LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 28 novembre 2024
Cassation partielle
sans renvoi
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 1138 F-D
Pourvoi n° A 23-13.938
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 NOVEMBRE 2024
Le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages, dont le siège est [Adresse 7], a formé le pourvoi n° A 23-13.938 contre l'arrêt rendu le 24 janvier 2023 par la cour d'appel de Poitiers (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [V] [X], domicilié [Adresse 4],
2°/ à Mme [U] [K], épouse [X], domiciliée [Adresse 4],
3°/ à Mme [S] [X], domiciliée [Adresse 3],
4°/ à la société Abeille IARD et santé, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], anciennement dénommée Aviva assurances,
5°/ à la société Assurances du Crédit mutuel IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 5],
6°/ à Mme [Y] [W], domiciliée [Adresse 2],
7°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de la Vendée, dont le siège est [Adresse 6],
défendeurs à la cassation.
M. [X] et Mme [S] [X] ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.
Les demandeurs au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Cassignard, conseiller, les observations de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat du Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages, de la SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, avocat de M. [X] et Mme [X], de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de la société Abeille IARD et santé, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 octobre 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Cassignard, conseiller rapporteur, Mme Isola, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 24 janvier 2023) et les productions, Mme [S] [X], alors mineure, a été victime, le 21 avril 2016, d'un accident de la circulation impliquant un véhicule conduit par Mme [W].
2. La société Aviva, ancien assureur du véhicule de Mme [W], a refusé sa garantie, se prévalant de la résiliation du contrat d'assurance, faute de paiement des primes.
3. Le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) a refusé sa garantie au motif que la société Aviva ne pouvait se prévaloir de la non-garantie invoquée.
4. M. [X] et Mme [K], son épouse, agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité de représentants légaux de leur fille mineure (les consorts [X]), et leur assureur, la société Assurances du Crédit mutuel IARD (la société ACM), ont assigné devant un tribunal Mme [W], la société Aviva, aux droits de laquelle vient la société Abeille IARD et santé, ainsi que le FGAO, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie de Vendée, en indemnisation de leurs préjudices.
Examen des moyens
Sur le premier moyen du pourvoi principal du FGAO et le premier moyen du pourvoi incident des consorts [X]
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le second moyen du pourvoi incident
Enoncé du moyen
6. Mme [X] et M. [X] font grief à l'arrêt d'infirmer le jugement en ce qu'il condamnait la société Aviva à prendre en charge les conséquences dommageables de l'accident subi par Mme [X], et condamnait la société Aviva, solidairement avec Mme [W], à payer une provision de 3 000 euros à Mme [X] et une somme de 291,64 euros à M. [X], alors « que tant qu'il n'a pas été définitivement statué sur celle-ci, l'assureur qui entend opposer une exception de non garantie, tenant notamment à la résiliation du contrat, est tenu d'indemniser la victime pour le compte de qui il appartiendra ; qu'en infirmant le jugement qui condamnait la société Abeille à indemniser les victimes et en déchargeant la société Abeille de toute obligation d'indemnisation quand il n'avait pas été définitivement statué sur l'exception que celle-ci entendait opposer, la cour d'appel a violé les articles L. 211-20 et R. 421-8 du code des assurances. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen, examinée d'office, après avis donné aux parties en application des dispositions de l'article 16 du code de procédure civile
7. Les consorts [X] n'ont pas soutenu devant la cour d'appel que tant qu'il n'a pas été définitivement statué sur celle-ci, l'assureur qui entend opposer une exception de non-garantie, tenant notamment à la résiliation du contrat, est tenu d'indemniser la victime pour le compte de qui il appartiendra. Ils n'ont formé aucune demande contre la société Aviva pour le cas où la non-garantie qu'elle leur opposait serait retenue, se bornant à solliciter, dans cette hypothèse, leur indemnisation par le FGAO.
8. Le moyen est, dès lors, irrecevable.
Mais sur le second moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
9. Le FGAO fait grief à l'arrêt de dire qu'il devra verser les sommes de 775,17 euros à la société ACM, 291,64 euros à M. [X] au titre de la franchise et du préjudice matériel et 3 000 euros à Mme [X] à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice corporel, alors « que lorsque le FGAO intervient volontairement à l'instance engagée par la victime d'un accident de la circulation contre le responsable et son assureur, il n'appartient pas aux tribunaux de le condamner conjointement ou solidairement avec le responsable, mais seulement de lui déclarer opposables les condamnations prononcées contre celui-ci ; qu'en disant que le FGAO devra verser les sommes de 775,17 euros à ACM, 291,64 euros à M. [V] [X] au titre de la franchise et du préjudice matériel et 3 000 euros à Mme [S] [X] à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice corporel, ce qui équivaut à une condamnation, la cour d'appel a violé les articles L. 421-1 et R. 421-15 du code des assurances. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 421-1 et R. 421-15 du code des assurances :
10. Il résulte du second de ces textes qu'il n'appartient pas aux tribunaux de condamner le FGAO, mais de lui déclarer opposables les condamnations prononcées contre le responsable.
11. Pour dire que le FGAO devra verser les sommes de 775,17 euros à ACM, 291,64 euros à M. [X] au titre de la franchise et du préjudice matériel et 3 000 euros à Mme [X] à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice corporel, l'arrêt énonce que l'exception de non-garantie de la société Aviva, ancien assureur de la conductrice, a été opposée dans les formes requises.
12. En statuant ainsi, alors que le FGAO ne pouvait faire l'objet d'aucune condamnation au paiement des indemnités et provisions allouées à la victime ou à ses ayants droit, et que l'arrêt devait se borner à lui déclarer la décision opposable, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
13. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
14. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
15. Il résulte de ce qui est dit au point 12 qu'il convient de fixer le préjudice de la société ACM ainsi que celui de Mme [X] et de M. [X] aux sommes retenues par la cour d'appel, et de déclarer l'arrêt opposable au FGAO.
16. Par ailleurs, la cassation du chef du dispositif condamnant le FGAO au versement de sommes n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt laissant les dépens à la charge du Trésor Public et déboutant les parties de leurs demandes d'indemnité de procédure, dispositions de l'arrêt non remises en cause.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi incident ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que le FGAO devra verser les sommes de 775,17 euros à la société Assurances du Crédit mutuel IARD, la somme de 291,64 euros à M. [V] [X] et la somme de 3 000 euros à Mme [S] [X] à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice corporel, l'arrêt rendu le 24 janvier 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
FIXE à 775,17 euros l'indemnisation due à la société Assurances du Crédit mutuel IARD, à 291,64 euros l'indemnisation due à M. [X] au titre de la franchise et du préjudice matériel et à 3 000 euros la somme due, à titre de provision, à Mme [X] ;
DÉCLARE l'arrêt opposable au Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé et signé par le président en l'audience publique du vingt-huit novembre deux mille vingt-quatre et signé par Mme Cathala, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt.