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30/05/2018 | FRANCE | N°409127

France | France, Conseil d'État, 1ère et 4ème chambres réunies, 30 mai 2018, 409127


Vu la procédure suivante :

Le syndicat des pharmaciens indépendants de La Réunion (SPIR) a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 7 octobre 2013 par lequel le directeur général de l'agence régionale de santé Océan Indien a autorisé la société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) Pharmacie Ylang Ylang à transférer son officine de pharmacie du 38, rue des Bons enfants au 149 bis, avenue François Mitterrand, à Saint-Pierre ainsi que la décision implicite par laquelle le ministre des affaires socia

les et de la santé a rejeté son recours hiérarchique. Par un jugement n° 14003...

Vu la procédure suivante :

Le syndicat des pharmaciens indépendants de La Réunion (SPIR) a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 7 octobre 2013 par lequel le directeur général de l'agence régionale de santé Océan Indien a autorisé la société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) Pharmacie Ylang Ylang à transférer son officine de pharmacie du 38, rue des Bons enfants au 149 bis, avenue François Mitterrand, à Saint-Pierre ainsi que la décision implicite par laquelle le ministre des affaires sociales et de la santé a rejeté son recours hiérarchique. Par un jugement n° 1400311 du 25 mars 2016, le tribunal administratif de La Réunion a fait droit à cette demande.

Par un arrêt n°s 16BX02123, 16BX02124 du 20 décembre 2016, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par la SELARL Pharmacie Ylang Ylang contre le jugement du tribunal administratif de La Réunion et dit qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur ses conclusions tendant au sursis à exécution de ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et deux mémoires en réplique, enregistrés les 21 mars et 16 juin 2017 et les 5 janvier et 5 mars 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, la SELARL Pharmacie Ylang Ylang demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge du syndicat des pharmaciens indépendants de La Réunion la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Dorothée Pradines, auditeur,

- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de la Société Pharmacie Ylang Ylang et à la SCP Briard, avocat du syndicat des pharmaciens indépendants de la réunion ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 18 mai 2018, présentée par le syndicat des pharmaciens indépendants de La Réunion ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 23 mai 2018, présentée par la SELARL Pharmacie Ylang Ylang ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 7 octobre 2013, le directeur général de l'agence régionale de santé Océan indien a autorisé M. A..., agissant au nom de la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Pharmacie Ylang Ylang, à transférer l'officine de pharmacie que celle-ci exploitait du 38, rue des Bons-Enfants à Saint-Pierre (La Réunion) au 149 bis, avenue François Mitterrand de la même commune. La SELARL Pharmacie Ylang Ylang se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 20 décembre 2016 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux, rejetant son appel, a confirmé l'annulation de cette autorisation de transfert prononcée par le jugement du 25 mars 2016 du tribunal administratif de La Réunion à la demande du syndicat des pharmaciens indépendants de La Réunion (SPIR).

2. Aux termes de l'article R. 5125-1 du code de la santé publique :" L'autorisation de création ou de transfert d'une officine de pharmacie (...) est demandée au directeur général de l'agence régionale de santé où l'exploitation est envisagée par la personne responsable du projet, ou son représentant s'il s'agit d'une personne morale. (...) / La demande est accompagnée d'un dossier comportant : / 1° L'identité, la qualification et les conditions d'exercice professionnel des pharmaciens auteurs du projet ; / 2° Le cas échéant, les statuts de la personne morale pour laquelle la demande est formée ; (...) / La liste des pièces justificatives correspondantes est fixée par arrêté du ministre chargé de la santé. / Lorsque le dossier est complet, le directeur général de l'agence régionale de santé procède à l'enregistrement de la demande. Il délivre au demandeur un récépissé mentionnant la date et l'heure de cet enregistrement ". Il résulte des dispositions de l'arrêté du 21 mars 2000 fixant la liste des pièces justificatives devant être jointes à une demande de création, de transfert ou de regroupement d'officines de pharmacie que, pour toute demande de création ou de transfert d'officine de pharmacie, le dossier mentionné à l'article précité du code de la santé publique doit notamment comporter, " lorsqu'il est envisagé d'exploiter l'officine sous forme de société d'exercice libéral, tout élément permettant de vérifier que les associés, qu'ils exercent ou non au sein de l'officine, remplissent les conditions prévues par les articles 5 et 6 de la loi du 31 décembre [1990] susvisée (...) ". L'article 5 de la loi du 31 décembre 1990 relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé impose, sous réserve des dérogations prévues à l'article 6 de cette même loi, que plus de la moitié du capital social et des droits de vote soit détenue, directement ou par l'intermédiaire de sociétés remplissant certaines conditions, par des professionnels en exercice au sein de la société et fixe les conditions que doivent remplir les personnes détenant le complément.

3. S'il appartient à l'autorité administrative saisie d'une demande de création ou de transfert d'officine de pharmacie, présentée au titre des dispositions mentionnées ci-dessus, de s'assurer du caractère complet du dossier présenté à l'appui de cette demande, la circonstance que ce dossier ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de la santé publique pour l'examen de cette demande, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité l'autorisation accordée que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation que l'autorité administrative devait porter sur la conformité du projet à la réglementation applicable, y compris sur l'application du droit d'antériorité, par rapport aux demandes ultérieures concurrentes, prévu par l'article L. 5125-5 du code de la santé publique.

4. En l'espèce, la cour s'est fondée, pour confirmer l'annulation de l'autorisation de transfert accordée à la SELARL Pharmacie Ylang Ylang qui avait été prononcée par le tribunal administratif de La Réunion, sur ce que cette autorisation avait été accordée au vu d'un dossier de demande dont aucune pièce ne permettait de vérifier que les associés remplissaient les conditions prévues par les articles 5 et 6 de la loi du 31 décembre 1990, notamment la qualité de pharmacien de l'un d'entre eux. En statuant ainsi, sans rechercher si l'absence de ces pièces avait été de nature à fausser l'appréciation que devait porter le directeur général de l'agence régionale de santé, alors que celui-ci indiquait avoir vérifié la qualité de l'intéressé auprès du conseil national de l'ordre des pharmaciens, la cour a commis une erreur de droit.

5. Par suite, la SELARL Pharmacie Ylang Ylang est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque. Le moyen d'erreur de droit retenu suffisant à entraîner cette annulation, il n'est pas nécessaire d'examiner les autres moyens de son pourvoi.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du syndicat des pharmaciens indépendants de La Réunion une somme de 3 000 euros à verser à la SELARL Pharmacie Ylang Ylang au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, les dispositions de cet article font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la SELARL Pharmacie Ylang Ylang, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 20 décembre 2016 de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Article 3 : Le syndicat des pharmaciens indépendants de La Réunion versera à la SELARL Pharmacie Ylang Ylang une somme 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions du syndicat des pharmaciens indépendants de La Réunion présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SELARL Pharmacie Ylang Ylang et au syndicat des pharmaciens indépendants de La Réunion.

Copie en sera adressée à la ministre des solidarités et de la santé.


Synthèse
Formation : 1ère et 4ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 409127
Date de la décision : 30/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

PROFESSIONS - CHARGES ET OFFICES - CONDITIONS D'EXERCICE DES PROFESSIONS - PHARMACIENS - AUTORISATION D'OUVERTURE OU DE TRANSFERT D'OFFICINE - COMPOSITION DU DOSSIER DE DEMANDE [RJ1] - INCIDENCE DES OMISSIONS - INEXACTITUDES OU INSUFFISANCES - ILLÉGALITÉ DE L'AUTORISATION ACCORDÉE - ABSENCE - SAUF SI L'APPRÉCIATION DE L'AUTORITÉ ADMINISTRATIVE SUR LA CONFORMITÉ DU PROJET À LA RÉGLEMENTATION APPLICABLE A ÉTÉ FAUSSÉE [RJ2].

55-03-04-01 S'il appartient à l'autorité administrative saisie d'une demande de création ou de transfert d'officine de pharmacie, présentée au titre de l'article R. 5125-1 du code de la santé publique (CSP) et de l'arrêté du 21 mars 2000 fixant la liste des pièces justificatives devant être jointes à une demande de création ou de transfert d'officine de pharmacie, de s'assurer du caractère complet du dossier présenté à l'appui de cette demande, la circonstance que ce dossier ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du CSP pour l'examen de cette demande, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité l'autorisation accordée que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation que l'autorité administrative devait porter sur la conformité du projet à la réglementation applicable, y compris sur l'application du droit d'antériorité, par rapport aux demandes ultérieures concurrentes, prévu par l'article L. 5125-5 du CSP.

SANTÉ PUBLIQUE - PHARMACIE - EXERCICE DE LA PROFESSION DE PHARMACIEN - AUTORISATION DE CRÉATION - DE TRANSFERT OU DE REGROUPEMENT D'OFFICINES DE PHARMACIE - COMPOSITION DU DOSSIER DE DEMANDE - INCIDENCE DES OMISSIONS - INEXACTITUDES OU INSUFFISANCES - ILLÉGALITÉ DE L'AUTORISATION ACCORDÉE - ABSENCE - SAUF SI L'APPRÉCIATION DE L'AUTORITÉ ADMINISTRATIVE SUR LA CONFORMITÉ DU PROJET À LA RÉGLEMENTATION APPLICABLE A ÉTÉ FAUSSÉE [RJ2].

61-04-005 S'il appartient à l'autorité administrative saisie d'une demande de création ou de transfert d'officine de pharmacie, présentée au titre de l'article R. 5125-1 du code de la santé publique (CSP) et de l'arrêté du 21 mars 2000 fixant la liste des pièces justificatives devant être jointes à une demande de création ou de transfert d'officine de pharmacie, de s'assurer du caractère complet du dossier présenté à l'appui de cette demande, la circonstance que ce dossier ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du CSP pour l'examen de cette demande, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité l'autorisation accordée que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation que l'autorité administrative devait porter sur la conformité du projet à la réglementation applicable, y compris sur l'application du droit d'antériorité, par rapport aux demandes ultérieures concurrentes, prévu par l'article L. 5125-5 du CSP.


Références :

[RJ1]

Cf., sur le fait que la complétude du dossier au vu duquel l'administration se prononce est une condition de la légalité interne de la décision administrative statuant sur cette demande, CE, 21 novembre 2014,,, n° 377234, T. pp. 504-705-816., ,

[RJ2]

Rappr., en matière de permis de construire, CE, 23 décembre 2015,,et autres, n° 393134, T. p. 915.


Publications
Proposition de citation : CE, 30 mai. 2018, n° 409127
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Dorothée Pradines
Rapporteur public ?: M. Rémi Decout-Paolini
Avocat(s) : SCP BRIARD ; SCP GATINEAU, FATTACCINI

Origine de la décision
Date de l'import : 05/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:409127.20180530
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