Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 5 mai et 8 septembre 2023, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 7 mars 2023 par laquelle le Conseil national de l'ordre des médecins a refusé de l'inscrire en qualité de médecin qualifié, spécialiste en biologie médicale, sur la liste spéciale des médecins résidant à l'étranger ;
2°) de mettre à la charge du Conseil national de l'ordre des médecins la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Marie-Anne Lévêque, conseillère d'Etat,
- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat de M. B... et à la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, Rameix, avocat du Conseil national de l'ordre des médecins ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., titulaire d'un diplôme d'Etat de docteur en médecine ainsi que d'un diplôme d'études spécialisées en biologie médicale, établi au Luxembourg, a demandé au Conseil national de l'ordre des médecins son inscription sur la liste spéciale des médecins résidant à l'étranger. M. B... ayant déclaré lors de l'instruction de sa demande d'inscription souffrir de troubles psychiatriques et avoir été hospitalisé en hôpital psychiatrique à la demande d'un tiers du 24 mars au 4 mai 2022, le Conseil national de l'ordre des médecins, estimant qu'il existait un doute sérieux sur la compatibilité de l'état de santé de l'intéressé avec l'exercice de la profession de médecin, a diligenté une expertise et invité M. B..., le 10 janvier 2023, à présenter ses observations écrites. Par une décision du 7 mars 2023, dont l'intéressé demande l'annulation pour excès de pouvoir, le Conseil national de l'ordre des médecins a refusé d'inscrire M. B... sur la liste spéciale des médecins résidant à l'étranger.
2. Aux termes des dispositions de l'article R. 4112-7 du code de la santé publique " Les médecins (...) répondant aux conditions prévues aux 1° et 2° de l'article L. 4111-1 résidant à l'étranger peuvent demander à être inscrits sur une liste spéciale établie et tenue à jour par le Conseil national de l'ordre dont ils relèvent après vérification de leurs titres et des conditions prévues à l'article R. 4112-2 ". En vertu du 3° du I de l'article R. 4112-2 du même code, l'inscription d'un praticien au tableau doit être refusée s'il est constaté une infirmité ou un état pathologique incompatible avec l'exercice de la profession. Le III du même article dispose que : " En cas de doute sérieux sur l'existence d'une infirmité ou d'un état pathologique incompatible avec l'exercice de la profession, le conseil départemental saisit, par une décision non susceptible de recours, le conseil régional ou interrégional qui diligente une expertise (...) ". Aux termes de l'avant-dernier alinéa du même article : " Aucune décision de refus d'inscription ne peut être prise sans que l'intéressé ait été invité quinze jours au moins à l'avance par lettre recommandée avec demande d'avis de réception à comparaître devant le conseil pour y présenter ses explications. "
3. En premier lieu, la décision attaquée énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision doit être écarté.
4. En deuxième lieu, le renvoi opéré par l'article R. 4112-7 du code de la santé publique, traitant de la liste spéciale valable pour les professionnels de santé résidant à l'étranger, aux conditions prévues par l'article R. 4112-2 du même code, n'a pas rendu applicables aux médecins résidant à l'étranger les formalités procédurales prévues à l'article R. 4112-2 pour l'inscription au tableau de l'ordre. Par suite, M. B..., qui ne conteste pas avoir été invité par le Conseil national de l'ordre des médecins à présenter ses observations écrites, ainsi que le prévoit l'article R. 4112-7, n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait dû être invité à comparaître devant le Conseil, en application de l'article R. 4112-2, pour y présenter ses explications.
5. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que le rapport des experts, en date du 25 novembre 2022, conclut que l'état de santé de M. B..., qui ne conteste pas souffrir de troubles de l'humeur, n'est compatible avec la reprise d'une activité professionnelle qu'à la condition qu'il prenne un traitement régulateur de l'humeur et qu'il fasse l'objet d'un suivi spécialisé. Peu après la remise de ce rapport, M. B... a produit devant le Conseil national un certificat daté du 6 décembre 2022 attestant de son suivi par un service de psychiatrie ainsi que deux ordonnances pour des prescriptions de médicaments utilisés dans le traitement des troubles de l'humeur et de l'insomnie. En estimant toutefois, au regard de l'ensemble des éléments qui lui étaient soumis et compte tenu en particulier des éléments de fragilité relevés par l'expertise concernant l'état de santé de M. B..., que ce dernier ne présentait pas, à la date de sa décision, un état stabilisé compatible avec l'exercice de la médecine, ce qui justifiait le refus de son inscription sur la liste spéciale des médecins résidant à l'étranger, quand bien même l'intéressé avait déclaré se consacrer à des activités de biologiste médical, sans contact direct avec des patients, le Conseil national de l'ordre des médecins n'a pas fait une inexacte application des dispositions des articles R. 4112-2 et R. 4112-7 du code de la santé publique.
6. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision qu'il attaque. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées. Enfin, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le Conseil national de l'ordre des médecins au titre des mêmes dispositions.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le Conseil national de l'ordre des médecins au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au Conseil national de l'ordre des médecins.
Délibéré à l'issue de la séance du 16 novembre 2023 où siégeaient : Mme Maud Vialettes, présidente de chambre, présidant ; Mme Catherine Brouard-Gallet, conseillère d'Etat en service extraordinaire et Mme Marie-Anne Lévêque, conseillère d'Etat-rapporteure.
Rendu le 28 décembre 2023.
La présidente :
Signé : Mme Maud Vialettes
La rapporteure :
Signé : Mme Marie-Anne Lévêque
La secrétaire :
Signé : Mme Romy Raquil