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21/11/2019 | FRANCE | N°18-19735

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 21 novembre 2019, 18-19735


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 2224 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que pour financer l'acquisition de biens immobiliers dont ils étaient usufruitiers et dont leur fils, M. D... I..., était nu-propriétaire, M. et Mme T... et C... I... ont contracté un emprunt auprès du Crédit mutuel (la banque) ; qu'en raison de leur défaillance dans le règlement des échéances de cet emprunt, la banque a fait pratiquer entre les mains de la société X..

. Z..., à laquelle avaient été confiées la gestion locative des biens financés et ...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 2224 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que pour financer l'acquisition de biens immobiliers dont ils étaient usufruitiers et dont leur fils, M. D... I..., était nu-propriétaire, M. et Mme T... et C... I... ont contracté un emprunt auprès du Crédit mutuel (la banque) ; qu'en raison de leur défaillance dans le règlement des échéances de cet emprunt, la banque a fait pratiquer entre les mains de la société X... Z..., à laquelle avaient été confiées la gestion locative des biens financés et la perception des loyers, une saisie-attribution pour obtenir paiement de sa créance ; que n'ayant pas été désintéressée, la banque a fait délivrer le 18 mars 2008 aux usufruitiers et au nu-propriétaire un commandement de payer valant saisie des biens financés, lesquels ont été vendus par un jugement d'adjudication signifié le 9 décembre 2009 ; que reprochant à la société X... Z..., devenue Nexity Lamy, de n'avoir pas satisfait à ses obligations de tiers-saisi et d'avoir, de la sorte, fait obstacle au désintéressement du créancier et provoqué la vente forcée, à perte, des biens dont il était nu-propriétaire, M. D... I... a, sur le fondement de l'article 1382 du code civil, assigné celle-ci et son assureur, la société Axa France IARD, en responsabilité et indemnisation ;

Attendu que pour juger prescrite l'action engagée le 23 mai 2014 par M. D... I..., l'arrêt énonce que, si les premiers juges ont exactement relevé que le commandement aux fins de saisie immobilière entraîne, non la dépossession du débiteur, mais la restriction de ses droits sur le bien saisi, ils n'en ont pas tiré les conséquences en considérant que ce commandement ne constituait pas un dommage certain, permettant le report du point de départ de la prescription, alors que l'atteinte ainsi portée à son droit de nu-propriété permettait à M. D... I... de faire valoir ses droits en justice, et retient que le point de départ de la prescription quinquennale édictée par l'article 2224 du code civil doit donc être fixé au 18 mars 2008, date de la signification à ce dernier du commandement aux fins de saisie, de sorte que cette prescription était acquise au 23 mai 2014 ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si la signification du commandement de payer valant saisie conduisait nécessairement à la dépossession des biens dont M. D... I... était nu-propriétaire, ainsi qu'à leur vente forcée et à perte, dommage dont il demandait réparation, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 novembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne les sociétés Nexity Lamy et Axa France IARD aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leurs demandes et les condamne à payer à M. D... I... la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un novembre deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour M. I...

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir jugé irrecevable comme prescrite la demande de dommages et intérêts formée par M. I... à l'encontre des sociétés Nexity Lamy et Axa France Iard ;

AUX MOTIFS QUE la société Nexity Lamy soulève une fin de non-recevoir tirée de la prescription, D... I... ayant eu connaissance du préjudice dont il se prévaut dès la saisie des immeubles aux fins de vente forcée, le point de départ de la prescription devait être fixé à la date du commandement de payer valant saisie, soit le 18 mars 2008, le délai de prescription étant écoulé au 18 mars 2013 ; QUE D... I... oppose le point de départ de la prescription au moment de la réalisation de son dommage, soit le 9 décembre 2009, date de la signification du jugement d'adjudication signant la dépossession des immeubles dont il était nu-propriétaire .

QUE selon l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; Qu'en l'espèce, D... I... exerce à l'encontre de la société Nexity Lamy et de son assureur une action en responsabilité pour faute, soit, selon ses écritures de première instance telles que reprises au jugement, en ne respectant pas les termes de la saisieattribution ordonnée au profit du Crédit mutuel, ce qui a empêché le désintéressement des créanciers de T... et C... I... et entraîné la vente forcée et à perte de certains biens dont il était propriétaire ; Que le fait générateur du préjudice, permettant à D... I... d'exercer une action en justice, est le défaut par la société X... Z..., aux droits de laquelle vient la société Nexity Lamy, d'exécution de l'arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 3 octobre 2002, la condamnant à verser une somme de 64 574,96 € au Crédit mutuel, outre, au fur et à mesure de leur encaissement, la totalité des loyers nets payés par les locataires, jusqu'à complet paiement d'une somme de 838 899 € ; Qu' il est établi que D... I... a eu connaissance certaine de ce défaut de paiement par le commandement aux fins de saisie immobilière, en date du 18 mars 2013, publié le 28 mars 2013 à la conservation des hypothèques, lequel lui a été délivré en sa qualité de nu-propriétaire des biens saisis ; Qu'il a alors opposé, en défense commune avec sa mère, C... I..., dans le cadre de la procédure de saisie immobilière, la faute du Crédit mutuel, soit l'absence de réclamation de versement des loyers auprès du successeur de la société X... Z... ; Qu'il a demandé subsidiairement que soient retenues les responsabilités de la société Gimco ayant pris la suite de la société X... Z..., de Me E... et de Me A..., mandataireliquidateur de T... I... ; Que le juge de l'exécution de Melun a écarté cet argument par jugement d'orientation du 5 février 2009, relevant que l'exécution de la saisie attribution a cessé le 1er janvier 2004, lorsque, à la demande de T... I..., son mandataire-liquidateur a obtenu du juge commissaire la désignation d'un huissier de justice, Me E..., en lieu et place de la société Gimco ayant pris la suite de la société X... Z... ; Que, si les premiers juges ont exactement relevé que le commandement aux fins de saisie immobilière entraîne, non la dépossession du débiteur, mais la restriction de ses droits sur le bien saisi, ils n'en ont pas tiré les conséquences en considérant que le commandement de payer valant saisie ne constituait pas un dommage certain, permettant le report du point de départ de la prescription, alors que l'atteinte ainsi portée par le commandement à son droit de nue-propriété permettait à D... I... de faire valoir ses droits en justice ; Qu'l résulte de ces éléments qu'en application de l'article 2224, le point de départ de la prescription est fixé au 18 mars 2008, date du commandement aux fins de saisie immobilière ; Que la prescription quinquennale était acquise le 18 mars 2013 ; Que l'action engagée par assignation du 23 mai 2014 est irrecevable comme prescrite; que le jugement sera en conséquence infirmé en toutes ses dispositions ;

1- ALORS QUE les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que le droit à réparation suppose un fait générateur, un lien de causalité et un préjudice ; que dès lors, le point de départ du délai de prescription d'une action en responsabilité doit être fixé au jour où le demandeur a connaissance de ces trois éléments ; qu'en retenant néanmoins que M. I... avait eu connaissance du fait générateur le jour de la signification du commandement de saisie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1240 et 2224 du code civil;

2- ALORS QUE seul un préjudice certain est réparable ; qu'un tel préjudice s'entend d'une situation consolidée et irrévocable, et non pas de l'existence d'un processus susceptible d'y conduire ; que dès lors, le préjudice entrainé par une saisie immobilière, et dont M. I... demandait l'indemnisation, consistait dans la privation définitive de la propriété d'un bien immobilier et non pas dans la restriction temporaire des droits sur ce bien; que la cour d'appel devait donc rechercher, comme il était soutenu (conclusions, p. 7, al. 4), si le commandement de saisie aboutissait nécessairement et irrévocablement à la privation définitive de la propriété et était de nature à causer nécessairement le dommage dont la réparation était demandée ; qu'en omettant cette recherche, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1240 et 2224 du code civil ;

3- ALORS QU'en outre, la cour d'appel, qui s'est bornée à énoncer que le commandement de payer causait un préjudice en restreignant temporairement les droits des propriétaires, sans préciser en quoi consistait une telle restriction, a encore privé sa décision de base légale au regard des articles 1240 et 2224 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 18-19735
Date de la décision : 21/11/2019
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 30 novembre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 21 nov. 2019, pourvoi n°18-19735


Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre (président)
Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP L. Poulet-Odent, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.19735
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