Vu la procédure suivante :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 6 avril 2018 par lequel le président du syndicat intercommunal au service de la personne âgée (SISPA) " Vivre ensemble " l'a licenciée pour insuffisance professionnelle à l'issue de son stage, ainsi que la décision du 25 juillet 2018 par laquelle il a rejeté son recours gracieux, et d'enjoindre au président de ce syndicat de la réintégrer sur un emploi à responsabilité équivalente et de reconstituer sa carrière. Par un jugement n° 1801630 du 12 mars 2020, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a fait droit aux demandes de Mme B... en annulant l'arrêté du 6 avril 2018 du président du SISPA " Vivre ensemble " et en lui enjoignant de la réintégrer dans les effectifs du syndicat, de la titulariser et de reconstituer sa carrière à compter de la date d'effet de cet arrêté, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
Par un arrêt n° 20LY01426 du 4 mai 2022, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par le SISPA " Vivre ensemble " contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 4 juillet et 4 octobre 2022 et le 21 juin 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le SISPA " Vivre ensemble " demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de Mme B... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 92-1194 du 4 novembre 1992 ;
- le décret n° 2006-1691 du 22 décembre 2006 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Muriel Deroc, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de Mme A... B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 6 avril 2018, le président du syndicat intercommunal au service de la personne âgée (SISPA) " Vivre ensemble " a, après une prorogation de six mois de son stage par un arrêté du 30 octobre 2017, refusé de titulariser Mme A... B... dans son emploi d'adjointe technique territoriale de deuxième classe, affectée au service de portage de repas à domicile de personnes âgées, et a rejeté son recours gracieux contre cet arrêté par une décision du 25 juillet 2018. Mme B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand l'annulation de ces deux décisions et qu'il soit enjoint au SISPA " Vivre ensemble " de la réintégrer sur un emploi à responsabilité équivalente et de reconstituer sa carrière. Par un jugement du 12 mars 2020, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé l'arrêté du 6 avril 2018 du président du SISPA, lui a enjoint de réintégrer Mme B... dans les effectifs du syndicat, de la titulariser et de reconstituer sa carrière à compter de la date d'effet de cet arrêté, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Le SISPA " Vivre ensemble " se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 4 mai 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel qu'il a formé contre ce jugement.
2. Aux termes de l'article 46 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale applicable au litige : " La nomination (...) à un grade de la fonction publique territoriale présente un caractère conditionnel. La titularisation peut être prononcée à l'issue d'un stage dont la durée est fixée par le statut particulier (...) ". Aux termes de l'article 4 du décret du 4 novembre 1992 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires stagiaires de la fonction publique territoriale dans sa version applicable au litige : " La durée normale du stage et les conditions dans lesquelles elle peut éventuellement être prorogée sont fixées par les statuts particuliers des cadres d'emplois. / Sous réserve de dispositions contraires prévues par ces statuts et de celles résultant des articles 7 et 9 du présent décret, la durée normale du stage est fixée à un an. Elle peut être prorogée d'une période au maximum équivalente, après avis de la commission administrative paritaire compétente, si les aptitudes professionnelles du stagiaire ne sont pas jugées suffisantes pour permettre sa titularisation à l'expiration de la durée normale du stage (...) ". Aux termes de l'article 8 du décret du 22 décembre 2006 portant statut particulier du cadre d'emplois des adjoints techniques territoriaux : " Les candidats recrutés en qualité d'adjoint technique territorial sur un emploi d'une collectivité territoriale ou d'un établissement public d'une collectivité territoriale (...) sont nommés stagiaires par l'autorité territoriale investie du pouvoir de nomination pour une durée d'un an. (...) ". L'article 10 du même décret dispose que : " A l'issue du stage, les stagiaires dont les services ont donné satisfaction sont titularisés par décision de l'autorité territoriale investie du pouvoir de nomination (...). / Les autres stagiaires peuvent, sur décision de l'autorité territoriale, être autorisés à effectuer un stage complémentaire d'une durée maximale d'un an. Si le stage complémentaire a été jugé satisfaisant, les intéressés sont titularisés. / Les adjoints techniques territoriaux stagiaires et les adjoints techniques territoriaux principaux de 2e classe stagiaires (...) dont le stage complémentaire n'a pas été jugé satisfaisant, sont (...) licenciés s'ils n'avaient pas auparavant la qualité de fonctionnaire (...) ".
3. Un agent public ayant, à la suite de son recrutement ou dans le cadre de la formation qui lui est dispensée, la qualité de stagiaire se trouve dans une situation probatoire et provisoire. La décision de ne pas le titulariser en fin de stage est fondée sur l'appréciation portée par l'autorité compétente sur son aptitude à exercer les fonctions auxquelles il peut être appelé et, de manière générale, sur sa manière de servir, et se trouve ainsi prise en considération de sa personne. L'autorité compétente ne peut donc prendre légalement une décision de refus de titularisation, qui n'est soumise qu'aux formes et procédures expressément prévues par les lois et règlements, que si les faits qu'elle retient caractérisent des insuffisances dans l'exercice des fonctions et la manière de servir de l'intéressé. Cependant, la circonstance que tout ou partie de tels faits seraient également susceptibles de caractériser des fautes disciplinaires ne fait pas obstacle à ce que l'autorité compétente prenne légalement une décision de refus de titularisation, pourvu que l'intéressé ait été alors mis à même de faire valoir ses observations.
4. Il résulte de ce qui précède que, pour apprécier la légalité d'une décision de refus de titularisation, il incombe au juge de vérifier qu'elle ne repose pas sur des faits matériellement inexacts, qu'elle n'est entachée ni d'erreur de droit, ni d'erreur manifeste dans l'appréciation de l'insuffisance professionnelle de l'intéressé, qu'elle ne revêt pas le caractère d'une sanction disciplinaire et n'est entachée d'aucun détournement de pouvoir et que, si elle est fondée sur des motifs qui caractérisent une insuffisance professionnelle mais aussi des fautes disciplinaires, l'intéressé a été mis à même de faire valoir ses observations.
5. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour estimer que les faits opposés à Mme B... n'établissaient pas son inaptitude à l'emploi pour lequel elle avait été recrutée, la cour administrative d'appel s'est bornée à relever que les insuffisances reprochées, essentiellement concentrées au cours de la première partie du stage, s'étaient avérées ponctuelles et dépourvues de caractère récurrent ou persistant. Il ressort cependant des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'au moins cinq des manquements et difficultés relevés ont eu lieu au cours de la période de prolongation du stage. Il ressort également de ces pièces, ainsi que l'a d'ailleurs relevé la cour, que plusieurs incidents sont survenus tout au long de la période probatoire et caractérisent des insuffisances professionnelles, en particulier trois incidents liés à l'usage du véhicule de service faisant apparaître une inadéquation de la manière de servir de Mme B... avec les exigences requises, telles qu'elles ressortent de sa fiche de poste, pour occuper un emploi au service de portage de repas à domicile des personnes âgées, en matière de respect du code de la route, de conduite prudente dans des conditions climatiques parfois difficiles ainsi que de concentration et de maintien de l'attention au cours des trajets professionnels. Dans ces conditions, en estimant que le président du SISPA " Vivre ensemble " avait commis une erreur manifeste d'appréciation en retenant l'inaptitude professionnelle de Mme B... pour refuser de la titulariser dans son emploi, la cour a dénaturé les pièces du dossier.
6. Il résulte de tout ce qui précède que le SISPA " Vivre ensemble " est fondé, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.
7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... la somme que demande le SISPA " Vivre ensemble " au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge du SISPA " Vivre ensemble ", qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme B... demande à ce titre.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 4 mai 2022 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Lyon.
Article 3 : Les conclusions présentées par le syndicat intercommunal au service de la personne âgée " Vivre ensemble " et par Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au syndicat intercommunal au service de la personne âgée " Vivre ensemble " et à Mme A... B....
Délibéré à l'issue de la séance du 26 octobre 2023 où siégeaient : M. Stéphane Verclytte, président de chambre, présidant ; M. Christian Fournier, conseiller d'Etat et Mme Muriel Deroc, maître des requêtes-rapporteure.
Rendu le 9 novembre 2023.
Le président :
Signé : M. Stéphane Verclytte
La rapporteure :
Signé : Mme Muriel Deroc
La secrétaire :
Signé : Mme Elsa Sarrazin