LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant tant sur le pourvoi principal formé par Mme T..., en qualité de liquidateur judiciaire de la société Isa France, que sur le pourvoi incident relevé par la société Helvetia assurances ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Isa France, grossiste en matériels et consommables informatiques, souhaitant changer de prestataire logistique, a retenu, le 26 septembre 2002, l'offre de la société Mory Group qui proposait une solution globale pour la gestion informatisée des stocks, pour la réception et la préparation des commandes et pour le transport des marchandises ; que la société Mory Group a confié le volet informatique de l'opération à la société Sage, en charge de la gestion du logiciel Tols ; qu'elle a confié à sa filiale, la société Mory Group Logistic Île-de-France, la réalisation du transfert de la logistique et de l'informatique vers un nouvel entrepôt ; que la mise en oeuvre de ce projet s'est soldée par des anomalies qui ont paralysé la chaîne de production contraignant la société Isa France à revenir à l'exploitation de son ancien logiciel ; que par une ordonnance du 13 octobre 2005, un expert judiciaire a été désigné avec pour mission d'analyser les difficultés rencontrées dans le projet de migration, de donner son avis sur l'origine de ces difficultés, au regard du rôle de chaque partie dans le projet, et sur la conformité des prestations réalisées par chaque partie au regard de ses obligations ; que le 1er août 2006, la société Isa France a été mise en redressement judiciaire, procédure convertie, le 10 octobre 2006, en liquidation judiciaire, Mme T... étant nommée liquidateur ; que le 27 juin 2011, les sociétés Mory et Mory Group Logistic Île-de-France (les sociétés Mory) ont été mises en redressement judiciaire, le tribunal ayant, dans les deux procédures, désigné la société P... en qualité d'administrateur judiciaire et M. R... en qualité de mandataire judiciaire ; que l'expert a déposé son rapport le 30 novembre 2009 ; que le 13 septembre 2011, Mme T..., ès qualités, a assigné les sociétés Mory, ainsi que leur administrateur judiciaire et mandataire judiciaire, la société Sage et la société Helvetia assurances, assureur des sociétés Mory, aux fins de voir condamner la société Sage et la société Helvetia assurances à réparer le préjudice subi par la société Isa France évalué à 8 278 188 euros et fixer sa créance au passif des sociétés Mory à la même somme ; que le 23 février 2012, les sociétés Mory, leur administrateur judiciaire et leur mandataire judiciaire ont assigné en garantie la société Sage ; qu'en cours d'instance, les procédures de redressement judiciaire des sociétés Mory ont été converties en liquidation judiciaire ; que MM. R... et Y..., co-désignés liquidateurs dans les deux procédures, sont intervenus volontairement à l'instance ;
Sur le premier moyen du pourvoi incident :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
Attendu que pour dire que la société Isa France doit supporter une part de responsabilité de son préjudice à hauteur de 20 %, l'arrêt retient que les hésitations de cette société dans le choix du convoyeur et le retard apporté à l'installation de cet équipement, intervenue quelques jours avant le transfert vers le nouveau logiciel, ont rendu impossible les tests de démarrage et que les incertitudes de la société Isa France sur les conditions de sortie avec son ancien prestataire ont entraîné de fait six mois de retard dans la réalisation du projet et des conséquences dommageables sur la qualité de son déroulement ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que les sociétés Mory et Sage étaient débitrices à l'égard de la société Isa France, profane sur l'objet du projet qu'elle leur confiait, d'une obligation de renseignement, de conseil, d'information et d'assistance technique et qu'elles avaient manqué à ces obligations, notamment pour la période précédant la bascule pour ne pas avoir mis en garde la société Isa France sur la nécessité d'effectuer des tests de démarrage, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ;
Sur le second moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche :
Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice ;
Attendu que pour rejeter la demande de Mme T..., ès qualités, tendant à la réparation du préjudice moral subi par la société Isa France pour discrédit vis-à-vis de sa clientèle et des acteurs sur le marché en raison des difficultés à satisfaire ses clients provoquées par l'échec du projet de migration logistique, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que la réparation de ce discrédit est déjà demandée au titre du préjudice financier ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le préjudice moral pour discrédit subi par une personne morale est distinct du préjudice financier résultant de gains manqués ou de la perte de chance de réaliser ce gain, la cour d'appel a méconnu les texte et principe susvisés ;
Et sur ce moyen, pris en quatrième branche :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que l'arrêt limite l'indemnisation des pertes matérielles subies par suite du déréférencement de la société Isa France par les sociétés de distribution à une perte de chance ;
Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de Mme T..., ès qualités, qui soulignait que les référencements de la grande distribution portaient sur des années civiles et en déduisait qu'il convenait de distinguer, d'une part, la période courant de la date de la bascule jusqu'au mois de décembre 2004, pendant laquelle la société Isa France subissait les dysfonctionnements matériels consécutifs à l'échec du projet de transfert et où elle avait, en conséquence, subi une perte de gains avérée puisqu'elle n'avait pu assumer les commandes prévues dans le cadre du référencement de l'année 2004, et, d'autre part, la période ayant couru à compter de janvier 2005 où elle avait subi une perte de chance de renouveler les référencements de l'année précédente, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit que la société Helvetia assurances doit garantir le préjudice imputé aux sociétés Mory et Mory Goup Île-de-France, l'arrêt rendu le 13 octobre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Helvetia assurances et M. R..., en qualité de liquidateur judiciaire des sociétés Mory et Mory Group Logistic Île-de-France, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix juillet deux mille dix-neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat aux Conseils, pour Mme T..., ès qualités
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que les sociétés Mory SA, MGL et Sage seraient tenues, solidairement pour Mory SA et MGL et in solidum pour la SAS Sage, d'indemniser la SA Isa France à hauteur de 80 % seulement de son préjudice ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'il est constant que la société Isa a défini ses besoins, a lancé un appel d'offres et a choisi un prestataire ; que ces éléments établissent qu'elle était le maître d'ouvrage du projet, ce que confirme Monsieur K..., expert de Sage, qui indique que « la société Isa France, en sa qualité de client final, se trouve être le maître d'ouvrage de son projet de migration de plate-forme logistique d'ABX vers Mory » (pièce Sage n°4 - page 18) ; que, par offre du 26 septembre 2002, il a été répondu à l'appel d'offres de Isa France sous le timbre des sociétés Mory Group, devenue Mory SA, Ditrans, devenue Mory Group Logistic Ile de France, et Mory Logidis, Mory Group se présentant comme le « spécialiste de la chaîne logistique » (« supply chain specialists » - page 4 de l'offre) ; que, si Mory Group, devenue Financière Mory, puis Mory SA, est une société holding, ce seul élément n'est exclusif ni d'une responsabilité de chef de file des sociétés du groupe Mory, ni d'une mission de pilotage de projet ; que c'est donc à tort que Maître R... et Maître Y..., demandent la mise hors de cause de Mory SA, venant aux droits de Mory Group, comme n'étant pas concernée par le présent litige ; que la proposition du 26 septembre 2002 portait sur « une offre globale qui garantit le sur mesure par ses métiers et compétences transports et logistique » (pièce Isa n°2) et incluait l'informatique « Mode de fonctionnement innovant pour une amélioration de la qualité de service : mise en place de l'informatique embarquée » (page 18 de l'offre) ; que, compte tenu de son objet - la refonte de la logistique d'Isa - le projet incluait nécessairement un volet informatique, ainsi que l'observe l'expert C... : - « la proposition du 26 septembre 2002 est émise par Ditrans et se présente sous la forme d'une offre globale présentant Mory Group (devenue Financière Mory) » (page 41 du rapport) ; - « les volets logistique et informatique d'un projet logistique sont indissociables » (page 77 du rapport) ; que, si aucun contrat n'a été signé, il résulte néanmoins de la lettre d'intention d'Isa du 14 mai 2003 et de la mise à exécution, dans la ligne de l'offre remise, des propositions du 26 septembre 2002 que Mory Group s'est positionné en tant qu'entrepreneur principal ; que l'expert C... retient cet élément en indiquant que « le projet a été soutenu par le groupe Mory notamment par la société Mory Group » (page 75 de son rapport) ; que Mory Group (Mory SA) avait dès lors un rôle de pilote dans la mise en oeuvre du projet, ce qu'elle a elle-même revendiqué selon courriel à Isa en date du 2 décembre 2002 présentant l'équipe de Mery Group mobilisée sur le projet Isa (« F... I..., Chef de Projet qui supervisera également la mise en place de Tols » - pièce Sage n°6) ; sur l'exécution de la mission, qu'il ressort de la page 6 de la proposition du 26 septembre 2002 : - d'une part, que le volet transport est géré par Mory Team ; - d'autre part, que la logistique, gérée par Mory Logidis, intègre l'informatique et que la partie informatique est gérée par Ditrans ; que, sur la partie logistique, Maître R... et Maître Y... précisent que MGL 95 (Mory Group Logistic Ile de France) a été le prestataire logistique (page 30 de leurs conclusions) ; que l'expert C... a confirmé ce point en relevant que « Mory s'est comportée dans les faits, comme le prestataire logistique, sans renier ni la proposition du 26 septembre 2002, ni la lettre d'intention du 14 mai 2003 » (pièce Isa n°11, page 76) ; que, sur la partie informatique, Maître R... et Maître Y... indiquent que, par contrat du 27 octobre 2003, Mory Team a confié à Elit (Sage) la fourniture des services ASP (page 30 de leurs conclusions) ; que, sur les manquements respectifs des parties, l'expert C... retient que « la bascule a été opérée lors du week-end du 13 au 16 août 2004. Des dysfonctionnements nombreux de l'exploitation de l'entrepôt se sont manifestés très rapidement au point qu'une bascule arrière vers le logiciel Reflex a dû être opérée quelques semaines plus tard durant le week-end du 6 au 10 octobre 2014 » – (page 78 de son rapport) ; qu'il identifie cinq ordres de dysfonctionnements (page 45 du rapport) : - des dysfonctionnements du logiciel Tols (bugs) : l'expert C... observe que ces dysfonctionnements sont reconnus par l'expert d'Elit, M. S... K..., aux termes de son rapport en date du 15 décembre 2004 (note de synthèse de Monsieur C... - page 21 - pièce Helvetia n° 19) ; - des erreurs dans les données, notamment de celles attachées aux articles, erreurs attestées par des courriels d'Isa ; - des problèmes de performance : les problèmes de ralentissement du logiciel Tols ont été reconnus par Elit et l'ont conduite à apporter des modifications à son logiciel ; - de mauvaises conditions de formation des personnels ; - d'autres dysfonctionnements tels que l'absence de mise à jour des codes couleur, des commandes incomplètes, le défaut de fonctionnement des imprimantes, des livraisons non conformes aux quantités demandées ; que, sur la responsabilité d'Isa, l'expert a retenu les mauvaises conditions de préparation matérielle de la bascule par Isa : que constituent des causes des dysfonctionnements intervenus : - les hésitations d'Isa dans le choix du convoyeur et le retard apporté à l'installation de cet équipement, intervenue quelques jours avant la bascule ; ces retards ont rendu impossibles les tests sur cet appareil avant la bascule - Sage ayant alerté Isa, au cours du comité projet du 2 août 2004 sur l'absence de tests préalablement au démarrage - errements qui ont constitué, selon l'expert, une cause secondaire de l'échec du projet (pages 81 et 82 du rapport) ; - les incertitudes d'Isa dans la définition des conditions de la sortie d'ABX : (« La sortie d'ABX au 1er janvier 2004 semble de moins en moins possible ») le rapport K... observe que « Isa a tardé à dénoncer son contrat avec ABX ce qui occasionne de fait dès le 1er semestre 2003 déjà 6 mois de retard au projet et des conséquences dommageables prévisibles sur la qualité de son déroulement, la mobilisation et la motivation de l'ensemble des personnels des trois sociétés participantes » (rapport K... page 26 - pièce Sage 4) ; que ces éléments justifient qu'Isa supporte une part de responsabilité à hauteur de 20 % de son préjudice, ainsi que l'ont retenu les premiers juges ; qu'il est constant que Mory Group, MGL et Sage n'ont pas fourni un logiciel conforme aux attentes d'Isa, le retour au logiciel Reflex traduisant l'échec du processus de mise au point du projet de migration ; que Monsieur C... note à cet égard que « la situation n'est pas contrôlée par les différents intervenants, qui manquent de visibilité sur les causes des difficultés, peinent à formuler des diagnostics et sont débordés par le nombre et la diversité des problèmes. (... ) La multiplicité, la variété, la confusion des difficultés qui se manifestent révèlent, malgré les retards du projet, une préparation insuffisante de la bascule » (page 49 du rapport) ; que l'expert judiciaire identifie la défaillance de Mory dans sa mission de pilotage du projet « Les difficultés rencontrées sont liées à une organisation défaillante du projet, caractérisée notamment par : - une mauvaise coordination de ses intervenants ; - une conduite sans méthode ni documentations suffisantes ; - une gestion des développements dans Tols au fil de l'eau, sans plan de tests ni validations ; - une formation du personnel de Mory sans plan, sans support, sans bilan ni évaluation ; - un démarrage avec du personnel nouveau, sans manuel de procédures finalisé et validé ; - un manque général d'anticipation dans les décisions (arrivée tardive du personnel d'ABX Logistics, installation sans tests du convoyeur...). Cette situation est la conséquence de l'absence d'un véritable pilote dans le projet de préparation de la migration » (rapport C... - page 80) et « Nous y voyons la cause principale des difficultés rencontrées » (rapport C... - page 81) ; qu'en outre, Mory Group, MGL et Sage, prestataires de service chargés de fournir un logiciel, étaient tenus à l'égard d'Isa, entreprise néophyte en matière de conception de logiciels, à une obligation contractuelle de renseignement, conseil, information et assistance technique ; qu'elles ont manqué à ces obligations, ainsi que l'a relevé l'expert, notamment pour la période ayant précédé la bascule : « aucune mise en garde ou réserve n'a été exprimée par Mory, MGL et Sage lors du comité de projet qui s'est tenu le 9 août 2004 » (page 78 du rapport) ; que l'expert judiciaire relève enfin la responsabilité incombant à la société Elit au titre des développements de Tols : « une part secondaire des difficultés rencontrées peut être imputée à la société Elit (Sage FDC) qui a conduit les développements informatiques de Tols sans rigueur ni méthode suffisante. Si tel avait été le cas, certains dysfonctionnements du logiciel auraient pu être évités et les désordres survenus après la bascule minimisés » (rapport C... - page 82) ; que c'est en conséquence à raison que le jugement déféré a retenu la responsabilité des sociétés Mory Group (Mory SA), MGL et Sage ; que les premiers juges ont procédé à une exacte appréciation des éléments de la cause en répartissant les responsabilités encourues en 20 % à Isa, 60 % à Mory SA et MGGL, % à Sage; que chacun des responsables d'un même dommage doit être condamné à le réparer dans sa totalité ; que la société Isa est dès lors fondée à rechercher, à hauteur de 80 % de son préjudice, la responsabilité solidaire, sur un fondement contractuel, de Mory SA et de MGL, et in solidum, sur un fondement délictuel, de Sage, sous-traitant de Mory Team ; que le jugement entrepris sera réformé sur ce point ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE sur la responsabilité des intervenants au projet : que la société Isa France, en tant que maître d'ouvrage de fait, n'est pas exempte de toute responsabilité puisqu'elle a pesé sur le choix définitif de Tols et qu'elle s'est accommodée du fait que le chef de projet désigné par Mory a cessé ses fonctions jusqu'à ce que Mory reprenne, d'après Isa, le leadership sur le projet en mai 2004 ; que l'expert judiciaire souligne que : « le projet informatique qui aurait dû être supervisé par Mory, est de fait coordonné et planifié par Isa », que dans les comptes rendus des comité de projet informatique, les travaux à réaliser sont affectés majoritairement à Isa et Tols ; que toutefois, devant l'effacement de Mory, il n'est pas surprenant que Isa France ait accru sa présence sur la conduite du projet ; que le tribunal dira que Isa France a une responsabilité dans les déboires rencontrés par le projet à hauteur de 20 % du préjudice ; que le projet de rénovation de la logistique d'Isa France - qui avait pour but de transférer la gestion de l'activité logistique d'Isa France de l'ancien prestataire ABX vers son nouveau prestataire, Mory - a fait l'objet d'une proposition de la part de Mory en date de 26 septembre 2012 ; que cette proposition faisait ressortir clairement que le projet était orienté autour de deux axes : le transport qui serait assuré par Mory Team, et la logistique prise en charge par MGL et la société Ditrans (alors filiale minoritaire de Mory SA et dont l'activité a été reprise par la société Tols aujourd'hui Sage) ; que cette proposition prévoyait le choix initial d'un logiciel développé par Ditrans dénommé Anita, choix modifié ensuite, à la demande de Isa France, puisque le logiciel Logitols, édité par la société Tols (devenue Sage) été retenu ; que la proposition de Mory SA portait sur l'implantation de la plateforme de Goussainville avec un « mode de fonctionnement innovant pour une amélioration de la qualité du service », par la mise en place d'une informatique embarquée et que cette informatique embarquée devait notamment rendre possible le pilotage d'entrepôt en permettant la parfaite adéquation entre les flux physiques et les flux d'informations, en permettant le temps réel sur les opérations administratives, et en autorisant la traçabilité des produits à l'intérieur même du dépôt ; que, plus précisément l'existence d'une offre globale par Mory comprenant des prestations interdépendantes de logistique et d'informatique ressort également de manière incontestable du document adressé par Mory Group à Isa France intitulé « projet Isa proposition de transfert » où il est prévu que l'implantation de Tols sera assurée par les équipes Ditrans (filiale de Mory SA) et Tols ; que d'ailleurs Mory SA écrivait à Isa France le 11 février 2004 « nous avons de notre côté engagé des travaux informatiques confiés à notre filiale Tols » ; que Mory ne peut soutenir qu'elle n'a jamais participé à la réalisation, la responsabilité, et le contrôle de la prestation informatique et qu'elle n'est qu'une simple utilisatrice de logiciels, car elle ne peut artificiellement opposer la logistique à l'informatique ; qu'en effet, la logistique, dans le cas présent, couvre notamment l'enregistrement des commandes et leur préparation avec consultation du stock disponible, la gestion du stock, et il est bien évident que ces opérations ne peuvent être effectuées sans l'aide d'un logiciel informatique qu'il appartenait conjointement aux sociétés Mory et Tols de paramétrer, Mory exprimant les besoins des utilisateurs, et Tols les traduisant par une adaptation du logiciel ; qu'ainsi, même si aucun contrat n'a été formellement signé, il n'en demeure pas moins qu'il a donné lieu à exécution dans la continuité de l'offre initiale et, comme le fait remarquer l'expert nommé par Sage, que dans les faits, « la société Isa France, en sa qualité de client final, se trouve être le maître d'ouvrage de son projet de migration de plate-forme logistique d'ABX vers Mory, la société Mory, de par sa démarche commerciale se trouve être le maître d'oeuvre du projet, la société Tols, pour sa part, sollicitée par la société Mory pour prendre en charge et mener à bien l'ensemble des aspects liés à la configuration informatique du projet se trouve être le sous-traitant de cette dernière, donc avec un lien de subordination vis-à-vis d'elle » ; que le tribunal considère que la société Mory a montré, tout au long du projet, des défaillances dans la conduite de celui-ci, défaillances qu'elle ne peut éluder et qu'il lui revenait, comme le souligne l'expert judiciaire, « en tant que prestataire logistique d'Isa de diriger les travaux de préparation de la migration (incluant le volet informatique) jusqu'à la bascule de l'exploitation d'Isa sur le nouvel entrepôt, utilisant le nouveau logiciel » et qu'elle a ainsi largement contribué à créer le préjudice subi par Isa France ; que le tribunal dira que les sociétés Mory et MGL sont responsables à hauteur de 60 % du préjudice subi par la société Isa France ; qu'il est également incontestable que des dysfonctionnements techniques ont affecté le logiciel Tols, que ces dysfonctionnements apparaissent directement liés aux développements spécifiques réalisés par Sage dans le cadre du projet qui ont été conduits comme le souligne l'expert judiciaire « au fil de l'eau, sans plan de test ni validations faute d'un véritable pilote » conduisant à une absence de recette du logiciel et des développements spécifiques ; que dans le cas présent, l'expert souligne que les difficultés de la bascule ont été telles que Tols a même été contrainte d'apporter des modifications à chaud à ses programmes ainsi qu'aux données exploitées ; que le tribunal dira que la société Sage est responsable à hauteur de 20 % du préjudice subi par la société Isa France ; que Helvetia, assureur de Mory, explique que sa garantie ne couvre que les activités de transport et de logistique et non les prestations informatiques bien que les conditions particulières prévoient la couverture de l'activité gestionnaire de flux d'information ; que Helvetia poursuit en précisant que Mory n'a géré que la logistique et le transport et qu'elle n'est pas intervenue pour la partie informatique, la garantie ne s'applique pas ; qu'elle ajoute que le logisticien est l'utilisateur de logiciels informatiques mais qu'en aucun cas, il ne réalise de logiciels informatiques ; cependant que ce raisonnement est simpliste, car la logistique qui repose sur un nombre considérable de données s'appuie sur un outil de traitement - le logiciel informatique - et que la responsabilité des sociétés Mory SA et MGL provient essentiellement du fait que le projet n'a pas été correctement piloté ; que de plus, s'il est vrai que le logisticien ne réalise pas de logiciels informatiques, il est partie prenante à l'adaptation de l'outil de traitement de données à ses propres besoins ; que le tribunal dira en conséquence que la société Helvetia Assurances doit garantir la réparation du préjudice qui sera imputé aux sociétés Mory SA et MGL ;
1°) ALORS QU'un fait imputable à la victime n'est de nature à exonérer partiellement l'auteur du dommage de sa responsabilité que s'il est fautif ; que la cour d'appel a constaté que les sociétés Mory, MGL et Sage n'avaient pas fourni un logiciel conforme aux attentes de la société Isa France, ce qui avait fait totalement échouer le projet et conduit à réinstaller le système informatique et logistique précédent ; qu'elle a également constaté que la société Mory s'était présentée comme spécialiste de la chaine logistique et avait été en charge de piloter le projet qu'il lui appartenait de valider, que la société MGL avait eu la charge de la partie logistique du projet, que la société Sage s'était vue confier la soustraitance de la partie informatique du projet et que la société Isa France était néophyte en matière de conception de logiciel ; qu'en imputant toutefois à la société Isa France une faute de nature à laisser à sa charge 20 % de ses dommages, pour avoir tardé à choisir un convoyeur et tardé à dénoncer le contrat avec son ancien logisticien et pour avoir, selon les motifs du jugement éventuellement adoptés, été impliquée dans l'élaboration et la réalisation du projet, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si sa qualité de profane en matière de logistique et d'informatique n'était pas de nature à priver ces faits de tout caractère fautif, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige ;
2°) ALORS QU'un fait imputable à la victime n'est de nature à exonérer partiellement l'auteur du dommage de sa responsabilité que s'il est fautif et en lien de causalité avec le dommage ; que la cour d'appel a constaté que les sociétés Mory Group, MGL et Sage étaient débiteurs à l'égard de la société Isa France, profane sur l'objet du projet qu'elle leur confiait, d'une obligation de renseignement, de conseil, d'information et d'assistance technique ; qu'elle a également constaté que la société Isa France n'avait jamais été conseillée sur l'opportunité ou la nécessité de reporter la date de la bascule à un moment où les conditions de réussite du projet aurait été mieux préparées ; qu'en imputant pourtant à la société Isa France une responsabilité dans la survenance de son dommage en raison de la tardiveté, au regard de la date de la bascule, du choix du convoyeur qui aurait interdit la réalisation de tests préalables au démarrage et de ses incertitudes quant aux conditions de la dénonciation du contrat avec le prestataire précédent, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'inféraient de ses constatations et violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction applicable au litige ;
3°) ALORS, à titre subsidiaire, QUE, même si la victime a pu participer à la réalisation de son dommage, cette faute peut être absorbée par celle de ses auteurs principaux sans lesquels il n'aurait pu survenir ; qu'ayant constaté que la société Mory s'était présentée comme spécialiste de la chaine logistique, avait été en charge de piloter le projet dans son ensemble et devait le valider et que la société Isa France était profane en matière informatique et créancière d'une obligation de conseil, d'information et d'assistance technique, la cour d'appel ne pouvait laisser à la charge de la société Isa France 20 % de ses dommages en considération de fautes tenant à son implication dans le projet et à la prise tardive de certaines décisions sans rechercher, comme il le lui était demandé, si cette faute n'avait pas été absorbée par celles de la société Mory ; que, faute d'avoir effectué cette recherche, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction applicable au litige.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR fixé la créance de Me T... ès qualités de mandataire liquidateur de la SA Isa France au passif des sociétés Mory SA et MGL à la somme de 1 119 020,80 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 13 septembre 2011 au 10 juillet 2012, date du jugement de liquidation judiciaire de la société Mory SA, et 3 avril 2012, date de la liquidation judiciaire de la société MGL, et d'AVOIR condamné la société Sage à payer à Me T... ès qualités de mandataire liquidateur de la société Isa France, in solidum avec les sociétés Mory SA et MGL, la somme de 1 119 020,80 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 13 septembre 2011 ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur le préjudice, la cour, reprenant les conclusions circonstanciées du sapiteur Bouchon, adopte les motifs des premiers juges qui ont justement fixé le préjudice subi par Isa à 228 356 euros sur le segment professionnel et à 1 170 420 euros sur le segment grand public, soit au total 1 398 776 euros ; que le préjudice dont Isa est fondée à obtenir réparation s'élève à la somme de 1 119 020,80 euros ; que la cour fixera la créance de Maître T... ès qualités de mandataire liquidateur de la société Isa France au passif des sociétés Mory SA et MGL à la somme de 1 119 020,80 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 13 septembre 2011 au 10 juillet 2012, date du jugement de liquidation judiciaire de la société Mory SA et 3 avril 2012, date de la liquidation judiciaire de la société MGL ; qu'elle condamnera la SAS Sage, in solidum avec les sociétés Mory SA et MGL, à payer à Maître T... ès qualités la somme de 1 119 020,80 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 13 septembre 2011 ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'Isa France demande la réparation de son préjudice moral pour discrédit vis-à-vis de sa clientèle, mais que ce discrédit allégué est déjà sollicité dans le cadre de son préjudice financier, le tribunal déboutera Isa France de sa demande de préjudice moral ; que, pour évaluer le préjudice matériel, le tribunal s'appuiera sur l'évaluation réalisée par le sapiteur, à la demande de l'expert judiciaire, car il considère que cette étude de qualité repose sur des bases rationnelles et équitables ; qu'il ressort de cette évaluation que le préjudice lié aux désordres qu'a connu le secteur professionnel est égal au taux de marge du secteur (2,52 %) sur le chiffre d'affaire perdu (estimé par différence entre le chiffre d'affaires théorique que Isa France aurait dû connaitre durant les mois de août, septembre et octobre 2004 - calculé en prenant un taux d'accroissement moyen par rapport à l'année précédente de 5,4 % - et le chiffre d'affaires enregistré durant la période, soit un préjudice de 9 061 757 x 2,52 % = 228 356 € ; que la situation dans le secteur grand public est quelque peu différente car son activité dépend des décisions de référencement des grandes surfaces or pour la plupart des enseignes Carrefour, Leclerc, Casino, les chiffres d'affaires, soit ne montrent aucune perturbation pouvant être liée aux désordres de l'été 2004, soit affichent une décrue avant juillet 2004, soit encore un chiffre stable jusqu'en 2006 ; que par contre, les enseignes Auchan et Cora ont réduit significativement leurs achats à la société Isa dans les mois qui ont suivi les désordres ; l'écart de chiffre d'affaires, dans les deux ans qui ont suivi les désordres invoqués par rapport à la période 2003-2004, a été de 59 219 157 € pour Auchan et de 7 194 408 € pour Cora, ce qui compte tenu du taux de marge, indiqué par demandeur, pour le domaine grand public de 4,7 % donne une marge manquante de 3 121 438 € ; que le tribunal, d'accord avec le sapiteur, considère qu'il convient de diminuer de moitié cette marge manquante, compte tenu des réponses évasives de la société Isa qui ont paru peu probantes sur les raisons de niveaux de marge très différents dans les deux secteurs ainsi que sur l'existence et le niveau de marges arrières et coopérations commerciales généralement imposées par la grande distribution ; qu'enfin, cette marge manquante ne constitue que le plafond de la perte de chance subie et que le tribunal considère que les incidents de livraison constituent effectivement un handicap pour le fournisseur, la société sans ces difficultés aurait eu de l'ordre de 75 % de chances que les contrats de référencement soient renouvelés et retiendra en conséquence un préjudice de 1/2 x 3 121 438 x 0,75 = 1 170 420 € ; qu'ainsi, le préjudice total subi par Isa France sur ses deux secteurs est de 228 356 € + 1 170 420 € = 1 398 776 € ; qu'en conséquence, le tribunal fixera la créance de Maître T... ès-qualités de mandataire liquidateur de Isa France au passif respectif des sociétés Mory et MGL à la somme de 839 265 € (60 % x 1 398 776), augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date d'assignation (13 septembre 2011); que le tribunal dira que la société Helvetia Assurances doit garantir la réparation du préjudice imputé aux sociétés Mory SA et MGL ; que le tribunal condamnera la société Sage à réparer le préjudice subi par la société Isa France à hauteur de 279 752 € (20 % x 1 398 776), montant augmenté des intérêts au taux légal à compter du 13 septembre 2011 ;
1°) ALORS QUE l'atteinte à l'image causée par le discrédit subi par une personne morale est un préjudice moral indépendant du préjudice matériel subi en raison de gains manqués ou de la perte de chance de réaliser des gains ; qu'en jugeant au contraire, pour rejeter la demande de Me T..., ès qualités, que le préjudice causé par le discrédit subi par la société Isa France en raison des difficultés à satisfaire ses clients provoquées par l'échec du projet de migration logistique serait réparé au titre de son préjudice financier, la cour d'appel a, par motifs adoptés des premiers juges, violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction applicable au litige et le principe de réparation intégrale des préjudices ;
2°) ALORS QUE la réparation intégrale des préjudices est de principe ; qu'en se bornant à réparer les préjudices nés des pertes de marge subies, excluant la réparation des autres postes de préjudices invoqués dont certains avaient été retenus par l'expert judiciaire et tenant à des pénalités, frais et honoraires, la cour d'appel a violé le principe susvisé ;
3°) ALORS QU'à tout le moins, en ne s'expliquant pas sur le rejet de la demande l'indemnisation de ces préjudices, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°) ALORS QU'en limitant l'indemnisation des pertes matérielles subies en raison du déréférencement de la société Isa France par les sociétés de distribution à une perte de chance, sans répondre aux conclusions de Me T... qui soulignait que les référencements de la grande distribution portaient sur des années civiles comme l'avait constaté le sapiteur et en déduisait qu'il convenait de distinguer, d'une part, la période courant de la date de la bascule jusqu'au mois de décembre 2004, pendant laquelle la société Isa France subissait les dysfonctionnements matériels consécutifs à l'échec du projet de transfert et où elle avait en conséquence subi une perte de gains avérée puisqu'elle n'avait pu assumer les commandes prévues dans le cadre du référencement de l'année 2004, et, d'autre part, la période ayant couru à compter de janvier 2005 où elle avait subi une perte de chance de renouveler les référencements de l'année précédente, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
Moyens produits au pourvoi incident par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Helvetia assurances
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
III est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la société Helvetia assurances doit garantir le montant du préjudice imputé aux sociétés Mory et Mory Group Logistic et de l'avoir condamnée en conséquence à payer diverses sommes au liquidateur judiciaire de la société Isa France ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE la société Helvetia prétend que les activités couvertes par l'assurance ne couvrent que les activités de transport et de logistique ; mais les conditions particulières du contrat d'assurance Helvetia prévoient la couverture des activités « Gestionnaire de flux d'informations » et « Prestation de service sur contrat » activités dont relève le contrat conclu entre Isa et Mory Group ; que, si l'activité « Prestation de service sur contrat » figure sous la rubrique « logistique », c'est précisément dans ce domaine que Mory a présenté son offre globale, le projet informatique s'inscrivant en l'espèce dans une refonte des dispositifs logistiques d'Isa ; au surplus, comme l'ont justement retenu les premiers juges, la fonction logistique demeure indissociable de la mise en oeuvre de logiciels informatiques dédiés ; le jugement entrepris sera, en conséquence, confirmé en ce qu'il a dit que la société Helvetia Assurances doit garantir le montant du préjudice imputé aux sociétés Mory SA et MGL ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE Helvetia, assureur de Mory, explique que sa garantie ne couvre que les activités de transport et de logistique et non les prestations informatiques bien que les conditions particulières prévoient la couverture de l'activité de gestionnaire de flux d'information ; Helvetia poursuit en précisant que Mory n'a géré que la logistique et le transport et qu'elle n'est pas intervenue pour la partie informatique, la garantie ne s'applique pas ; elle ajoute que le logisticien est l'utilisateur de logiciels informatiques mais qu'en aucun cas, il ne réalise de logiciels informatiques ;
cependant, ce raisonnement est simpliste car la logistique qui repose sur un nombre considérable de données s'appuie sur un outil de traitement – le logiciel informatique – et la responsabilité des sociétés Mory SA et MGL provient essentiellement du fait que la projet n'a pas été correctement piloté ; de plus, s'il est vrai que le logisticien ne réalise pas de logiciels informatiques, il est partie prenante à l'adaptation de l'outil de traitement de données à ses propres besoins ;
ALORS QUE les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites : qu'il résulte de l'article 1-1 du chapitre 1 des conditions générales du contrat d'assurance que « la responsabilité civile contractuelle à l'égard des marchandises confiées et la responsabilité civile professionnelle de l'assuré sont garanties en cas de préjudice matériel et/ou en cas de préjudice immatériel consécutif ou non consécutif à un dommage matériel subis par les clients de l'assuré en conséquence de l'inexécution ou de la mauvaise exécution des obligations contractuelles de l'assuré telles qu'elles découlent (
) de toutes conventions ou contrats passés par l'assuré avec ses clients et pour lesquels l'assureur a donné son accord préalable » ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si l'accord préalable visé par cet article de la police d'assurances avait été donné par l'assureur concernant la convention litigieuse ayant notamment pour objet des prestations informatiques, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 devenu 1103 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR fixé la créance de Maître T... ès qualités de mandataire liquidateur de la SA Isa France au passif des sociétés Mory SA et Mory Group Logistic à la somme de 1.119.020,80 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 13 septembre 2011 au 10 juillet 2012, date du jugement de liquidation judiciaire de la société Mory SA et 3 avril 2012, date de la liquidation judiciaire de la société MGL, et d'avoir dit que la société Helvetia assurances doit garantir le montant du préjudice imputé aux sociétés Mory SA et Mory Group Logistic ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE sur le préjudice, la cour, reprenant les conclusions circonstanciées du sapiteur Bouchon, adopte les motifs des premiers juges qui ont justement fixé le préjudice subi par Isa à 228.356 euros sur le segment professionnel et à 1.170.420 euros sur le segment grand public, soit au total 1.398.776 euros ; le préjudice dont Isa est fondée à obtenir réparation s'élève à la somme de 1.119.020,80 euros; que la cour fixera la créance de Maître T... ès qualités de mandataire liquidateur de la société Isa France au passif des sociétés Mory SA et MGL à la somme de 1.119.020,80 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 13 septembre 2011 au 10 juillet 2012, date du jugement de liquidation judiciaire de la société Mory SA et 3 avril 2012, date de la liquidation judiciaire de la société MGL ; elle condamnera la SAS Sage, in solidum avec les sociétés Mory SA et MGL, à payer à Maître T... ès qualités la somme de 1.119.020,80 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 13 septembre 2011 ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'Isa France demande la réparation de son préjudice moral pour discrédit vis-à-vis de sa clientèle, mais que ce discrédit allégué est déjà sollicité dans le cadre de son préjudice financier, le tribunal déboutera Isa France de sa demande de préjudice moral ;
pour évaluer le préjudice matériel, le tribunal s'appuiera sur l'évaluation réalisée par le sapiteur, à la demande de l'expert judiciaire, car il considère que cette étude de qualité repose sur des bases rationnelles et équitables ; il ressort de cette évaluation que le préjudice lié aux désordres qu'a connu le secteur professionnel est égal au taux de marge du secteur (2,52 %) sur le chiffre d'affaire perdu (estimé par différence entre le chiffre d'affaires théorique que Isa France aurait dû connaitre durant les mois de août, septembre et octobre 2004 - calculé en prenant un taux d'accroissement moyen par rapport à l'année précédente de 5,4 % - et le chiffre d'affaires enregistré durant la période, soit un préjudice de 9 061 757 x 2,52 % = 228 356 € ;
la situation dans le secteur grand public est quelque peu différente car son activité dépend des décisions de référencement des grandes surfaces or pour la plupart des enseignes Carrefour, Leclerc, Casino, les chiffres d'affaires, soit ne montrent aucune perturbation pouvant être liée aux désordres de l'été 2004, soit affichent une décrue avant juillet 2004, soit encore un chiffre stable jusqu'en 2006 ; par contre, les enseignes Auchan et Cora ont réduit significativement leurs achats à la société Isa dans les mois qui ont suivi les désordres ; l'écart de chiffre d'affaires, dans les deux ans qui ont suivi les désordres invoqués par rapport à la période 2003-2004, a été de 59 219 157 € pour Auchan et de 7 194 408 € pour Cora, ce qui compte tenu du taux de marge, indiqué par demandeur, pour le domaine grand public de 4,7 % donne une marge manquante de 3 121 438 € ;
le tribunal, d'accord avec le sapiteur, considère qu'il convient de diminuer de moitié cette marge manquante, compte tenu des réponses évasives de la société Isa qui ont paru peu probantes sur les raisons de niveaux de marge très différents dans les deux secteurs ainsi que sur l'existence et le niveau de marges arrières et coopérations commerciales généralement imposées par la grande distribution ;
enfin, cette marge manquante ne constitue que le plafond de la perte de chance subie et le tribunal considère que les incidents de livraison constituent effectivement un handicap pour le fournisseur, la société sans ces difficultés aurait eu de l'ordre de 75 % de chances que les contrats de référencement soient renouvelés et retiendra en conséquence un préjudice de 1/2 x 3 121 438 x 0,75 = 1 170 420 € ;
ainsi, le préjudice total subi par Isa France sur ses deux secteurs est de 228 356 € + 1 170 420 € = 1 398 776 € ;
ALORS QU'en laissant sans aucune réponse les conclusions d'appel de la société Helvetia assurances (p. 102, alinéas 2-7, § 7.4), assorties d'offres de preuve, soutenant que le préjudice de la société Isa France devait être diminué d'un avoir du 31 août 2004 d'un montant de 365.521,56 euros qui lui avait été octroyé par la société Mory Group Logistic, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.