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08/02/2011 | FRANCE | N°09-88390

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 08 février 2011, 09-88390


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
M. Gérard X..., Le Gan assurances Iard, partie intervenante, M. Fabrice Y..., partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 2-4, en date du 17 novembre 2009, qui, dans la procédure suivie contre le premier, du chef de blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Vu l'ordonnance du 13 décembre 2010, par laquelle le p

résident de la chambre criminelle a donné acte à M. X... et au GAN assurances...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
M. Gérard X..., Le Gan assurances Iard, partie intervenante, M. Fabrice Y..., partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 2-4, en date du 17 novembre 2009, qui, dans la procédure suivie contre le premier, du chef de blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Vu l'ordonnance du 13 décembre 2010, par laquelle le président de la chambre criminelle a donné acte à M. X... et au GAN assurances IARD, de leur désistement partiel à l'égard de l'agent judiciaire du Trésor ;
Attendu que la juridiction du second degré était appelée à statuer sur les conséquences dommageables d'un accident de la circulation, dont M. Y..., fonctionnaire de police, a été victime et dont M. X..., reconnu coupable de blessures involontaires, a été déclaré tenu à réparation intégrale ;
En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation proposé pour M. X... et le Gan assurances Iard, pris de la violation des articles 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985 dans sa rédaction issue de la loi du 21 décembre 2006 et 2, 485, 591, 593 du code de procédure pénale, ensemble le principe de la réparation intégrale ;
" en ce que la cour d'appel a condamné M. X... à verser à M. Y... la somme de 16 796, 14 euros en réparation de son préjudice corporel, en deniers et quittances, provisions et sommes versées en vertu de l'exécution provisoire non déduites, ladite somme augmentée des intérêts au taux légal à compter du jugement à concurrence des sommes allouées par celui-ci et à compter du présent arrêt pour le surplus ;
" aux motifs qu'au titre des préjudices patrimoniaux, frais divers restés à la charge de la victime*frais médicaux et assimilés : l'expert constate l'état d'anxiété de M. Y... et les soins psychanalytiques sont justifiés 1 716, 14 euros ;
1°) " alors que les juges d'appel n'ont pu valablement faire droit à la demande de M. Y... tendant à obtenir une indemnité de 1 716, 14 euros au titre de séances psychanalytiques au seul motif pris de ce que l'expert avait relevé l'état d'anxiété de ce dernier, sans répondre aux conclusions de M. X... et de son assureur faisant valoir, d'une part, que l'expert n'a pas fait mention de la nécessité de séances de psychanalyse et, d'autre part, l'absence de lien de causalité entre un accident et un travail analytique ;
" et aux motifs que, s'agissant de l'incidence professionnelle : M. Y... produit aux débats un rapport de la direction générale de la police nationale faisant apparaître qu'il a été affecté, en raison des séquelles de l'accident dont il a été victime, qui rendent plus pénible son activité antérieure de motard, au bureau d'étude technique de la formation motocycliste urbaine départementale du Var et qu'il ne peut donc plus exercer l'activité de motard correspondant à ses aspirations professionnelles antérieures à l'accident ; que cette incidence professionnelle eu égard à l'âge de la victime, sera donc indemnisée par l'allocation de la somme de 40 000, 00 euros ;
2°) " alors que, dans leurs conclusions délaissées, M. X... et son assureur ont également soutenu, s'agissant de la demande relative à l'incidence professionnelle, que la somme de 25 000 euros octroyée par les premiers juges était trop importante dès lors que, compte-tenu de son statut de fonctionnaire, M. Y... n'a subi aucune dévalorisation sur le marché de l'emploi ; qu'ainsi, la cour d'appel n'a pu valablement fixer l'incidence professionnelle à la somme de 40 000 euros sans répondre au moyen tiré de l'absence de dévalorisation de M. Y... sur le marché du travail de l'emploi résultant de son statut de fonctionnaire ;
" et aux motifs que, s'agissant de l'assistance d'une tierce personne : l'expert conclut à la nécessité d'une tierce personne pendant deux mois sans donner plus de précisions quant au nombre d'heures nécessaires quotidiennement ; qu'égard à l'immobilisation totale des deux membres supérieurs pendant cette période, le besoin en tierce personne se caractérise par quatorze heures par jour pendant soixante jours selon un taux horaire de 12 euros soit : 14 heures x 60 jours x 12 mois = 10 080, 00 euros ;
3°) " alors que, dans leurs conclusions délaissées, M. X... et son assureur, ont exposé, s'agissant de l'indemnité sollicitée par M. Y... au titre de l'assistance d'une tierce personne, que faire droit aux prétentions de M. X... qui a évalué son besoin d'assistance à quatorze heures par jour durant deux mois reviendrait à admettre que son état nécessitait une surveillance permanente excepté durant les heures de sommeil et ce, alors que tel n'était nullement le cas dans la réalité ; qu'en ayant retenu que le besoin d'assistance en tierce personne se caractérisait par quatorze heures par jour pendant soixante jours selon un taux horaire de 12 euros soit 14 heures x 60 jours x 12 euros = 10 080 euros sans rechercher, comme elle y était invitée, si le besoin d'assistance dont excipait M. Y... n'était pas manifestement disproportionné au regard de la situation dans laquelle se trouvait réellement celui-ci, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs insuffisants, ne permettant pas à la Cour de cassation de s'assurer de ce qu'elle a opéré une réparation sans perte ni profit pour chacune des parties ;
" et aux motifs qu'au titre des préjudices personnels, déficit fonctionnel permanent caractérisé par les atteintes aux fonctions physiologiques, la perte de la qualité de vie et les troubles ressentis par la victime dans ses conditions d'existence personnelles, familiales et sociales, étant rappelé que M. Y... était âgé de 37 ans à la date de la consolidation et que le taux d'incapacité fonctionnelle résiduelle a été fixé à 22 % : 50 600, 00 euros ; souffrances endurées : elles sont caractérisées par une nouvelle intervention chirurgicale qui a provoqué de nouvelles souffrances endurées qu'il y a lieu d'indemniser par l'allocation de la somme de 4 000 euros ;
4°) " alors qu'à compter de la consolidation, les souffrances endurées relèvent du déficit fonctionnel permanent et sont indemnisées à ce titre ; que c'est donc en méconnaissance du principe de la réparation intégrale que la cour d'appel a condamné M. X... à réparer, à hauteur de 4 000 euros, le préjudice qui a résulté des souffrances endurées à la suite d'une intervention chirurgicale pratiquée postérieurement à la consolidation alors qu'elle avait, par ailleurs, octroyé à M. Y... la somme de 50 600 euros, au titre du déficit fonctionnel permanent " ;
Attendu qu'en évaluant, comme elle l'a fait, la réparation du préjudice résultant pour M. Y... de l'atteinte à son intégrité physique, la cour d'appel, qui a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, n'a fait qu'user de son pouvoir d'apprécier souverainement, l'indemnité propre à réparer le dommage né de l'infraction ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Mais, sur le moyen unique de cassation proposé pour M. Y..., pris de la violation des articles 29, 30 et 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 et des articles 2, 3, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs ;
" en ce que l'arrêt attaqué a limité à 16 796, 14 euros les sommes que M. X... devait verser à M. Y... en réparation de son préjudice corporel et a condamné M. X... à verser à l'agent judiciaire du Trésor la somme de 97 436, 92 euros au titre de l'action subrogatoire ;
" aux motifs que, dans ces dernières conclusions, l'agent judiciaire du Trésor demande à la cour de statuer ce que de droit sur l'appel principal de M. X... et du Gan ; débouter M. Y... de ses demandes à l'encontre de l'agent judiciaire du Trésor ; confirmer le jugement entrepris ; que le préjudice corporel de M. Y... sera indemnisé comme suit, étant précisé que les recours subrogatoires des tiers payeurs s'exercent désormais poste par poste conformément aux dispositions de l'article 25 de la loi du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007 : déficit fonctionnel permanent caractérisé par les atteintes aux fonctions physiologiques, la perte de la qualité de vie et les troubles ressentis par la victime dans ses conditions d'existence personnelles, familiales et sociales, étant rappelé que M. Y... était âgé de 37 ans à la date de la consolidation et que le taux d'incapacité fonctionnelle résiduelle a été fixé à 22 % : 50 600 euros ; que les dispositions de l'article 31 de la loi du 5 juillet 1985 modifiées par l'article 25- IV de la loi du 21 décembre 2006 relatives à l'exercice des recours des tiers payeurs contre les personnes tenues à la réparation d'un préjudice résultant d'une atteinte à la personne, s'appliquent aux recours exercés par l'Etat et certaines autres personnes publiques en remboursement des prestations versées par ceux-ci ; que M. Y..., employé à la direction de la sécurité publique, a été indemnisé par l'Etat au cours de sa période d'indisponibilité ; que, par ailleurs, l'allocation temporaire d'invalidité que l'Etat justifie lui avoir effectivement et préalablement versée, correspond à la réparation de l'atteinte à l'intégrité physique que représentent, d'une part, le poste de l'incidence professionnelle et, d'autre part, le poste de préjudice extrapatrimonial du déficit fonctionnel permanent et doit s'imputer sur ce dernier si la créance de l'Etat au titre de cette allocation temporaire d'invalidité est supérieure à l'incidence professionnelle ; que la créance de l'agent judiciaire du Trésor s'établit comme suit : (…) arrérages échus pour la période de l'allocation temporaire d'invalidité provisoire du 28 mai 2002 au 27 mai 2007 : 12 864, 64 euros ; capital représentatif de l'allocation temporaire d'invalidité définitive : 84 572, 28 euros ; que la créance subrogatoire de l'agent judiciaire du Trésor au titre de l'allocation temporaire d'invalidité s'élève à la somme totale de 97 436, 92 euros, arrérages échus et à échoir ; qu'elle doit donc s'imputer sur le poste indemnisant l'incidence professionnelle pour 40 000 euros et sur celui indemnisant le poste du déficit fonctionnel permanent pour 57 436, 92 euros ; qu'il ne reste donc aucune somme revenant à M. Y... au titre de ces deux postes de préjudice ; qu'en conséquence, M. Y... recevra, en deniers ou quittances, la somme de 16 796, 14 euros en réparation de son préjudice corporel non indemnisé par transaction ; que la créance totale de l'agent judiciaire du Trésor (159 533, 42 euros) étant supérieure à celle déjà versée (100 892, 80 euros) par la société Gan assurances Iard, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande formée par la compagnie d'assurance du remboursement d'un trop perçu ;
" 1°) alors que les juges du fond, statuant sur les intérêts civils, doivent se prononcer dans les limites des conclusions dont ils sont saisis ; qu'au cas d'espèce, les premiers juges avaient fixé la créance subrogatoire de l'agent judiciaire du Trésor à la somme de 116 900, 75 euros, dont 54 804, 47 euros au titre de l'allocation temporaire d'invalidité, et en avaient déduit que, après déduction de la créance de l'agent judiciaire du Trésor, M. X... devait verser à M. Y... une somme de 79 796, 14 euros en réparation du préjudice résultant de l'accident ; que l'agent judiciaire du Trésor, intimé non appelant, a demandé la confirmation du jugement ; que c'est donc à tort que la cour d'appel a fixé le montant total de la créance subrogatoire de l'agent judiciaire du Trésor à la somme de 159 533, 42 euros, dont 97 436, 92 euros au titre de l'allocation temporaire d'invalidité, pour en déduire que M. Y... ne pouvait recevoir aucune somme en réparation de l'incidence professionnelle de l'accident et du déficit fonctionnel permanent et réduire en conséquence à 16 796, 14 euros le montant des condamnations à son profit ;
" 2°) alors que le recours du tiers payeur au titre de l'allocation temporaire d'invalidité ne peut s'exercer sur les sommes allouées à la victime en réparation de son préjudice personnel ; qu'ainsi, c'est à tort que la cour d'appel a imputé, sur les sommes dues par M. X... en réparation du déficit fonctionnel permanent subi par M. Y..., la créance subrogatoire de l'agent judiciaire du Trésor au titre de l'allocation temporaire d'invalidité ;
" 3°) alors que, subsidiairement, le recours du tiers payeur au titre de l'allocation temporaire d'invalidité ne peut s'exercer sur les sommes allouées à la victime en réparation de son préjudice personnel que si le tiers payeur établit qu'il a effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un poste de préjudice personnel ; que, dès lors, la cour d'appel a imputé à tort, sur les sommes dues par M. X... en réparation du préjudice personnel subi par M. Y..., le capital représentatif de l'allocation temporaire d'invalidité définitive, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le versement de cette allocation était susceptible de suspension ou de déchéance et si la condition de versement préalable pouvait, en conséquence, être considérée comme remplie ;
" 4°) alors que M. Y... faisait valoir dans ses conclusions d'appel que le capital représentatif de la rente d'invalidité ne pouvait être évalué que sur la base d'un taux d'invalidité de 22 % et devait en conséquence être limité à la somme de 60 552, 31 euros ; que la cour d'appel a, par ailleurs, considéré que le taux d'invalidité de M. Y... devait être évalué à 22 % ; que la cour d'appel ne pouvait évaluer le capital représentatif de la rente d'invalidité au montant proposé par l'agent judiciaire du Trésor, basé sur un taux d'invalidité de 30 %, sans s'expliquer sur les raisons la conduisant à retenir, pour le calcul de ce montant, un taux d'invalidité différent de celui qu'elle avait elle-même retenu " ;
Vu l'article 593 du code de procédure pénale, ensemble les articles 1382 du code civil, 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985 ;
Attendu que les juges ne peuvent se prononcer sur les réparations civiles que dans la limite des conclusions dont ils sont saisis ;
Attendu que la juridiction du second degré a été saisie de conclusions du prévenu et de la partie civile, seuls appelants, qui demandaient, notamment, que la créance de l'Etat soit ramenée, le premier à la somme de 47 660 euros, la seconde à celle de 56 512, 80 euros et, subsidiairement, à celle de 102 095 euros ; que les juges d'appel, après avoir constaté que l'agent judiciaire du Trésor sollicitait la confirmation du jugement, qui, ayant intégralement fait droit à sa demande, avait fixé sa créance à 116 900, 75 euros, ont porté celle-ci à 159 533, 42 euros ;
Mais attendu qu'en fixant le recours subrogatoire de l'Etat à un montant d'indemnisation supérieur à celui réclamé, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin d'examiner le second moyen proposé pour M. X... et le Gan assurances Iard ;
CASSE et ANNULE, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 17 novembre 2009, en ses seules dispositions relatives au recours subrogatoire de l'agent judiciaire du Trésor ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
FIXE à 2 000 euros la somme que M. X... devra payer à M. Y... au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Radenne conseiller rapporteur, M. Palisse conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 09-88390
Date de la décision : 08/02/2011
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 17 novembre 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 08 fév. 2011, pourvoi n°09-88390


Composition du Tribunal
Président : M. Louvel (président)
Avocat(s) : SCP Ancel, Couturier-Heller et Meier-Bourdeau, SCP Baraduc et Duhamel, SCP Defrenois et Levis

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:09.88390
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