LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° B 24-82.506 F-D
N° 00427
SB4
1ER AVRIL 2025
CASSATION PARTIELLE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 1ER AVRIL 2025
Les sociétés [5] et [3] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-9, en date du 20 mars 2024, qui, pour publicité directe ou propagande en faveur du tabac, de ses produits ou ingrédients, a condamné la première à 50 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Charmoillaux, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société [3] et de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société [5], les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de [2], et les conclusions de Mme Gulphe-Berbain, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 mars 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Charmoillaux, conseiller rapporteur, M. Sottet, conseiller de la chambre, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. La société [3], exploitant un site internet d'information sous la dénomination « [1] », a publié sur celui-ci une vidéo consacrée à un produit commercialisé par le groupe [5], intitulée « IQOS : la cigarette moins nocive de [5] ».
3. L'association [2] (le [2]) a fait citer les sociétés [5] et [3] devant le tribunal correctionnel du chef de publicité directe ou propagande en faveur du tabac, de ses produits ou ingrédients.
4. Le tribunal a déclaré les deux prévenues coupables du chef précité, a condamné la société [5] à 50 000 euros d'amende et la société [3] à 50 000 euros d'amende avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils.
5. La société [5], le ministère public, la société [3], sur les seules dispositions civiles, et le [2] ont relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le moyen proposé pour la société [3] et le premier moyen proposé pour la société [5]
6. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le troisième moyen proposé pour la société [5]
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré la société [5] coupable des faits reprochés sous la prévention de publicité directe ou propagande en faveur du tabac, d'un produit du tabac ou des ingrédients, commis entre mars 2017 et le 22 août 2019, à [Localité 4] et sur le territoire national, alors :
« 5°/ que les personnes morales sont responsables pénalement des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants ; qu'en déclarant la société [5] coupable de publicité illicite en faveur d'un produit du tabac, à raison du reportage litigieux diffusé sur le site [1], sans indiquer quel organe ou représentant de la société aurait commis les faits litigieux, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision et a violé les articles 121-2 du code pénal et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 121-2 du code pénal et 593 du code de procédure pénale :
8. Il résulte du premier de ces textes que les personnes morales, à l'exception de l'Etat, sont responsables pénalement des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants.
9. Selon le second, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
10. Pour déclarer la société [5] coupable, l'arrêt attaqué énonce que la responsabilité de la personne morale prévenue, chargée de la conception et de la fabrication du produit litigieux objet du publi-reportage incriminé, est engagée au titre de sa participation personnelle comme coauteur de l'infraction de publicité illicite en faveur du tabac ou d'un produit du tabac.
11. En prononçant ainsi, sans déterminer par quel organe ou représentant de la société les manquements qu'elle a constatés ont été commis pour le compte de celle-ci, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.
12. La cassation est par conséquent encourue de ce chef, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs.
Portée et conséquences de la cassation
13. La cassation à intervenir ne concerne que les seules dispositions relatives à la culpabilité, à la peine et aux intérêts civils concernant la société [5]. Les autres dispositions seront donc maintenues.
14. En raison de la cassation prononcée, il n'y a pas lieu d'examiner les deuxième, quatrième, cinquième et sixième moyens de cassation proposés pour la société [5].
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 20 mars 2024, mais en ses seules dispositions relatives à la culpabilité, à la peine et aux intérêts civils concernant la société [5], toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
FIXE à 2 500 euros la somme que la société [3] devra payer au [2] en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
DIT n'y avoir lieu à autre application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du premier avril deux mille vingt-cinq.