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13/02/2019 | FRANCE | N°18-11156

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 13 février 2019, 18-11156


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la Caisse de garantie des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires que sur les pourvois incidents relevés par les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles et la société Banque privée européenne ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme O... s'est rendue coupable, à l'occasion de l'exercice de sa profession de mandataire judiciaire, de détournements de fonds, notamment en encaissant sur des comptes personnels ouverts auprè

s de divers établissements de crédit des chèques établis à son ordre mais...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la Caisse de garantie des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires que sur les pourvois incidents relevés par les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles et la société Banque privée européenne ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme O... s'est rendue coupable, à l'occasion de l'exercice de sa profession de mandataire judiciaire, de détournements de fonds, notamment en encaissant sur des comptes personnels ouverts auprès de divers établissements de crédit des chèques établis à son ordre mais destinés aux entreprises pour lesquelles elle avait reçu un mandat de justice ; qu'après avoir pris en charge les conséquences de ces détournements à concurrence du montant de la franchise stipulée dans la police d'assurance qu'elle avait souscrite auprès de la compagnie Covéa caution pour couvrir ce type de risques, la Caisse de garantie des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires (la Caisse de garantie) a recherché la responsabilité de la société Banque privée européenne (la BPE), dans les livres de laquelle Mme O... avait ouvert un compte à titre personnel, en lui reprochant un manquement à son devoir de vigilance, et l'a assignée en paiement, à titre de dommages-intérêts, d'une somme correspondant au montant de sept des seize chèques déposés par Mme O... sur ce compte ; que la société Covéa caution, aux droits de laquelle sont venues les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, est intervenue à l'instance pour obtenir paiement, également à titre de dommages-intérêts, d'une somme correspondant au montant de deux chèques encaissés dans les mêmes conditions ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal et sur le moyen unique du pourvoi incident des sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, ce dernier pris en ses deuxième et sixième branches, réunis :

Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;

Attendu que, pour retenir que le préjudice en rapport avec la faute qu'elle retenait contre la banque pour avoir encaissé les chèques litigieux sur le compte de Mme O..., faute que la banque ne conteste que par un pourvoi incident éventuel, doit s'analyser comme la perte d'une chance, pour la Caisse de garantie et les sociétés MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD, de n'avoir pas eu à prendre en charge ce sinistre et évaluer cette perte à 10 % du préjudice final, l'arrêt retient qu'il est probable que si la BPE avait refusé d'encaisser les chèques litigieux sur le compte personnel ouvert dans ses livres, Mme O... les aurait fait transiter par un compte professionnel pour opérer, à partir de celui-ci, un virement sur son compte BPE ;

Qu'en statuant ainsi alors que si la banque avait refusé de procéder à l'encaissement les chèques litigieux sur le compte personnel de Mme O..., les détournements de fonds dont la Caisse de garantie et ses assureurs ont eu à supporter les conséquences, n'auraient pas eu lieu, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, dont il résultait que le préjudice était certain, a violé le texte susvisé ;

Et sur le moyen unique du pourvoi incident éventuel de la BPE, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil et les articles L. 131-6 et L. 131-16 du code monétaire et financier ;

Attendu que pour condamner la BPE à payer certaines sommes à la Caisse de garantie et aux sociétés MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD, l'arrêt, après avoir énoncé que la banque, tenue à une obligation de non-ingérence dans les affaires de son client, quelle que soit la qualité de celui-ci, n'a pas à procéder à de quelconques investigations sur l'origine et l'importance des fonds versés sur ses comptes ni même à l'interroger sur l'existence de mouvements de grande ampleur dès lors que ces opérations ont une apparence de régularité et qu'aucun indice de falsification ne peut être décelé, relève, sur l'encaissement sur un compte personnel de chèques libellés à l'ordre de « Maître » O..., que tous les chèques litigieux portent une mention de non-endossement, sauf au profit d'une banque ou d'un établissement assimilé, et sont nominatifs puis retient qu'il résulte des dispositions de l'article L. 131-6 du code monétaire et financier que le bénéficiaire doit être désigné et que Mme B... O..., personne privée, est une entité différente de Maître B... O..., administrateur (lire mandataire) judiciaire, de sorte que cette règle, ajoutée à l'impossibilité de transmettre une formule de chèque libellée à l'attention d'une de ces bénéficiaires, ne permettait pas à la banque de créditer le compte de l'autre, peu important la demande qui lui était formulée, une telle remise étant prohibée ; qu'il en déduit que la BPE a manqué à ses obligations légales ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'exercice à titre individuel, par Mme O..., de la profession de mandataire judiciaire n'a pas eu pour effet de créer une entité juridique différente de celle qu'elle constituait comme personne physique et qu'en créditant sur son compte personnel, conformément à ses instructions, les chèques libellés à son ordre qu'elle lui avait remis pour encaissement, la banque n'a pas manqué à ses obligations légales, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 novembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize février deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.

Moyen produit AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Marc Lévis, avocat aux Conseils, pour la Caisse de garantie des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR limité la condamnation de la BPE au profit de la Caisse de garantie à la somme de 42.429,39 € ;

AUX MOTIFS QU'il résulte des pièces produites et notamment de la procédure pénale que B... A... a détourné des fonds en employant deux procédés ; qu'elle encaissait sur des comptes ouverts à son nom des chèques destinés aux sociétés qu'elle avait la charge d'administrer ; qu'elle libellait à son ordre, à celui d'un de ses proches ou d'une société créée à cet effet des chèques émis par son étude laissant figurer au dossier un « double » portant l'ordre du créancier auquel ils devaient bénéficier ; qu'aux termes d'une attestation délivrée par la société d'expertise comptable Anexis, les règlements opérés par la Caisse au titre des détournements opérés via les comptes BPE sont les suivants : Dossier N... 25 131,90€, 27 880,14 € et 21 234,65€, Dossier S... 76 338,94 €, Dossier Dolphin Telecom : 51 932 € et 65 561,04 €, Dossier Z... : 156 215,23 € ; que le préjudice dont la réparation est demandée est justifié en son quantum et ne saurait être contesté en son principe, s'agissant de dépenses effectuées, la circonstance que la Caisse récupère auprès de l'ensemble de ses adhérents les débours ainsi exposés étant indifférente ; que B... O... disposait d'un seul compte, personnel dans les livres de la BPE et qu'il résulte de l'enquête pénale, notamment des photocopies des formules produites, que tous les chèques frauduleux encaissés sur ce compte étaient libellés à l'ordre de Maître O..., termes parfois complétés par un nom du dossier tandis que l'un d'entre eux, tiré sur la banque Delubac et Cie comportait au verso, avant sa signature, un cachet mentionnant « B... O..., Mandataire Judiciaire » outre son adresse professionnelle ; que la Caisse soutient que le devoir de non-ingérence de la banque ne saurait pour autant la dispenser de ne pas déceler des anomalies apparentes, de nature matérielle et intellectuelle ; qu'elle considère ainsi comme une anomalie matérielle, l'encaissement de chèques libellés à l'ordre de Maître O... sur son compte personnel et comme une anomalie intellectuelle le versement sur un compte personnel de chèques de tiers alors que les mandataires judiciaires doivent déposer les sommes reçues pour le compte de leurs administrés à la Caisse des Dépôts et Consignation et que leurs honoraires ont vocation à être versés sur un compte professionnel avant d'être transférés sur un compte personnel, critiquant ainsi la décision des premiers juges ayant admis que la BPE avait pu dégager sa responsabilité en relevant que certains chèques portent au verso une mention manuscrite indiquant qu'il s'agit d'honoraires, les montants conséquents des chèques remis, au regard des revenus déclarés de B... O..., des remises ne représentant pas des sommes rondes ; que BPE rappelle son devoir de non-ingérence et soutient qu'elle ne pouvait être alertée par la mention « Maître » figurant sur les chèques s'agissant du titre habituellement donné aux auxiliaires de justice et que B... O... n'avait pas ouvert de compte professionnel dans ses livres ; que la banque, tenue à une obligation de non-ingérence dans les affaires de son client quelle que soit la qualité de celui-ci n'a pas à procéder à de quelconques investigations sur l'origine et l'importance des fonds versés sur ses comptes ni même à l'interroger sur l'existence de mouvements de grande ampleur dès lors que ces opérations ont une apparence de régularité et qu'aucun indice de falsification ne peut être décelé ; qu'aucune anomalie qualifiée d'intellectuelle ne peut ainsi être admise de nature à engager la responsabilité de la banque ; mais que sur l'encaissement sur un compte personnel de chèques libellés à l'ordre de « Maître » B... O... ; que tous les chèques produits en photocopie portent une mention de non-endossement sauf au profit d'une banque ou d'un établissement assimilé de sorte qu'il s'agit de chèques nominatifs ; qu'il résulte des dispositions de l'article L. 131-6 du code monétaire et financier que le bénéficiaire doit être désigné et que B... O..., personne privée, est une entité différente de Maître B... O..., administrateur judiciaire, de sorte que cette règle ajoutée à l'impossibilité de transmettre une formule de chèque libellée à l'attention d'une de ces bénéficiaires ne permettait pas à la banque de créditer le compte de l'autre, peu important la demande qui lui était formulée, une telle remise étant prohibée et qu'elle a bien manqué à ses obligations légales ; que toutefois la BPE n'a pas été le bénéficiaire des malversations de B... O..., lesquelles n'ont pu atteindre l'ampleur constatée par les juridictions pénales qu'en raison des manquements de l'Ordre professionnel auquel elle appartient, lequel n'a pas été en mesure de déceler les détournements, au mode opératoire pourtant peu élaboré, malgré les neuf contrôles auxquels ils procédaient depuis l'année 1993 et alors que le procureur de la République de Nanterre avait sollicité, pour celui programmé en 1998, qu'il soit plus poussé, ayant décelé des anomalies dans les inspections de l'année 1997 ; qu'ainsi le préjudice en rapport avec la faute de la banque doit s'analyser comme la perte d'une chance de n'avoir pas eu à prendre en charge ce sinistre, ce qui suppose que confrontée au refus de la BPE d'encaisser les chèques sur son compte personnel, B... O... ait mis un terme à sa conduite délictueuse ; que cette perte de chance est minime, l'enquête pénale ayant révélé qu'en juin 2003, alors qu'une salariée de son étude s'était aperçue du détournement d'un chèque de 27 880,14 € et lui en avait fait part, B... O... répond comme suit aux interrogations des enquêteurs : « Pourquoi n'avoir pas arrêté à ce moment là de détourner de l'argent ? - C'était une grosse alerte, mais Je n'ai pas été capable de saisir cette occasion pour arrêter. J'étais déjà allé(e) trop loin » ; qu'ainsi il est probable que si la BPE avait refusé d'encaisser les chèques litigieux sur le compte personnel ouvert dans ses livres, B... O... les aurait fait transiter par un compte professionnel pour opérer à partir de celui-ci un virement sur son compte BPE ; que la perte de chance sera estimée à 10 % du préjudice subi ; qu'au regard de sa nature, la créance ne peut porter intérêt légaux qu'à compter du jour du présent arrêt ;

ALORS QUE le manquement du banquier dans la surveillance des opérations effectuées sur le compte de son client l'oblige à réparer le préjudice subi par la victime des détournements ainsi opérés ; que l'obligation pour la Caisse de garantie d'indemniser les victimes des détournements de fonds commis par le mandataire judiciaire en raison du manquement du banquier à son obligation de vigilance rend certain le préjudice subi par la Caisse de garantie, tenue légalement à cette indemnisation ; qu'en décidant que le préjudice subi par la Caisse de garantie constituait une simple perte de chance, quand elle avait été intégralement tenue d'indemniser les victimes du montant des chèques détournées et falsifiés, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations d'où il résultait que le préjudice était égal au montant des chèques détournés et falsifiés encaissés sur le compte personnel de Mme O..., ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, devenu l'article 1240 du même code, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice. Moyen produit AU POURVOI INCIDENT par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour les sociétés MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR limité la condamnation de la BPE au profit des sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles à la somme de 34 448,98 euros et d'AVOIR ainsi rejeté le surplus des demandes formées par les exposantes ;

AUX MOTIFS QU'il résulte des pièces produites et notamment de la procédure pénale que B... O... a détourné des fonds en employant deux procédés ; qu'elle encaissait sur des comptes ouverts à son nom des chèques destinés aux sociétés qu'elle avait la charge d'administrer ; qu'elle libellait à son ordre, à celui d'un de ses proches ou d'une société créée à cet effet des chèques émis par son étude laissant figurer au dossier un "double" portant l'ordre du créancier auquel ils devaient bénéficier ; qu'aux termes d'une attestation délivrée par la société d'expertise comptable Anexis, les règlements opérés par la Caisse au titre des détournements opérés via les comptes BPE sont les suivants : Dossier N... 25 131,90 €, 27880,14 € et 21 234,65 €, Dossier S... 76 338,94 €, Dossier Dolphin Telecom : 51 932 € et 65 561,04 €, Dossier Z... : 156 215,23 € ; que le préjudice dont la réparation est demandée est justifié en son quantum et ne saurait être contesté en son principe, s'agissant de dépenses effectuées, la circonstance que la Caisse récupère auprès de l'ensemble de ses adhérents les débours ainsi exposés étant indifférente ; que B... O... disposait d'un seul compte, personnel dans les livres de la BPE et qu'il résulte de l'enquête pénale, notamment des photocopies des formules produites, que tous les chèques frauduleux encaissés sur ce compte étaient libellés à l'ordre de Maître O..., termes parfois complétés par un nom du dossier tandis que l'un d'entre eux, tiré sur la banque Delubac et Cie comportait au verso, avant sa signature, un cachet mentionnant "B... O..., Mandataire Judiciaire" outre son adresse professionnelle ; que la Caisse soutient que le devoir de non-ingérence de la banque ne saurait pour autant la dispenser de ne pas déceler des anomalies apparentes, de nature matérielle et intellectuelle ; qu'elle considère ainsi comme une anomalie matérielle, l'encaissement de chèques libellés à l'ordre de Maître O... sur son compte personnel et comme une anomalie intellectuelle le versement sur un compte personnel de chèques de tiers alors que les mandataires judiciaires doivent déposer les sommes reçues pour le compte de leurs administrés à la Caisse des Dépôts et Consignation et que leurs honoraires ont vocation à être versés sur un compte professionnel avant d'être transférés sur un compte personnel, critiquant ainsi la décision des premiers juges ayant admis que la BPE avait pu dégager sa responsabilité en relevant que certains chèques portent au verso une mention manuscrite indiquant qu'il s'agit d'honoraires, les montants conséquents des chèques remis, au regard des revenus déclarés de B... O..., des remises ne représentant pas des sommes rondes ; que BPE rappelle son devoir de non-ingérence et soutient qu'elle ne pouvait être alertée par la mention "Maître" figurant sur les chèques s'agissant du titre habituellement donné aux auxiliaires de justice et que B... O... n'avait pas ouvert de compte professionnel dans ses livres ; que la banque, tenue à une obligation de non-ingérence dans les affaires de son client quelle que soit la qualité de celui-ci n'a pas à procéder à de quelconques investigations sur l'origine et l'importance des fonds versés sur ses comptes ni même à l'interroger sur l'existence de mouvements de grande ampleur dès lors que ces opérations ont une apparence de régularité et qu'aucun indice de falsification ne peut être décelé ; qu'aucune anomalie qualifiée d'intellectuelle ne peut ainsi être admise de nature à engager la responsabilité de la banque ; mais que sur l'encaissement sur un compte personnel de chèques libellés à l'ordre de "Maître" B... O... ; que tous les chèques produits en photocopie portent une mention de non-endossement sauf au profit d'une banque ou d'un établissement assimilé de sorte qu'il s'agit de chèques nominatifs ; qu'il résulte des dispositions de l'article L. 131-6 du code monétaire et financier que le bénéficiaire doit être désigné et que B... O..., personne privée, est une entité différente de Maître B... O..., administrateur judiciaire, de sorte que cette règle ajoutée à l'impossibilité de transmettre une formule de chèque libellée à l'attention d'une de ces bénéficiaires ne permettait pas à la banque de créditer le compte de l'autre, peu important la demande qui lui était formulée, une telle remise étant prohibée et qu'elle a bien manqué à ses obligations légales ; que toutefois la BPE n'a pas été le bénéficiaire des malversations de B... O..., lesquelles n'ont pu atteindre l'ampleur constatée par les juridictions pénales qu'en raison des manquements de l'Ordre professionnel auquel elle appartient, lequel n'a pas été en mesure de déceler les détournements, au mode opératoire pourtant peu élaboré, malgré les neuf contrôles auxquels ils procédé depuis l'année 1993 et alors que le procureur de la République de Nanterre avait sollicité, pour celui programmé en 1998, qu'il soit plus poussé, ayant décelé des anomalies dans les inspections de l'année 1997 ; qu'ainsi le préjudice en rapport avec la faute de la banque doit s'analyser comme la perte d'une chance de n'avoir pas eu à prendre en charge ce sinistre, ce qui suppose que confrontée au refus de la BPE d'encaisser les chèques sur son compte personnel, B... O... ait mis un terme à sa conduite délictueuse ; que cette perte de chance est minime, l'enquête pénale ayant révélé qu'en juin 2003, alors qu'une salariée de son étude s'était aperçue du détournement d'un chèque de 27 880,14 € et lui en avait fait part, B... O... répond comme suit aux interrogations des enquêteurs : "Pourquoi n'avoir pas arrêté à ce moment-là de détourner de l'argent ? – C'était une grosse alerte, mais je n'ai pas été capable de saisir cette occasion pour arrêter. J'étais déjà allé(e) trop loin" ; qu'ainsi il est probable que si la BPE avait refusé d'encaisser les chèques litigieux sur le compte personnel ouvert dans ses livres, B... O... les aurait fait transiter par un compte professionnel pour opérer à partir de celui-ci un virement sur son compte BPE ; que la perte de chance sera estimée à 10 % du préjudice subi ; qu'au regard de sa nature, la créance ne peut porter intérêt légaux qu'à compter du jour du présent arrêt ;

1°) ALORS QU'un établissement bancaire doit s'aviser de la méconnaissance, par son client, des règles impératives auxquelles il est soumis ; qu'en s'abstenant de rechercher si la banque s'était avisée de la méconnaissance par sa cliente, M. O..., mandataire judiciaire, de la règle lui interdisant de percevoir sur son compte personnel des sommes provenant de l'étude, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 devenu 1240 du code civil, ensemble les articles L. 622-18 et R. 814-41 du code de commerce ;

2°) ALORS QU'un mandataire judiciaire à la liquidation des entreprises ne peut, à titre professionnel, ouvrir des comptes à son nom dans un autre établissement financier que la Caisse des dépôts et consignations ; qu'en limitant l'indemnisation des exposantes à une perte de chance de 10 % au motif erroné qu'« il est probable que si la BPE avait refusé d'encaisser les chèques litigieux sur le compte personnel ouvert dans ses livres, B... O... les aurait fait transiter par un compte professionnel pour opérer à partir de celui-ci un virement sur son compte BPE » (arrêt, p. 6, § 2) ; quand Mme O... n'aurait pu légalement et sans la faute d'un autre établissement de crédit, recourir à un tel procédé, la cour d'appel a violé l'article 1382 devenu 1240 du code civil, ensemble les articles L. 622-18 et R. 814-41 du code de commerce ;

3°) ALORS QUE la faute d'un tiers ou de la victime est sans influence sur la nature du dommage en cause ; qu'en retenant que le préjudice subi par les exposantes s'analysait en une perte de chance au motif que « la BPE n'a pas été le bénéficiaire des malversations de B... O..., lesquelles n'ont pu atteindre l'ampleur constatée par les juridictions pénales qu'en raison des manquements de l'Ordre professionnel auquel elle appartient » (arrêt, p. 5, pénultième §), la cour d'appel a violé l'article 1382 devenu 1240 du code civil ;

4°) ALORS QUE la banque est tenue d'alerter le tiré, victime d'une fraude, ou, à tout le moins l'établissement de crédit dans les livres duquel il a ouvert un compte, de l'anomalie apparente d'un chèque tiré sur ledit compte ; qu'en limitant l'indemnisation des exposantes à une perte de chance de 10 % au motif qu'« il est probable que si la BPE avait refusé d'encaisser les chèques litigieux sur le compte personnel ouvert dans ses livres, B... O... les aurait fait transiter par un compte professionnel pour opérer à partir de celui-ci un virement sur son compte BPE » (arrêt, p. 6, § 2), quand la banque aurait dû alerter le tiré, ou à tout le moins l'établissement bancaire dans lequel il avait ouvert un compte de tels agissements, la cour d'appel a violé l'article 1382 devenu 1240 du code civil ;

5°) ALORS QUE l'établissement de crédit qui a connaissance d'une infraction pénale est tenu d'en informer l'autorité judiciaire sans pouvoir opposer le secret professionnel auquel il est tenu ; qu'en limitant l'indemnisation des exposantes à une perte de chance à hauteur de 10% au motif que si la BPE avait refusé d'encaisser les chèques litigieux, Mme B... O... aurait fait transiter les sommes sur un compte professionnel quand la banque aurait dû dénoncer de tels agissements ce qui aurait permis d'y mettre fin, la cour d'appel a violé l'article 1382 devenu 1240 du code civil ;

6°) ALORS QUE le manquement du banquier dans la surveillance des opérations effectuées sur le compte de son client l'oblige à réparer le préjudice subi par la victime des détournements ainsi opérés ; que l'obligation pour les exposantes d'indemniser les victimes des détournements de fonds commis par le mandataire judiciaire en raison du manquement du banquier à son obligation de vigilance rend certain le préjudice subi par celles-ci, tenues légalement à cette indemnisation ; qu'en décidant que le préjudice subi par les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances mutuelles constituait une simple perte de chance, quand elles avaient été intégralement tenues d'indemniser les victimes du montant des chèques détournés et falsifiés, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations d'où il résultait que le préjudice était égal au montant des chèques détournés et falsifiés encaissés sur le compte personnel de Mme O... ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, devenu l'article 1240 du même code, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice. Moyen produit AU POURVOI INCIDENT EVENTUEL par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour la société Banque privée européenne.

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la BANQUE PRIVEE EUROPENNE à verser à la CAISSE DE GARANTIE DES ADMINISTRATEURS JUDICIAIRES ET DES MANDATAIRES JUDICIAIRES la somme principale de 42,429,39 euros outre une indemnité de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Aux motifs propres que « Considérant que la banque, tenue à une obligation de non-ingérence dans les affaires de son client quelle que soit la qualité de celui-ci n'a pas à procéder à de quelconques investigations sur l'origine et l'importance des fonds versés sur ses comptes ni même à l'interroger sur l'existence de mouvements de grande ampleur dès lors que ces opérations ont une apparence de régularité et qu'aucun indice de falsification ne peut être décelé ;

Qu'aucune anomalie qualifiée d'intellectuelle ne peut ainsi être admise de nature à engager la responsabilité de la banque ;

Mais sur l'encaissement sur un compte personnel de chèques libellés à l'ordre de « Maître » B... O... ;

Considérant que tous les chèques produits en photocopie portent une mention de non-endossement sauf au profit d'une banque ou d'un établissement assimilé de sorte qu'il s'agit de chèques nominatifs ;

Qu'il résulte des dispositions de l'article L. 131-6 du code monétaire et financier que le bénéficiaire doit être désigné et que B... O..., personne privée est une entité différente de Maître B... O..., administrateur judiciaire, de sorte que cette règle ajoutée à l'impossibilité de transmettre une formule de chèque libellée à l'attention d'une de ces bénéficiaires ne permettait pas à la banque de créditer le compte de l'autre, peu important la demande qui lui était formulée, une telle remise étant prohibée et qu'elle a bien manqué à ses obligations légales » ;

1°) Alors que, d'une part, conformément à l'article L. 131-6 du code monétaire et financier, purement facultative, l'indication du bénéficiaire d'un chèque n'est soumise à aucun formalisme ; qu'en énonçant que le bénéficiaire d'un chèque doit être désigné et que la banque avait commis une faute en créditant le compte de Madame B... O... au moyen d'un chèque libellé à l'ordre de « Maître » B... O..., la cour d'appel a violé les dispositions de l'article précité ;

2°) Alors que, d'autre part, qu'en retenant, pour reprocher à la BPE d'avoir crédité le compte de Madame B... O... au moyen d'un chèque libellé à l'ordre de « Maître » B... O..., que B... O..., personne privée, est une entité différente de Maître B... O..., quand il s'agissait pourtant de la même personne physique, la cour d'appel a violé l'article L. 131-6 du code monétaire et financier, ensemble les articles 1382 et 1383 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

3°) Alors que, de troisième part, et à titre subsidiaire, la responsabilité du banquier qui a payé un chèque détourné ne peut être engagée que s'il a commis une faute ; qu'il n'en est pas ainsi lorsque le détournement n'est pas décelable par un employé normalement diligent ; qu'en se bornant, pour condamner la société BPE, à constater que les chèques détournés étaient libellés à l'ordre de « Maître » B... O..., et non simplement à Madame B... O..., sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si cet élément aurait dû attirer l'attention d'un employé de banque normalement diligent, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1383 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 18-11156
Date de la décision : 13/02/2019
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 24 novembre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 13 fév. 2019, pourvoi n°18-11156


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Marc Lévis, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.11156
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