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19/01/2022 | FRANCE | N°19-26061

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 19 janvier 2022, 19-26061


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MY1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 19 janvier 2022

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 75 FS-D

Pourvoi n° V 19-26.061

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 19 JANVIER 2022

La société Le Crédit lyonnais, société anonyme, dont le sièg

e est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 19-26.061 contre l'arrêt rendu le 23 octobre 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 6), dans ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MY1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 19 janvier 2022

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 75 FS-D

Pourvoi n° V 19-26.061

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 19 JANVIER 2022

La société Le Crédit lyonnais, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 19-26.061 contre l'arrêt rendu le 23 octobre 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 6), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [T] [P], divorcée [X], domiciliée [Adresse 7],

2°/ à Mme [V] [S],

3°/ à M. [Z] [S],

domiciliés tous deux [Adresse 5],

4°/ à Mme [N] [S], domiciliée [Adresse 3],

5°/ à Mme [L] [S], domiciliée [Adresse 11] (Allemagne),

6°/ à la société Mifra, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 7],

7°/ à Mme [F] [I], domiciliée [Adresse 6], prise en qualité de mandataire ad hoc de la société Mifra,

8°/ au directeur général des finances publiques, domicilié [Adresse 8],

9°/ au Service des domaines, représenté par le directeur général des finances publiques et le directeur national d'interventions domaniales, domicilié le siège est [Adresse 4], pris en qualité de curateur à la succession vacante de [W] [S], selon ordonnance du président du tribunal de gtande instance de Versailles du 13 juin 2017,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Dazzan, conseiller référendaire, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société Le Crédit Lyonnais, de la SCP Foussard et Froger, avocat du Service des domaines, représenté par le directeur général des finances publiques et le directeur national d'interventions domaniales, ès qualités, et l'avis de M. Lavigne, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 novembre 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Dazzan, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, MM. Avel, Mornet, Chevalier, Mmes Kerner-Menay, Bacache, M. Bruyère, conseillers, M. Vitse, Mmes Le Gall, Kloda, M. Serrier, Mmes Champ, Robin-Raschel, conseillers référendaires M. Lavigne, avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 octobre 2019), le 1er septembre 2008, la société civile immobilière Mifra (la SCI), constituée entre Mme [P] et [W] [S], a acquis, au prix de 557 000 euros, un bien immobilier financé par un prêt qui lui a été consenti par la société Le Crédit lyonnais (la banque) et dont le remboursement était garanti notamment par l'inscription d'une hypothèque conventionnelle. Par un acte authentique dressé le 9 septembre 2008 et publié le 7 octobre 2008 au service de la publicité foncière, la SCI a consenti à Mme [P] un prêt à usage sur ce bien immobilier avec effet jusqu'à son décès.

2. A la suite de la défaillance financière des emprunteurs à compter du 1er avril 2013, la banque a levé un état hypothécaire le 26 mai 2014, puis assigné la SCI, Mme [P] et [W] [S] en inopposabilité du prêt à usage les 1er et 23 juillet 2014. Mme [P] a opposé la prescription. Mme [I] est intervenue à l'instance en qualité d'administrateur judiciaire de la SCI. [W] [S] étant décédé le 26 août 2016, ses ayants droit sont intervenus volontairement à l'instance.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La banque fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme prescrite sa demande tendant à lui voir déclarer inopposable, ainsi qu'aux éventuels adjudicataires du bien, l'acte notarié du 9 septembre 2008, alors « que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que la publication d'un acte frauduleux n'implique pas que le créancier exerçant, par voie paulienne, une action en inopposabilité de cet acte, ait effectivement connu ou aurait dû connaître cet acte, le créancier ne pouvant être réputé avoir eu connaissance de son existence à la date de sa publication, du seul fait de celle-ci ; qu'en estimant néanmoins, pour déclarer prescrite l'action paulienne formée par la banque les 1er et 23 juillet 2014, à l'encontre d'un acte de prêt à usage conclu entre la SCI, emprunteur des fonds prêtés et propriétaire du bien financé, et Mme [P], bénéficiaire de ce commodat, qu'au jour de la publication du commodat litigieux auprès des services de la publicité foncière, publication intervenue le 7 octobre 2008, la banque était réputée avoir eu connaissance de l'existence de cet acte et avoir ainsi été en mesure d'exercer ses droits, cependant que cette publication de l'acte n'impliquait pas que la banque aurait dû en avoir connaissance et était en mesure d'exercer ses droits dès cette date, la cour d'appel a violé l'article 1167 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-231 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

4. Il résulte des articles 1167, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et 2224 du code civil que l'action des créanciers en inopposabilité d'actes accomplis par leur débiteur en fraude de leurs droits se prescrit par cinq ans à compter du jour où ils ont connu ou auraient dû connaître ces actes.

5. Ayant retenu à bon droit que, dès lors que le prêt à usage avait été régulièrement porté à la connaissance des tiers par sa publication au service de la publicité foncière, le 7 octobre 2008, la banque était réputée en avoir eu connaissance dès cette date, la cour d'appel en a exactement déduit que l'action en inopposabilité de ce prêt, engagée plus de cinq ans après, était prescrite.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Le Crédit lyonnais aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Le Crédit lyonnais ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf janvier deux mille vingt-deux.

Le conseiller referendaire rapporteur le president

Le greffier de chambre

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour la société Le Crédit Lyonnais.

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, D'AVOIR déclaré irrecevable car prescrite la demande du Crédit Lyonnais tendant à lui voir déclarer inopposable, ainsi qu'à d'éventuels adjudicataires du bien situé à [Localité 9], l'acte notarié de prêt à usage en date du 9 septembre 2008, conclu entre la SCI Mifra et madame [P] ;

AUX MOTIFS QUE sur l'action paulienne, en application de l'article 1167 du code civil, devenu 1341-2, dans sa version en vigueur jusqu'au 1er octobre 2016 applicable au litige, les créanciers peuvent, en leur nom personnel, attaquer les actes faits par leur débiteur en fraude de leurs droits ; que, sur la demande d'inopposabilité du commodat du Crédit lyonnais, comme admis par les parties, l'action paulienne est soumise au délai de prescription de l'article 2224 du code civil dans sa rédaction issue de la loi nº 2008-561 du 17 juin 2008 qui dispose que « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer » ; qu'en l'espèce, si le Crédit lyonnais soutient n'avoir eu connaissance de l'acte de commodat reçu par maître [M], notaire à [Localité 10], le 9 septembre 2008, qu'à la suite de sa demande de renseignements sur la situation du bien situé à [Localité 9], du 26 mai 2014, il est établi par ce même relevé des formalités publiées que l'acte de commodat litigieux a fait l'objet d'un dépôt le 7 octobre 2008 au service de publicité foncière de Créteil de sorte qu'ayant été régulièrement porté à la connaissance des tiers du fait de sa publication, le Crédit lyonnais est réputé avoir eu connaissance de son existence dès cette date et avoir ainsi été en mesure, dès le 7 octobre 2008, d'exercer ses droits ; que par ailleurs, il est admis que le principe selon lequel l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre connaît une exception lorsque deux actions, bien qu'ayant une cause distincte, tendent à un seul et même but de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première ; qu'en l'espèce, le Crédit lyonnais a engagé une procédure en recouvrement à l'encontre de la SCI Mifra en lui faisant délivrer le 1er juillet 2014 un commandement de payer valant saisie immobilière, fondé sur sa créance au titre du solde du prêt reçu par acte notarié du 1er septembre 2008, action en recouvrement dont il n'est pas contesté qu'elle n'est pas prescrite, dès lors que des paiements sont intervenus jusqu'en avril 2013 ; que néanmoins, s'il peut être retenu qu'une action en recouvrement est virtuellement comprise dans une action paulienne et peut ainsi bénéficier des mêmes causes d'interruption de la prescription dès lors que l'action paulienne permet de rétablir le gage du créancier et partant, l'efficacité d'un recouvrement ultérieur à intervenir, le Crédit lyonnais ne démontre pas en quoi, à l'inverse, son action paulienne tendant à se voir déclarer inopposable un acte notarié de commodat conclu entre sa débitrice, la SCI Mifra et madame [P] le 9 septembre 2008, au motif qu'il appauvrit sa débitrice, serait virtuellement comprise dans son action en recouvrement initiée en juillet 2014 alors même que la première ne saurait découler de la seconde mais doit la précéder sauf à considérer qu'une action en recouvrement renferme virtuellement toutes les actions de nature à la fonder ; que dès lors, le Crédit lyonnais ayant introduit son action paulienne par voie d'assignation des 1er et 23 juillet 2014, alors que la prescription a été acquise le 7 octobre 2013, son action est irrecevable comme tardive ; que par conséquent, le jugement entrepris est infirmé en ce qu'il a déclaré l'acte notarié de prêt à usage ou commodat conclu le 9 septembre 2008 entre la SCI Mifra et madame [P] inopposable à la banque et à d'éventuels adjudicataires du bien immobilier situé [Adresse 1] et [Adresse 7] (arrêt, pp. 10-11) ;

ALORS QUE les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que la publication d'un acte frauduleux n'implique pas que le créancier exerçant, par voie paulienne, une action en inopposabilité de cet acte, ait effectivement connu ou aurait dû connaître cet acte, le créancier ne pouvant être réputé avoir eu connaissance de son existence à la date de sa publication, du seul fait de celle-ci ; qu'en estimant néanmoins, pour déclarer prescrite l'action paulienne formée par le Crédit Lyonnais les 1er et 23 juillet 2014, à l'encontre d'un acte de prêt à usage conclu entre la SCI Mifra, emprunteur des fonds prêtés et propriétaire du bien financé, et madame [P], bénéficiaire de ce commodat, qu'au jour de la publication du commodat litigieux auprès des services de la publicité foncière, publication intervenue le 7 octobre 2008, la banque était réputée avoir eu connaissance de l'existence de cet acte et avoir ainsi été en mesure d'exercer ses droits, cependant que cette publication de l'acte n'impliquait pas que la banque aurait dû en avoir connaissance et était en mesure d'exercer ses droits dès cette date, la cour d'appel a violé l'article 1167 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-231 du 10 février 2016.

Le greffier de chambre


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 19-26061
Date de la décision : 19/01/2022
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 23 octobre 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 19 jan. 2022, pourvoi n°19-26061


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, SCP Foussard et Froger, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:19.26061
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