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29/11/2024 | FRANCE | N°489545

France | France, Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 29 novembre 2024, 489545


Vu les procédures suivantes :



La Fédération nationale des associations d'usagers des transports (FNAUT) a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 15 avril 2019 du président de SNCF Réseau et celle née du silence gardé par le préfet de l'Ain par lesquelles ceux-ci ont rejeté sa demande, présentée le 14 janvier 2019, tendant à ce que soient dressés des procès-verbaux de contravention de grande voirie à raison des atteintes portées au domaine public ferroviaire sur la ligne Oyonnax-Saint-Claude aux passages à niveau n° 8

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Vu les procédures suivantes :

La Fédération nationale des associations d'usagers des transports (FNAUT) a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 15 avril 2019 du président de SNCF Réseau et celle née du silence gardé par le préfet de l'Ain par lesquelles ceux-ci ont rejeté sa demande, présentée le 14 janvier 2019, tendant à ce que soient dressés des procès-verbaux de contravention de grande voirie à raison des atteintes portées au domaine public ferroviaire sur la ligne Oyonnax-Saint-Claude aux passages à niveau n° 87 (PK 102,38) et n° 91 (PK 103,846) et à ce que les auteurs des faits soient cités à comparaître devant ce tribunal. Par un jugement n° 1903579 du 26 octobre 2021, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 21LY04213 du 21 septembre 2023, la cour administrative d'appel de Lyon a annulé la décision implicite du préfet de l'Ain portant refus de dresser des procès-verbaux de contravention de grande voirie à raison des travaux réalisés aux passages à niveau n° 87 et n° 91 de la ligne de chemin de fer reliant Oyonnax à Saint-Claude et refus d'engager des poursuites à l'encontre de SNCF Réseau, enjoint au préfet de faire dresser ces procès-verbaux et de procéder aux poursuites correspondantes dans un délai de deux mois à compter de la notification de son arrêt et réformé le jugement du 26 octobre 2021 du tribunal administratif de Lyon en ce qu'il avait de contraire.

1° Sous le n° 489545, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 21 novembre 2023 et 22 février 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt.

2° Sous le n° 489568, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 21 novembre 2023 et 21 février 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société SNCF Réseau demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 21 septembre 2023 de la cour administrative d'appel de Lyon ;

2°) de mettre à la charge de la Fédération nationale des associations d'usagers des transports la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code des transports ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Vincent Mahé, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à Me Brouchot, avocat de la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (FNAUT) et à la SARL Meier-Bourdeau, Lecuyer et associés, avocat de SNCF Réseau ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'après avoir constaté que le platelage des passages à niveau n° 87 et 91 de la ligne de chemin de fer reliant Oyonnax (Ain) à Saint-Claude (Jura), sur laquelle la circulation des trains avait été suspendue pour une durée indéterminée à compter du 10 décembre 2017, était dans un état que ses services ont qualifié de " moyen ", SNCF Réseau a fait procéder au cours de l'été 2018 à des travaux consistant à remplacer à ces endroits les rails et le platelage par un enrobé de bitume. Estimant que le dépôt d'un tel enrobé de bitume sur la voie ferrée portait atteinte à l'intégrité du réseau ferroviaire, la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (FNAUT) a demandé, par deux courriers du 14 janvier 2019 respectivement adressés au préfet de l'Ain et au président de SNCF Réseau, que ces autorités fassent dresser, en vertu des pouvoirs que l'article L. 2232-1 du code des transports leur attribue, procès-verbal de contravention de grande voirie à l'encontre des auteurs des travaux et procèdent aux poursuites des infractions ainsi constatées. Par un jugement du 26 octobre 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de la FNAUT tendant à ce que les décisions de rejet qui lui avaient été opposées soient annulées et à ce qu'il soit enjoint au préfet de l'Ain et au président de SNCF Réseau de constater une contravention de grande voirie et d'engager des poursuites contre cette dernière société. Par deux pourvois qu'il y a lieu de joindre pour statuer par une seule décision, le ministre de la transition écologique et SNCF Réseau demandent l'annulation de l'arrêt du 21 septembre 2023 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon, statuant sur l'appel de la FNAUT, a annulé la décision du préfet de l'Ain refusant de dresser les procès-verbaux sollicités, enjoint à ce préfet de faire dresser ces procès-verbaux dans un délai de deux mois et réformé le jugement en ce qu'il avait de contraire à cet arrêt.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 2111-1 du code des transports, dans sa rédaction en vigueur à la date des décisions de rejet attaquées par la FNAUT devant les juges du fond : " SNCF Réseau est le propriétaire unique de l'ensemble des lignes du réseau ferré national ". Aux termes de l'article L. 2111-9 du même code : " SNCF Réseau est le gestionnaire du réseau ferré national. Sa gestion vise à une utilisation optimale du réseau ferré national, dans des objectifs de sécurité, de qualité de service et de maîtrise des coûts (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 2132-2 du code général de la propriété des personnes publiques : " Les contraventions de grande voirie sont instituées par la loi ou par décret, selon le montant de l'amende encourue, en vue de la répression des manquements aux textes qui ont pour objet, pour les dépendances du domaine public n'appartenant pas à la voirie routière, la protection soit de l'intégrité ou de l'utilisation de ce domaine public, soit d'une servitude administrative mentionnée à l'article L. 2131-1 ". Aux termes de l'article L. 2232-1 du code des transports dans sa rédaction en vigueur à la date des décisions attaquées devant les juges du fond, les infractions aux mesures édictées pour la conservation du domaine public ferroviaire par le chapitre I du titre III du livre II de la deuxième partie du même code " sont constatées, poursuivies et réprimées comme en matière de grande voirie. / SNCF Réseau exerce concurremment avec l'Etat les pouvoirs dévolus à ce dernier pour la répression des atteintes à l'intégrité et à la conservation de son domaine public ". Enfin, aux termes de l'article L. 2231-2 du même code, dans sa rédaction en vigueur à la même date : " Tout dépôt de terre et autres objets quelconques, ainsi que le pacage des bestiaux, est interdit sur l'étendue du domaine public ferroviaire ".

4. Si l'Etat et SNCF Réseau sont tenus, par application des principes régissant la domanialité publique, de veiller à l'utilisation normale du domaine public ferroviaire et d'exercer à cet effet, dans la limite des autres intérêts généraux dont ils ont la charge, les pouvoirs qu'ils tiennent de la législation en vigueur, y compris celui de saisir le juge des contraventions de grande voirie, pour réprimer les atteintes à son intégrité et à sa conservation, la procédure de contravention de grande voirie réprimant, dans les conditions prévues à l'article L. 2232-1 du code des transports, la méconnaissance des articles L. 2231-1 à L. 2231-9 du même code, n'est pas susceptible d'être engagée à l'encontre de SNCF Réseau pris en sa qualité de propriétaire, ou désormais d'attributaire, et de gestionnaire de ce réseau par détermination de la loi, à raison des actions qu'il conduit ou qui sont conduites pour son compte sur le domaine public ferroviaire. Contrairement à ce que soutient la FNAUT, cette impossibilité n'a pas pour conséquence de soustraire le propriétaire ou le gestionnaire du réseau à tout régime de responsabilité, ni ne viole le droit d'accès au juge protégé par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

5. Dès lors, en jugeant que les travaux effectués pour le compte de SNCF Réseau afin de recouvrir de bitume les deux passages à niveau en litige devaient donner lieu à des poursuites pour contravention de grande voirie sur le fondement de l'article L. 2231-2 du code des transports, alors qu'à la date des décisions attaquées devant les juges du fond, la loi désignait SNCF Réseau comme le propriétaire et le gestionnaire du réseau et le chargeait concurremment avec l'Etat d'en assurer la protection domaniale, la cour administrative d'appel de Lyon a commis une erreur de droit.

6. Il en résulte que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens des pourvois, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et SNCF Réseau sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt attaqué, en tant qu'il a statué sur le refus du préfet de l'Ain d'engager à l'encontre de SNCF Réseau une procédure pour contravention de grande voirie.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond dans cette mesure en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

8. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 ci-dessus qu'aucune procédure de contravention de grande voirie n'est susceptible d'être engagée contre SNCF Réseau à raison des travaux qu'il a fait effectuer sur la voie ferrée en litige. La FNAUT n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision par laquelle le préfet de l'Ain a refusé d'engager des poursuites pour contravention de grande voirie à l'encontre de SNCF Réseau à raison des faits en cause. Ses conclusions tendant à ce qu'il lui soit enjoint d'engager de telles poursuites ne peuvent par suite qu'être rejetées.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Fédération nationale des associations d'usagers des transports la somme de 3 000 euros, à verser à SNCF Réseau en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat et de SNCF Réseau, qui ne sont pas, dans les présentes instances, les parties perdantes.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 21 septembre 2023 de la cour administrative d'appel de Lyon est annulé en tant qu'il a statué sur le refus du préfet de l'Ain d'engager une procédure de contravention de grande voirie à l'encontre de SNCF Réseau.

Article 2 : L'appel formé par la Fédération nationale des associations d'usagers des transports et ses conclusions présentées devant le Conseil d'Etat sont rejetés.

Article 3 : La Fédération nationale des associations d'usagers des transports versera à SNCF Réseau une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques, à SNCF Réseau et à la Fédération nationale des associations d'usagers de transport.

Délibéré à l'issue de la séance du 6 novembre 2024 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; M. Jonathan Bosredon, M. Philippe Ranquet, Mme Sylvie Pellissier, Mme Emilie Bokdam-Tognetti, Mme Catherine Fischer-Hirtz, conseillers d'Etat et M. Vincent Mahé, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 29 novembre 2024.

Le président :

Signé : M. Pierre Collin

Le rapporteur :

Signé : M. Vincent Mahé

La secrétaire :

Signé : Mme Magali Méaulle


Synthèse
Formation : 8ème - 3ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 489545
Date de la décision : 29/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 29 nov. 2024, n° 489545
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Vincent Mahé
Rapporteur public ?: Mme Karin Ciavaldini
Avocat(s) : SARL MEIER-BOURDEAU, LECUYER ET ASSOCIES ; BROUCHOT

Origine de la décision
Date de l'import : 01/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:489545.20241129
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