LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
LG
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 16 février 2022
Cassation partielle
M. CATHALA, président
Arrêt n° 217 FS-D
Pourvoi n° Q 20-16.216
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 16 FÉVRIER 2022
M. [U] [P], domicilié [Adresse 5], a formé le pourvoi n° Q 20-16.216 contre l'arrêt rendu le 5 février 2020 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale A), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société MMJ, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4], prise en la personne de M. [A] [O], en sa qualité de liquiditateur judiciaire de la société Mory Ducros,
2°/ à l'AGS CGEA Île-de-France Est, dont le siège est [Adresse 2],
3°/ à la société MJA, société d'exercice libéral à forme anonyme, dont le siège est [Adresse 1], prise en la personne de M. [S] [D], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Mory Global SASU, en lieu et place du précédent liquidateur la SCP [V]-[F],
4°/ à M. [Z] [N], domicilié [Adresse 3], pris en qualité de liquidateur judiciaire de la SASU Mory Global,
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les six moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Prache, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Saran, avocat de M. [P], de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de la société MJA et de M. [N], ès qualités, de la SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, avocat de M. [O], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Mory Ducros, et l'avis de Mme Laulom, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 janvier 2022 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Prache, conseiller référendaire rapporteur, Mme Mariette, conseiller doyen, Mme Le Lay, MM. Barincou, Seguy, Mme Grandemange, conseillers, Mmes Prieur, Marguerite, M. Carillon, conseillers référendaires, Mme Laulom, avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 5 février 2020), par jugement du 26 novembre 2013, le tribunal de commerce a ouvert à l'encontre de la société Mory Ducros une procédure de redressement judiciaire, et désigné MM. [G] et [X] en qualité d'administrateurs judiciaires et M. [O] en qualité de mandataire liquidateur. Par jugement du 6 février 2014, ce tribunal a prononcé la liquidation judiciaire de la société Mory Ducros, avec poursuite de son activité pendant trois mois, et arrêté le plan de cession de cette société au profit de la société Arcole industries, la société Mory Global créée à cet effet procédant à la reprise des contrats de travail de deux mille vingt-neuf salariés et à la création de quarante-huit postes.
2. Le 3 mars 2014, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi a homologué le document unilatéral élaboré par les administrateurs judiciaires et fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi de la société Mory Ducros.
3. Les licenciements ont été notifiés aux salariés à compter du 13 mars 2014 et jusqu'au 15 janvier 2015. M. [P] et d'autres salariés ont saisi la juridiction prud'homale.
4. Par jugement du 7 juillet 2014, le tribunal administratif a annulé la décision d'homologation de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (la Direccte). Ce jugement a été confirmé par arrêt du 22 octobre 2014 de la cour administrative d'appel, au motif que le périmètre d'application des critères d'ordre des licenciements devait être apprécié au niveau de l'entreprise et non de chaque agence. Cet arrêt est devenu définitif par suite de l'arrêt du Conseil d'État du 7 décembre 2015 ayant rejeté le pourvoi formé à son encontre.
5. Par jugement du 10 février 2015, le tribunal de commerce a ouvert la procédure de redressement judiciaire de la société Mory Global, puis, par jugement du 31 mars 2015, il a prononcé la liquidation judiciaire de ladite société, la SCP [V] [F] et M. [N] étant désignés en qualité de mandataires liquidateurs.
Examen des moyens
Sur les quatrième, cinquième et sixième moyens, ci-après annexés
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur les premier et troisième moyens, réunis
Enoncé du moyen
7. Le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en fixation au passif de la liquidation judiciaire de la société Mory Ducros d'une créance de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sur le fondement des articles L. 1233-4 et L. 1235-3 du code du travail, et de rejeter sa demande subsidiaire fondée sur la non-application des critères d'ordre, alors :
« 1°/ que l'indemnité prévue par l'article L. 1233-58, II, alinéa 5, du code du travail -qui indemnise l'irrégularité du licenciement, donc le préjudice né de l'annulation de la décision ayant procédé à la validation ou à l'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi- ne répare pas le préjudice subi par le salarié en raison de la perte injustifiée de l'emploi, qui est, quant à lui, réparé par l'indemnité prévue par l'article L. 1235-3 du code du travail ; qu'il s'ensuit qu'en l'absence de disposition contraire, ces deux indemnités, qui réparent deux chefs de préjudices distincts et chacun intrinsèquement indemnisable, sont cumulables ; qu'après avoir rappelé que ‘‘la décision d'homologation du document unilatéral prise par la Direccte ayant été annulée par arrêt de la cour administrative d'appel devenu irrévocable, le licenciement des salariés est irrégulier et donc sans cause réelle et sérieuse'' et que ‘‘les salariés invoquent par ailleurs les dispositions de l'article L. 1233-4 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige et soutiennent que l'employeur n'a pas respecté son obligation de recherche de reclassement'', la cour d'appel a estimé que ‘'leur préjudice résultant du licenciement étant déjà réparé par l'indemnité allouée en application de l'article L. 1233-58, II, du code du travail, les salariés ne peuvent cependant être indemnisés une seconde fois, de sorte qu'ils doivent être déboutés de leur demande en paiement de dommages et intérêts supplémentaires'' ; qu'en statuant ainsi, cependant que le préjudice subi par les salariés en raison de la perte injustifiée de leur emploi n'était pas réparé par l'indemnité prévue par l'article L. 1233-58, II, alinéa 5, du code du travail et que cette allocation était -en l'absence de disposition contraire- cumulable avec l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse prévue par l'article L. 1235-3 du code du travail, la cour d'appel a violé ce texte et l'article L. 1233-58, II, alinéa 5, du code du travail, en leur rédaction applicable au litige.
2°/ que l'indemnité prévue par l'article L. 1233-58, II, alinéa 5, du code du travail -qui indemnise l'irrégularité du licenciement, donc le préjudice né de l'annulation de la décision ayant procédé à la validation ou à l'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi- ne répare pas le préjudice subi par le salarié en raison de la perte injustifiée de l'emploi, qui est, lui, indemnisé par l'allocation de dommages-intérêts sur le fondement de l'article L. 1233-5 du code du travail à raison de la méconnaissance des critères d'ordre des licenciements ; qu'il s'ensuit qu'en l'absence de disposition contraire, ces deux indemnités, qui réparent deux chefs de préjudices distincts et indemnisables, sont cumulables ; qu'en jugeant dès lors que ‘‘le licenciement est déclaré irrégulier et donc sans cause réelle et sérieuse en raison de l'annulation de la décision d'homologation, si bien que le préjudice lié à la perte de l'emploi a déjà été indemnisé de ce chef et que les salariés ne peuvent prétendre à des dommages et intérêts supplémentaires, au motif du non-respect du périmètre d'application des critères d'ordre'', cependant que le préjudice subi par les salariés en raison de la perte injustifiée de leur emploi n'était pas réparé par l'indemnité prévue par l'article L. 1233-58, II, alinéa 5, du code du travail et que cette allocation était -en l'absence de disposition contraire- cumulable avec des dommages-intérêts pour non-respect des critères d'ordre des licenciements sur le fondement de l'article L. 1233-5 du code du travail, la cour d'appel a violé ces deux textes, en leur rédaction applicable au litige.
3°/ que c'est seulement lorsque le juge a alloué au salarié licencié sans cause réelle et sérieuse une indemnité à ce titre qu'il lui est fait interdiction d'octroyer à celui-ci des dommages-intérêts pour inobservation de l'ordre des licenciements ; qu'en statuant comme elle l'a fait, cependant qu'elle rejetait les demandes des salariés exposants en fixation d'une créance de dommages-intérêts sur la liquidation judiciaire de la société Mory Ducros au motif d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, sur le fondement des articles L. 1233-4 et L. 1235-3 du code du travail, ce dont il résultait que le préjudice subi par les salariés à raison de la perte injustifiée de leur emploi n'avait pas fait l'objet d'une indemnisation, la cour d'appel a violé ce dernier texte et l'article L. 1233-5 du même code, en leur rédaction applicable au litige. »
Réponse de la Cour
8. En premier lieu, selon l'alinéa 5 de l'article L. 1233-58, II, du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, en vigueur du 1er juillet 2013 au 1er juillet 2014, en cas de licenciements intervenus en l'absence de toute décision relative à la validation ou à l'homologation ou en cas d'annulation d'une décision ayant procédé à la validation de l'accord collectif ou à l'homologation du document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
9. Cette indemnité est due quel que soit le motif d'annulation de la décision administrative ayant procédé à la validation de l'accord collectif ou à l'homologation du document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi établi dans une entreprise en redressement ou en liquidation judiciaire, laquelle ne prive pas les licenciements économiques intervenus à la suite de cette décision de cause réelle et sérieuse.
10. Cette indemnité, qui répare le préjudice résultant pour les salariés du caractère illicite de leur licenciement, ne se cumule pas avec l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, qui répare le même préjudice lié à la perte injustifiée de l'emploi.
11. En second lieu, l'inobservation des règles de l'ordre des licenciements, qui n'a pas pour effet de priver le licenciement de cause réelle et sérieuse, constitue une illégalité qui entraîne pour le salarié un préjudice, pouvant aller jusqu'à la perte de son emploi, sans cumul possible avec l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ou avec l'indemnité prévue par l'article L. 1233-58, II, alinéa 5, du code du travail.
12. La cour d'appel qui a constaté que la décision d'homologation du document unilatéral prise par la Direccte avait été annulée par arrêt de la cour administrative d'appel devenu irrévocable, a retenu à bon droit que le préjudice résultant pour le salarié du caractère illicite de son licenciement était déjà réparé par l'indemnité allouée en application de l'article L. 1233-58, II, et qu'il ne pouvait dès lors être indemnisé une seconde fois, de sorte qu'il devait être débouté de sa demande en paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de dommages-intérêts supplémentaires pour non-respect du périmètre d'application des critères d'ordre.
13. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
14. Le salarié fait grief à l'arrêt de limiter sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Mory Ducros au titre de l'annulation de l'homologation administrative du plan de sauvegarde de l'emploi à la somme énoncée au dispositif du jugement entrepris, et de le débouter du surplus de ses demandes, alors « qu'en cas de licenciements intervenus en l'absence de toute décision relative à la validation ou à l'homologation ou en cas d'annulation d'une décision ayant procédé à la validation ou à l'homologation, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois ; que, si l'article L. 1233-58, II, du code du travail fixe ainsi un seuil minimal d'indemnisation, les juges du fond n'en doivent pas moins réparer l'entier préjudice subi par le salarié résultant de l'annulation de l'homologation administrative du plan de sauvegarde de l'emploi, en tenant compte de la situation personnelle du salarié (âge, ancienneté, situation de famille?) ; qu'en allouant dès lors à tous les salariés parties au litige, dont M. [P], une indemnité forfaitaire correspondant aux salaires des six derniers mois, la cour d'appel -qui n'a pas apprécié l'étendue du préjudice subi par chacun des salariés- et en particulier celle de M. [P] -à l'aune de leur situation personnelle et professionnelle particulière, ainsi qu'en considération de leur ancienneté et de leur capacité à retrouver un emploi- a procédé à une évaluation forfaitaire des préjudices, en violation du texte susvisé en sa rédaction applicable litige, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1233-58, II, du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, en vigueur du 1er juillet 2013 au 1er juillet 2014 :
15. Il résulte de ce texte que la perte injustifiée de son emploi par le salarié licencié en l'absence de toute décision relative à la validation ou à l'homologation, ou en cas d'annulation d'une décision ayant procédé à la validation de l'accord collectif ou à l'homologation du document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, lui cause un préjudice dont il appartient au juge d'apprécier l'étendue.
16. Pour limiter aux sommes énoncées dans le dispositif des jugements la créance du salarié au passif de la liquidation judiciaire de la société Mory Ducros, la cour d'appel a retenu que le conseil de prud'hommes a fait une exacte appréciation du montant de l'indemnité allouée pour chacun des salariés en application dudit article L. 1233-58, II, du code du travail, en la fixant au salaire des six derniers mois.
17. En statuant ainsi, sans apprécier l'étendue du préjudice subi par le salarié au vu de sa situation personnelle et professionnelle particulière, la cour d'appel, qui a procédé à une évaluation forfaitaire des préjudices, a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
18.La cassation du chef de dispositif confirmant le jugement en ce qu'il fixe à six mois de salaire la créance du salarié au passif de la liquidation judiciaire de la société Mory Ducros à titre de dommages-intérêts en application de l'article L. 1233-58, II, du code du travail n'emporte pas cassation du chef de dispositif confirmant le jugement en ce qu'il dit que le licenciement du salarié pour motif économique est dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison du manquement de l'employeur à son obligation de reclassement.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe la créance de M. [P] au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Mory Ducros à la somme de 5 067 euros à titre de dommages-intérêts au titre de l'annulation de l'homologation administrative du plan de sauvegarde de l'emploi, l'arrêt rendu le 5 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;
Condamne M. [O], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Mory Ducros, aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. [O], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Mory Ducros, à payer à M. [P] la somme de 1 500 euros ; rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize février deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour M. [P]
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'AVOIR rejeté la demande du salarié exposant en fixation d'une créance de dommages et intérêts sur la liquidation judiciaire de la société Mory Ducros au motif d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, sur le fondement des articles L. 1233-4 et L. 1235-3 du code du travail ;
AUX MOTIFS QUE, sur la rupture du contrat de travail : l'article L. 1233-61 du code du travail dispose que le plan de sauvegarde de l'emploi comprend « un plan de reclassement visant à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité, notamment celui des satanés âgés ou présentant des caractéristiques sociales ou de qualification rendant leur insertion professionnelle particulièrement difficile » ; que le juge administratif peut annuler la décision d'homologation de la DIRECCTE en raison d'une absence ou d'une insuffisance de plan de sauvegarde de l'emploi ou pour un autre motif ; que l'article L. 1233-58 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi du 14 juin 2013 applicable du 1er juillet 2013 au 1er juillet 2014, énonce au I qu'en cas de redressement ou de liquidation judiciaire, l'employeur, l'administrateur ou le liquidateur, selon le cas, qui envisage des licenciements économiques, met en oeuvre un plan de licenciement, dans les conditions prévues aux articles L. 1233-24-1 à L. 1233-24-4 ; qu'aux termes du II de cet article : - pour un licenciement d'au moins dix salariés dans une entreprise d'au moins cinquante salariés, l'accord mentionné à l'article L. 1233-24-1 est validé et le document mentionné à l'article L. 1233-24-4 élaboré par l'employeur, l'administrateur ou le liquidateur est homologué dans les conditions fixées aux articles L. 1233-57-1 à L. 1233-57-1, aux deuxième et troisième alinéas de l'article L.1233-57-4 et à l'article L. 1233-57-7 (?) ; - en cas de licenciements intervenus en l'absence de toute décision relative à la validation ou à l'homologation ou en cas d'annulation d'une décision ayant procédé à la validation ou à l'homologation, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois ; que l'article L. 1235-16 ne s'applique pas ; qu'en l'espèce, la décision d'homologation du document unilatéral prise par la DIRECCTE ayant été annulée par arrêt de la cour administrative d'appel devenu irrévocable, le licenciement des salariés est irrégulier et donc sans cause réelle et sérieuse ; que par ailleurs, les dispositions de l'article L. 1233-58 II prévoyant expressément en cas d'annulation de la décision d'homologation le versement d'une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois s'appliquent aux 11 salariés, et ce, quel que soit le motif de l'annulation, puisque cet article n'opère pas de distinction, contrairement à l'article L. 1235-16 dans sa rédaction issue de la loi du 14 juin 2013 en vigueur du 1er juillet 2013 au 8 août 2015, dont l'application aux entreprises en redressement ou en liquidation judiciaire est précisément exclue par l'article L. 1233-58 II ; qu'enfin, l'indemnité prévue par l'article L. 1233-58 II est due en sus de l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement qui n'a ni le même fondement, ni le même objet, de sorte que la demande de compensation n'est pas justifiée ; que compte tenu du motif pour lequel le licenciement est déclaré sans cause réelle et sérieuse, le conseil de prud'hommes a fait une exacte appréciation du montant de l'indemnité allouée pour chacun des 11 salariés en application dudit article L. 1233-58 II du code du travail, en la fixant au salaire des six derniers mois ; (?) ; que le jugement sera confirmé sur ce point et en ce qu'il a dit que l'AGS CGEA doit sa garantie dans les conditions prévues par la loi ; qu'il n'appartient pas à la juridiction prud'homale d'apprécier la légèreté blâmable ou non des actionnaires de la société Mory Global « qui aurait conduit à la liquidation judiciaire de la société Mory Ducros » ; que les salariés invoquent par ailleurs les dispositions de l'article L. 1233-4 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige et soutiennent que l'employeur n'a pas respecté son obligation de recherche de reclassement ; que leur préjudice résultant du licenciement étant déjà réparé par l'indemnité allouée en application de l'article L. 1233-58 II du code du travail, les salariés ne peuvent cependant être indemnisés une seconde fois, de sorte qu'ils doivent être déboutés de leur demande en paiement de dommages et intérêts supplémentaires, le jugement qui a accueilli ce chef de demande étant infirmé sur ce point ;
ALORS QUE l'indemnité prévue par l'article L. 1233-58, II, alinéa 5 du code du travail - qui indemnise l'irrégularité du licenciement, donc le préjudice né de l'annulation de la décision ayant procédé à la validation ou à l'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi - ne répare pas le préjudice subi par le salarié en raison de la perte injustifiée de l'emploi, qui est, quant à lui, réparé par l'indemnité prévue par l'article L. 1235-3 du code du travail ; qu'il s'ensuit qu'en l'absence de disposition contraire, ces deux indemnités, qui réparent deux chefs de préjudices distincts et chacun intrinsèquement indemnisable, sont cumulables ; qu'après avoir rappelé que « la décision d'homologation du document unilatéral prise par la DIRECCTE ayant été annulée par arrêt de la cour administrative d'appel devenu irrévocable, le licenciement des salariés est irrégulier et donc sans cause réelle et sérieuse » et que « les salariés invoquent par ailleurs les dispositions de l'article L. 1233-4 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige et soutiennent que l'employeur n'a pas respecté son obligation de recherche de reclassement », la cour d'appel a estimé que « leur préjudice résultant du licenciement étant déjà réparé par l'indemnité allouée en application de l'article L. 1233-58 II du code du travail, les salariés ne peuvent cependant être indemnisés une seconde fois, de sorte qu'ils doivent être déboutés de leur demande en paiement de dommages et intérêts supplémentaires » ; qu'en statuant ainsi, cependant que le préjudice subi par M. [P] en raison de la perte injustifiée de son emploi n'était pas réparé par l'indemnité prévue par l'article L. 1233-58, II, alinéa 5 du code du travail et que cette allocation était - en l'absence de disposition contraire - cumulable avec l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse prévue par l'article L. 1235-3 du code du travail, la cour d'appel a violé ce texte et l'article L. 1233-58, II, alinéa 5 du code du travail, en leur rédaction applicable au litige.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR limité la créance de M. [P] au passif de la liquidation judiciaire de la société Mory Ducros au titre de l'annulation de l'homologation administrative du plan de sauvegarde de l'emploi à la somme de 5.067 €, et débouté le salarié du surplus de ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE, sur la rupture du contrat de travail : l'article L. 1233-61 du code du travail dispose que le plan de sauvegarde de l'emploi comprend « un plan de reclassement visant à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité, notamment celui des satanés âgés ou présentant des caractéristiques sociales ou de qualification rendant leur insertion professionnelle particulièrement difficile » ; que le juge administratif peut annuler la décision d'homologation de la DIRECCTE en raison d'une absence ou d'une insuffisance de plan de sauvegarde de l'emploi ou pour un autre motif ; que l'article L. 1233-58 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi du 14 juin 2013 applicable du 1er juillet 2013 au 1er juillet 2014, énonce au I qu'en cas de redressement ou de liquidation judiciaire, l'employeur, l'administrateur ou le liquidateur, selon le cas, qui envisage des licenciements économiques, met en oeuvre un plan de licenciement, dans les conditions prévues aux articles L. 1233-24-1 à L. 1233-24-4 ; qu'aux termes du II de cet article : - pour un licenciement d'au moins dix salariés dans une entreprise d'au moins cinquante salariés, l'accord mentionné à l'article L. 1233-24-1 est validé et le document mentionné à l'article L. 1233-24-4 élaboré par l'employeur, l'administrateur ou le liquidateur est homologué dans les conditions fixées aux articles L. 1233-57-1 à L. 1233-57-1, aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 1233-57-4 et à l'article L. 1233-57-7 (?) ; - en cas de licenciements intervenus en l'absence de toute décision relative à la validation ou à l'homologation ou en cas d'annulation d'une décision ayant procédé à la validation ou à l'homologation, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois ; que l'article L. 1235-16 ne s'applique pas ; qu'en l'espèce, la décision d'homologation du document unilatéral prise par la DIRECCTE ayant été annulée par arrêt de la cour administrative d'appel devenu irrévocable, le licenciement des salariés est irrégulier et donc sans cause réelle et sérieuse ; que par ailleurs, les dispositions de l'article L. 1233-58 II prévoyant expressément en cas d'annulation de la décision d'homologation le versement d'une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois s'appliquent aux 11 salariés, et ce, quel que soit le motif de l'annulation, puisque cet article n'opère pas de distinction, contrairement à l'article L. 1235-16 dans sa rédaction issue de la loi du 14 juin 2013 en vigueur du 1er juillet 2013 au 8 août 2015, dont l'application aux entreprises en redressement ou en liquidation judiciaire est précisément exclue par l'article L. 1233-58 II ; qu'enfin, l'indemnité prévue par l'article L. 1233-58 II est due en sus de l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement qui n'a ni le même fondement, ni le même objet, de sorte que la demande de compensation n'est pas justifiée ; que compte tenu du motif pour lequel le licenciement est déclaré sans cause réelle et sérieuse, le conseil de prud'hommes a fait une exacte appréciation du montant de l'indemnité allouée pour chacun des 11 salariés en application dudit article L. 1233-58 II du code du travail, en la fixant au salaire des six derniers mois ; (?) ; que le jugement sera confirmé sur ce point et en ce qu'il a dit que l'AGS CGEA doit sa garantie dans les conditions prévues par la loi ; qu'il n'appartient pas à la juridiction prud'homale d'apprécier la légèreté blâmable ou non des actionnaires de la société Mory Global « qui aurait conduit à la liquidation judiciaire de la société Mory Ducros » ; que les salariés invoquent par ailleurs les dispositions de l'article L. 1233-4 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige et soutiennent que l'employeur n'a pas respecté son obligation de recherche de reclassement ; que leur préjudice résultant du licenciement étant déjà réparé par l'indemnité allouée en application de l'article L. 1233-58 II du code du travail, les salariés ne peuvent cependant être indemnisés une seconde fois, de sorte qu'ils doivent être déboutés de leur demande en paiement de dommages et intérêts supplémentaires, le jugement qui a accueilli ce chef de demande étant infirmé sur ce point ;
1°) ALORS QU'en cas de licenciements intervenus en l'absence de toute décision relative à la validation ou à l'homologation ou en cas d'annulation d'une décision ayant procédé à la validation ou à l'homologation, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois ; que, si l'article L. 1233-58 II du code du travail fixe ainsi un seuil minimal d'indemnisation, les juges du fond n'en doivent pas moins réparer l'entier préjudice subi par le salarié résultant de l'annulation de l'homologation administrative du plan de sauvegarde de l'emploi, en tenant compte de la situation personnelle du salarié (âge, ancienneté, situation de famille?) ; qu'en allouant dès lors à tous les salariés parties au litige, dont M. [P], une indemnité forfaitaire correspondant aux salaires des six derniers mois, la cour d'appel - qui n'a pas apprécié l'étendue du préjudice subi par chacun des salariés - et en particulier celle de M. [P] - à l'aune de leur situation personnelle et professionnelle particulière, ainsi qu'en considération de leur ancienneté et de leur capacité à retrouver un emploi - a procédé à une évaluation forfaitaire des préjudices, en violation du texte susvisé en sa rédaction applicable litige, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice ;
2°) ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les documents de la cause ; qu'en l'espèce, il résulte des motifs clairs et précis du jugement que le conseil de prud'hommes avait alloué aux salariés, d'une part, une indemnité fondée sur l'article L. 1233-58 II du code du travail en raison de l'annulation de la décision d'homologation du document unilatéral pris par la DIRECCTE, et d'autre part, une indemnité fondée sur l'article L. 1235-3 du code du travail au titre de l'absence de cause réelle et sérieuse des licenciements en l'absence d'exécution conforme de l'obligation de reclassement (cf. jugement entrepris du 28 novembre 2016, production) ; que la cour d'appel a pour sa part estimé – à tort – que l'indemnité prévue par l'article L. 1233-58 II du code du travail réparait déjà l'absence de cause réelle et sérieuse de licenciement, et a infirmé le jugement en tant qu'il fixait une créance à ce titre au passif de la liquidation judiciaire de la société Mory Ducros, et rejeté la demande des salariés concernant les dommages et intérêts « pour licenciement sans cause réelle et sérieuse » (arrêt p. 11) ; qu'en affirmant néanmoins, pour limiter au plancher de 6 mois de salaire appliqué par les premiers juges l'indemnité prévue par l'article L. 1233-58 II du code du travail, que « compte tenu du motif pour lequel le licenciement est déclaré sans cause réelle et sérieuse, le conseil de prud'hommes a fait une exacte appréciation du montant de l'indemnité allouée pour chacun des 123 salariés en application dudit article L. 1233-58 II du code du travail, en la fixant au salaire des six derniers mois », tandis qu'il résultait de manière claire et non équivoque que le conseil de prud'hommes, qui avait réparé par des indemnités distinctes l'irrégularité résultant de l'annulation de la décision d'homologation et la perte injustifiée d'emploi résultant de l'absence de cause réelle et sérieuse des licenciements, n'avait dons pas, par hypothèse, pris en compte l'indemnisation de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement dans la fixation de l'indemnité due au titre de l'article L. 1233-58 II du code du travail, la cour d'appel a dénaturé le sens et la portée des mentions claires et précises du jugement dont appel, et violé le principe interdisant au juge du fond de dénaturer les documents de la cause ;
3°) ALORS, subsidiairement, QUE, pour limiter l'indemnisation de M. [P] aux salaires des six derniers mois, la cour d'appel a tenu compte « du motif pour lequel le licenciement est déclaré sans cause réelle et sérieuse », statuant ainsi par un motif inopérant et privant sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-58 II du code du travail en sa rédaction applicable litige ;
4°) ET ALORS, plus subsidiairement QUE la décision de justice doit être motivée et se suffire à elle-même ; qu'il s'ensuit qu'une cour d'appel ne peut se borner à adopter les motifs des premiers juges lorsque l'une des parties a soulevé, en cause d'appel, des moyens nouveaux ou produit des pièces nouvelles de nature à étayer ses demandes ; qu'en l'espèce, le salarié sollicitait l'actualisation des dommages et intérêts alloués par les premiers juges, de manière à ce qu'ils prennent en considération l'évolution de sa situation personnelle, qui était dûment justifiée ; qu'en énonçant dès lors que « compte tenu du motif pour lequel le licenciement est déclaré sans cause réelle et sérieuse, le conseil de prud'hommes a fait une exacte appréciation du montant de l'indemnité allouée pour chacun des 123 salariés en application dudit article L. 1233-58 II du code du travail, en la fixant au salaire des six derniers mois », la cour d'appel - qui s'est bornée à renvoyer aux motifs des premiers juges relatifs à l'appréciation du préjudice subi par le salarié au titre de l'annulation de l'homologation administrative du plan de sauvegarde de l'emploi, sans examiner les pièces nouvelles en cause d'appel fournies par l'exposant aux fins de justification d'un préjudice supérieur à celui reconnu par les premiers juges - a méconnu le principe de l'effet dévolutif de l'appel, violant les articles 455 et 561 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la demande subsidiaire formulée par M. [P], fondée sur la non-application des critères d'ordre ;
AUX MOTIFS QUE, sur la demande subsidiaire relative aux critères d'ordre : le liquidateur judiciaire, ès qualités, ne peut invoquer les termes de l'accord collectif du 31 janvier 2014 pour conclure au bien-fondé de la mise en oeuvre des critères d'ordre des licenciements par agence puisque, cet accord n'ayant pas été signé par l'ensemble des organisations syndicales, un document unilatéral a été élaboré et soumis à l'homologation de la DIRECCTE et que c'est au motif que la définition d'un périmètre d'application des critères d'ordre des licenciements à un niveau inférieur à celui de l'entreprise n'était envisageable que dans le cadre d'un accord collectif que, dans son arrêt devenu irrévocable du 22 octobre 2014, la cour administrative d'appel de Versailles a considéré que l'administration du travail, en homologuant ce document unilatéral dont l'un des éléments mentionnés au 2° de l'article L. 1233-24-2 du code du travail n'était pas conforme à une disposition législative, avait méconnu les dispositions de l'article L. 1233-57-3 du même code ; que toutefois, le licenciement est déclaré irrégulier et donc sans cause réelle et sérieuse en raison de l'annulation de la décision d'homologation, si bien que le préjudice lié à la perte de l'emploi a déjà été indemnisé de ce chef et que les salariés ne peuvent prétendre à des dommages et intérêts supplémentaires, au motif du non-respect du périmètre d'application des critères d'ordre ; que cette demande sera rejetée ;
1°) ALORS QUE l'indemnité prévue par l'article L. 1233-58, II, alinéa 5 du code du travail - qui indemnise l'irrégularité du licenciement, donc le préjudice né de l'annulation de la décision ayant procédé à la validation ou à l'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi - ne répare pas le préjudice subi par le salarié en raison de la perte injustifiée de l'emploi, qui est, lui, indemnisé par l'allocation de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L. 1233-5 du code du travail à raison de la méconnaissance des critères d'ordre des licenciements ; qu'il s'ensuit qu'en l'absence de disposition contraire, ces deux indemnités, qui réparent deux chefs de préjudices distincts et indemnisables, sont cumulables ; qu'en jugeant dès lors que « le licenciement est déclaré irrégulier et donc sans cause réelle et sérieuse en raison de l'annulation de la décision d'homologation, si bien que le préjudice lié à la perte de l'emploi a déjà été indemnisé de ce chef et que les salariés ne peuvent prétendre à des dommages et intérêts supplémentaires, au motif du non-respect du périmètre d'application des critères d'ordre », cependant que le préjudice subi par M. [P] en raison de la perte injustifiée de son emploi n'était pas réparé par l'indemnité prévue par l'article L. 1233-58, II, alinéa 5 du code du travail et que cette allocation était - en l'absence de disposition contraire - cumulable avec des dommages et intérêts pour non-respect des critères d'ordre des licenciements sur le fondement de l'article L. 1233-5 du code du travail, la cour d'appel a violé ces deux textes, en leur rédaction applicable au litige ;
2°) ET ALORS QUE c'est seulement lorsque le juge a alloué au salarié licencié sans cause réelle et sérieuse une indemnité à ce titre qu'il lui est fait interdiction d'octroyer à celui-ci des dommages-intérêts pour inobservation de l'ordre des licenciements ; qu'en statuant comme elle l'a fait, cependant qu'elle rejetait la demande de M. [P] en fixation d'une créance de dommages et intérêts sur la liquidation judiciaire de la société Mory Ducros au motif d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, sur le fondement des articles L. 1233-4 et L. 1235-3 du code du travail, ce dont il résultait que le préjudice subi par le salarié à raison de la perte injustifiée de son emploi n'avait pas fait l'objet d'une indemnisation, la cour d'appel a violé ce dernier texte et l'article L. 1233-5 du même code, en leur rédaction applicable au litige.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué, confirmatif de ce chef, d'AVOIR mis hors de cause Maître [Z] [N] et la SCP [V]-[F], mandataires liquidateurs de la société Mory Global et d'AVOIR débouté M. [P] de ses demandes de dommages et intérêts, d'une part, au titre de la fraude aux dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail visant à réparer la perte d'une chance d'être transféré au sein de la société Mory Global et de conserver ainsi leur emploi, d'autre part, au titre de la violation de la priorité de réembauchage ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur les demandes dirigées contre la liquidation judiciaire de la société Mory Global : c'est à juste titre que le conseil de prud'hommes a rejeté les demandes des salariés dirigées contre la liquidation judiciaire de la société Mory Global, sans rapport avec leur licenciement pour motif économique prononcé par la liquidation judiciaire de la société Mory Ducros ensuite de la cessation d'activité de cette société ; qu'en effet, le plan de cession emportant transfert de certains contrats de travail précisément déterminés au profit de la société nouvellement constituée Mory Global a été arrêté par le tribunal de commerce, dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société Mory Ducros, de sorte que les salariés ne peuvent reprocher à la société Mory Global de ne pas avoir repris leurs contrats de travail et de ne pas les avoir fait bénéficier d'une priorité de réembauchage ; que le jugement sera confirmé sur ce point ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE, sur la mise hors de cause de la société Mory Global : l'article L. 1411-1 du code du travail dispose : « le conseil de prud'hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu'ils emploient. Il juge les litiges lorsque la conciliation n'a pas abouti » ; que le Conseil de Prud'hommes a seule compétence pour statuer sur la réalité et la validité d'un contrat de travail ; qu'en l'espèce, la société Mory Global n'a jamais été l'employeur des demandeurs, leurs contrats de travail n'ayant pas été transférés à ladite société ; qu'en conséquence, le conseil met hors de cause la SCP [C] et Maître [N], es qualité de mandataires liquidateurs de la société Mory Global et déboutera les salariés de leurs demandes à leur encontre ;
1°) ALORS QUE la cession d'une unité de production, constituée par un ensemble d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique poursuivant un objectif propre, entraîne nécessairement le transfert d'une entité économique conservant son identité et, par voie de conséquence, la poursuite avec le cessionnaire des contrats de travail des salariés relevant de l'unité de production cédée, peu important qu'ils aient été licenciés pour motif économique par le liquidateur judiciaire et que le jugement arrêtant le plan ou l'ordonnance du juge-commissaire autorisant la cession n'ait prévu que la poursuite des contrats de travail d'une partie des salariés concernés ; qu'il en résulte que les licenciements économiques prononcés à l'occasion du transfert sont, à l'égard des salariés attachés à l'entité cédée, dépourvus d'effet et que le salarié licencié peut obtenir du cessionnaire, s'il a refusé de poursuivre le contrat, l'indemnisation du préjudice résultant d'un licenciement qui se trouve dépourvu de cause réelle et sérieuse, alors même qu'il aurait été autorisé par le jugement arrêtant le plan ou par le juge-commissaire ; qu'en décidant dès lors, au contraire, que « le plan de cession emportant transfert de certains contrats de travail précisément déterminés au profit de la société nouvellement constituée Mory Global a été arrêté par le tribunal de commerce, dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société Mory Ducros, de sorte que les salariés ne peuvent reprocher à la société Mory Global de ne pas avoir repris leurs contrats de travail et de ne pas les avoir fait bénéficier d'une priorité de réembauchage », la cour d'appel a violé l'article L. 1224-1 du code du travail ;
2°) ET ALORS QU'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant invitée (cf. conclusions d'appel p. 39 et suiv.), si la reprise, par la société Arcole industries aux fins de création de la société Mory Global, des activités, des biens et de 2.029 salariés de la société Mory Ducros ne constituait pas le transfert d'un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels, permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre, et dont l'activité est poursuivie ou reprise en conservant son identité, donc le transfert d'une entité économique autonome, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 1224-1 du code du travail.
CINQUIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté le salarié exposant de sa demande tendant à la fixation au passif de la liquidation judiciaire de la société Mory Ducros d'une créance de dommages-intérêts au titre de l'absence d'évaluation des risques ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'en ce qui concerne les demandes en dommages et intérêts fondées sur l'absence de formation et d'adaptation et l'absence de justification de la tenue du document unique d'évaluation des risques à jour, les salariés avancent des arguments généraux sans expliquer ni justifier en quoi, à supposer les manquements établis, ils ont subi chacun un préjudice ; que le jugement qui a rejeté ces demandes sera confirmé ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE les salariés évoquent un préjudice dû au manquement de l'employeur d'établir le document unique d'évaluation des risques, mais qu'ils n'apportent pas au Conseil, la preuve de leur préjudice ; qu'en conséquence, le Conseil déboutera les salariés de leur demande au titre des dommages et intérêts en réparation du non-établissement du document unique d'évaluation des risques ;
ALORS QUE l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, doit en assurer l'effectivité ; qu'il lui incombe, en conséquence, de démontrer qu'il a satisfait à son obligation d'établir le document unique d'évaluation des risques ; que, ce document permettant au salarié de justifier des conditions légales et réglementaires lui permettant de bénéficier d'un départ à la retraite anticipée pour cause de pénibilité, le préjudice du salarié, qui se confond avec le fait dommageable, résulte directement du manquement de l'employeur à son obligation ; qu'il s'ensuit qu'en faisant grief au salarié de ne pas démontrer le préjudice qui serait résulté pour lui de l'absence d'établissement par l'employeur du document unique d'évaluation des risques, sans rechercher au préalable si celui-ci justifiait de l'exécution de son obligation ou du fait l'en ayant libéré, le juge, qui reproche ainsi au salarié de ne pas démontrer la pénibilité à laquelle il était confronté dans l'exercice de sa prestation de travail, donc l'inexécution par l'employeur de son obligation, fait peser sur le salarié la charge de la preuve incombant en réalité à l'employeur ; qu'en déboutant dès lors le salarié de sa demande de dommages-intérêts au titre de l'absence d'évaluation des risques, motifs pris qu'ils ne justifiaient pas de leur préjudice, cependant que celui-ci résultait directement de la méconnaissance par l'employeur de son obligation d'établir ledit document relatif aux conditions de travail auxquelles le travailleur était exposé dans le cadre de l'exécution de sa prestation, la cour d'appel - qui a statué « à supposer les manquements établis » et n'a donc pas recherché au préalable si l'employeur démontrait avoir exécuté son obligation ou justifiait du fait l'ayant libéré de celle-ci - a renversé la charge de la preuve, violant l'article 1353 du code civil, ensemble les articles L. 4121-1, L. 4121-2, L. 4121-3, L. 4121-3-1 et R. 4461-3 du code du travail en leur rédaction applicable au litige.
SIXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. [P] de sa demande tendant à la fixation au passif de la liquidation judiciaire de la société Mory Ducros d'une créance de dommages-intérêts au titre de l'atteinte aux droits à la formation et à l'adaptation du salarié à l'évolution de son emploi ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'en ce qui concerne les demandes en dommages et intérêts fondées sur l'absence de formation et d'adaptation et l'absence de justification de la tenue du document unique d'évaluation des risques à jour, les salariés avancent des arguments généraux sans expliquer ni justifier en quoi, à supposer les manquements établis, ils ont subi chacun un préjudice ; que le jugement qui a rejeté ces demandes sera confirmé ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QU'en l'espèce, les demandeurs ne justifient d'aucun préjudice spécifique ; qu'en conséquence, le Conseil déboutera les salariés de leurs demandes au titre des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'atteinte aux droits à la formation et à l'adaptation ;
ALORS QUE le manquement de l'employeur à son obligation d'assurer l'adaptation des salariés à leur poste de travail et de veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations est de nature à les priver d'une possibilité d'être reclassés sur un poste de catégorie supérieure ; qu'en se bornant dès lors à affirmer que M. [P] ne justifiait pas du préjudice qu'il estimait avoir subi, sans vérifier si l'employeur - auquel il incombe de prouver l'impossibilité dans laquelle il se serait trouvé de pourvoir au reclassement du salarié - avait satisfait à son obligation de reclassement et, à défaut, de rechercher si M. [P] aurait pu prétendre à un poste de reclassement d'une catégorie supérieure à la sienne en l'absence de manquement l'employeur à son obligation de formation et d'adaptation, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 6321-1 du code du travail en sa rédaction applicable litige.