LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 23 octobre 2024
Cassation partielle
Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 1071 F-D
Pourvoi n° K 22-23.028
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 23 OCTOBRE 2024
1°/ La société Gifi, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 8],
2°/ la société Groupe Philippe Ginestet (GPG), société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 7],
ont formé le pourvoi n° K 22-23.028 contre l'arrêt rendu le 16 septembre 2022 par la cour d'appel de Rennes (8e chambre prud'homale), dans le litige les opposant :
1°/ à Mme [J] [R], domiciliée [Adresse 5],
2°/ à la société Mandataires judiciaires associés (MJA), société d'exercice libéral à forme anonyme, dont le siège est [Adresse 1], prise en la personne de M. [O] [G], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Lilnat,
3°/ à M. [X] [H], domicilié [Adresse 4], pris en qualité de liquidateur judiciaire de la société Lilnat,
4°/ à l'UNEDIC, délégation AGS-CGEA [Localité 6], dont le siège est [Adresse 3],
5°/ à la société Asteren, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], prise en la personne de M. [O] [G], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Lilnat, en remplacement de la société Mandataires judiciaires associés,
défendeurs à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Brinet, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat des sociétés Gifi et Groupe Philippe Ginestet, de la SCP Boucard-Maman, avocat de la société Asteren, de M. [H], ès qualités, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [R], après débats en l'audience publique du 24 septembre 2024 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Brinet, conseiller rapporteur, M. Seguy, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 16 septembre 2022) et les productions, Mme [R] a été engagée en qualité d'employée libre-service auxiliaire par la société Giga Nantes le 4 juillet 2005. Son contrat de travail a été transféré à compter du 1er avril 2012 à la société Lilnat, exploitant un fonds de commerce sous l'enseigne Giga Store. Elle exerçait en dernier lieu les fonctions de directrice de magasin.
2. Le 4 mai 2017, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'égard de la société Lilnat, convertie en liquidation judiciaire par jugement du 20 juillet 2017, la société MJA et M. [H] étant désignés en qualité de co-liquidateurs.
3. Par jugement du 26 juin 2017, le tribunal de commerce a arrêté un plan de cession de la société Lilnat à la société Groupe Philippe Ginestet (GPG) avec faculté de substitution au profit d'une ou plusieurs filiales à constituer, comprenant la cession de plusieurs fonds de commerce sous enseigne Tati, ou Giga Store. Le magasin dirigé par la salariée passait sous l'enseigne Tati.
4. Mise en arrêt maladie à compter du 28 mars 2017, la salariée a été déclarée inapte le 1er mars 2018 par le médecin du travail et licenciée pour inaptitude physique d'origine professionnelle le 19 avril 2018 par la société Tati Mag.
5. Le 10 juillet 2017, la salariée a saisi la juridiction prud'homale pour voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de son ancien employeur, la société Lilnat, lui reprochant des manquements à son obligation de sécurité entre 2013 et 2017 et a appelé à l'instance la « société GPG-Gifi », en sa qualité de repreneur.
6. La société Asteren, désignée le 1er juillet 2023 en remplacement de la société MJA en qualité de liquidateur de la société Lilnat, est intervenue à l'instance.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
7. Les sociétés Gifi et Groupe Philippe Ginestet font grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité des demandes formulées à leur encontre, alors « que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité ; qu'en l'espèce, les sociétés Groupe Philippe Ginestet et Gifi faisaient valoir que les demandes de Mme [R] étaient irrecevables à leur encontre puisqu'avant le plan de cession du 26 juin 2017, l'employeur de Mme [R] était la société Lilnat mise en liquidation le 20 juillet 2017 et que depuis le plan de cession, l'employeur de la salariée était la société Tati Mag, société juridiquement distincte des sociétés Groupe Philippe Ginestet et Gifi ; qu'en se bornant à relever, pour rejeter cette fin de non-recevoir, que le jugement du tribunal de commerce de Bobigny du 26 juin 2017 avait expressément ordonné la cession de la société Lilnat Giga Store, employeur de Mme [R], à la société GPG-GIFI, avec faculté de substitution au profit d'une ou plusieurs filiales à constituer dont GPG qui détiendrait directement ou indirectement la majorité du capital en ayant précisé que ''la société GPG et M. Philippe Ginestet demeurent solidairement responsables des engagements pris'' et qu'il ne pouvait donc être sérieusement soutenu dans ces conditions que la société GPG-GIFI était dépourvue de personnalité juridique, la cour d'appel, en ne recherchant pas à quelle société avait été effectivement transféré le contrat de travail de Mme [R] le 26 juin 2017, a privé sa décision de base légale au regard des articles 32 et 122 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 32 et 122 du code de procédure civile :
8. Il résulte de ces textes qu'est irrecevable toute prétention formée contre une partie n'ayant pas qualité à défendre.
9. Pour débouter les sociétés Groupe Philippe Ginestet et Gifi de leur fin de non-recevoir, l'arrêt retient que le jugement du tribunal de commerce de Bobigny du 26 juin 2017 a ordonné expressément la cession de la société Lilnat, employeur de Mme [R], à la SAS GPG GIFI, représentée par M. Philippe Ginestet, avec faculté de substitution au profit d'une ou plusieurs filiales à constituer dont la société Groupe Philippe Ginestet qui détiendrait directement ou indirectement la majorité du capital, précisant que la société GPG et M. Philippe Ginestet demeuraient solidairement responsables des engagements pris.
10. Il ajoute qu'il ne peut être sérieusement soutenu dans ces conditions que la société GPG GIFI est dépourvue de personnalité juridique et qu'il importe peu que la société Groupe Philippe Ginestet se soit présentée sous le nom commercial de l'un de ses établissements car cette circonstance ne la prive pas de la capacité d'ester en justice sous l'une ou l'autre de ces dénominations.
11. En se déterminant ainsi, sans rechercher comme il lui était demandé, à quelle société avait été effectivement transféré le contrat de travail de la salariée le 26 juin 2017, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
Portée et conséquences de la cassation
12. Le premier moyen ne formulant aucune critique contre les motifs de l'arrêt fondant la décision de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de la salarié aux torts exclusifs de l'ancien employeur, la société Lilnat, de dire nulle la convention de forfait jours et de dire que la société Lilnat a manqué à son obligation de sécurité, la cassation ne peut s'étendre à ces dispositions de l'arrêt qui ne sont pas dans un lien de dépendance avec les dispositions de l'arrêt critiquées par ce moyen.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [R] aux torts de la société Lilnat, dit nulle la convention de forfait jours et dit que la société Lilnat a manqué à son obligation de sécurité, l'arrêt rendu le 16 septembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes autrement composée ;
Condamne Mme [R] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois octobre deux mille vingt-quatre.