnes physiques ou morales ressortissantes d'Etats autres que les Etats européens mentionnés au 1° » ; que les dispositions de l'article 355-1 de la loi du 24 juillet 1966 ont été ultérieurement codifiées à l'article L. 233-3 du code de commerce qui, dans sa rédaction applicable à la date de la décision litigieuse, issue de la loi du 11 décembre 2001, dispose : « I.- Une société est considérée, pour l'application des sections 2 et 4 du présent chapitre, comme en contrôlant une autre : /1° Lorsqu'elle détient directement ou indirectement une fraction du capital lui conférant la majorité des droits de vote dans les assemblées générales de cette société ; / 2° Lorsqu'elle dispose seule de la majorité des droits de vote dans cette société en vertu d'un accord conclu avec d'autres associés ou actionnaires et qui n'est pas contraire à l'intérêt de la société ; / 3° Lorsqu'elle détermine en fait, par les droits de vote dont elle dispose, les décisions dans les assemblées générales de cette société. / II. - Elle est présumée exercer ce contrôle lorsqu'elle dispose directement ou indirectement, d'une fraction des droits de vote supérieure à 40 % et qu'aucun autre associé ou actionnaire ne détient directement ou indirectement une fraction supérieure à la sienne. / III. - Pour l'application des mêmes sections du présent chapitre, deux ou plusieurs personnes agissant de concert sont considérées comme en contrôlant conjointement une autre lorsqu'elles déterminent en fait les décisions prises en assemblée générale » ; qu'aux termes de l'article L. 233-10 du code de commerce : « I. - Sont considérées comme agissant de concert les personnes qui ont conclu un accord en vue d'acquérir ou de céder des droits de vote ou en vue d'exercer les droits de vote, pour mettre en oeuvre une politique vis-à-vis de la société. / II. - Un tel accord est présumé exister : / 1° Entre une société, le président de son conseil d'administration et ses directeurs généraux ou les membres de son directoire ou ses gérants ; ... »

Considérant en premier lieu qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges d'appel que la SOCIETE 2003 PRODUCTIONS est une société par actions simplifiée qui comprend, selon ses statuts, deux catégories d'actions, attribuées d'une part, à hauteur de 34 % du capital, à la société anonyme Warner Bros France, et d'autre part, à hauteur de 66 % du capital, à cinq actionnaires personnes physiques qui étaient tous, par ailleurs, cadres dirigeants de Warner Bros France ;

Considérant en deuxième lieu que les statuts prévoient que les bénéfices de la société sont distribués à proportion de 15 % aux titulaires des actions réparties entre les associés personnes physiques et de 85 % aux titulaires des actions attribuées à la société Warner Bros France ; que les associés personnes physiques s'engagent à céder toutes leurs actions dans l'hypothèse où, une offre d'acquisition portant sur la totalité du capital ayant été faite, Warner Bros France souhaiterait accepter cette offre ; que le président de la SOCIETE 2003 PRODUCTIONS est assisté dans l'exercice de ses fonctions par un conseil d'administration ; que certaines décisions ne peuvent être adoptées qu'à la majorité de plus de 75 % des membres du conseil d'administration, notamment celles qui tendent à autoriser le président à négocier, conclure, modifier ou résilier des conventions ou des opérations sortant du cadre normal des affaires de la société ou portant sur des sommes supérieures à 250 000 euros ; qu'aucune décision de son conseil d'administration ne peut être prise sans qu'un membre représentant la société Warner Bros France soit présent ;

Considérant que la cour a pu, sans dénaturer les clauses des statuts de la SOCIETE 2003 PRODUCTIONS et sans commettre d'erreur de droit ni d'erreur de qualification juridique, estimer que la somme de ces éléments manifestait l'existence d'un accord de concert entre les associés personnes physiques de la SOCIETE 2003 PRODUCTIONS et la société Warner Bros France pour déterminer « en fait les décisions prises en assemblée générale » au sens du III de l'article L. 233-3 du code de commerce ; que la cour n'a pas inexactement qualifié les faits de l'espèce en en déduisant que la société Warner Bros France, dont le capital est détenu à hauteur de 97 % par la société Warner Bros Entertainment Inc., société de droit américain dont le siège social est aux Etats-Unis d'Amérique, contrôlait la SOCIETE 2003 PRODUCTIONS et que, dès lors, la SOCIETE 2003 PRODUCTIONS devait être regardée comme contrôlée par une personne morale ressortissante d'un Etat non européen au sens des dispositions du 2° du II de l'article 7 du décret du 24 février 1999 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE 2003 PRODUCTIONS n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué, qui est suffisamment motivé ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la SOCIETE 2003 PRODUCTIONS le versement à l'Association des producteurs indépendants d'une part, au Syndicat des producteurs indépendants d'autre part, d'une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Association des producteurs indépendants et du Syndicat des producteurs indépendants, qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la SOCIETE 2003 PRODUCTIONS ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la SOCIETE 2003 PRODUCTIONS est rejetée.

Article 2 : La SOCIETE 2003 PRODUCTIONS versera une somme de 3 000 euros à l'Association des producteurs indépendants et une somme de 3 000 euros au Syndicat des producteurs indépendants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE 2003 PRODUCTIONS, au Syndicat des producteurs indépendants, à l'Association des producteurs indépendants et au Centre national de la cinématographie. Copie en sera adressée pour information au ministre de la culture et de la communication.


Synthèse
Formation : 10ème et 9ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 283319
Date de la décision : 06/07/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

63-03 SPECTACLES, SPORTS ET JEUX. CINÉMA. - SOUTIEN FINANCIER DE L'INDUSTRIE CINÉMATOGRAPHIQUE - AGRÉMENT DES INVESTISSEMENTS (DÉCRET DU 24 FÉVRIER 1999) - CONDITION - ENTREPRISES ÉTABLIES EN FRANCE NON CONTRÔLÉES PAR UNE OU PLUSIEURS PERSONNES PHYSIQUES OU MORALES RESSORTISSANTES D'ETATS AUTRES QUE CERTAINS ETATS EUROPÉENS (2° DU II DE L'ARTICLE 7 DU DÉCRET DU 24 FÉVRIER 1999) - NOTION DE CONTRÔLE AU SENS DE L'ARTICLE 355-1 DE LA LOI DU 24 JUILLET 1966 DEVENU L. 233-3 DU CODE DE COMMERCE - A) RENVOI DU DÉCRET À UNE LOI ULTÉRIEUREMENT CODIFIÉE ET MODIFIÉE - CONSÉQUENCE - APPLICATION DU TEXTE DANS SA RÉDACTION APPLICABLE AUX FAITS EN LITIGE (SOL. IMPL.) - B) CONTRÔLE CONJOINT RÉSULTANT D'UNE ACTION DE CONCERT (III DE L'ART. L. 233-3 ET ART. L. 233-10 DU CODE DE COMMERCE) - QUALIFICATION DE L'ACTION DE CONCERT - MÉTHODE DU FAISCEAU D'INDICES [RJ1] - C) CONTRÔLE INDIRECT PAR LA SOCIÉTÉ MÈRE AMÉRICAINE DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE PARTICIPANT À L'ACTION DE CONCERT - EXISTENCE.

63-03 a) Le renvoi effectué par les dispositions du 2° du II de l'article 7 du décret n° 99-130 du 24 février 1999 à celles de l'article 355-1 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 ultérieurement codifiées à l'article L. 233-3 du code de commerce par une ordonnance n° 2000-912 du 18 septembre 2000 s'entend comme renvoyant à ces dernières dispositions, dans leur version applicable à la date de la décision litigieuse.,,b) Une méthode reposant sur un faisceau d'indices doit être utilisée pour déterminer si plusieurs personnes physiques ou morales exercent une action de concert pour déterminer « en fait les décisions prises en assemblée générale » au sens du III de l'article L. 233-3 du code de commerce et doivent ainsi être considérées comme en contrôlant une autre. En l'espèce, les statuts de la société de production bénéficiaire de l'agrément, société par actions simplifiée, prévoyaient, d'une part, que ses bénéfices étaient distribués à proportion de 85 % aux titulaires des actions attribuées à la société anonyme représentant 34 % du capital et de 15 % aux titulaires des actions réparties entre les associés personnes physiques, représentant 66 % du capital et qui étaient tous cadres dirigeants de la société anonyme. Les statuts précisaient, d'autre part, que les associés personnes physiques s'engageaient à céder toutes leurs actions dans l'hypothèse où une offre d'acquisition portant sur la totalité du capital ayant été faite, la société anonyme associée souhaitait accepter cette offre. Enfin, certaines décisions ne pouvaient être adoptées qu'à la majorité de plus de 75 % des membres du conseil d'administration dont aucune décision ne pouvait être prise sans qu'un membre représentant la société anonyme soit présent. La cour administrative d'appel a pu, sans dénaturer les clauses des statuts et sans commettre d'erreur de droit ni d'erreur de qualification juridique, estimer que la somme de ces éléments manifestait l'existence d'un accord de concert entre les associés personnes physiques de la société de production et la société anonyme associée de la société pour déterminer « en fait les décisions prises en assemblée générale » au sens du III de l'article L. 233-3 du code de commerce.,,c) Par suite, la cour n'a pas inexactement qualifié les faits de l'espèce en en déduisant que la société anonyme, dont le capital est détenu à hauteur de 97 % par une société de droit américain dont le siège social est aux Etats-Unis d'Amérique, contrôlait la société de production et que, dès lors, celle-ci devait être regardée comme contrôlée par une personne morale ressortissante d'un Etat non européen au sens des dispositions du 2° du II de l'article 7 du décret du 24 février 1999.


Références :

[RJ1]

Rappr. en matière de contrôle des concentrations, la notion d' « influence déterminante » au sens de l'article L. 430-1 du code de commerce, Section, 31 janvier 2007, Société France Antilles, n° 294896, à publier au Recueil, feuilles roses p. 21.


Publications
Proposition de citation : CE, 06 jui. 2007, n° 283319
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: Mme Fabienne Lambolez
Rapporteur public ?: Mlle Verot
Avocat(s) : SCP DELAPORTE, BRIARD, TRICHET ; SCP BOUTET ; BALAT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2007:283319.20070706
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