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11/07/2024 | FRANCE | N°470738

France | France, Conseil d'État, 4ème chambre, 11 juillet 2024, 470738


Vu la procédure suivante :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 23 mai 2019 par laquelle la ministre du travail a, d'une part, retiré sa décision implicite de rejet du recours hiérarchique présenté par la société SMAC contre la décision du 29 octobre 2018 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité de contrôle n° 4 du département de Haute-Garonne a refusé d'autoriser son licenciement pour faute, d'autre part, annulé cette décision et autorisé la société SMAC à le lice

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Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 23 mai 2019 par laquelle la ministre du travail a, d'une part, retiré sa décision implicite de rejet du recours hiérarchique présenté par la société SMAC contre la décision du 29 octobre 2018 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité de contrôle n° 4 du département de Haute-Garonne a refusé d'autoriser son licenciement pour faute, d'autre part, annulé cette décision et autorisé la société SMAC à le licencier. Par un jugement n° 1904093 du 24 juin 2021, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 21TL23430 du 22 novembre 2022, la cour administrative d'appel de Toulouse a rejeté l'appel formé par M. B... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 23 janvier et 24 avril 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre solidairement à la charge de l'Etat et de la société SMAC la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Laurent Cabrera, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Jean-François de Montgolfier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de M. B... et au Cabinet François Pinet, avocat de la société SMAC ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société SMAC a demandé à l'inspection du travail l'autorisation de licencier pour faute M. B..., salarié protégé, recruté en qualité d'étancheur au sein de cette société depuis le 3 juin 2002. Par une décision du 29 octobre 2018, l'inspectrice du travail de l'unité de contrôle n° 4 du département de la Haute-Garonne a refusé d'autoriser le licenciement de M. B.... Par une décision du 23 mai 2019, la ministre chargée du travail a, d'une part, retiré sa décision implicite de rejet née du silence gardé sur le recours hiérarchique formé par la société SMAC contre cette décision, d'autre part, annulé celle-ci et autorisé le licenciement de M. B.... Par un jugement du 24 juin 2021, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande de M. B... tendant à l'annulation de cette décision. M. B... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 22 novembre 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Toulouse a rejeté son appel contre ce jugement.

Sur les règles applicables :

2. De première part, en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.

3. De deuxième part, lorsqu'il est saisi d'un recours hiérarchique contre une décision d'un inspecteur du travail statuant sur une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, le ministre chargé du travail doit, soit confirmer cette décision, soit, si celle-ci est illégale, l'annuler puis se prononcer de nouveau sur la demande d'autorisation de licenciement compte tenu des circonstances de droit et de fait à la date à laquelle il prend sa propre décision. Dans le cas où le ministre, ainsi saisi d'un recours hiérarchique, annule la décision par laquelle un inspecteur du travail s'est prononcé sur une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, il est tenu de motiver l'annulation de cette décision ainsi que le prévoit l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, que cette annulation repose sur un vice affectant la légalité externe de la décision ou sur un vice affectant sa légalité interne. Dans le premier cas, si le ministre doit indiquer les raisons pour lesquelles il estime que la décision de l'inspecteur du travail est entachée d'illégalité externe, il n'a pas en revanche à se prononcer sur le bien-fondé de ses motifs. Dans le second cas, il appartient au ministre d'indiquer les considérations pour lesquelles il estime que le motif ou, en cas de pluralité de motifs, chacun des motifs fondant la décision de l'inspecteur du travail est illégal.

4. De troisième part, aux termes de l'article L. 1232-2 du code du travail : " L'employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable. / La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l'objet de la convocation. / L'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation ". Le délai minimal de cinq jours entre la convocation à l'entretien préalable de licenciement et la tenue de cet entretien constitue une formalité substantielle dont la méconnaissance vicie la procédure de licenciement.

Sur le pourvoi :

5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, d'une part, l'inspectrice du travail a refusé par la décision du 29 octobre 2018 d'autoriser le licenciement pour faute de M. B... au motif que la matérialité des faits qui lui étaient reprochés, à savoir la méconnaissance des règles de sécurité et des retards répétés, ne pouvait être regardée comme établie, d'autre part, que la ministre chargée du travail, par sa décision du 23 mai 2019, a annulé cette décision et autorisé le licenciement du salarié protégé au motif que la méconnaissance des règles de sécurité était établie et constituait une faute d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement. En retenant que la décision contestée de la ministre du travail avait suffisamment justifié l'annulation de la décision de l'inspectrice du travail à laquelle elle procédait, en ce qu'elle avait mentionné dans sa décision que contrairement à ce qu'avait retenu l'inspectrice du travail, certains des faits reprochés étaient établis, la cour n'a pas entaché son arrêt d'erreur de droit.

6. En deuxième lieu, il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que la société SMAC a adressé à M. B..., par lettre recommandée avec demande d'avis de réception qu'il a signé le 14 août 2018, une convocation à un entretien préalable de licenciement fixé au 4 septembre 2018, l'employeur lui ayant toutefois également remis, le 29 août 2018, une seconde convocation au même entretien, toujours fixé au 4 septembre 2018, mais en précisant un nouvel horaire. En jugeant que, dans les circonstances particulières de l'espèce, le changement de l'horaire de l'entretien préalable n'avait pas entaché la procédure de licenciement d'irrégularité, de sorte que la décision attaquée n'était pas illégale sur ce point, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit.

7. En troisième lieu, il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, la cour a relevé qu'à plusieurs reprises, M. B... n'avait pas respecté les obligations de port des équipements individuels de sécurité, à savoir le casque, les gants et les chaussures de sécurité, alors qu'il avait, en sa qualité de responsable de chantier, connaissance des obligations individuelles de sécurité pesant sur les salariés, qu'il était en charge de les faire respecter et qu'il avait, en outre, suivi des formations à ce titre. En en déduisant que l'administration avait à bon droit considéré que ces manquements réitérés aux règles de sécurité sur les chantiers, alors que par ailleurs M. B... avait déjà fait l'objet d'une sanction de mise à pied à raison de manquements similaires, étaient d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, la cour administrative d'appel n'a ni commis d'erreur de droit, ni inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis.

8. En quatrième et dernier lieu, en jugeant que la demande d'autorisation de licenciement était dépourvue de lien avec le mandat de M. B..., la cour, qui a suffisamment motivé son arrêt, a porté sur les pièces du dossier une appréciation souveraine exempte de dénaturation et n'a pas commis d'erreur de droit.

9. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Toulouse qu'il attaque.

10. Il n'y pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société SMAC au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la société SMAC et de l'Etat qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes.

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de M. B... est rejeté.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société SMAC au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A... B..., à la société SMAC et à la ministre du travail, de la santé et des solidarités.


Synthèse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 470738
Date de la décision : 11/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 11 jui. 2024, n° 470738
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Laurent Cabrera
Rapporteur public ?: M. Jean-François de Montgolfier
Avocat(s) : SARL THOUVENIN, COUDRAY, GREVY ; CABINET FRANÇOIS PINET

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:470738.20240711
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