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24/07/2024 | FRANCE | N°471554

France | France, Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 24 juillet 2024, 471554


Vu la procédure suivante :



L'association de protection des collines peypinoises a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 13 août 2019 par lequel le maire de Peypin (Bouches-du-Rhône) a accordé à Mme C... A... un permis d'aménager neuf lots à bâtir sur la parcelle cadastrée section AW 195 et d'enjoindre au maire de lui communiquer la délibération du 10 juillet 2020 ainsi que la convention de participation signée avec Mme A....



Par un jugement n° 2008460 du 22 décembre

2022, le tribunal administratif de Marseille, après avoir admis l'intervention de France...

Vu la procédure suivante :

L'association de protection des collines peypinoises a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 13 août 2019 par lequel le maire de Peypin (Bouches-du-Rhône) a accordé à Mme C... A... un permis d'aménager neuf lots à bâtir sur la parcelle cadastrée section AW 195 et d'enjoindre au maire de lui communiquer la délibération du 10 juillet 2020 ainsi que la convention de participation signée avec Mme A....

Par un jugement n° 2008460 du 22 décembre 2022, le tribunal administratif de Marseille, après avoir admis l'intervention de France Nature Environnement Bouches-du-Rhône au soutien de la demande, a rejeté celle-ci.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 21 février et 22 mai 2023 et le 11 avril 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association de protection des collines peypinoises et France Nature Environnement Bouches-du-Rhône demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à la demande présentée au tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Peypin et de Mme A... la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Nathalie Destais, conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Frédéric Puigserver, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Meier-Bourdeau, Lecuyer et associés, avocat de l'association de protection des collines peypinoises et autre, à la SCP Bauer-Violas - Feschotte-Desbois - Sebagh, avocat de Mme A... et à la SCP Spinosi avocat de la commune de Peypin ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le maire de Peypin a, par un arrêté du 8 mars 2018, délivré à la société BJA Promotion un permis d'aménager neuf lots à bâtir pour la réalisation de 24 logements au maximum, sur un terrain à l'état naturel situé sur la parcelle cadastrée AW 195. Par un arrêté du 18 octobre 2018, ce permis d'aménager a été transféré à Mme A.... Par un jugement du 11 mars 2021, le tribunal administratif de Marseille a fait droit à la demande de l'association de protection des collines peypinoises tendant à l'annulation de ce permis d'aménager. Au cours de cette instance, le maire de Peypin a, par un arrêté du 13 août 2019, délivré à Mme A... un second permis d'aménager, relatif au même terrain d'assiette et portant sur le même projet, exception faite d'une modification portant sur l'emplacement réservé au local à poubelles. L'association de protection des collines peypinoises a, par une demande distincte formée le 3 novembre 2020, demandé au tribunal administratif de Marseille l'annulation pour excès de pouvoir de ce second permis d'aménager. Par un jugement du 22 décembre 2022, le tribunal administratif, après avoir admis l'intervention de France Nature Environnement Bouches-du-Rhône au soutien de la demande, s'est fondé, pour la rejeter comme irrecevable, sur les dispositions de l'article L. 600-5-2 du code de l'urbanisme. L'association de protection des collines peypinoises et France Nature Environnement Bouches-du-Rhône se pourvoient en cassation contre ce dernier jugement.

2. Aux termes de l'article L. 600-5-2 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'un permis modificatif, une décision modificative ou une mesure de régularisation intervient au cours d'une instance portant sur un recours dirigé contre le permis de construire, de démolir ou d'aménager initialement délivré ou contre la décision de non-opposition à déclaration préalable initialement obtenue et que ce permis modificatif, cette décision modificative ou cette mesure de régularisation ont été communiqués aux parties à cette instance, la légalité de cet acte ne peut être contestée par les parties que dans le cadre de cette même instance ".

3. Il résulte de ces dispositions que les parties à une instance portant sur un recours dirigé contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager initialement délivré ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable initialement obtenue sont recevables à contester la légalité d'un permis modificatif, d'une décision modificative ou d'une mesure de régularisation intervenue au cours de cette instance, lorsqu'elle leur a été communiquée, tant que le juge n'a pas statué au fond, sans condition de forme ni de délai. Si cette contestation prend la forme d'un recours pour excès de pouvoir présenté devant la juridiction saisie de la décision initiale ou qui lui est transmis en application de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, elle doit être regardée comme un mémoire produit dans l'instance en cours. La circonstance qu'elle ait été enregistrée comme une requête distincte est sans incidence dès lors qu'elle a été jointe à l'instance en cours pour y statuer par une même décision.

4. Pour rejeter comme irrecevable, en se fondant sur les dispositions de l'article L. 600-5-2 du code de l'urbanisme, le recours de l'association de protection des collines peypinoises tendant à l'annulation du permis d'aménager délivré le 13 août 2019, le tribunal administratif de Marseille a retenu, par le jugement attaqué, que ce permis devait être regardé comme un permis modificatif de celui qui avait été délivré le 8 mars 2018, de sorte que sa légalité aurait dû être contestée dans le cadre de l'instance relative au permis initial.

5. Il ressort toutefois des pièces du dossier soumis au juge du fond que l'association requérante, parallèlement au recours pour excès de pouvoir qu'elle a formé devant le tribunal administratif le 3 novembre 2020 contre le second permis d'aménager délivré le 13 août 2019, avait produit, le 18 novembre 2020, dans l'instance alors en cours relative au premier permis d'aménager délivré le 8 mars 2018, un mémoire auquel était joint ce second permis. Le maire de Peypin ayant fait valoir, notamment dans un courrier du 31 janvier 2020, que ce second permis constituait un permis distinct et autonome du premier et ne présentait pas un caractère modificatif, le tribunal administratif, par son jugement du 11 mars 2021 statuant sur le recours formé contre le permis initial, s'est abstenu de statuer sur le second permis, alors qu'il lui appartenait de le faire, par application des dispositions de l'article L. 600-5-2 du code de l'urbanisme, s'il estimait que le second permis présentait le caractère d'un permis modificatif du premier et que les conditions posées par cet article L. 600-5-2 étaient réunies, en joignant le recours formé contre le second permis à l'instance alors en cours contre le premier. Dans ces conditions, le tribunal ne pouvait ensuite, sans erreur de droit, rejeter, par le jugement attaqué, la demande dirigée contre le second permis comme irrecevable, au motif qu'il devait être regardé comme un permis modificatif qui aurait dû être attaqué sur le fondement de l'article L. 600-5-2 du code de l'urbanisme dans le cadre de l'instance dirigée contre le premier permis.

6. Si Mme A... et la commune font valoir, en défense, que devrait être substitué au motif erroné retenu par le jugement attaqué celui tiré de la tardiveté de la requête formée le 3 novembre 2020, dès lors que l'association requérante devait, selon elles, être réputée avoir eu connaissance acquise du permis litigieux au plus tard à compter du 12 septembre 2019, un tel motif, en tout état de cause, suppose l'appréciation de circonstances de fait. Il ne saurait être substitué par le juge de cassation au motif erroné retenu par le tribunal administratif pour justifier le dispositif de son jugement du 22 décembre 2022.

7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, que l'association de défense des collines peypinoises et autre sont fondées à demander l'annulation du jugement qu'elles attaquent.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Peypin, d'une part, et à la charge de Mme A..., d'autre part, une somme de 1 500 euros, chacune, à verser à l'association de défense des collines peypinoises au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de cet article font en revanche obstacle à ce qu'une somme soit mise au même titre à la charge de l'association de défense des collines peypinoises et de l'association France Nature Environnement Bouches-du-Rhône qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 22 décembre 2022 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Marseille.

Article 3 : La commune de Peypin et Mme A... verseront, chacune, à l'association de défense des collines peypinoises une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Peypin et Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'association de protection des collines peypinoises, représentante unique des requérantes, à Mme C... A... et à la commune de Peypin.

Délibéré à l'issue de la séance du 28 juin 2024 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; Mme Sophie-Caroline de Margerie, M. Alain Seban, Mme Fabienne Lambolez, M. Cyril Roger-Lacan, M. Stéphane Hoynck, conseillers d'Etat et Mme Nathalie Destais, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 24 juillet 2024.

Le président :

Signé : M. Jacques-Henri Stahl

La rapporteure :

Signé : Mme Nathalie Destais

La secrétaire :

Signé : Mme Marie-Adeline Allain


Synthèse
Formation : 6ème - 5ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 471554
Date de la décision : 24/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 24 jui. 2024, n° 471554
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Nathalie Destais
Rapporteur public ?: M. Frédéric Puigserver
Avocat(s) : SARL MEIER-BOURDEAU, LECUYER ET ASSOCIES ; SCP SPINOSI ; SCP BAUER-VIOLAS - FESCHOTTE-DESBOIS - SEBAGH

Origine de la décision
Date de l'import : 27/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:471554.20240724
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