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24/07/2019 | FRANCE | N°414150

France | France, Conseil d'État, 5ème - 6ème chambres réunies, 24 juillet 2019, 414150


Vu les procédures suivantes :

Par une décision du 18 novembre 2015, sur plainte du président du conseil central de la section G du conseil de l'ordre des pharmaciens, la chambre de discipline du conseil central de la section G de l'ordre des pharmaciens a prononcé contre Mmes C...B...et D...A...la sanction de l'interdiction d'exercer la pharmacie pendant trois mois, dont deux mois avec sursis.

Par une décision n° AD 3786 du 6 juin 2017, la chambre de discipline du conseil national de l'ordre des pharmaciens, sur appel de Mme B...et de MmeA..., a ramené à un mois dont quin

ze jours avec sursis la sanction infligée en première instance et d...

Vu les procédures suivantes :

Par une décision du 18 novembre 2015, sur plainte du président du conseil central de la section G du conseil de l'ordre des pharmaciens, la chambre de discipline du conseil central de la section G de l'ordre des pharmaciens a prononcé contre Mmes C...B...et D...A...la sanction de l'interdiction d'exercer la pharmacie pendant trois mois, dont deux mois avec sursis.

Par une décision n° AD 3786 du 6 juin 2017, la chambre de discipline du conseil national de l'ordre des pharmaciens, sur appel de Mme B...et de MmeA..., a ramené à un mois dont quinze jours avec sursis la sanction infligée en première instance et décidé qu'elle s'exécuterait du 1er au 15 octobre 2017.

1° Sous le n° 414150 :

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 8 septembre et 7 décembre 2017 et le 24 juin 2019, Mme B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette décision ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge du conseil central de la section G de l'ordre des pharmaciens une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 414154 :

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 8 septembre et 7 décembre 2017 et le 24 juin 2019, Mme A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette décision ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge du conseil central de la section G de l'ordre des pharmaciens une somme de 5000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code civil ;

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 ;

- la loi n° 2013-442 du 30 mai 2013 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alain Seban, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de Mmes B...etA..., à la SCP Célice, Soltner, Texidor, Perier, avocat du conseil national de l'ordre des pharmaciens.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, le 21 mars 2013, le laboratoire d'analyses médicales dénommé " Centre biologique du chemin vert " (CBCV) et le laboratoire de biologie médicale " Chaouat-Heurzeau-Bieder " (CHB) ont conclu un protocole de cession prévoyant l'acquisition par le CBCV de la totalité des actions du CHB sous un certain nombre de conditions. Ces conditions ont été réalisées lors d'une assemblée générale de la société CHB, le 27 juin 2013 et le transfert des titres a eu lieu le 25 novembre suivant. Estimant que l'opération méconnaissait les dispositions, entrées en vigueur entre la date du protocole et celle de l'assemblée générale, de la loi du 30 mai 2013 portant réforme de la biologie médicale, le président du conseil central de la section G du conseil de l'ordre des pharmaciens, compétente à l'égard des pharmaciens biologistes conformément à l'article L. 4232-1 du code de la santé publique, a porté plainte devant la juridiction ordinale contre le CBCV et Mmes B...etA..., respectivement présidente et directrice générale, en leur qualité de représentantes légales de cette société. Par une décision du 18 novembre 2015, la chambre de discipline du conseil central de la section G a infligé à Mmes B...et A...la sanction de l'interdiction d'exercer la pharmacie pendant trois mois à compter du 1er janvier 2016, dont deux mois avec sursis. Sur appel des intéressées, la chambre nationale de discipline, par une décision du 6 juin 2017, a ramené cette sanction à un mois d'interdiction dont quinze jours avec sursis et décidé qu'elle s'exécuterait entre le 1er et le 15 octobre 2017. Mmes B...et A...présentent contre cette décision des pourvois en cassation qu'il y a lieu de joindre pour statuer par une seule décision.

2. Aux termes du premier alinéa de l'article 5 de la loi du 31 décembre 1990 visée ci-dessus, relatif à l'exercice sous forme de société d'exercice libéral des professions soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, dans sa rédaction applicable au litige : " Plus de la moitié du capital social et des droits de vote doit être détenue (...) par des professionnels en exercice au sein de la société ". Aux termes du premier alinéa de l'article 5-1 de la même loi, également dans sa rédaction applicable au litige : " Par dérogation au premier alinéa de l'article 5, plus de la moitié du capital social des sociétés d'exercice libéral peut aussi être détenue par des personnes physiques ou morales exerçant la profession constituant l'objet social ou par des sociétés de participations financières de professions libérales régies par le titre IV de la présente loi ".

3. Le I de l'article 10 de la loi du 30 mai 2013 portant réforme de la biologie médicale déroge à ces dispositions dans le cas des sociétés de biologistes médicaux en prévoyant que : " Plus de la moitié du capital social et des droits de vote d'une société d'exercice libéral de biologistes médicaux doit être détenue, directement ou par l'intermédiaire des sociétés mentionnées au 4° de l'article 5 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et aux sociétés de participations financières de professions libérales, par des biologistes médicaux en exercice au sein de la société ". En conséquence, le II du même article a inséré dans le code de la santé publique un article L. 6223-8 qui, dans sa rédaction applicable au litige, disposait que : " I. Le premier alinéa de l'article 5-1 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et aux sociétés de participations financières de professions libérales n'est pas applicable aux sociétés d'exercice libéral de biologistes médicaux. / II.- Les sociétés d'exercice libéral de biologistes médicaux créées antérieurement à la date de promulgation de la loi n° 2013-442 du 30 mai 2013 portant réforme de la biologie médicale et qui, à cette date, ne respectent pas le I du présent article ou le I de l'article 10 de la même loi conservent la faculté de bénéficier de la dérogation prévue à l'article 5-1 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 précitée. / La cession de leurs parts sociales ou actions se fait prioritairement au bénéfice des biologistes exerçant dans ces sociétés. / (...) ".

4. Par ailleurs, aux termes de l'article 1179 du code civil, dans sa rédaction alors en vigueur : " La condition accomplie a un effet rétroactif au jour auquel l'engagement a été contracté ". Il en résulte que lorsqu'un contrat comporte les éléments essentiels d'une cession, la réalisation des conditions suspensives qu'il prévoit a pour effet de rendre la cession effective à titre rétroactif à la date de conclusion de ce contrat. En revanche, lorsque le contrat renvoie à une date ultérieure l'accord entre les parties sur des éléments essentiels de la cession ou indique expressément que le consentement des parties est subordonné à la réalisation d'un nouvel acte, la cession ne peut être regardée comme effective qu'à la date de réalisation des conditions ainsi prévues.

5. Pour écarter le moyen des requérantes tiré de ce que la cession des titres de CHB à CBCV devait être regardée comme effective à la date du protocole d'accord du 21 mars 2013, et n'était, par suite, pas soumise aux dispositions du I de l'article 10 de la loi du 30 mai 2013 citée ci-dessus, la chambre de discipline du Conseil national de l'ordre des pharmaciens a estimé que " le protocole d'accord du 21 mars 2013 conditionnait la réalisation du transfert du laboratoire à plusieurs formalités et notamment à l'agrément du projet de cession par l'assemble générale des associés de la société CHB ; qu'à la date de conclusion du protocole d'accord la SELAS CHB n'existait pas dans sa forme ; que ce n'est qu'à la date de l'assemblée générale de la SELARL CHB, tenue le 27 juin 2013, que la SELAS CHB a été constituée et que celle-ci, connaissance prise du projet de cession de l'intégralité des parts sociales représentant 100% des droits financiers et des droits de vote de la société au profit de la société CBCV, a également agréé cette dernière en qualité d'associé ; qu'il convient, dès lors, de retenir que l'opération de cession a été définitivement réalisée, non à la date de signature du protocole d'accord mais lors de l'assemblée générale du 27 juin 2013, date à laquelle la loi du 30 mai 2013 était entrée en vigueur ". En statuant ainsi sans rechercher si le protocole d'accord du 21 mars 2013 portait sur les éléments essentiels de la vente et si les conditions qu'il posait présentaient seulement le caractère de conditions suspensives dont l'accomplissement avait un effet rétroactif, en application des dispositions alors en vigueur de l'article 1179 du code civil, la chambre de discipline du conseil national de l'ordre des pharmaciens, qui n'a pas relevé de difficulté sérieuse d'interprétation de cet accord de droit privé, a commis une erreur de droit, alors au demeurant qu'il était manifeste, une appréciation contraire relevant d'une dénaturation des pièces soumises au juge du fond, que les éléments essentiels de la cession, en particulier l'accord sur la chose et sur le prix, étaient fixés dans le protocole d'accord du 21 mars 2013 et que les conditions de la vente, qu'elle a regardées comme réalisées lors de l'assemblée générale de la société CHB tenue le 27 juin 2013, revêtaient un simple caractère suspensif. La décision attaquée doit par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, être annulée.

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de Mmes B...et A...qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du conseil national de l'ordre des pharmaciens une somme de 1 500 euros chacune à Mmes B...etA....

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision du 6 juin 2017 de la chambre de discipline du conseil national de l'ordre des pharmaciens est annulée.

Article 2 : La décision est renvoyée à la chambre de discipline du conseil national de l'ordre des pharmaciens.

Article 3 : Le conseil national de l'ordre des pharmaciens versera à Mmes B...et A...une somme de 1 500 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme C...B..., à Mme D...A...et au conseil national de l'ordre des pharmaciens.

Copie pour information en sera adressée au ministre des solidarités et de la santé.


Synthèse
Formation : 5ème - 6ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 414150
Date de la décision : 24/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 24 jui. 2019, n° 414150
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Alain Seban
Rapporteur public ?: Mme Cécile Barrois de Sarigny
Avocat(s) : SCP CELICE, SOLTNER, TEXIDOR, PERIER ; SCP GATINEAU, FATTACCINI

Origine de la décision
Date de l'import : 03/09/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:414150.20190724
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