Vu la procédure suivante :
M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Paris d'ordonner une expertise en vue de déterminer l'étendue des préjudices résultant de sa prise en charge à l'hôpital européen Georges Pompidou de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris du 9 avril au 15 mai 2017 et de déterminer les responsabilités encourues. Par une ordonnance n° 1808910 du 6 juillet 2018, le juge des référés du tribunal administratif a ordonné l'expertise demandée.
Par une ordonnance n° 18PA02482 du 28 septembre 2018, le juge d'appel des référés de la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris, annulé cette ordonnance.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 15 et 29 octobre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) statuant en référé, de rejeter l'appel de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris ;
3°) de mettre à la charge de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Florian Roussel, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de M. A...et à la SCP Didier, Pinet, avocat de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris, et à la SCP Sevaux Mathonnet, avocat de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que M. A...a été pris en charge au sein du service de réanimation de l'hôpital européen Georges Pompidou à compter du 9 avril 2017. Il a adressé le 11 mai 2017 à l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris une demande tendant à l'indemnisation des préjudices qu'il estimait avoir subis à la suite de son hospitalisation. Par une décision du 16 novembre 2017, notifiée le 22 novembre 2017, l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris a rejeté cette demande. Le 23 novembre 2017, M. A... a saisi la commission de conciliation et d'indemnisation d'Ile-de-France. Le 19 janvier 2018, cette commission a émis un avis aux termes duquel elle se déclarait incompétente, la condition de gravité minimale requise n'étant pas satisfaite. M. A...a alors saisi la commission, par un courrier reçu le 26 janvier suivant, d'une demande de conciliation. Cette demande n'a cependant pas abouti en raison du refus de conciliation opposé par l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris. La commission a établi un constat de non-conciliation, notifié à M. A...le 8 mars 2018. Le 1er juin 2018, M. A...a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Paris d'une demande de désignation d'un expert, à laquelle il a été fait droit par ordonnance du 6 juillet 2018. Par une ordonnance du 28 septembre 2018, contre laquelle M. A...se pourvoit en cassation, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Paris, saisi par l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris, a annulé cette ordonnance.
2. Le chapitre II, intitulé " Risques sanitaires résultant du fonctionnement du système de santé ", du titre IV du livre Ier de la 1ère partie de la partie législative du code de la santé publique, issu de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, comporte une section 2, intitulée " Procédure de règlement amiable en cas d'accidents médicaux, d'affections iatrogènes ou d'infections nosocomiales ". Au sein de cette section, figure notamment l'article L. 1142-5, dont le troisième alinéa dispose que la commission de conciliation et d'indemnisation " siège en formation de règlement amiable des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et en formation de conciliation " et l'article L. 1142-7, dont le quatrième alinéa dispose que : " La saisine de la commission suspend les délais de prescription et de recours contentieux jusqu'au terme de la procédure prévue par le présent chapitre ".
3. Au sein de la partie règlementaire du code, cette même section 2 comprend notamment une sous-section 2, intitulée " Procédure de règlement amiable ", composée des articles R. 1142-13 à R. 1142-18, et une sous-section 3, intitulée " Procédure de conciliation ", composée des articles R. 1142-19 à R. 1142-23. Aux termes de l'article R. 1142-15 : " Lorsque le président ou un président adjoint [de la commission] considère (...) que les dommages subis ne présentent manifestement pas le caractère de gravité prévu au II de l'article L. 1142-1, il déclare la commission incompétente. (...) Le demandeur ainsi que le professionnel, l'établissement, le centre, l'organisme de santé ou le producteur, l'exploitant ou le distributeur de produits de santé concerné par la demande, ainsi que son assureur et l'organisme de sécurité sociale auquel était affiliée la victime, en sont informés par lettre recommandée avec accusé de réception. / La lettre recommandée envoyée au demandeur informe celui-ci de la possibilité de saisir la commission en vue d'une conciliation ".
4. La notification par un établissement public de santé d'une décision rejetant la demande indemnitaire d'un patient fait courir le délai de recours contentieux dès lors qu'elle comporte la double indication que le tribunal administratif peut être saisi dans le délai de deux mois et que ce délai est interrompu en cas de saisine de la commission de conciliation et d'indemnisation. En application des dispositions précitées de l'article L. 1142-7 du code de la santé publique, le délai est interrompu lorsque, avant son expiration, l'intéressé présente devant la commission une demande d'indemnisation amiable ou une demande de conciliation. Le tribunal administratif doit alors être saisi dans un nouveau délai de deux mois courant, en cas de demande d'indemnisation amiable, de la date à laquelle l'avis rendu par la commission est notifié à l'intéressé et, en cas de demande de conciliation, de la date à laquelle il reçoit le courrier de la commission l'avisant de l'échec de la conciliation ou de celle à laquelle le document de conciliation partielle mentionné à l'article R. 1142-22 est signé par les deux parties. Par ailleurs, dans l'hypothèse, prévue au dernier alinéa de l'article R. 1142-15, où la commission, saisie dans le délai de recours contentieux d'une demande d'indemnisation amiable, se déclare incompétente pour en connaître, la présentation par le demandeur, dans les deux mois de la notification de l'avis rendu en ce sens, d'une demande de conciliation a pour effet d'interrompre à nouveau le délai de recours.
5. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés qu'à la suite du rejet par l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris de sa demande d'indemnisation préalable, M. A... a saisi la commission de conciliation et d'indemnisation, dans le délai de recours contentieux, d'une demande de règlement amiable. Un avis d'incompétence lui ayant été notifié avec la mention selon laquelle il lui demeurait loisible d'adresser à la commission une demande de conciliation, il a saisi la commission de conciliation et d'indemnisation à cette fin, dans le délai de recours contentieux. Il résulte de ce qui a été dit précédemment qu'en jugeant que cette demande de conciliation n'avait pas eu pour effet d'interrompre le délai de recours contentieux, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Paris a commis une erreur de droit. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, son ordonnance doit être annulée.
6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée.
7. Il ne ressort d'aucune disposition législative ou réglementaire ni d'aucun principe que les avis émis par la commission de conciliation et d'indemnisation dans le cadre de la procédure organisée par la section 2 du chapitre II du titre IV du livre Ier de la 1ère partie du code de la santé publique, qui ne sont pas des décisions administratives entrant dans le champ d'application de l'article R. 421-5 du code de justice administrative, devraient comporter la mention des voies et délais de recours contentieux. Les délais de recours contentieux sont donc opposables au demandeur si celui-ci en a été informé dans la décision préalable de refus d'indemnisation que lui a adressée l'établissement de santé.
8. Il résulte de l'instruction que la décision de refus d'indemnisation du 16 novembre 2017 comportait la mention selon laquelle s'il saisissait pour la première fois la commission de conciliation et d'indemnisation dans les deux mois de sa notification, il disposerait, pour saisir le tribunal administratif, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle l'avis de la commission serait notifié. Ainsi qu'il a été dit au point 5, la demande de conciliation adressée à la commission de conciliation et d'indemnisation par M. A...le 26 janvier 2018, soit une semaine après la notification de l'avis d'incompétence émis par la commission, a de nouveau interrompu le délai de recours contentieux. Au regard des mentions figurant dans la décision du 16 novembre 2017, un nouveau délai de recours de deux mois a donc commencé à courir le 6 mars 2018, date à laquelle la commission de conciliation et d'indemnisation a notifié à M. A...qu'il était mis fin à la procédure de conciliation engagée le 26 janvier précédent. La circonstance que le constat de non-conciliation ne rappelait pas les voies et délais de recours contre la décision du 16 novembre 2017 est à cet égard sans incidence. Dès lors, M. A...n'était plus recevable, lorsqu'il a saisi le juge des référés du tribunal administratif le 1er juin 2018, à exercer un recours tendant à l'indemnisation de son préjudice. Par suite, la mesure d'expertise sollicitée ne remplit pas la condition d'utilité prévue par l'article R. 532-1 du code de justice administrative.
9. Il résulte de ce qui précède que l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance du 6 juillet 2018 par laquelle le juge des référés a ordonné une expertise ainsi que le rejet de la demande de l'intéressé.
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par M. A...et non compris dans les dépens, tant devant les juges des référés du tribunal administratif et de la cour administrative d'appel que dans la présente instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A...une somme au titre de ces mêmes dispositions.
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du juge des référés de la cour administrative d'appel de Paris du 28 septembre 2018 et l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Paris du 6 juillet 2018 sont annulées.
Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le juge des référés du tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B...A..., à l'Assistance publique -Hôpitaux de Paris, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise.
Copie en sera adressée à la ministre des solidarités et de la santé.