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21/03/2023 | FRANCE | N°465082

France | France, Conseil d'État, 4ème chambre, 21 mars 2023, 465082


Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 17 juin, 28 octobre et 30 novembre 2022, M. A... D... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 12 avril 2022 en tant que, par cette décision, le Conseil national de l'ordre des médecins, statuant en formation restreinte, l'a suspendu du droit d'exercer la gynécologie médicale pour une durée de dix-huit mois et a subordonné la reprise de son activité au suivi et à la vali

dation d'une formation théorique et pratique en gynécologie médicale ;

2°) d...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 17 juin, 28 octobre et 30 novembre 2022, M. A... D... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 12 avril 2022 en tant que, par cette décision, le Conseil national de l'ordre des médecins, statuant en formation restreinte, l'a suspendu du droit d'exercer la gynécologie médicale pour une durée de dix-huit mois et a subordonné la reprise de son activité au suivi et à la validation d'une formation théorique et pratique en gynécologie médicale ;

2°) de mettre à la charge du Conseil national de l'ordre des médecins la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Spinosi, avocat de M. D..., sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Françoise Tomé, conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Spinosi, avocat de M. D... et à la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat du Conseil national de l'ordre des médecins ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article R. 4124-3-5 du code de la santé publique : " I.- En cas d'insuffisance professionnelle rendant dangereux l'exercice de la profession, la suspension temporaire, totale ou partielle, du droit d'exercer est prononcée par le conseil régional ou interrégional pour une période déterminée qui peut, s'il y a lieu, être renouvelée. / Le conseil régional ou interrégional est saisi à cet effet soit par le directeur général de l'agence régionale de santé, soit par une délibération du conseil départemental ou du conseil national. Ces saisines ne sont pas susceptibles de recours. / II. - La suspension ne peut être ordonnée que sur un rapport motivé établi à la demande du conseil régional ou interrégional dans les conditions suivantes : / 1° Pour les médecins, le rapport est établi par trois médecins qualifiés dans la même spécialité que celle du praticien concerné désignés comme experts, le premier par l'intéressé, le deuxième par le conseil régional ou interrégional et le troisième par les deux premiers experts. Ce dernier est choisi parmi les personnels enseignants et hospitaliers titulaires de la spécialité. (...) / (...) / III.- En cas de carence de l'intéressé lors de la désignation du premier expert ou de désaccord des deux experts lors de la désignation du troisième, la désignation est faite, à la demande du conseil régional ou interrégional, par ordonnance du président du tribunal judiciaire dans le ressort duquel se trouve la résidence professionnelle de l'intéressé. Cette demande est dispensée de ministère d'avocat. IV.- Les experts procèdent ensemble, sauf impossibilité manifeste, à l'examen des connaissances théoriques et pratiques du praticien. Le rapport d'expertise (...) indique les insuffisances relevées au cours de l'expertise, leur dangerosité et préconise les moyens de les pallier par une formation théorique et, si nécessaire, pratique. (...) / VI. Si le conseil régional ou interrégional n'a pas statué dans le délai de deux mois à compter de la réception de la demande dont il est saisi, l'affaire est portée devant le Conseil national de l'ordre. / VII. - La décision de suspension temporaire du droit d'exercer pour insuffisance professionnelle définit les obligations de formation du praticien. (...) ".

2. Il ressort des pièces du dossier que le conseil régional Centre Val de Loire de l'ordre des médecins a été saisi par le conseil départemental d'Indre et Loire de l'ordre des médecins, sur le fondement des dispositions de l'article R. 4124-3-5 du code de la santé publique citées au point 1, de la situation de M. D..., médecin spécialiste, qualifié en gynécologie obstétrique. Statuant, en application du VI du même article, sur renvoi du conseil régional du Centre Val de Loire, la formation restreinte du Conseil national de l'ordre des médecins a, par la décision attaquée du 12 avril 2022, suspendu M. D... du droit d'exercer, d'une part, la gynécologie-obstétrique et l'activité d'échographie gynécologique et obstétricale pour une durée de trois ans, d'autre part, la gynécologie médicale pour une durée de dix-huit mois et a subordonné la reprise de son activité, dans chacune de ces spécialités, au suivi et à la validation d'une formation dans le cadre d'un diplôme interuniversitaire (DIU) en échographie gynécologique et obstétricale et d'un diplôme de type diplôme universitaire (DU) en gynécologie médicale ainsi qu'à la réalisation de stages, dont un stage de dix-huit mois à temps plein en gynécologie médicale. M. D..., qui indique, notamment dans ses dernières écritures, ne plus vouloir exercer la gynécologie-obstétrique demande l'annulation pour excès de pouvoir cette décision en tant seulement qu'elle le suspend du droit d'exercer la gynécologie médicale et subordonne la reprise de son activité dans cette spécialité à l'accomplissement d'obligations de formation.

3. En premier lieu, en application des dispositions de l'article R. 4124-3-8 du code de la santé publique, les compétences définies à l'article R. 4124-3-5 du même code, cité au point 1, " sont exercé[e]s par le président de la formation restreinte du conseil régional ou interrégional ou du conseil national lorsqu'elle a été constituée en application de l'article L. 4124-11 ". Il ressort des pièces du dossier que le règlement intérieur adopté par le Conseil national de l'ordre des médecins le 13 décembre 2018 habilite le vice-président de la formation restreinte à signer les décisions prises par la formation restreinte du Conseil national lorsqu'il en préside la séance, et qu'en outre, M. Jean-Marc Brasseur, vice-président de cette formation restreinte, a été habilité par la délibération du Conseil national du 26 juin 2019 à signer les actes relevant des attributions de cette formation. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée, signée par M. B... en sa qualité de vice-président de la formation restreinte ayant présidé la séance, doit être écartée.

4. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que, en application des dispositions du III de l'article R. 4124-3-5 du code de la santé publique, citées au point 1, le président du tribunal judicaire de Tours a désigné M. C... comme troisième expert, en raison de la carence du requérant qui n'avait pas procédé à la désignation d'un expert. Les seules circonstances que M. C... exerçait en 2007 et 2008 au sein du même service de gynécologie obstétrique du centre hospitalier de Chinon que M. D... et que ce dernier ait alors fait l'objet d'une mesure de suspension à la suite d'une procédure engagée par le directeur de cet hôpital ne sont pas de nature à établir que M. C... ne pouvait, sans méconnaître le principe d'impartialité, participer à l'expertise réalisée le 17 février 2022 pour évaluer la compétence professionnelle de M. D.... Par suite, le moyen tiré de la décision attaquée a été prise à la suite d'une expertise irrégulière ne peut qu'être écarté.

5. En troisième lieu, il résulte des dispositions citées au point 1 que, dans l'exercice des pouvoirs de police que lui confère l'article R. 4124-3-5 du code de la santé publique, la formation restreinte du Conseil national de l'ordre des médecins n'est pas une juridiction, de sorte que les garanties de procédure qui s'appliquent devant les juridictions ne peuvent être utilement invoquées par le requérant. En outre, et en tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. D..., ainsi que son conseil, n'auraient pas pu présenter des observations propres à démontrer sa compétence professionnelle lors de la séance tenue par le Conseil national où ils ont été entendus.

6. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a cessé toute activité en France depuis le 1er octobre 2007, que depuis cette date, il n'a pas suivi de formation, ni exercé dans d'autres pays. Ainsi qu'il l'indique dans son mémoire du 30 novembre 2022 et contrairement à ce qu'il mentionnait antérieurement, il n'a pas exercé au Congo, au Congo-Brazzaville ou dans un autre pays depuis cette date. En estimant, dans ces conditions, que M. D... présentait une insuffisance professionnelle rendant dangereux l'exercice de la gynécologie médicale et justifiant une mesure de suspension temporaire du droit d'exercer cette spécialité pendant dix-huit mois ainsi que l'obligation de suivre une formation comportant une période de stage pendant toute la durée de cette mesure, la formation restreinte du Conseil national de l'ordre des médecins qui, contrairement à ce que soutient le requérant, ne s'est pas fondée exclusivement sur les conclusions des experts mais également sur les réponses que M. D... a lui-même apportées aux questions posées par la formation restreinte lors de son audition, n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article R. 4124-3-5 du code de la santé publique.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision qu'il attaque. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font, par suite, obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge du Conseil national de l'ordre des médecins, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... D... et au Conseil national de l'ordre des médecins.

Délibéré à l'issue de la séance du 26 janvier 2023 où siégeaient : Mme Maud Vialettes, présidente de chambre, présidant ; M. Jérôme Marchand-Arvier, conseiller d'Etat et Mme Françoise Tomé, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 21 mars 2023.

La présidente :

Signé : Mme Maud Vialettes

La rapporteure :

Signé : Mme Françoise Tomé

La secrétaire :

Signé : Mme Romy Raquil


Synthèse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 465082
Date de la décision : 21/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 21 mar. 2023, n° 465082
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Françoise Tomé
Rapporteur public ?: M. Raphaël Chambon
Avocat(s) : SARL MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE ; SCP SPINOSI

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:465082.20230321
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