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22/07/2021 | FRANCE | N°445594

France | France, Conseil d'État, 2ème chambre, 22 juillet 2021, 445594


Vu la procédure suivante :

M. B... I... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 15 mars 2020 dans la commune de Saint-Côme d'Olt (Aveyron) pour l'élection des conseillers municipaux et communautaires.

Par un jugement n° 2002152 du 22 septembre 2020, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa protestation.

Par une requête, enregistrée le 22 octobre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... I... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

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°) de faire droit à sa protestation ;

3°) de mettre à la charge de M. G... I... la somme d...

Vu la procédure suivante :

M. B... I... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 15 mars 2020 dans la commune de Saint-Côme d'Olt (Aveyron) pour l'élection des conseillers municipaux et communautaires.

Par un jugement n° 2002152 du 22 septembre 2020, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa protestation.

Par une requête, enregistrée le 22 octobre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... I... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de faire droit à sa protestation ;

3°) de mettre à la charge de M. G... I... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code électoral ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

- le décret n° 2020-571 du 14 mai 2020 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

Le rapport de M. Paul G..., maître des requêtes,

Les conclusions de Mme Sophie Roussel, rapporteure publique,

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rousseau, Tapie, avocat de M. B... I..., et à la SCP Buk Lament-Robillot, avocat de M. G... I... et autres ;

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue des opérations électorales qui se sont déroulées le 15 mars 2020 dans la commune de Saint-Côme d'Olt, les candidats de l'unique liste à se présenter, " Vivre la vie à Saint-Côme d'Olt ", conduite par M. G... I..., ont été proclamés élus. M. B... I... relève appel du jugement du 22 septembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa protestation tendant à l'annulation de ces opérations électorales.

2. Aux termes de l'article R. 611-7 du code de justice administrative : " Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement (...) en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué (...) ".

3. Il résulte de l'instruction que M. B... I... a soulevé dans un mémoire enregistré le 16 juin 2020 au greffe du tribunal, un grief tiré de ce que la faveur accordée par le maire sortant à M. A... C... constituerait une manoeuvre de nature à altérer la sincérité du scrutin. Le tribunal a écarté ce grief comme irrecevable faute d'avoir été présenté dans le délai de recours contentieux. En ne communiquant pas au protestataire son intention de soulever cette irrecevabilité, le tribunal a méconnu les dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative.

4. Il y a lieu, dès lors, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, d'annuler son jugement et, compte tenu de l'expiration du délai qui lui était imparti pour se prononcer sur la protestation présentée par M. B... I..., de statuer immédiatement sur cette protestation.

Sur le grief tiré de l'usage de fausses qualités :

5. Aux termes de l'article L. 88-1 du code électoral : " Toute personne qui aura sciemment fait acte de candidature sous de faux noms ou de fausses qualités ou aura sciemment dissimulé une incapacité prévue par la loi sera punie d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 15 000 euros ".

6. Les dispositions des articles L. 88-1 du code électoral, qui prévoient les peines et amendes dont sont passibles les auteurs des infractions sanctionnées par ce texte, ne peuvent être utilement invoquées au soutien de conclusions tendant à l'annulation d'opérations électorales. Il appartient cependant au juge de l'élection de vérifier que les faits invoqués n'ont pas constitué une manoeuvre de nature à altérer la sincérité du scrutin.

7. Il ne résulte pas de l'instruction que les imprécisions dans les documents de campagne sur les qualités professionnelles de Mme H..., qualifiée de " consultante finance " en lieu et place de " consultante informatique ", et de M. K..., désigné comme étant " conseil en communication à la retraite " alors qu'il continue d'occuper les fonctions de gérant de la SARL Idest, aient constitué une manoeuvre ni qu'elles aient exercé une quelconque influence de nature à altérer la sincérité du scrutin.

Sur les griefs tenant à l'octroi de faveurs à fins électorales :

8. Aux termes de l'article L. 106 du code électoral : " Quiconque, par des dons ou libéralités en argent ou en nature, par des promesses de libéralités, de faveurs, d'emplois publics ou privés ou d'autres avantages particuliers, faits en vue d'influencer le vote d'un ou de plusieurs électeurs aura obtenu ou tenté d'obtenir leur suffrage, soit directement, soit par l'entremise d'un tiers, quiconque, par les mêmes moyens, aura déterminé ou tenté de déterminer un ou plusieurs d'entre eux à s'abstenir, sera puni de deux ans d'emprisonnement et d'une amende de 15 000 euros. / Seront punis des mêmes peines ceux qui auront agréé ou sollicité les mêmes dons, libéralités ou promesses. ". S'il n'appartient pas au juge de l'élection de faire application de ces dispositions en ce qu'elles édictent des sanctions pénales, il lui revient, en revanche, de rechercher si des pressions telles que définies par celles-ci ont été exercées sur les électeurs et ont été de nature à altérer la sincérité du scrutin.

9. En premier lieu, M. B... I... soutient qu'en tant que maire sortant, M. G... I... aurait accordé des faveurs à l'association " Le plaisir de lire " afin d'obtenir le suffrage des membres de l'association ainsi que de leurs proches et des personnes bénéficiant des services de cette association. Il résulte toutefois de l'instruction que l'association " Le plaisir de lire " gère la bibliothèque municipale et que si cette association a bénéficié, à ce titre, de subventions de 400 euros par an et de locaux aménagés par la commune de Saint-Côme d'Olt au sein du château pour un investissement de 362 000 euros approuvé par une délibération du conseil municipal du 14 février 2019, ces financements se rattachent à la politique culturelle de la commune et s'inscrivent dans le projet de création de la médiathèque d'Espalion. Dans ces conditions, ils ne sauraient être regardés comme étant constitutifs de pressions et d'une manoeuvre de nature à altérer la sincérité du scrutin. Il en va de même de la circonstance que l'époux de la présidente de l'association ait pu figurer sur la liste conduite par le maire sortant.

10. En deuxième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que l'attribution à la société Roumigier Ferronnerie, par une délibération du conseil municipal, d'un lot du marché d'aménagement de la bibliothèque municipale, alors que d'autres lots du même marché n'auraient pas été attribués, constituerait une manoeuvre susceptible d'altérer la sincérité du scrutin.

11. En troisième lieu, la seule circonstance que, plus de deux ans avant les élections municipales, un permis de construire ait été délivré à M. D... et que l'association qu'il préside se soit vu accorder une subvention par la commune n'est pas de nature à caractériser l'existence de pressions et manoeuvres susceptibles d'avoir altéré la sincérité du scrutin. Il en va de même de la prétendue utilisation à des fins privatives du véhicule de service attribué à M. E..., qui est agent de la communauté de communes et non de la commune, ainsi que de l'attribution d'une subvention, deux ans avant les élections municipales, à la maison d'accueil spécialisée dans laquelle travaille Mme E....

12. Enfin et en tout état de cause, la circonstance que le maire sortant, candidat tête de liste, ne soit pas revenu sur l'usage privatif d'un chemin par un des habitants de la commune, qui préexistait à son élection, ne permet pas d'établir l'exercice de pressions de nature à altérer la sincérité du scrutin.

Sur les griefs relatifs à la campagne électorale :

13. En premier lieu, aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 52-1 du code électoral : " A compter du premier jour du sixième mois précédant le mois au cours duquel il doit être procédé à des élections générales, aucune campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d'une collectivité ne peut être organisée sur le territoire des collectivités intéressées par le scrutin (...) ".

14. Il résulte de l'instruction que les appréciations portées par le quotidien Centre presse Aveyron, organe de la presse locale, sur les cérémonies des voeux et de commémoration de l'armistice ne sauraient, en tout état de cause, être regardés comme une campagne de promotion publicitaire des réalisations de la commune. La publication sur le site internet de la commune de Saint-Côme d'Olt d'articles exposant les actions et les projets de square et de création de la halte dédiée aux pèlerins de Saint-Jacques et ne comportant, eu égard à leur contenu, aucun élément de polémique électorale, ne peut davantage être regardée comme revêtant le caractère d'une campagne de promotion publicitaire au sens des dispositions de l'article L. 52-1 du code électoral.

15. En second lieu, si le protestataire fait valoir que des informations contenues dans le compte rendu officiel du conseil municipal du 20 février 2020 auraient un caractère mensonger, en vue de tromper les électeurs, il n'apporte pas les précisions permettant d'apprécier le bien-fondé du grief qu'il entend soulever.

Sur les inéligibilités :

16. Aux termes de l'article L. 231 du code électoral : " (...) Ne peuvent être élus conseillers municipaux dans les communes situées dans le ressort où ils exercent ou ont exercé leurs fonctions depuis moins de six mois : (...) 6° (...) les entrepreneurs de services municipaux (...) ".

17. En premier lieu, si, au cours du précédent mandat municipal, la commune a confié à la SARL Idest, dont le gérant est M. K..., colistier du candidat maire sortant, la conception du bulletin d'information municipale " L'info Saint-Comoise ", il ne résulte pas de l'instruction que les prestations en cause se sont poursuivies depuis avril 2019. Par suite, l'intéressé ne peut être regardé, à la date du scrutin, comme ayant exercé depuis moins de six mois les fonctions d'"entrepreneur de services municipaux " au sens des dispositions précitées du 6° de l'article L. 231 du code électoral.

18. En second lieu, si Mme F... est salariée et associée de la SARL Infra Environnement, il résulte de l'instruction qu'elle n'en détient que 5,67 % des parts sociales et n'en est pas la gérante. En l'absence d'autre élément de nature à établir qu'elle y jouerait un rôle prédominant, elle ne peut pas être regardée comme un entrepreneur de services municipaux au sens des mêmes dispositions de l'article L. 231 du code électoral. La seule circonstance que M. J... soit le conjoint de la présidente de l'association qui gère la bibliothèque municipale, subventionnée à ce titre, et soit lui-même membre de cette association ne permet pas davantage de le faire regarder comme un tel entrepreneur.

19. Il résulte de tout ce qui précède que la protestation de M. B... I... doit être rejetée.

20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. G... I... et autres, qui ne sont pas la partie perdante, la somme demandée par M. B... I... au titre des frais de l'instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... I... une somme à verser à M. G... I... et autres au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 22 septembre 2020 est annulé.

Article 2 : La protestation de M. B... I... est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. B... I... et celles présentées par M. G... I... et autres au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B... I..., à M. G... I... et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 445594
Date de la décision : 22/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 22 jui. 2021, n° 445594
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Paul Bernard
Rapporteur public ?: Mme Sophie Roussel
Avocat(s) : SCP BUK LAMENT - ROBILLOT ; CABINET ROUSSEAU ET TAPIE

Origine de la décision
Date de l'import : 27/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:445594.20210722
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