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10/10/2007 | FRANCE | N°05-45347

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 10 octobre 2007, 05-45347


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 septembre 2005), que la confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment a conclu avec l'ensemble des organisations syndicales représentatives, le 25 janvier 1994, un accord étendu pour organiser la négociation collective pour les entreprises du bâtiment occupant au plus 10 salariés, fixant le montant de la participation des entreprises au financement du dialogue social dans la branche et répartissant cette participation par parts égales entre les différentes organisations représentatives ; qu'un avenant du 20 octobre 2

003 ayant notamment abandonné cette répartition égalitaire, p...

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 septembre 2005), que la confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment a conclu avec l'ensemble des organisations syndicales représentatives, le 25 janvier 1994, un accord étendu pour organiser la négociation collective pour les entreprises du bâtiment occupant au plus 10 salariés, fixant le montant de la participation des entreprises au financement du dialogue social dans la branche et répartissant cette participation par parts égales entre les différentes organisations représentatives ; qu'un avenant du 20 octobre 2003 ayant notamment abandonné cette répartition égalitaire, pour allouer 3/13e de la participation à la CFDT, la CGT et la CGT-FO et 2/13e à la CFTC et à la CFE-CGC, la fédération Bati-Mat-TP CFTC, et le syndicat national CFE-CGC du bâtiment (CFE-CGC BTP) ont refusé de signer cet avenant et ont demandé judiciairement son annulation en invoquant une violation du principe d'égalité à valeur constitutionnelle et de l'article L. 120-2 du code du travail ;

Sur le premier moyen :

Attendu que le syndicat Bati-Mat TP CFTC fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande tendant à l'annulation de l'article 4 de l'avenant n° 3 du 20 octobre 2003 à l'accord de branche du 25 janvier 1994 alors, selon le moyen, que "la motivation de l'arrêt se rapporte exclusivement à la situation de la CFE CGC BTP et ignore totalement sa situation propre au regard des stipulations critiquées ; que la cour d'appel a en réalité omis d'examiner les conclusions de cette partie au point de la désigner uniquement comme partie intimée dans le dernier paragraphe de sa motivation, bien que les visas de l'arrêt rappellent exactement que ces conclusions tendaient à l'infirmation du jugement et à l'annulation des stipulations de l'avenant ; qu'ainsi l'arrêt attaqué a été rendu en méconnaissance des exigences de l'article 455 du nouveau code de procédure civile, en ce qu'elle se rapporte au rejet de ses demandes de première instance" ;

Mais attendu que sous couvert d'un grief de défaut de réponse à conclusion, le moyen critique une omission de statuer ; qu'une omission de statuer pouvant être réparée par la procédure prévue à l'article 463 du nouveau code de procédure civile, le moyen est irrecevable ;

Et sur le second moyen :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté les demandes de la CFE-CGC BTP et de la fédération Bati-Mat-TP CFDT tendant à l'annulation de l'article 4 de l'avenant n° 3 du 20 octobre 2003 à l'accord de branche du 25 janvier 1994 en ce qu'il instaure une répartition inégalitaire, entre les organisations syndicales de salariés représentatives de leur quote-part du produit de la contribution financière des entreprises tendant au développement de la négociation collective dans le secteur de l'artisanat du bâtiment alors, selon le moyen :

1°/ que les principes d'égalité et de libre choix de son syndicat, qui revêtent un caractère d'ordre public, s'opposent à ce qu'un accord collectif opère une différence de traitement entre les syndicats représentatifs dans l'octroi de financements par les entreprises ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a méconnu ces principes ainsi que les articles 6 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, 1, 5, 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, et les dispositions combinées des articles 11 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°/ qu'aux termes de l'article L. 412-4 du code du travail, tout syndicat affilié à une organisation syndicale représentative sur le plan national est considéré comme représentatif dans l'entreprise pour l'application des dispositions relatives à l'exercice du droit syndical ; qu'il s'en déduit que les organisations reconnues comme les plus représentatives sur le plan national pour l'ensemble des catégories professionnelles par l'arrêté du 31 mars 1966 jouissent d'une présomption irréfragable d'égale représentativité dans l'ensemble des branches d'activité en ce qui concerne l'exercice des droits syndicaux ; qu'en jugeant néanmoins que la fédération Bati-Mat-TP CFTC, affiliée à la confédération CFTC figurant dans la liste fixée par ledit arrêté, avait une représentativité "réelle" moindre que la CGT, la CGT-FO et la CFDT au sein du secteur de l'artisanat du bâtiment, pour justifier une différence de traitement dans le bénéfice de subventions relatives à l'exercice des droits syndicaux, la cour d'appel a méconnu la portée de la disposition précitée ;

3°/ qu'à supposer qu'une différence de traitement entre syndicats puisse être fondée sur une différence de représentativité réelle, celle-ci ne peut être appréciée qu'au regard des critères de représentativité limitativement énumérés par l'article L. 133-2 du code du travail ; qu'en se fondant sur des éléments dépourvus de liens avec ces critères, tels que la composition salariale supposée du secteur concerné, ou le résultat des élections prud'homales, la cour d'appel a violé l'article précité ;

4°/ qu'à supposer toujours qu'une différence de traitement entre syndicats puisse être fondée sur une différence de représentativité réelle, il appartient aux syndicats bénéficiant du traitement le plus favorable d'apporter la preuve de leur plus grande représentativité, même lorsqu'ils sont en position de défendeurs dans l'instance ; qu'en reprochant aux syndicats appelants de n'apporter aucun élément objectif contredisant le mode de répartition retenu, quand il appartenait aux syndicats CGT, CFDT et CGT-FO d'apporter la preuve de leur plus grande représentativité dans le secteur considéré, seule à même de justifier leur traitement de faveur, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et méconnu les exigences de l'article L. 133-2 du code du travail ;

5° qu'il appartient toujours à l'auteur d'une différence de traitements entre les syndicats d'apporter la preuve de sa justification ; qu'en l'espèce, il appartenait aux signataires de l'avenant litigieux de fournir des justifications objectives et matériellement vérifiables du traitement de faveur bénéficiant aux syndicats CGT, CFDT et CGT-FO ; qu'à cet égard encore la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et méconnu les exigences résultant des principes d'égalité et de liberté syndicales consacrés par les textes visés à la première branche ;

6°/ qu'une différence de traitement entre les syndicats ne peut être admise qu'à condition d'être justifiée et strictement proportionnée à une différence de situation objective et matériellement vérifiable au regard de l'objet de la mesure ; que les juges du fond se sont bornés, d'une part, à affirmer que dans les entreprises occupant jusqu'à dix salariés, la CFE-CGC ne pouvait que représenter un nombre de salariés moindre que les autres organisations syndicales et, d'autre part, à se référer aux résultats des élections prud'homales, dont le détail ne peut même pas être connu pour le secteur de l'artisanat du bâtiment ; que ces éléments non quantifiés ne peuvent suffire à justifier que la quote-part de contribution revenant à la CGT, la CFDT et la CGT-FO soit supérieure de moitié à celle de la CFTC et de la CFE-CGC ; que la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des principes d'égalité et de liberté syndicales consacrés par les textes visés à la première branche ;

Mais attendu, d'abord, que ni l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, ni l'article 6 du Préambule de la Constitution, ni l'article L. 120-2 du code du travail ne font obstacle à ce qu'un accord collectif établisse des règles de répartition inégalitaire d'une contribution au financement du dialogue social entre les organisations syndicales représentatives, dès lors, d'une part, que cette répartition n'a ni pour objet ni pour effet d'imposer à quiconque l'adhésion ou le maintien de l'adhésion à une organisation syndicale, aucune organisation syndicale représentative n'en étant exclue, et que, d'autre part, la différence de traitement est justifiée par des raisons objectives matériellement vérifiables liées à l'influence de chaque syndicat dans le champ de l'accord ;

Attendu ensuite que la représentativité du syndicat CFE-CGC du bâtiment et de la fédération Bati-Mat-TP CFTC et les prérogatives légales qui s'y attachent n'étant pas contestées, les dispositions de l'article L. 133-2 du code du travail n'étaient pas applicables ; que les organisations demanderesses, comme elles en avaient la charge, n'ayant pas établi que la clé de répartition contestée n'aurait pas reflété l'influence respective des syndicats concernés, la cour d'appel, qui l'a appréciée au regard des critères objectifs critiqués à la dernière branche du moyen, a statué à bon droit ;

Que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les demandeurs aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix octobre deux mille sept.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 05-45347
Date de la décision : 10/10/2007
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

STATUT COLLECTIF DU TRAVAIL - Accords collectifs - Dispositions générales - Accord de branche instituant une contribution des entreprises au financement du dialogue social - Répartition inégalitaire entre les organisations syndicales représentatives - Possibilité - Condition

SYNDICAT PROFESSIONNEL - Droits syndicaux - Exercice - Amélioration - Accord collectif de branche instituant une contribution des entreprises au financement du dialogue social - Répartition inégalitaire entre les organisations syndicales représentatives - Possibilité - Condition STATUT COLLECTIF DU TRAVAIL - Accords collectifs - Accords particuliers - Bâtiment - Accord du 25 janvier 1994 sur l'organisation de la négociation collective dans l'artisanat du bâtiment - Contribution des entreprises au financement du dialogue social - Avenant n° 3 du 20 octobre 2003 - Répartition inégalitaire entre les organisations syndicales représentatives - Possibilité - Condition

Ni l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, ni l'article 6 du Préambule de la Constitution, ni l'article L. 120-2 du code du travail ne font obstacle à ce qu'un accord collectif établisse des règles de répartition inégalitaire d'une contribution au financement du dialogue social entre les organisations syndicales représentatives, dès lors, d'une part, que cette répartition n'a ni pour objet ni pour effet d'imposer à quiconque l'adhésion ou le maintien de l'adhésion à une organisation syndicale, aucune organisation syndicale représentative n'en étant exclue, et que, d'autre part, celles-ci sont dans des situations différentes justifiées par des raisons objectives matériellement vérifiables liées à l'influence de chaque syndicat dans le champ de l'accord qu'il appartient aux juges du fond d'apprécier


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 22 septembre 2005


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 10 oct. 2007, pourvoi n°05-45347, Bull. civ. 2007, V, N° 154
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2007, V, N° 154

Composition du Tribunal
Président : Mme Collomp
Avocat général : M. Mathon
Rapporteur ?: Mme Morin
Avocat(s) : SCP Boutet, SCP Coutard et Mayer, SCP Masse-Dessen et Thouvenin, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2007:05.45347
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